Présentation de Marie-Jo et Alice - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Sur fond vert, les extraits de la présentation de Marie-Jo et Alice.
Ajouts et réflexions personnelles entre chaque citation.

Définition du pardon : plusieurs sens

Le mot pardon dérive du latin "per-donare", donner jusqu’au bout, donner totalement.

Le préfixe "par" ou "per" signifie aller jusqu'au bout, jusqu'à l'extrême, aller à fond. Le pardon est ainsi la perfection du don, un don total. Si je pardonne, c'est pour que l'autre existe. J'ai renoncé à lui nuire par ressentiment ou vengeance.

Le pardon est un mot équivoque parce qu’il s’agit du pardon qu’on demande et du pardon que l’on donne...

Le pardon se demande, et il se donne.
Le pardon ne doit pas seulement être donné mais aussi reçu.
William Golding (1911 - 1993)

  1. Demander le pardon est le fait de solliciter l'indulgence de quelqu'un, suite à une faute commise.
  2. Accorder son pardon c'est procéder à l'absolution de la faute commise au sens religieux du terme. Plus communément, c'est renoncer à se venger.


Il n'a de valeur véritable s'il est librement consenti, venant du cœur plus que de la raison. Il est très difficile de pardonner, car le pardon doit venir du cœur et non de la tête. André Boutin

Plusieurs définitions :

  • Le pardon est le résultat de l'acte de pardonner, la rémission d'une faute. C'est tenir une offense, une faute, pour nulle (ou l'excuser) et renoncer soit – au plan personnel – à en tirer vengeance, soit – au plan institutionnel – à poursuivre et à punir les responsables. Le pardon ne doit pas cependant être confondu avec l'amnistie qui est une simple dispense de peine. Le pardon peut s'entendre de manière différente selon le contexte : religieux, philosophique, psychologique, social ou politique. (Wikipedia)
  • Larousse : Fait de ne pas tenir rigueur d'une faute ; rémission d'une offense : Accorder son pardon. / Synonymes : absolution - excuse - miséricorde - rémission. / Contraires : rancune - ressentiment - vengeance
  • CNRTL : Action de tenir pour non avenue une faute, une offense, de ne pas en tenir rigueur au coupable et de ne pas lui en garder de ressentiment. Demander pardon (à qqn de qqc., pour qqc.). (Être) sans pardon = (Être) impitoyable. Formules de politesse avec atténuation du sens pour présenter des excuses, faire répéter ou pour apporter une correction, une contradiction.


Sens religieux :

  • (CNRTL) Religion judéo-chrétienne : Acte de miséricorde, don gratuit de Dieu (en particulier dans la religion catholique, sous la forme de l'absolution par le ministère du prêtre dans le sacrement de pénitence) / Religion juive : Le Grand Pardon, le jour du Pardon, Fête juive de l'expiation, la plus importante de l'année et que la communauté célèbre en automne dans le jeûne et la prière.
  • (Larousse) Absolution du péché par un prêtre après la confession. Formule de l'absolution. Indulgence qui était accordée le jour où l'on célébrait la mémoire du saint patron de la paroisse ; fête religieuse, pèlerinage, etc., destinés à célébrer cet événement.


Le pardon et le passé, un échange pour bâtir l'avenir

Le pardon est une réinterprétation du passé que je fais avec l’autre, contre l’oubli. Il s’agit d’un travail d’hospitalité à la mémoire de l’autre : en demandant pardon je demande hospitalité dans la mémoire de l’autre. En recevant son pardon, j’accorde hospitalité à la mémoire de l’autre.

Une dimension du pardon : la reconnaissance de la faute, c’est-à-dire l’aveu.

Comme le pardon est une parole, il rompt avec le silence. Il demande une levée de la mémoire, une levée de la parole qui va dire, qui va protester, se plaindre, revenir sur ce qui s’est passé pour formuler le regret.

