Le loup respecté puis redouté et enfin considéré comme une bête à abattre.

Loup admiré au temps des chasseurs-cueilleurs

En d'autres temps, le loup était redouté et respecté car les hommes admiraient ce chasseur : les hommes avaient un mode de vie proche de la meute de loups et le loup était considéré comme un frère. Mais pour connaître quel était sa popularité dans l'esprit des hommes, il faudrait savoir si le gibier disponible suffisait à nourrir les deux populations (humains et loups) sans qu'il n'y ait de rivalités importantes, ce qui jouait un rôle déterminant quant aux relations entre l'homme et l'animal.

On suppose que le loup était respecté au temps des premiers hommes comme un animal que l'on admire, de ce sentiment de fraternité que peut éprouver un chasseur vis-à-vis d'un autre chasseur, mais rien n'est moins sûr. Des crânes de loup ont été retrouvés dans des cavernes anciennement habitées par des hommes, de nombreux colliers confectionnés à partir de dents et de griffes de loups ont été exhumés avec les restes d'être humains, mais il est difficile d'interpréter avec ce exactitude la signification de ces rites. Était-ce pour appeler sur eux la bénédiction d'un animal considéré comme une divinité tant son aptitude à la chasse était impressionnante ? Était-ce pour s'approprier ses vertus que l'on portait des colifichets confectionnés à partir de ses griffes ? Ou bien cela servait-il à éloigner le mauvais esprit de cet animal ? Les chercheurs se perdent en conjectures et nul ne peut dire avec certitude que telle ou telle hypothèse prévaut sur une autre.

Par contre, il est certain que le loup fut parfois considéré comme un gibier de choix pour la confection de manteaux. La découverte en Ukraine, dans un site datant environ de 20000 ans, d'une quantité importante d'ossements de loups et de renards nous offre la quasi certitude qu'ils n'ont pas été pour des besoins alimentaires, mais bien pour vêtir la communauté qui vivait là.

Loup redouté dans les sociétés d'éleveurs

Tant que l'homme vivait encore des produits de la chasse et de la cueillette, le loup fut considéré avec respect, comme un «confrère». Mais une fois l'homme sédentarisé on se mit à considérer l'animal comme un danger potentiel pour les troupeaux. Il devenait différent, primitif. Et donc désagréable et nuisible. Ce fut notamment observable en Amérique du Nord où les indiens vécurent en harmonie avec les loups pendant des siècles, mais une fois que les Européens débarquèrent avec leur bétail, celui-ci devint rapidement «la bête à abattre» et fut chassé impitoyablement.

Le loup : personnage de légende fondateur et protecteur

Le loup nourricier, dans la mythologie turque

Ce n'est qu'à partir de l'époque turque que des légendes vont pouvoir parvenir jusqu'à nous. Et déjà l'animal joue un rôle important dans la genèse du monde puisque c'est lui qui allaite les premiers humains.

Mythologie gréco-romaine

Mais on le retrouve aussi dans une mythologie beaucoup plus connue, où il a souvent sous un côté positif.

Le loup : symbole solaire

  • Il apparaît par exemple dans la légende d'Apollon et d'Artémis, puisqu'ils sont tous deux les résultats des amours de Zeus avec la louve Léto. Et l'on retrouve l'animal un peu plus loin dans la vie d'Apollon, à l'époque où, chassé de l'Olympe par son père pour avoir tué les cyclopes, il est chargé de garder les troupeaux du roi Admète. Le loup devint avec Apollon le symbole solaire dans le panthéon Gréco-romain.


La louve gréco-romaine allaite deux nouveaux-nés.

