Que nous disent les contes ? - - - - - - - - - - - - - - - -

Les contes nous parlent de la condition humaine, de toutes les conditions de la naissance à la mort. Des princes exilés, il y en a. Des princesses aussi ... J'ai trouvé quelques similitudes intéressantes entre le conte de Blanche-Neige et les difficultés rencontrées par les migrantes en particulier.

Blanche-Neige, une réfugiée ?

Ce conte rapporté par les frères Grimm semble mettre en lumière le parcours si difficile des migrants. Ci-dessous le résumé du conte étape par étape, en indiquant à chaque fois les similitudes que j'ai pu faire avec les épreuves endurées par les migrants et les migrantes.

1/ Les conditions de vie se détériorent :

Blanche-Neige_Walt_Dysney_1937Blanche-Neige, fille de roi, est une toute jeune fille naïve, apparemment sans soucis matériel mais, orpheline de mère, elle doit subir la jalousie de sa belle-mère qui veut rester à tout jamais la plus belle du royaume.

Les conditions de départ dégénèrent au point de mettre en péril son existence : bonnes au départ, elles deviennent à peine acceptables : jalousie et haine font craindre pour sa vie.

2/ Fuir pour vivre :

Blanche-Neige_Chasseur-ill. de Charles SantoreLa jalousie allume un feu intérieur dans le cœur de la mauvaise reine : son ressentiment la conduit à la haine. Elle veut se débarrasser à tout jamais de sa rivale. Elle demande à un soldat de perdre Blanche-Neige en forêt et de lui ramener ses poumons et son foie. Le soldat a pitié de la jeune fille et au lieu de la tuer l’abandonne en forêt il pense qu’elle sera bientôt dévorée par les bêtes sauvages. Pour obéir aux ordres de la reine il ramènera un foie et des poumons d’un jeune sanglier (organes vitaux)

Parfois, il faut fuir pour sauver sa vie, physique ou morale, sa liberté de vivre. Les organes vitaux réclamés par la Reine comme preuve de sa mort sont les poumons (symbole de l'oppression absolue ; prélever les poumons c'est ôter la vie en empêchant de respirer, en étouffant l'individu, en le privant de liberté) et le foie (symbole de tout ce qu'on assimile, croyances, lois, propagande, le foie représente notre capacité d'adaptation face aux événements de la vie : soit on accepte tout sans dire mot, et c'est la fin de l'individu pensant, soit le rejet du "gavage" conduit à la révolte). Les personnes qui ont "besoin de respirer", qui ont besoin de liberté, et celles qui ne "digèrent pas " les didacts politiques sont à éliminer. Il reste la fuite pour échapper à une mort lente par "asphyxie" ou une mort violente. Des passeurs guident ceux qui partent mais souvent les égarent dans les lieux où il leur est difficile de survivre. Ils leur laissent tout juste la vie et les abandonnent à eux-mêmes sans se soucier de leur devenir, de leur survie. Les migrants se sentent perdus dans un vaste monde inconnu et peu accueillant.

3/ Réfugié clandestin :

Blanche-Neige_7 nainsPerdue dans la forêt, Blanche-Neige erre, effrayée, mais trouve refuge dans une maison forestière où vivent sept nains. Elle va rester avec eux, ne sachant où aller. Elle est loin du confort du palais, au contraire d’être servie c’est elle qui veillera à leur confort en travaillant dur de ses mains ; elle ne doit surtout pas sortir et se montrer mais rester cachée aux yeux de la reine. Blanche-Neige grandit et devient une belle jeune-fille.

Se sentir perdue dans un monde inconnu est difficile à vivre. Le refuge tant espéré est souvent loin de ce qu’on espérait. Travail clandestin, exploitation, il faut payer très cher le prix du passage et rester caché pour sa sécurité. Accepter des conditions qu'on n'aurait jamais accepté auparavant ...

4/ Rejet des migrants :

Blanche-Neige_lacets_tentative 1 Mais la Reine apprend par son miroir magique que Blanche-Neige est toujours vivante). Elle tente alors par trois fois de faire mourir la princesse.