Ajout personnel :

Possible ou impossible, le pardon nous tourne vers le passé. Il y a aussi de l'à-venir dans le pardon. Jacques Derrida

il est possible de pardonner même s'il y a déni et s'il manque des signes de repentir : pour sortir d'une situation bloquée, figée à tout jamais ; pour aller vers un avenir que l'on espère différent. Et, qui sait ?, le pardon peut suffisamment toucher le fauteur insensible pour lui permettre de revoir sa position.

Il n'y a pas d'avenir sans pardon. Nelson Mandela (1918 - 2013)

Un nouveau commencement :
Le pardon est certainement l’une des plus grandes facultés humaines et peut-être la plus audacieuse des actions, dans la mesure où elle tente l’impossible – à savoir défaire ce qui a été fait – et réussit à inaugurer un nouveau commencement là où tout semblait avoir pris fin. Hannah Arendt


Une réconciliation possible mais pas systématique :
La réconciliation est une suite du pardon, à souhaiter, mais ce n'est pas systématique. À la suite d'une blessure, il faut décider : est-ce que je continue cette relation ? Est-ce que je peux l'approfondir ? Sinon, elle s'arrêtera, tout simplement, car elle a été rompue. T.G. aumônier

Pardonner n'est pas oublier

Il ne s’agit pas de laisser faire l’effacement, laisser faire l’usure du temps. Jankélévitch protestait beaucoup dans son ouvrage « Le Pardon » sur le pardon-usure, le pardon-effacement. Comme le pardon est une parole, il rompt avec le silence. Il demande une levée de la mémoire, une levée de la parole qui va dire, qui va protester, se plaindre, revenir sur ce qui s’est passé pour formuler le regret. Il y a un oubli d’usure, « tout s’efface », Kundera disait que rien ne sera pardonné mais tout sera oublié...
Il y a un oubli du refoulement, distinctions que propose Ricoeur dans "La mémoire, l’histoire, l’oubli". On refoule quelque chose de douloureux, c'est un oubli psychanalytique...
Et un oubli vital, plus Nietzschéen, profond, ancien. Il y a un oubli fondamental, heureux, sur lequel on s’appuie, il fait partie de notre corps, rempli de choses oubliées mais qui sont là comme le langage qui est acquis, sur lequel je m’appuie, un oubli réserve.
Se libérer du passé permet alors d’agir.

Ajout personnel :

Il faut être psychothérapeute pour savoir combien il est rare d'obtenir le pardon d'autrui. Paul Tournier

Les blessures dites "oubliées" ont été enfouies dans l'inconscient et elles continuent de travailler les personnes. On est obligé de les faire émerger à nouveau pour être capable de les traiter. Pardonner ne veut pas dire oublier, cela veut dire cicatriser. Une cicatrice ne fait plus mal. C'est ce qui arrive lorsqu'on pardonne : on ne souffre plus. On pourra se souvenir de l'événement mais l'on n'aura plus de ressentiment intérieur. T.G. aumônier

On ne peut pardonner que ce qui n’a pas été oublié. Paul Ricoeur

On peut pardonner, mais oublier, c’est impossible. Honoré de Balzac / Petites Misères de la vie conjugale

Pardonnez beaucoup de choses, oubliez-en un peu. (Victor Hugo, Océan Prose)

On peut oublier des manquements mineurs, excusables, qui ne nécessitent pas un pardon. Par contre, pour pouvoir pardonner, il est nécessaire de ne pas oublier ce qui s'est passé : viendra alors le choix de pardonner ou non. Cela peut demander du temps ... et pendant ce temps on n'oublie pas. En lâchant prise sans plus rien attendre (excuses, repentir, justice), le pardon devient possible : l'évènement blessant n'est plus alors un tourment quotidien, mais un souvenir qui s'estompe. L'évènement est relégué dans le passé sans pourtant être oublié. La mémoire est apaisée. On peut passer à autre chose.