  • L'enfant de Zeus et d'Acacallis, la fille du roi Minos, que sa mère abandonna, mais fut recueilli par une louve qui l'éleva jusqu'à ce que de bergers découvrent l'enfant et le recueillent. Et grâce à cette nourrice improvisée, le jeune homme Miletos put fonder la ville de Milet, en Asie Mineure.
  • Cette histoire est très similaire à celle de Romulus et Rémus, les fondateurs de Rome et l'on peut se demander si ce ne sont pas des versions différentes d'une même histoire. Les jumeaux étaient les deux fils d'une princesse latine, Rhea Silvia. Or sa condition de vestale du dieu Mars lui interdisait d'avoir des enfants. Pour éviter la colère des prêtres, elle en attribua la paternité à Mars lui-même, mais son oncle, le roi Amulius, voulut tout de même la punir parce qu'elle avait vu le loup, expression qui signifie qu'elle avait eu des relations sexuelles avec un homme. Elle fut alors emmurée vivante tandis que l'on abandonnait ses bâtards au bord du fleuve Tibre. Une louve passant par là fut attiré par les cris des nouveau-nés et les recueillit dans sa tanière où elle les allaita jusqu'à ce qu'un berger dénommé Faustulus les découvre en l'absence de leur mère adoptive et les ramène chez lui et chez sa femme, Acca Laurentia.
  • Mais il existe aussi d'autres versions de cette légende, dans l'un d'elles, Rhea Silvia n'est pas emmurée, mais se transforme en louve (qui est d'ailleurs l'attribut de Mars) et emporte ses enfants pour les élever, jusqu'au passage du berger.
  • Enfin une interprétation plus moderne avancée comme explication de cette légende est que les deux enfants auraient été tout de suite découverts par Faustulus, et que la louve de l'histoire ne serait autre que la femme de celui-ci, à qui l'on aurait donné le surnom de lupa pour son inconduite et sa mauvaise vie...


Les enfants-loups - XIX siècle

Une légende ?

  • Les plus célèbres enfants-loups, enfants recueillis et élevés par des loups en accord avec des mythes anciens, furent dans la mythologie romaine Romulus et Rémus.
  • Plus près de nous Rudyard Kipling créa le personnage de Mowgli en 1893 dans une nouvelle du recueil Many Inventions, puis il devint le pivot du roman Le Livre de la jungle écrit en 1894 : Mowgli est un enfant indien, qui a été élevé par des loups après avoir été perdu par ses parents, la famille Merciris, lors d'une attaque de tigre dans la jungle. Mowgli reçoit son éducation de Baloo, un vieil ours assez âgé, qui enseigne habituellement la loi de la meute aux louveteaux.
  • De nombreux cas d'enfants-loups furent signalés, peu furent vraiment attestés. Les enfants-loups restent dans l'imaginaire public sans que leur existence ne soit prouvée.


L'un des plus célèbres exemples d'enfants-loups est la découverte en 1920 de deux filles-louves par le révérend Singh en Inde. Celui-ci visitait ses paroissiens lorsque parvint à ses oreilles la rumeur de l'existence de monstres effrayants, mi-hommes, mi-bêtes. Voulant vérifier le bien-fondé de cette histoire, il se fit conduire à l'endroit où se manifestaient les prétendus monstres. Et à la tombée de la nuit, il vit sortir de leur tanière trois grands loups suivis de deux louveteaux et de deux autres créatures bizarres, ayant un aspect humain et marchant à quatre pattes. Il revint une semaine plus tard avec les gens d'un autre village et tendit une embuscade au loups, la femelle fut tuée, mais les deux mâles parvinrent à s'enfuir. Au fond de la tanière, les chasseurs découvrirent les deux louveteaux et les créatures étranges qui s'avérèrent en fait être deux très jeunes filles nues et noires de crasse. Amenées à l'orphelinat de Midnapore, les deux gamines furent nettoyées et appelées respectivement Amala (la plus jeune, qui avait probablement deux ans) et Kamala (âgée d'environ huit ans). Les observations des responsables de l'orphelinat furent que les deux fillettes avaient horreur de l'eau et que leur comportement s'apparentait plutôt à celui des loups qu'à celui d'êtres humains: elles se déplaçaient uniquement à quatre pattes, grognaient, hurlaient ou montraient les dents. Quant à la nourriture, elles ne mangeaient que de la viande crue qu'elles dévoraient en la laissant au sol, sans utiliser leur mains, malgré tous les efforts tentés pour leur apprendre à se comporter normalement. Amala mourut à l'âge de trois ans, tandis que sa sœur lui survécut. Il se passa près de six ans avant qu'elle n'arrive à apprendre à marcher en position debout, bien qu'elle reprenait immédiatement la position à quatre pattes dès qu'elle voulait se déplacer rapidement. Et dans cette position, elle arrivait tout de même à courir aussi vite qu'un homme. Elle mourut à l'âge de dix-sept ans, sans avoir jamais réussi à apprendre à prononcer plus de 45 mots.

La communauté scientifique est assez partagée quant à l'attitude à tenir face à ces deux enfants. La publication de l'ouvrage du révérend Singh connut un immense succès auprès des psychologues, qui y virent une preuve de la prépondérance de l'acquis sur l'inné. Cependant, de nombreux savants émirent des objections sur le sérieux de ces observations.