La Reine, un peu sorcière, se métamorphose en vieille femme pour attendrir Blanche-Neige : elle lui offre des lacets pour son corset et tente de l’étouffer en serrant son corset au point de lui couper la respiration, mais les nains vont couper le lacet.
Blanche-Neige_Peigne empoisonné_tentative 2_ill. de Meyerheim

La reine n'abandonne pas, elle va faire une seconde tentative : elle se métamorphose en vieille marchande et propose à Blanche-Neige un peigne empoisonné. Elle peigne la jeune fille qui perd connaissance. Les nains vont retirer le peigne de sa chevelure.


Pour en finir, la troisième fois la Reine se change en vieille paysanne. Blanche-Neige_pomme empoisonnée_tentative 3_ill Claire DegansElle va offrir à Blanche-Neige une pomme empoisonnée :
Pour mettre en confiance sa victime, la vieille, maline, croque la partie blanche inoffensive et offre la partie empoisonnée à Blanche-Neige, qui tombe comme morte.

La plupart des pays cherchent à se débarrasser des migrants, au minimum à empêcher ou rendre difficile leur arrivée.

  • L'accueil officiel propose un visa provisoire, des papiers à valider, cadeau empoisonné qui fait espérer mais le parcours administratif est difficile, cela empoisonne leur vie, les paralyse parfois. Cette période peut être vue comme un moment d'initiation, où le migrant doit se mesurer aux dangers de l'existence.
  • "Croquer la pomme" signifiant devenir femme en ayant des relations sexuelles, peut-on y voir aussi ce qui menace les femmes livrées à elle-même en pays étranger ?
  • Certains migrants sont arrêtés, non pas grâce à un miroir magique mais en recoupant les informations grâce à l'écran d'internet ; par le biais des services de l'immigration ou des contrôles d'identité, ils sont renvoyés dans leur pays d’origine au risque de leur vie, sans aucune compassion de la part des services d’extradition. Les services sociaux à qui les migrants ont fait confiance comme Blanche-Neige à la vieille femme, disent les aider mais ne peuvent pas souvent intervenir efficacement.


5/ Une mort apparente, une mort sociale transitoire :

Blanche-Neige_Cercueil_nains_ill. de DreoilinBlanche-Neige croque la pomme et tombe évanouie.
La vieille la croit morte.
Les nains ne peuvent se résoudre à l’enterrer, elle semble simplement endormie : ils conservent son corps dans un cercueil de verre. Mais Blanche-Neige n’est pas morte, le morceau de pomme s’est coincé dans sa gorge, elle ne l’a pas avalé et ne s’est donc pas empoisonnée mais elle est dans un coma qui lui donne l'apparence de la mort.

Un long temps d’attente, d’angoisse, arrive souvent avant qu’il soit possible de s’intégrer socialement dans le pays d’accueil. C’est comme être en dormance, en attente. Un état de mort sociale en attendant mieux. Mais la vie continue, l’espoir reste malgré tout.

6/ De l'aide enfin !

Un prince qui chevauche par là tombe amoureux de la belle endormie. Blanche-Neige_Cercueil_ill. de Franz JüttnerIl obtient des sept nains la permission d'emporter le cercueil. Mais en route un porteur trébuche sur une grosse racine, délogeant le morceau de pomme coincé dans la gorge de Blanche-Neige : elle ouvre les yeux, tousse, crache la pomme et se réveille. Le prince lui demande sa main, et Blanche-Neige accepte.

Même les situations les plus difficiles finissent par se résoudre. Pas forcément par un prince charmant … ce peut-être une association d’aide, des bénévoles, des avocats. Une fois « le morceau craché », toutes les difficultés dites et reconnues, la vie peut reprendre, bien plus riche et belle. Peut-être qu'un mariage permettra d'acquérir la nationalité du pays d'accueil ... Espérons que ce n'est pas dans ce cas là uniquement une histoire de papiers...

7/ Justice - réparation :

Blanche-Neige_souliers fer rouge-https://www.maxicours.com/se/cours/loi-de-wien-couleur-des-corps-chauffes/Invitée au mariage, la méchante reine découvre que la princesse est très belle, bien plus qu’elle ; elle reconnaît avec terreur Blanche-Neige. La reine est alors condamnée à danser avec des souliers de fer chauffés au rouge, jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Tôt ou tard, justice sera rendue … pas forcément par soi-même ou les institutions en place. La vie s’en chargera. Les fauteurs de mauvais traitements marcheront « sur des charbons ardents ». Malgré toutes les épreuves, les réfugiés conservent leurs qualités intrinsèques qui font d'eux des personnes à part entière, dignes de respect. Apprécions-les à leur juste valeur !