Angle religieux et culturel

La religion juive a inventé cette tradition pour briser le cycle infernal de la vengeance. Yom Kippour : Le jour du Grand pardon. La communauté demande à Dieu d’effacer les fautes commises.
Dans le christianisme, la confession des fautes et le repentir suffisent. Une dimension du pardon : la reconnaissance de la faute, c’est-à-dire l’aveu. Dieu annule ou écarte un châtiment pour le péché. Le pardon est au service du bien spirituel de la personne. (...)
Dans le soufisme, pardonner est une démarche de connaissance de soi. Il faut pardonner pour être pardonné, afin de devenir une meilleure personne capable d’aimer toute la création.

Pour en savoir plus sur le sens du pardon dans la Bible : Le pardon, article de Patrice Rolin, 2 mai 2008, cliquez ici.

Certains s'érigent en seuls dépositaires et juges du pardon et de l'impardonnable, sans s'apercevoir qu'ils donnent ainsi une assez bonne définition de l'intégrisme. A les entendre, ils revendiquent le "véritable" pardon comme leur exclusivité ! Ils ne voient pas que le pardon est un fait universel, une obligation aussi ordinaire pour les sociétés que l'obligation à donner, à recevoir et à échanger. Au noyau de toute culture on trouve une sorte spécifique de pardon, et chacune d'elle a dû, pour survivre simplement, inventer la sienne. Ce n'est pas seulement une curiosité anthropologique, mais une exigence éthique, qui doit nous porter à respecter l'existence d'autres formes possibles de pardon. (Olivier Abel, "Le pardon, briser la dette et l'oubli - Préface").

La difficulté du pardon tient également au fait que chacun rencontre ce thème avec son expérience propre, une expérience souvent intime et qui touche à l'identité.


Peut-il y voir pardon sans que justice soit rendue ?balance_justice

On oppose parfois le pardon et la justice par désir que justice soit faite. Mais le pardon n'est pas opposé à la justice : pardonner ne signifie admettre une situation d’iniquité, d'inégalité car dans ce cas là il n'existerait plus ni respect de l'autre ni respect de soi. Mais on peut pardonner la personne sans pardonner l'acte.

Luc-Thomas Somme définit le pardon comme le lieu où l’amour et la justice se croisent en gardant l’ambivalence du verbe croiser, car on peut se croiser comme des fils qui se nouent et se solidarisent, ou se croiser comme des personnes qui se saluent de loin ou du moins à distance sans se rencontrer.

Le pardon ne peut court-circuiter la justice. Il n’est pas que religieux.

A la première personne je peux pardonner ce qui m'a été fait :
Je suis responsable des persécutions que je subis. Mais seulement moi ! Mes "proches" ou mon peuple sont déjà les autres, et pour eux, je réclame justice... Emmanuel Levinas, ''Ethique et infini'', Fayard, p. 106-108.

Exemples cités par Marie-Jo et Alice :

  • Suite à la publication de Familia grande, une enquête a été ouverte au début du mois de janvier pour « viols et agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de 15 ans » par le Procureur de la République.
  • Roman Polanski : sa victime, Samantha Gailey, lui a publiquement pardonné et a demandé à plusieurs reprises l'arrêt des poursuites. La justice américaine a cependant refusé de clore l'affaire si le réalisateur ne revenait pas sur le sol américain.


Pardon ne guérit pas la bosse. Proverbe Guadeloupéen. Faut-il une réparation avant de pouvoir pardonner ? Pas toujours ...

En 1993, Roman Polanski s'engage à verser une indemnité de cinq cent mille dollars à Samantha Gailey à la suite d'un procès civil. Selon le quotidien "Le Monde", Polanski verse 225 000 dollars, « ce qui met un terme au procès civil ». En 1997, Samantha Geimer dévoile publiquement lui avoir pardonné et a demandé à plusieurs reprises à la justice américaine l'arrêt des poursuites à son encontre pour que cessent également les perturbations et traumatismes dans sa vie. Elle retire officiellement sa plainte. Je lui ai pardonné pour moi, pas pour lui.
Même tardives (34 ans après ...), certaines excuses ont besoin d'être formulées. Roman Polanski a tenu à présenter les siennes à la jeune fille de 13 ans avec qui il a eu une relation sexuelle en 1973. Etaient-ce des excuses sincères ou motivées par l'envie de ne plus être harcelé et de pouvoir de nouveau voyager dans des pays qui ne lui imposeront pas une extradition vers les Etats-Unis ?

