Face à la mort selon quelques philosophes

Les philosophes peuvent-ils nous libérer de l’angoisse de la mort ?
Ils nous offre leur réflexion et ainsi nous aident à faire notre propre cheminement. Cette réflexion nous aidera à faire face à la mort, espérons-nous.

  • Dans l’Antiquité, l’Epicurisme pulvérise littéralement cette notion et l’évacue : la mort n’est rien : tant que nous existons, la mort n’est pas, et que la mort est là où nous ne sommes plus
  • Platon l’a ainsi définie comme le terme d’une vie terrestre et l’accès à un monde idéal.
  • Marc-Aurèle considère la mort comme inévitable, alors pourquoi se lamenter ? Pensées pour moi même
  • Chez les stoïciens, on rencontre une tension interne au stoïcisme sur la question du suicide. Deux conceptions se font face : l’une qui présente le sage stoïcien comme acceptant le monde, se résignant à son destin sans chercher à le fuir dans cet acte de rébellion que serait le suicide, l’autre qui fait du suicide un événement auquel je ne pouvais pas échapper, comme les autres, du fait du déterminisme universel.
  • Selon Heidegger, « dès qu'un homme est né il est assez vieux pour mourir ». La conscience de la mort, notre « être-pour-la-mort », fait de nous des êtres qui ne sont pas seulement, mais qui existent. La mort nous met donc face à notre existence justement parce que notre existence se pose pour elle-même le double problème de sa fin, entendue en deux sens : au sens de terme mais aussi au sens de finalité, de valeur, de direction et de signification.
  • Pour les peuples qui pratiquent le culte des ancêtres, (Afrique, Asie), la mort n’est qu’illusion, le principe vital se prolonge sous une autre forme. Le défunt devient un ancêtre qui veille, invisiblement, sur le village qu’il vient de quitter, conservant même son rang social. Il y a donc une continuité entre le monde des vivants et des morts
  • En Inde, la mort fait partie d'un cycle et permet une renaissance. TOUSSAINT_tombe_fleurie
  • Pour les chrétiens et les musulmans, la mort bien qu'inéluctable n'est pas une fin, mais reste difficile à accepter ainsi qu'en témoigne Saint Augustin à la mort de sa mère. Il vit en effet cette contradiction : en tant que chrétien, il sait que mourir n’est pas disparaître totalement, qu’il y a une vie après la mort ; et pleurer reviendrait à en douter.



Pour en savoir plus :


Quelques questions se posent :

  • La mort ôte-t-elle tout sens à l'existence humaine ? A quoi bon agir, lutter, chercher à construire quelque chose, puisqu'au final, tout redeviendra poussière ?
  • Est-ce possible de ne plus avoir peur de la mort ? Existe-t-il une école philosophique qui nous libère de cette angoisse, grâce à certains enseignements et exercices spirituels ?
  • L'homme qui se fie à la science aimerait devenir immortel. Peut-on envisager un futur où le progrès technologique ait atteint un tel stade que l'on ne meure plus ? Cela serait-il souhaitable ? N'est-ce pas une forme de déni de notre condition ?
  • L'accompagnement : A-t-on le droit d'abréger les souffrances d'un malade en fin de vie ? Ceci est un autre débat trop vaste pour être abordé ici.


Les étapes qui nous préparent à faire face à la mort

grippe_faucheuseDans notre société actuelle, la mort ne fait pas partie de notre vie. Ou pas assez. Sauf en cas d'épidémie ...L'allongement de la vie, l'augmentation de l'efficacité des soins, fait que l'on ne voit pas souvent mourir et l'expérience que l'on peut avoir de la mort vient souvent très tard. Nous sommes, plus qu'avant peut-être, complètement désemparés. La rationalisation, la laïcisation et la désacralisation de notre culture ramène la mort à un non-sens absolu, rendant la mort très difficile à accepter. (Pierre-Henry Frangne. ''Penser la mort et le deuil''. Conférence faite devant des médecins.)