Fin alternative des frères Grimm :

Miroir-Reine-Blanche-Neige-DysneyLa méchante reine, belle-mère de Blanche-Neige, avait également été invitée au mariage. Après avoir revêtu ses plus beaux atours, elle prit place devant le miroir et demanda :
Miroir, miroir joli,
Qui est la plus belle au pays ?
Le miroir répondit :
Madame la reine, vous êtes la plus belle ici, mais la jeune souveraine est mille fois plus belle.
La méchante femme proféra un affreux juron et elle eut si peur, si peur qu'elle en perdit la tête.


Sources :

  • Blanche-Neige, conte recueilli par Jacob et Wilhelm Grimm. Dans la première version de 1812, la reine est la mère naturelle. Blanche-Neige se réveille lorsqu'un valet du prince lui donne un coup dans le dos car il était énervé d’avoir eu à la porter toute la journée. Il y a quelques variantes sur des éléments mineurs, mais la trame reste la même.
  • Texte intégral à lire en ligne : https://www.grimmstories.com/fr/grimm_contes/blanche-neige


Illustrations :

  • Portrait de Blanche-Neige, Walt_Dysney, 1937
  • Blanche-Neige et le chasseur, illustration de Charles Santore
  • Blanche-Neige et les sept nains
  • Blanche-Neige étouffée par les lacets de la Reine déguisée en marchande, illustration de Nardini
  • Blanche-Neige peignée avec le peigne empoisonnée, illustration de Meyerheim
  • Blanche-Neige et la pomme empoisonnée, illustration de Claire Degans
  • Blanche-Neige dans son cercueil de cristal, et les nains, illustration de Dreoilin
  • Blanche-Neige dans son cercueil de cristal, le prince et les porteurs, illustration Franz Jüttner
  • Blanche-Neige : les souliers de fer chauffés au rouge, lave en fusion, https://www.maxicours.com/se/cours/loi-de-wien-couleur-des-corps-chauffes/
  • Le miroir magique de la reine, Dysney, 1937


Interprétations du conte :

Comme bien des contes populaires, Blanche-Neige est ouvert à de multiples interprétations :

  • J'ai vu dans ce conte bien des similitudes avec les étapes et les épreuves vécues par les migrants qui quittent leur pays pour vivre.


  • Blanche-Neige est un conte d’avertissement. Tout passe ici-bas : beauté, jeunesse, bon départ dans la vie. Il faut se méfier des personnes offrant des choses tentantes : quand c’est trop beau pour être vraies. La naïveté ne permet pas de voir les mauvaises intentions et expose au danger. Mais le courage, la patience et l'humilité sont récompensées, alors que la vanité peut mener à la chute, tôt ou tard.


  • Erik Pigani, psychothérapeute, explique que le conte décrit les étapes de la puberté chez la jeune fille. Selon Pigani, une notion morale s'ajoute avec le fait que la mère, même si elle souhaite garder sa beauté et sa jeunesse, doit laisser la place à sa fille.


  • Le conte a été étudié par plusieurs psychanalystes, notamment Bruno Bettelheim et Marie-Louise von Franz. Le conte commence par une situation œdipienne mettant en conflit la mère et la fille. La marâtre est restée à un stade narcissique qui la rend vulnérable et que le conte invite à dépasser. La jalousie de la belle-mère est à la fois la peinture du comportement de certains parents qui se sentent menacés au moment de l'adolescence de leurs enfants, mais également une projection sur une figure haïe des propres sentiments de jalousie de l'enfant. Blanche-Neige se retrouve chassée du château, errant dans la forêt, lieu de terreur et de confusion comme le début de la puberté. Recueillie par les sept nains, personnages à la fois masculins mais peu menaçants sexuellement, elle peut se développer dans un milieu sûr, mais non sans être exposée à la tentation narcissique (les colifichets offerts par la méchante reine). Cette période peut être vue comme un moment d'initiation, où l'adolescent doit se mesurer aux dangers de l'existence. La dernière tentation, celle de la pomme, représente pour Bruno Bettelheim le moment où l'adolescent accepte d'entrer dans une sexualité adulte, c’est-à-dire le moment où il devient pubère. Suit une période de latence (le coma) qui lui permet d'attendre en toute sécurité que sa maturité psychique jointe à sa nouvelle maturité physique lui donnent enfin accès à une sexualité adulte. (Wikipedia)