Celui qui demande pardon est déjà, dans une certaine mesure, un autre. Alors qui, à qui pardonne-t-on ? Et Quoi ? Jacques Derrida / Antoine Spire - Le Monde de l'éducation - septembre 2000

Ajout personnel :

Le pardon est-il l'ultime solution lorsque la justice se fait attendre ? La résignation, une acceptation à contre-cœur ne résoudrait pas le mal qui nous ronge : le ressentiment devant un sentiment d’injustice. Un véritable pardon est inconditionnel.

  • Jankélévitch définit le pardon pur comme un acte qui renonce à toute vengeance, à la justice elle-même, à l’espoir d’une conversion du coupable.


  • Selon Levinas, le pardon serait l’abnégation d’une personne qui renonce au droit légitime à la réparation


Demander pardon est-il une étape nécessaire et obligatoire ?

Rien n'obtient le pardon plus promptement que le repentir. proverbe d'Orient

Un pardon sincère n’attend pas d’excuses. Sara Paddison / The Hidden Power of the Heart

Le pardon pardonne tout à tous et pour toujours Jankélévitch, pourtant il suppose sans l’exiger le repentir, la conscience malheureuse du coupable.

PARDON-Repentir

Ajout personnel :

Implorer le pardon peut être un signe de repentir. Cet état facilite l'obtention d'un pardon.

Ceux qui s'érigent en juges attendent cette demande avant d'accorder leur pardon. Un sentiment de justice apportera la paix.

Mais pour ceux qui ne se sentent pas supérieurs en ayant le pouvoir d'accorder ou non le pardon, aucun pré-requis n'est nécessaire. Bienveillance et humilité sont leurs seuls moteurs. Pardonner c'est alors se libérer d'un poids et libérer l'autre aussi parce qu'au lieu de rester figés dans le passé, les deux personnes pourront reprendre le cours de leur vie, voire même changer de vie.

S'il la demande de pardon (synonyme de repentir dans l'esprit de beaucoup) est souvent attendue, et même requise par l'offensé ou la justice, est-ce suffisant pour autoriser le pardon ?

  • Le repentir affiché est-il sincère ou est-de de la manipulation pour obtenir le pardon ou une remise de peine ? C'est parfois un jeu un peu facile du coupable. je l'ai vécu, face à un manipulateur : il est difficile pour un juge de faire la part des choses en une seule audition.
  • Un repentir sincère devrait être suivi d'actions "réparatrices" ou compensatoires faites non par obligation (ou pour sauver les apparences) mais avec le cœur. 
  • Un repentir spontané et sincère permet le pardon de la personne. Pour ce qui est de l’acte lui-même une absolution ne pourrait venir que d’une puissance supérieure.
  • Certains actes sont considérés comme impardonnables (crimes contre l'humanité, viols, incestes, actes de barbarie ...) d'autant plus qu'il n'y a pas de repentir, ni même de prise de conscience de la gravité du geste. Certaines personnes pourront pardonner malgré tout, d'autres non ... Le pardon suit des chemins ondulant au gré de la personnalité et du vécu des victimes et des juges. Visionner Dans les yeux d'Olivier : '' Comment pardonner l’impardonnable'' aidera à saisir toutes ces nuances. Cette vidéo montre plusieurs témoignages de pardon, à divers degrés, pour des crimes que l'on pourrait qualifier d'impardonnable pourtant.


La demande de pardon et/ou le repentir sont donc souhaités, attendus, mais non indispensables au pardon. Marie-Jo pense en toute bonne foi le contraire ... elle n'est pas la seule mais cela ne fait pas l'unanimité.