  • En effet, le fait de ne pas se servir de sa main pour manger révèle plutôt de graves problèmes psychomoteurs qu'une attitude bestiale.
  • De plus, même si les loups indiens sont relativement pacifiques, on ne voit pas ce qui auraient pu les pousser à adopter des créatures qui auraient pu leur servir de dîner.
  • Si les enfants pourraient probablement s'accommoder du lait de la louve, ils auraient sûrement plus de mal une fois qu'ils devraient avaler de la viande crue régurgitée.
  • Quant au mode de déplacement, si à neuf ans, Kamala pouvait se déplacer à quatre pattes aussi vite qu'un homme qui court, il est douteux que sa sœur de deux ans ait pu faire de même.
  • Enfin un dernier argument quant à l'impossibilité de cette histoire est que les loups sont des animaux qui ont développé un langage très important entre eux, basé sur les mouvements de la queue et des oreilles, et ceux qui ne le possèdent pas sont parfois mis à mort.
  • Enfin, lorsque des chercheurs se rendirent au village où l'on avait trouvé les deux fillettes, il s'avéra que le révérend y était très connu, mais par contre, aucun témoignage ne mentionna l'histoire des loups, par contre, il ressortit de cette enquête que le révérend Singh avait une triste réputation d'affabulateur. De là à en déduire que les enfants-loups n’aient existé que dans son imagination, il n'y a qu'un pas, que l'on franchira peut-être à regret.


Amérique du Nord : Amérindiens

  • Dans les alentours de Pueblo, a Nouveau-Mexique, les Zunis le révéraient sous le nom de Iunawiko, le loup de l'Est, comme l'une des six divinités de la chasse qui se partageaient l'espace et les animaux de l'univers Zuni.
  • Dans le centre des Etats-Unis, les Pawnees avaient conçu un langage basé sur des signes manuels, or le signe correspondant à la notion de «loup» était le même que celui qu'ils utilisaient pour se désigner en tant que peuple.
  • De même, dans pratiquement toutes les tribus indiennes, il existait des rituels pour appeler la protection du loup sur les hommes.


Loups_noir_blanc_lutte_https://www.artofmanliness.com/2016/04/24/how-to-really-be-alpha-like-the-wolf/

Un vieux chef Cherokee enseigne son petit fils :
- Il y a un grand combat qui se passe à l'intérieur de nous tous. C'est un combat entre deux loups.
:( L'un est le mal : il est colère, envie, culpabilité, tristesse et égoïsme ;
:) L'autre est bon : il est joie, amour, espoir, vérité et foi.

indiens_http://philippeldl.wordpress.com/2012/03/15/sages-paroles/

Le petit fils demande :
- Quel est le loup qui gagnera ?
Et le chef répond :
- Celui que tu nourris.


Illustration :

  • Indiens : http://philippeldl.wordpress.com/2012/03/15/sages-paroles/
  • Loups : https://www.artofmanliness.com/2016/04/24/how-to-really-be-alpha-like-the-wolf/


Une bête sanguinaire et destructrice

Mythologie Celte : le loup symbole de féroce combat

  • Dans la mythologie viking, deux guerriers accompagnent Odin, le chef des dieux, au combat. Et dans la fureur de la mêlée, l'un, Bersek, se transforme en ours, et l'autre, Ulfheonar, en loup. Par extension, les vikings en sont venus à appeler leurs guerriers d'élites, qui se jetaient au plus fort de la mêlée sans peur de la mort, des bersekers. Et le rite d'initiation pour entrer dans cette catégorie passait par le port d'une peau de loup.
  • Sa deuxième apparition dans cette mythologie est beaucoup moins valorisante puisqu'il s'agit du loup géant Fenrir, que même les dieux craignent, et qui dévorera le soleil et la lune lors du Ragnarök, le combat final entre les dieux et les géants à l'issue duquel il ne reste plus ni vainqueur ni vaincu.


Au Moyen-Age : Le Loup-Garou

La première évocation date de l'antiquité et des lycanthropes, ces êtres mi-hommes, mi-loups, provenant sans doute des anciens mythes cannibaliques, voire d'une confusion avec le dieu égyptien des morts, Anubis, que l'on représentait avec une tête de chacal. Anubis accueille les défunts auprès de lui. Il momifie les corps afin de les rendre imputrescibles et éternels, il purifie les cœurs et les entrailles souillés par les turpitudes terrestres, il évalue les âmes lors de la pesée du cœur, puis accorde de nombreuses offrandes alimentaires aux défunts ayant accédé au rang de dignes ancêtres. Il est le maître des nécropoles et protecteur des embaumeurs. Le chacal (proche du loup) est donc associé à la mort.