Quelques réflexions partagées - - - - - - - - - - - - - - -

Chaque jour, des personnes sont obligées partir de chez elles, souvent brutalement. Les raisons sont multiples : fuir un conflit, échapper à des persécutions ou partir avec l'espoir d'un meilleur avenir, ailleurs. Elles partent de Syrie, d'Afghanistan, du Myanmar, d'Erythrée, de Somalie, d'Irak, ou encore du Honduras, d'El Salvador ou du Guatemala... Ceux qui ont les moyens de protéger et d'accueillir de l'Europe à l'Australie, en passant par la Thaïlande ou la Malaisie, se ferment, en laissant mourir à leur portes des milliers de personnes. Il est urgent que ces droits soient pleinement respectés et appliqués. Les droits humains n'ont pas de frontières. (Amnesty International)

Témoignages :

Témoignage France3 Régions, le 18/12/2021 : Des associations aident des migrantes à se reconstruire.

  • Gift (partie du Nigéria) obtient sa demande d’asile pour traite humaine et bénéficie d’un titre de séjour. (...) J'ai encore de l'espoir parce que je n'ai jamais abandonné depuis le premier jour. Même si aujourd'hui je n'ai plus rien. Ni logement, ni papier ni rien confie-t-elle. Combative, elle refuse de baisser les bras, de renoncer à ses rêves. En France, si tu n'as pas de papier. Tu n'as aucun droit... C'est difficile pour moi. Je veux juste que la France me donne une seconde chance. Donnez-moi le titre de séjour à nouveau pour que je récupère mes rêves. Je suis fatiguée d'aller d'un endroit à l'autre... . L'association MANA m’a aidé à me relever, à comprendre qui j’étais. Ils m’ont donné les clés pour m’intégrer, m’ont permis de découvrir la culture et la langue française. Les rencontres avec les autres femmes accompagnées par MANA m’ont aidé à accepter mon histoire. Elle espère obtenir le droit d'asile pour traite humaine. Son projet ? Elle voudrait prendre soin de seniors ou d'enfants. Elle demande juste une vie normale…


  • Témoignage de Yancouba Badji, parti du Sénégal parce que les conditions de vie n’y étaient « plus favorables » - Interview publié le 27/01/22 : Traverser la Méditerranée, ce cimetière silencieux, était une expérience terrifiante. On a fait de moi un véritable esclave et là-bas, j’ai vu des jeunes filles se prostituer pour un morceau de pain et des gens mourir de faim sur la plage.


Une vie d'errance en Europe, témoignages de migrants : Tous se disent épuisés par des années passées à la rue, ballottés entre différents pays de l'Union européenne, sans arriver à obtenir une protection et ainsi pouvoir se reconstruire.

  • Cela fait plus de six ans que j'ai quitté l' Afghanistan mais je n'ai toujours pas réussi à obtenir un titre de séjour en Europe. C'est dur de se dire qu'on a passé toutes ces années dans la rue. Je vois bien que ma situation empire de jour en jour. Si je n'arrive pas à avoir des papiers et à trouver un logement, je vais devoir rentrer dans mon pays. Je crois que finalement je préfère mourir en Afghanistan plutôt que de continuer à vivre de cette façon. Ma vie est un enfer.


  • Cela fait maintenant plus de 15 ans que je vis dans les rues européennes. (...) Les associations font un travail formidable, je les remercie pour ça mais ça ne suffit pas. Je suis effaré de la manière dont l'Union européenne nous considère et nous traite. Tout ceci n'est pas géré de façon humanitaire.