Pardon collectif, pardon historique

Sous l’angle politique, aujourd’hui, nous observons de plus en plus le pardon historique. Nous demandons à nos enfants, nos petits enfants de demander pardon pour les actes de nos ancêtres. Dans le pardon historique, on pardonne plus souvent à un groupe plutôt qu’à un être.


Exemples cités par Marie-Jo et Alice :

  • Réconciliation Franco-allemande : La poignée de main de François Mitterrand et Helmut Kohl Reconciliation Franco-allemande_http://histoire-geographie-education-civique-maxime-vinot.over-blog.com/2017/04/histoire-des-arts-3eme-la-poignee-de-mains-de-f.mitterrand-et-h.kohl.htmlest l'un des gestes parmi les plus symboliques de la réconciliation franco-allemande . Cette poignée de main a lieu le 22 septembre 1984 devant un catafalque placé à l'entrée de l' ossuaire de Douaumont, lors d'une commémoration des morts de la Première Guerre mondiale. La France avait refusé que les Allemands participent, quelques mois plus tôt, au quarantième anniversaire du Débarquement en Normandie. Le geste du président Mitterrand, hors protocole, qui a pris la main du chancelier Kohl (un instant surpris) devant l’ossuaire de Douaumont au moment où l’on jouait les hymnes de nos pays, apparaît aujourd’hui presque comme une réparation.


  • Le génocide entre Hutu et Tutsi au Rwanda se déroule du 7 avril au 17 juillet 1994. Tout bascule le 6 avril 1994 avec l'assassinat du président rwandais hutu Hutu-Tutsi-genocide-1994-https://historycollection.com/heartbreaking-images-of-the-rwandan-genocide/2/Juvénal Habyarimana, lequel déclenche le lendemain un génocide qui fera en à peine 100 jours, selon l'ONU, au moins 800.000 morts , essentiellement au sein de la minorité tutsi, dont Pierre Rutare, père de Paul van Haven alias Stromae. Ce génocide s'inscrit historiquement dans un projet génocidaire latent depuis plusieurs décennies. Depuis 25 ans, la majorité des procès, ou toute autre initiative visant à rendre justice aux victimes, insistent à la fois sur la reconnaissance des crimes commis mais aussi sur le pardon. Un chemin difficile ainsi que nous l'apprennent certains témoignages : Nous ne pouvons pas accorder le pardon à ceux qui ne nous l'ont pas demandé Reconnaître ses crimes uniquement devant les autorités, sans revenir demander pardon à sa victime, pensez-vous que cela soit suffisant ? C'est loin d'être suffisant. Il manque beaucoup de choses, c'est superficiel. Le Point 31/03/2019

On n’impose pas le pardon, mais on crée les conditions pour que chacun puisse raconter. La réconciliation peut résulter de la compréhension de l’autre.

  • Le 27 mai 2021, au Mémorial du génocide de Gisozi, le président Emmanuel Macron a prononcé un discours historique : un président français reconnaît officiellement la « responsabilité accablante » de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda et met fin à 27 ans de déni, de manipulations et de mensonges dans le but d’atténuer la responsabilité de la France, il parle de la « dette envers les victimes pour tant de silences passés ». Il faudra rendre enfin justice aux victimes en mettant fin à la quasi impunité judiciaire dont bénéficient les anciens génocidaires car bien trop d’entre eux ont trouvé refuge en France. Cette lenteur de la Justice française lui a d’ailleurs valu une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme en 2004. Rendre justice aux victimes, c’est également demander des comptes à ceux qui ont entraîné la France dans cette débâcle qui est en bonne partie la conséquence des pouvoirs exorbitants que les institutions de la Ve République donnent au Président : François Mitterrand (président en 1994) a ainsi pu entraîner, seul, la France dans une intervention militaire sans véritable contrôle démocratique, à commencer par celui du Parlement, ni transparence. La diplomatie a repris ses droits. Kigali a abandonné ses accusations de « complicité ».