Les loups-garous étaient une légende très répandue au seizième siècle.

  • La première utilisation du nom de loup-garou n'était pas du tout celle que nous en avons aujourd'hui, puisque c'était pour désigner les loups féroces.
  • Par déformation du sens, il désigna ensuite les loups nécrophages sur les champs de bataille,
  • On étendit ensuite le sens de ce mot aux loups mangeurs d'hommes.
  • Enfin, l'expression Loup-garou finit par désigner des personnes que l'on soupçonnait de posséder le don de se changer en loup les soirs de pleine lune+. Ce pouvait être des sorciers qui avaient pactisé avec le diable, mais aussi des victimes de malédiction ou de la fatalité. Ou même le diable lui-même qui, paraît-il, affectionnait tout particulièrement cette forme pour se déplacer dans le monde des humains. Bien sûr, cela peut nous faire rire actuellement, mais il ne faut pas oublier que de nombreux hommes furent jugés et pendus pour lycanthropie, alors que ce n'étaient souvent que de pauvres hommes, qui avouaient tout ce que l'on voulait une fois soumis à la torture...


Une version plus moderne des loups-garous est celle des enfants-loups. De nombreux cas furent signalés, mais aucun ne fut vraiment vérifié.

La bête de Gévaudan

De nombreuses autres légendes, plus ou moins basées sur des faits réels ont présenté le loup comme un animal cruel et sanguinaire, tuant pour le plaisir. L'une des plus célèbres est l'histoire de la bête de Gévaudan, un cauchemar qui dura près de trois ans.

Cela commence comme un fait divers dans nos journaux, au printemps 1764, près de Langogne, dans le Vivarais, une femme qui menait ses bœufs au pâturage, fut agressée par un énorme animal devant lequel ses chiens refusèrent de lui porter secours. Heureusement pour elle, les bovins mirent en fuite la bête et elle en fut quitte pour des égratignures et des vêtements en lambeaux.
A la fin du mois de Juin, dans la même région, une jeune fille n'eut pas la même chance et il ne resta d'elle que ce que l'on retrouve dans le registre de la paroisse : «L'an 1764 et le premier juillet a été enterré Jeanne Boulet, sans sacrement, ayant été tuée par la bête féroce». Nul ne pouvait se douter que Jeanne, tuée à quatorze ans, n'était que la première victime d'une bête qui allait encore rajouter de nombreuses personnes à la liste des morts.
Six semaines plus tard, à la fin du mois d'Août, la bête réapparut dans le Gévaudan où elle dévora 11 femmes et enfants jusqu'au milieu de l'Automne. On envoya alors un détachement de dragons de Clermont pour débusquer l'animal qui terrorisait les habitants. Mais après quatre mois de battue infructueuse, et une série de 22 meurtres à rajouter à la sinistre liste de cadavres, le commandant du détachement, le major Duhamel, envoie une lettre à l'intendant d'Auvergne où il décrit la bête d'une façon surprenante :

«Je vous envoie, Monsieur, le détail de la bête après laquelle je cours. Cet animal est de la taille d'un taureau d'un an. Il a les pattes aussi fortes que celles d'un ours, avec six griffes, à chacune, de la longueur d'un doigt; la gueule extraordinairement large, le poitrail aussi long que celui d'un léopard. La queue, grosse comme le poignet, est au moins de quatre pieds de longueur; le poil de la tête noirâtre, les yeux de la grandeur de ceux d'un veau et étincelants, les oreilles courtes comme celles d'un loup, et droites, le poil du ventre blanchâtre, celui du corps rouge avec une raie noire, large de quatre doigts depuis le col jusqu'à la queue. Je crois que vous comprendrez comme moi que cet animal est un monstre dont le père est un lion; reste à savoir quelle est la mère... »

Devant l'impuissance du détachement face à la bête, mais aussi à cause des plaintes de la population quant au comportement des soldats, le major fut relevé de la tête des opérations et l'on envoya le sieur Denneval comme remplaçant. Excellent chasseur, à qui l'on attribuait près de 1200 trophées de loups et la réputation de plus grand louvetier du royaume. Mais malgré son prestige, il ne put empêcher la bête de rajouter à son sinistre palmarès encore 36 victimes, dont 12 fillettes et 14 garçons, mais aucun homme.
Agacé par les lettres de doléances des habitants de la région, le roi Louis XV envoya son porte-arquebuse, Antoine de Beauterne, ainsi que les meilleurs tireurs de ses capitaineries pour mettre un point final aux méfaits de l'animal. Au début, les battues se révélèrent aussi infructueuses que les précédentes. Mais le 21 Septembre1765, fut pour lui un jour de gloire. La bête avait été signalée dans les alentours du bois de Pommier et les chiens étant lancés, il raconta ensuite lui-même la suite des événements :