  1. Le déni : Les enfants, jusqu'à six ans environ, n'ont pas la notion de mort. Certains mettent leur espoir dans la science pour leur éviter une mort définitive (cryogénisation ...). Les religions en Europe nous ont enseigné qu'il existe une vie après la mort, un paradis pour les justes mais aussi un enfer pour châtier les plus mauvais. C'est une manière de nous aider à accepter et affronter la mort pour qui a su faire de Dieu un ami.
  2. La peur : Avec "l'âge de raison", vers sept ans, vient la crainte que tout s'arrête, la peur d'être définitivement séparé de ceux qu'on aime, et en conséquence, la peur du noir, la crainte de s'endormir seul sans lumière. bien des adultes ont peur de mourrir et préfèrent ne même pas y penser, car cela les terrifie.
  3. Le refus : Pour beaucoup la mort d'un proche provoque, par sa douleur, une grande colère. Cette mort peut être ressentie comme une injustice.
  4. La négociation : certains prient et font des promesses au "Très-Haut" pour éloigner la mort. Peut-on négocier avec la mort ? Notre volonté peut s'opposer à elle, mais peut-on changer le cours des choses, son arrivée ?
  5. La douleur, la tristesse, le désespoir : on s'aperçoit qu'on ne peut pas éviter la mort, simplement essayer de la repousser (prières, soins médicaux) mais elle reste inéluctable.
  6. L'acceptation, plus que la résignation, nous permet de retrouver un peu de sérénité. Certains se préparent à leur mort en rédigeant leurs dernières volontés bien avant d'être en fin de vie. C'est une manière d'organiser les choses pour eux-mêmes et la famille. Poser ses volontés, ses décisions sur papier donne l'illusion d'avoir encore quelque pouvoir face à la mort.
  7. La paix intérieure lorsqu'on peut voir la mort comme faisant partie de la vie ; la mort contribue à donner plus de valeur à la vie et au temps, qui nous sont impartis.


Les contes nous aident à faire face à la mort

Les contes permettent d'aborder des sujets "sensibles" en prenant du recul. Un conte se situe hors du temps, dans un lieu imaginaire ou lointain, avec des personnages qui nous paraissent étgangers mais qui sont en fait très proches de nous, mais cela nous permet de prendre de la distance ; notre esprit peut alors accepter une manière de voir les choses différemment et ouvre d'autres horizons, d'autres réflexions. L'humour de situation permet de rire aussi et de dédramatiser les pires situations, même la mort !

Pour ce café philo je me suis contentée d'un conte dit à la fin des échanges (à la demande des deux personnes qui présentaient ce sujet difficile).
Dans les articles suivants je vous indiquerai d'autres contes qui illustrent les étapes ou les réactions que nous avons face à la mort.

Introduction d’après le conte 1 Les avertissements

creative-commons_by-nc-sa_http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/ Un jeune paysan garde les quelques moutons et chèvres de la famille. Il les amène boire à la rivière. Il fait partriculièrement chaud ce jour-là. Reflet-eau-rivière-MonnetIl se rafaichit les bras et le visage puis recule précipitamment : il vient d'aperçoit la mort dans le reflet des eaux. La mort lui dit calmement qu’elle attend quelqu’un d’autre ; elle lui promet qu’elle ne viendra pas le chercher sans le prévenir à l'avance. Le jeune homme, effrayé et surpris, tremblant encore, décide de se dépêcher de vivre pour réaliser le maxium de choses s'il veut ""réussir sa vie'' avant que la mort ne le prenne.

Insertion du conte 2 Le pays où la mort ne peut entrer

C'est un garçon courageux. Il travaille dur aux champs et fait prospérer son petit troupeau. Il succède bientôt à ses parents. En un an il double ses biens. Mais ça ne lui suffit pas. Berger_chevres_moutons_http://centrefrancoportugais.com/2009/03/14/a-serra-da-estrela/
Il part au village pour apprendre un autre métier. En un an il devient forgeron. Mais ça ne lui suffit pas.
Il part à la ville pour y devenir plus savant. Il apprend le commerce et devient riche. Mais ça ne lui suffit pas.
Il part vers d’autres pays. La guerre se déclare. Il était né sous une bonne étoile ; il était courageux ; il est nommé commandant. Malbrough_John Churchill de Malborough_La-Voix-du-NordIl continue d'échapper à la mort et gagne toutes les batailles ! Il devient général.
Il a tout. Ou presque. Argent, connaissance, gloire…