  • La rue change les gens, on devient une nouvelle personne, pas forcément meilleure. (...) Depuis mon arrivée en France, j'ai rencontré beaucoup de bonnes personnes qui ont exprimé de la compassion envers moi. La plupart me disent que la question migratoire en France, et au sein de l'Union européenne, est une question politique. C'est la réalité, mais pourquoi devrions-nous payer pour un problème qui nous dépasse ?


  • Je ne m'attendais pas à être traité de cette façon, cela n'a rien à voir avec ce qu'on nous disait de la France quand nous étions enfant. Ma demande d'asile a été rejetée et je ne peux pas retourner au Yémen. Que dois-je faire ? J'ai l'impression d'avoir perdu le contrôle de ma vie. Je ne pense pas que je pourrais un jour avoir une vie normale.


Reportage de Mathilde Lemaire : L'enfer en Méditerranée Depuis le début de l'année 2021, le nombre de migrants morts ou disparus en Méditerranée approche les trois mille.

  • Abderrahmane, 25 ans a fui le Soudan, à cause des violences. Son exode débute par cinq mois de marche dans le désert avec trois copains de son village. Arrivés à Zuwara sur la côte libyenne, ils découvrent des conditions de vie plus dangereuses encore qu'au Soudan. C'est là qu'Abderrahmane et ses amis rencontrent ceux qui leur promettent une traversée vers l'Europe.
  • Quand on est entrés dans l'eau, on a distingué le bateau dans l'obscurité. On nous avait promis un chalutier, mais c'était un pneumatique de 12 mètres sur 2 ! On est quand même montés à bord. Nous étions 95, serrés comme vous n'imaginez pas. Les passeurs, eux, étaient installés à l'aise sur un autre bateau, devant. Ils nous ont juste distribué une bouteille d'eau par personne, parce que soit disant le voyage ne prendrait que 13 heures. Il a duré trois jours !Le temps que la marine italienne intervienne, 37 passagers (sur 95) sont morts noyés.


  • La pression migratoire sur les frontières polonaises, mais aussi lituaniennes, ne cesse de croître. Depuis plus de six mois, des milliers de migrants essaient de traverser la frontière entre le Bélarus et la Pologne. Des milliers de familles, coincées à la frontière, errent dans des forêts glaciales, sans aide ni nourriture. Certains polonais s'en sont émus et ont accueilli un demandeur d'asile originaire d'Afghanistan : Selon une ancienne tradition polonaise, pour le repas de Noël, il faut toujours laisser une assiette vide à table. C'est pour un invité inattendu et dans le besoin qui pourrait frapper à la porte ce jour-là. Mais les pays de l'Est de l'Union européenne, y compris la Pologne, ont érigé des clôtures ; un mur est en train de se construire ...


  • Dans le camp de Fort Bliss au Texas, monté à la hâte par l'administration Biden, les jeunes migrants sont entassés, surexposés au Covid-19 et mal nourris, selon plusieurs témoignages. Des employés font par ailleurs état de violences sexuelles.


Commentaire de Luis :

Les parallèles proposées entre les difficultés successives rencontrées par Blanche Neige et celles que doivent affronter les migrants me paraissent très bien illustrer ce que peuvent nous apporter les contes : des messages universels, intemporels, supportés par un imaginaire et qui, sans être immédiatement explicites, s'adressent plus profondément à nos inconscients, et ainsi démultiplient leurs effets.

Je suis d'accord avec toi sur l'ensemble des enseignements que tu tires de ces parallèles : fuir pour sauver sa vie, dureté des conditions d'accueil, la vie malgré tout qui reprend malgré l´adversité, la justice qui finira par triompher ...

Espoir_chenille_Papillon

Je suis particulièrement sensible au message du Rabbin : voir le jour se lever quand on reconnaît chez l´étranger son frère. C'est cette vérité qu'il me paraît le plus nécessaire de proclamer.

Conte à découvrir ci-dessous ...


En conclusion : un conte - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Ce conte nous montre la véritable valeur de ce qu'on voit a priori comme étranger : il nous est bien plus proche qu'on ne pense. Changer le regard que nous portons sur lui éclairera notre vie, éclairera le monde.