« ...étant placé à un endroit, il me serait venu par un sentier, à la distance de cinquante pas, ce grand loup, me présentant le côté droit et tournant la tête pour me regarder. Sur le champ, je lui ai tiré un coup de ma canardière, chargée de cinq coups de poudre et de trente-cinq postes à loups et d'une balle de calibre, dont l'effort du coup m'a fait reculer de deux pas. Mais le dit loup est tombé aussitôt, ayant reçu la balle dans l’œil droit et toutes les dites postes dans le côté droit, tout près de l'épaule. Et comme je criais l'hallali, il s'est relevé et est revenu sur moi, en tournant et sans me donner le temps de recharger ma dite arme. J'ai appelé à mon secours le sieur Rinchard, placé près de moi, qui le trouva arrêté à dix pas de moi et lui a tiré dans le derrière un coup de sa carabine, qui l'a fait enfuir environ vingt-cinq pas dans la plaine, où il est tombé raide mort. »

La bête était enfin neutralisée, les femmes et les enfants allaient enfin pouvoir sortir sans crainte de se faire dévorer. De mauvaises langues insinuèrent qu'en fait c'était un loup qu'un valet aurait lâché devant le fusil d'Antoine de Bauterne, pressé de retrouver la Cour. L'animal était pourtant d'une taille impressionnante et si rien ne permit de prouver qu'il était effectivement celui qui avait inquiété la région pendant une si longue période, des rescapés l'identifièrent formellement.

Quelques temps plus tard, une louve et deux louveteaux furent tués et l'on se demanda si au lieu d'une bête, il n'y en avait pas eu plusieurs...

Mais trois mois plus tard, deux jours avant Noël, on retrouva le corps affreusement mutilé de la petite Agnès de Mourgues. Le cauchemar était loin d'être fini, et l'on rajouta près de vingt-cinq nouvelles victimes à la sinistre liste avant qu'une nouvelle bête soit tuée, le 19 Juin 1767, par Jean Chastel. Le notaire qui rédigea le procès-verbal décrivit l'animal comme étant extraordinaire et différant des autres loups de la région par sa figure et ses proportions. Le récit de cette chasse fut quelque peu enjolivé, mais même s'il est peu sûr que Chastel attendit la bête en lisant des litanies à la vierge, même s'il n'a probablement pas échangé un long regard avec elle avant de reposer ses lunettes, de refermer son livre et de tirer une balle soi-disant bénie et coulée dans un métal provenant de médailles saintes, il n'y eut plus de meurtres dans la région après cette chasse.

Comme après la chasse d'Antoine de Bauterne, de nombreuses histoires ont circulé dans la région quant à la nature exacte de l'animal que l'on avait tué. D'aucuns prétendirent qu'il s'agissait d'une hyène monstrueuse échappée d'un cirque, pour d'autres, ce ne pouvait être qu'un singe monstrueux.
Mais l'hypothèse la plus probable, est que les meurtres n'étaient pas tous dus à un animal, mais que des hommes avaient bien pu prendre part à ces sinistres méfaits. En effet, comment expliquer que seuls des enfants et des femmes furent victimes de l'appétit insatiable de la bête? Pourquoi les hommes furent-ils épargnés? Ils pouvaient eux aussi être des proies faciles. Et que dire des troupeaux pour lequel on rapporte peu d'agressions durant cette période...

Le loup est féroce dans les contes d'avertissement

Dans le petit chaperon rouge, version de Perrault, le loup dévore la grand-mère puis la petite fille imprudente.
On pense maintenant que l'auteur de cette œuvre n'est pas réellement Charles Perrault, mais qu'il aurait emprunté cette histoire à la tradition orale. En effet, les ethnographes ont collecté de nombreux récits présentant de troublants points communs avec le conte de Perrault. Mais il est indéniable que ce dernier l'a modifié pour le rendre plus attrayant, à commencer par le vêtement auquel l'ouvrage doit son titre et qui n'est pas présent dans les autres versions.