Omission de l'intervention d'une vieille femme qui essaie de le tuer
(superflu puisqu'il a déjà vu la mort dans la rivière au début du conte)

Mais, lorsqu'on a frôlé la mort plus d'une fois, on voit la vie autrement ... Le jeune homme comprend que la vie est des millions de fois plus précieuse que tout ce qu’il a acquis … La vie est trop belle pour être perdue ; Comment pourrait-il échapper à la mort pour toujours ? Il part à la recherche du pays où la mort ne peut entrer.

En chemin, il trouve un vieillard qui gratte Barbe_blancheune montagne avec une cuillère en or pour nourrir un poisson ; dans son pays personne ne mourra avant que le poisson n’ait avalé toute la montagne ; il faudra bien 2 000 ans pour raser cette montagne ...
- Et après ?
- Après la mort sera la bienvenue car nous aurons bien vécu !

Vieil-homme-cormoran-riviere-chine

Ça ne suffit pas au jeune homme. Il poursuit sa quête et rencontre un vieillard qui vide l’eau de la mer avec un verre pour la donner à boire à un oiseau ; dans son pays personne ne mourra avant qu’il n’ait vidé la mer et les océans.
- Combien de temps cela prendra ?
- 10 000 ans et après la mort sera la bienvenue car nous aurons bien vécu !

Ça ne suffit pas au jeune homme. Il poursuit sa quête et après des jours, des mois, des années de marche, il aperçoit une silhouette, celle d’un vieillard encore plus vieux que les autres semble-t-il, Femme-cheveux-pieds-blonde-arbresavec une barbe jusqu’aux pieds. En s'approchant il découvre une jolie femme dont les cheveux d’un blond pâle lui couvrent le corps jusqu’aux pieds (et pas une longue barbe blanche, le jeune homme, plus si jeune que cela n’y voyait plus trop clair après tout ce temps à courir le monde). C’est la reine du pays où l’on en meurt jamais. Elle ouvre les bras pour l’accueillir, et lui aussi ouvre ses bras pour la recueillir. Le temps n’a pas de prise sur leur amour qui semble éternel.

Mais un jour, l’homme repense à sa vie passée. Comme il aimerait apprendre sa réussite à ceux qui n’ont pas cru en lui, qui se sont moqué, qui ont renoncé à chercher ce pays où la mort ne peut entrer … Il a envie de les revoir pour leur dire la vérité, sa vérité ... ! La reine ne s’oppose pas à son retour mais le met en garde ; elle veut bien le laisser partir sur son cheval qui file plus vite que le vent, plus vite que le temps, mais à une condition : il ne doit jamais descendre de son cheval avant d’être de retour dans le pays où la mort ne peut rentrer ; s'il posait le pied à terre le cheval repartirait sans l’attendre et il ne pourrait revenir. Ils ne se reverraient plus jamais.

D’un bond le cheval survole le pays où le vieillard vidait la mer : il n’y a plus qu’un désert et là où était la mer un petit tas d’os à côté d’un verre.Cheval_Welsh_http://oxerdejoigny.kazeo.com/elevage-ysandre/ceulan-logan,a214578.html
Un autre bond et il survole le pays où le jeune homme avait rencontré le vieillard qui nourrissait un oiseau avec la terre et les pierres de la montagne : il n'y a plus que des champs, et au milieu coule une rivière où brille un curieux éclat, le reflet du soleil sur une cuillère en or.
Le cheval fait encore un bon, et le jeune homme se retrouve au pays de son enfance qu’il a bien du mal à reconnaître : les villages sont devenus des villes, les gens sont curieusement habillés et se déplacent dans des drôles de charrettes sans chevaux, on y parle un langue inconnue de lui … 10 000 ans ont passés et plus encore … il ne reste plus rien de ce qu’il a construit, des gens qu’il a connus, famille, amis ou ennemis ; ses souvenirs s'effilochent comme poussière au vent ...