Le jour se lève

On raconte qu’un soir, un rabbin interrogea ses étudiants :
- A quel signe sait-on que la nuit se dissipe et que le jour se lève ?
Mont Baker vu de Victoria, en Colombie-Britannique, Canada Long silence ... ... ... ...

Un jeune homme dit :

- Si l’on peut distinguer un chien d’une brebis, alors on voit, on sait. Il fait jour. C’est le signe.
Le rabbin fait non de la tête
.
- Enfants, dit-il, cherchez plus haut.
Nouveau recueillement, murmures.

Une voix timide se risque :
- La nuit, je vois deux arbres. Qui sont-ils ? Je ne sais. Le ciel pâlit, je les distingue. Là un cèdre, là un figuier. Le jour se lève. C’est le signe.
- Non et non, répond le rabbin. Interrogez vos cœurs, ils savent.
On se consulte du regard, on ne sait pas.

Le rabbin dit :
- Lorsque vous rencontrez un visage étranger et que vous voyez votre frère, en vérité voilà le signe que le jour vient de se lever.


Ne nous contentons pas de faire la différence entre ceux qui mènent le monde et "les moutons". Ni entre deux espèces d'êtres vivants. Au lieu de voir les différences, acceptons-nous les uns les autres comme faisant partie d'une même famille. A ce moment-là, la lumière qui vient du cœur nous sort de l'obscurité : le jour se lève.

Lever de soleil-Elsa Courtier Hermantier

Source :

  • Henri Gougaud, Le jour se lève, Petits contes de sagesse pour temps turbulents, Albin Michel, 2013, p 30.


Illustration :

  • Lever de soleil : Mont Baker vu de Victoria, en Colombie-Britannique, Canada
  • Lever de soleil sur la mer Méditerranée : Elsa Courtier Hermantier


Une intégration possible

Le conte ci-dessus annonce un jour nouveau pour celui qui accepte l'autre comme son frère.

Sociologue, philosophe, ancien résistant, chercheur et écrivain, Edgar Morin est l’un des plus grands intellectuels français du XXe siècle. Il estime nécessaire une réforme de la pensée pour construire un nouveau monde, et invite à ne pas perdre notre capacité d'émerveillement. Il nous rappelle que la prise de conscience essentielle n'est pas de rêver d'une autre société. Il s'agit de savoir que nous sommes dans l'aventure humaine.

L’idée atroce est celle de l’exclusion. Les identités sont faites d’intégration. Au fond de mon « je », de mon « moi », il y a d’autres « moi ». Il y a mes parents qui ne sont pas moi – je porte le nom d’une famille de gens que je n’ai même jamais connus. Il y a aussi l’influence de ceux qui l’ont nourri, qui sont en moi, tous ceux qui entrent dans le moi, dans le « je », qui peuvent enrichir mon identité.
Un monde où l’on ne comprendrait pas l’autre, où on le verrait comme ennemi, où l’on se fermerait à lui est un monde de l’horreur. Je pense que l’ouverture à soi et l’ouverture à l’autre sont effectivement deux faces de la même chose.


Edgar Morin, Dialogue sur notre nature humaine – l’unité dans la diversité, Boris Cyrulnik et Edgar Morin, Marabout, 2018, p 87

Commentaire de Luis :

Quand j'étais enfant, à l'école, on nous apprenait encore qu'il y avait des races. Les Blancs, les Noirs, les Asiatiques ... Non, il n´y a qu'une race, la race humaine. Et nous sommes tous frères.

Plongeant maintenant dans la réalité et le pragmatisme, nous sommes confrontés à notre devoir d'agir. Reconnaître qu'il n'y a qu'une race humaine est une chose, mais en rester là ne rien faire et même parfois faire la morale aux autres est insupportable. C'est se donner bonne conscience à peu de frais. Ah ! La bonne conscience !

J'ai vécu les deux facettes : fils de migrants, ayant connu le racisme quand j'étais enfant. Puis, ce pays la France, qui est devenu mon pays, qui m'a adopté comme son fils, m'a donné accès à toutes les formations sans que jamais je ne ressente la moindre restriction due à mes origines ou à mon nom à consonance étrangère.


Autres contes, autres pistes - - - - - - - - - - - - - - - -

Le thème de l'exil a été traité, au moins en partie, dans deux billets précédents :