Le Petit Chaperon rouge de Perrault : une version édulcorée

  • L'omission d'un passage morbide où la jeune fille prépare un plat à partir des seins et du sang de sa grand-mère.
  • Il a ensuite retiré le docile déshabillage de l'enfant (scène très proche d'un strip-tease...),
  • Enfin, il a fait périr son héroïne pour bien faire comprendre que toute fille se donnant au loup est perdue, alors que dans la version originelle, elle prétend avoir un besoin pressant et s'enfuit en abandonnant ses vêtements au loup.


Perrault a radicalement modifié le sens profond de la fable.
En effet, si sa version n'est qu'une mise en garde face au loup, la version traditionnelle parle du passage de l'état de fille à celui de femme. Ce qui renvoie alors la mère de cette enfant à un rang plus lointain dans la généalogie, elle devient grand-mère à son tour, ce qui est symbolisé par le plat préparé à partir des restes de son aïeule (et plus particulièrement avec les attributs qui rappellent le rôle de génitrice de la femme).
En omettant ces passages, Perrault a transformé un conte sur le passage des générations en un énième avertissement sur les dangers du loup. Il faut y voir un avertissement sur la sexualité qui fait qu'une fois qu'une fille a vu le loup, c'est-à-dire une fois qu'elle a connu l'homme dans une relation sexuelle, elle devient femme sans possibilité de retour en arrière (ce qui est représenté par la mort de la fillette)

Le loup, symbole de liberté

  • Le loup et le chien, Fable de La Fontaine, Le loup est ici un symbole de la liberté durement vécue mais auquel il ne renoncera pour rien au monde.


Le loup, instrument d'une justice sauvage

  • Le meneur de loups, conte rapporté -entre autres - par Patric Rochedy. Le loup se fait l'instrument d'une justice implacable. Un homme conduit une meute de loups ; ils punissent ceux qui ont exploité les autres, ceux qui se sont conduits comme des animaux cupides sans pitié ; justice est faite d'une manière intraitable.


Dans les contes, le loup est un coupable tout désigné :

  • C'est encore la faute du loup !, Conte russe raconté par Robert Giraud, album du Père Castor, Flammarion, 2004. A lire en début de l'article L... comme loup (1).


  • Faim de loup, un album de Eric Pintus, illustré par Rémi Saillard, Didier jeunesse, 2010.Un lapin agonie d'injures un loup tombé dans une fosse. Il n'y a pas assez de mots pour désigner ce monstre ... . Le texte savoureux est servi par une illustration stylisée qui vous fait vivre et rire l'histoire. A lire dans l'article L...comme Loup (2)


  • Le loup est aussi un grand perdant : ces contes-là permettent d'évacuer la peur du loup car il peut être vaincu par la ruse. Voir l'article L... comme Loup (3) - Loup idiot

Proverbes et expressions :

  • Avoir une faim de loup : une faim énorme, monstrueuse
  • A pas de loup : se déplacer sans bruit.
  • A la queue-le-leu : les loups se suivent de près, en file indienne, lorsqu'ils se déplacent
  • Quand on parle du loup on en voit la queue : lorsqu'on parle d'une personne, souvent elle apparaît juste à ce moment-là comme si elle nous avait entendue.
  • A trop crier au loup, on en voit le museau.
  • Hurler avec les loups : critiquer avec la foule. En fait le loup hurle pour marquer son territoire ou regrouper la meute sur les traces d'une proie.
  • Connu comme le loup blanc : se dit d'un individu qui ne passe pas inaperçu, qui est connu de tous, comme le serait un loup blanc, bien plus rare qu'un loup gris
  • Loup y-es-tu ? chanson enfantine


L’enfant qui criait au loup, Fable d'Esope

A trop crier au loup, on en voit le museau. Un enfant bâillait comme un pou tout en gardant son troupeau. Il décide de s’amuser.
- Au loup ! hurle-t-il. Au loup ! Vos troupeaux sont en grand danger !
Et il crie si fort qu’il s’enroue. Pour chasser l’animal maudit, les villageois courent, ventre à terre, trouvent les moutons bien en vie, le loup, ma foi, imaginaire… Le lendemain, même refrain. Les villageois y croient encore.
Troisième jour, un vrai loup vint et c’était un fin carnivore.
- Au loup ! cria l’enfant. Un loup attaque vos troupeaux !
- Ah ! Le petit impertinent ! Mais il nous prend pour des nigauds ! s’écrièrent les villageois.
Le loup fit un festin de roi.