Omission de la conclusion du conte 2  : la mort personnalisée par une vieille, celle qui a essayé de le tuer, pousse une charrette pleine de chaussures qu’elle a usée jusqu’à la corde, l’homme a pitié et met pied à terre, la mort l’empoigne. Inutile, puisqu'elle n'apparait pas au début du récit.

Retour à la rivière et au conte 1 Les avertissements

Désorienté, il pose pied à terre pour se rafraîchir à la rivière de son enfance. Le cheval repart plus vite que le vent, plus vite que le temps vers le pays de la femme qu’il avait aimé (et quittée), le pays où la mort ne pouvait entrer. En quittant la reine qu’il a aimé, il a perdu le pays où la mort ne peut entrer ; le temps a repris son cours, inéluctable car si l’amour arrête le temps, sans amour la vie s’arrête
Il trempe ses bras dans la rivière, s'éclabousse le visage. Reflet-eau-rivière-MonnetIl aperçoit dans l’eau le visage de la mort… à moins que ce ne soit son reflet, le reflet d’un très vieil homme. Mais il se rappelle que la mort lui a promis de l’avertir avant de venir le chercher ; pas d'inquiétude alors ... Rassuré, il salue très respectueusement ce reflet sinistre et veut se relever … mais il ne peut pas. Une force terrible le maintient agenouillé au bord de l’eau. Il prend peur, il proteste :
- Mais que veux-tu ?
- C’est toi que je veux. Aujourd’hui je suis venue te chercher.
- Mais tu ne m’as pas prévenu ! Tu avais promis !
- Je t’ai prévenu. De mille façons : chaque fois que tu te regardais dans le miroir tu as vu tes rides se creuser, tes cheveux grisonner, puis blanchir. Et ton dos s’est fait de plus en plus raide, tes jambes faibles, ton souffle court … Et le palpitant qui s’affole au moindre effort, ta mémoire qui flanche ? Comment peux-tu dire que je ne t’ai pas prévenu ? Allez pas d’histoire ! ton temps est arrivé …

Conclusion : Ajout d'une note humoristique avec le conte 3 Erreur sur la personne

Dans un dernier sursaut, l'homme lève les yeux vers le ciel et s’écrie :Main-Eau-riviere-noyade
- Seigneur, aide-moi ! Tu ne te souviens pas de moi ? je venais méditer à ce ruisseau lorsque l'étais jeune berger, je te demandais de bénir mon pain et de protéger le troupeau et t'en remerciait chaque jour ...
La mort le saisit et l’entraîne de l’autre côté du miroir de l’eau. Les nuages s'écartent et une voix forte se fait entendre :
- Ah c'est toi, Simon ? Je n’ai vu à l’instant qu’un homme richement vêtu accompagné d'un superbe cheval … Pour te parler très franchement, je ne t’avais pas reconnu. Trop tard ...

La rivière continue à couler, la vie à s’écouler … ici ou ailleurs …

Sources :

Cette adaptation personnelle a été faite à partir de trois contes :

  1. 'Les avertissements'' (Chine) Jean-Claude Carrière, Le cercle des menteurs I, Plon, 1998
  2. Le pays où la mort ne peut entrer, Bruno de la Salle, Le conteur amoureux, Casterman, 1995, p 265-270. (adaptation. d’après "L'homme qui ne voulait pas mourir" in Filleul-Pétigny Clara (1822-1878), Contes de la Beauce et du Perche, Revue des traditions populaires, t. XI à XXVII, Paris, 1912. / Contes du Val de Loire, France Loisirs, 1978, page 216 / Contes et légendes des pays de France tome 4, recueillis par Claude Seignolle, coll. Omnibus, 2003, (épuisé)
  3. Erreur sur la personne, J.-C. Carrière, Le cercle des menteurs I, Plon, 1998


Les passionnés de contes (ou les puristes ...) pourront découvrir ces textes dans le billet suivant qui traite du déni puisque ces deux contes sont sur cette thématique : cliquez ici. Pour éviter ces détails, passez à l'article suivant : Face à la mort - La peur.