  • En octobre 2021, E. Macron devant quelque 300 représentants de Harkis déclare : « Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance ; nous n'oublierons pas. Je demande pardon, nous n'oublierons pas ».


Comprendre aide à pardonner

Ajout personnel :

Comprendre, c’est pardonner. Madame de Staël / Corinne

PARDON-ComprendreLa compréhension de l'autre, c'est-à-dire la compréhension des raisons qui l'ont poussé faire du tort, en fait son égarement, peut aider à aller vers le pardon.
Remettre la blessure dans son contexte : va-t-on souffrir toute sa vie d’une blessure narcissique de l’enfance ? L’aurait-on vécu de la même manière aujourd’hui ? Pourquoi ?

Aptitudes nécessaires :

  • Essayer de comprendre ce qui s'est passé pour comprendre l'autre implique bienveillance, patience, prudence aussi car il ne faut pas juger sur les apparences.
  • Tout cela demande aussi humilité et amour du prochain. Pardonner met en jeu une forme d'amour inconditionnel pour tous : c'est croire que toute personne possède la capacité d'amour qui se réveillera avec le pardon. L'amour est plus fort que la haine.
  • Il est nécessaire d'aller voir en soi ce qui a été blessé par cet autre (à qui on veut pardonner) pour que ça guérisse ; et peut-être aussi d’élargir notre vision à un autre niveau de compréhension qui montre que toutes les circonstances de la vie, même celles qui apparaissent négatives, peuvent nous aider à nous élever.


Tenter de comprendre ne signifie pas excuser :

  • Comprendre l’agresseur n'entraîne pas obligatoirement le pardon mais diminue la gravité du ressenti.
  • C'est malgré tout une étape importante qui permet d'avancer sur le chemin du pardon.

La grâce et le pardon sont accordés aux personnes et non aux actes. Alain Houziaux / La Religion, les maux, les vices

Il est possible de pardonner sans pour autant comprendre le pourquoi et le comment car le pardon vient de l'être même, pas d'un raisonnement expliquant les faits.

Il est très difficile de pardonner, car le pardon doit venir du cœur et non de la tête. André Boutin

Le pardon est total sinon il n’est pas : il libère !

Ajout personnel :

Ce n’est pas l’absolution, qui supprimerait ou effacerait la faute, ce que nul ne peut ni ne doit. Ce n’est pas l’oubli, qui serait infidèle ou imprudent. Pardonner, ce n’est ni oublier ni effacer ; c’est renoncer, selon les cas, à punir ou à haïr, et même, parfois à juger. Vertu de justice (puisqu’il faut juger sans haine) et de miséricorde. André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, Presses Universitaires de France.
PARDON_mains_coeur Colin C. Tipping, dans son ouvrage Le pouvoir du pardon total, nous assure que le pardon total est « la clé de notre propre bonheur » parce que nous réussirons à chasser notre souffrance et notre mal-être, évitant ainsi toutes les maladies qui pourraient nous assaillir.

Pardonner pour soi-même :
Pardonner c'est pour soi, quand on croit que le bien le plus précieux c'est la paix intérieure : le pardon a pour but de se libérer d'une douleur sans fin (tant que dure le ressentiment) et continuer à construire sa vie plutôt que de subir le malheur. Le lien du ressentiment qui lie les deux parties est rompu.
Le pardon total est quelque chose que l'on fait avant tout pour soi-même. Vous ne pardonnez pas pour celui que vous pardonnez (...). La personne que vous pardonnez ne ressent pas votre énergie, seul vous pouvez la ressentir.

Pardonner pour l'autre :
C'est un pardon total : on pardonne l'autre quand on croit qu'il n'y a que l'amour qui puisse rendre meilleur. L'amour du prochain et l'amour de la vie, d'une vie différente à reconstruire, rend un avenir envisageable pour celui qui pardonne et celui qui est pardonné : le lien de douleur, de ressentiment, de haine parfois, est rompu pour le bénéfice des deux parties. Celui qui pardonne reçoit la paix de l'esprit et celui qui est pardonné retrouve un choix de vie : au lieu de rester coupable à vie, il pourra gérer sa culpabilité et réparer ce qui est réparable dans sa vie. ou non. Le coupable peut refuser de changer, mais cela n'est plus de notre ressort. Nous lui avons donner la possibilité d'orienter différemment sa vie, le choix qu'il fera lui appartient.

Pardonner : une libération :
Les citations ci-dessous sont issues de l'ouvrage de Colin C. Tipping : Le pouvoir du pardon total.

  • Je libère ma conscience de tout sentiment de : blessure, abandon, trahison, solitude, tristesse et colère.


PARDON-Liberation

  • Le pardon total libère les gens d'être consciemment une victime. En fait, le pardon total est quelque chose dont nous avons tous besoin si nous voulons évoluer en tant qu'être humain, du moins plus que nous ne le faisons maintenant.


  • Je m'honore pour avoir eu le courage de traverser ces épreuves et pour avoir été capable de dépasser le stade de victime. Je suis libre !


La philosophie s’est méfiée du pardon

Le pardon une lâcheté ?

Kant condamne « cette molle indulgence ».
C’est par lâcheté que le chrétien pardonne.
Kant, Ainsi parlait Zarathoustra

Selon lui, c’est parce qu’il n’a pas le courage de se venger que le chrétien propose à son offenseur de lui pardonner, en prétextant qu’il l’aime pour mieux lui cacher son ressentiment véritable.

Selon les Stoïciens, le pardon est la voie de la faiblesse, parce qu’il fait perdre à l’homme sa capacité à rester impassible face aux douleurs.

Le faible ne peut pardonner. Pardonner appartient aux forts. Mahatma Gandhi

Le pardon n’est pas un signe de lâcheté, un signe de maturité. En refusant de donner le pouvoir de vous nuire à la personne qui vous a fait du tort vous gagnez votre liberté d'être vous-même, et le respect de soi.

Le refus du pardon

Le refus du pardon peut être une façon de dire : « ça suffit, vous êtes allés trop loin ».

Bien souvent les victimes estiment qu'en pardonnant à celui qui leur ont fait du tort, elles leur font un cadeau qu'il ne mérite pas. Elles pensent que la justice serait lésée s'ils pardonnaient. Ce dont elles ne se rendent pas compte, c'est qu'en refusant de pardonner, c'est à soi-même qu'on interdit la paix même si on a renoncé à se venger ou à réclamer justice.

Impardonnable ?

Un pardon devrait se donner quel qu’en soit l’auteur si on n’a pas de rancune particulière, mais il peut y avoir des actions considérées comme impardonnables.
L’excuse vient se distinguer du pardon, pour la simple et bonne raison qu’à l’excusable l’excuse suffit, c’est donc l’inexcusable qui est pardonnable, précisément en tant qu’inexcusable. (Luc-Thomas Somme, professeur en Ethique, Philosophie et Théologie)

IL Y A DE L‘ IMPARDONNABLE. Selon le philosophe Vladémir Jankélévitch : LE PARDON EST MORT DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION. LE PARDON SERAIT TRAHIR LES VICTIMES. Jankélévitch ne veut pas que l’on fasse taire la mémoire.

Ce qui a eu lieu est une abomination qu'aucune prière, aucun pardon, aucune expiation, rien de ce que l'homme a le pouvoir de faire ne pourra jamais réparer. Primo Levi (1919 - 1987) / Si c'est un homme

Seules les victimes auraient éventuellement le droit de pardonner. Si elles sont mortes, ou disparues de quelque façon, il n'y a pas de pardon possible. Jacques Derrida / Antoine Spire - Le Monde de l'éducation - septembre 2000

Ce n’est pas un hasard si ces interrogations fondamentales sur le sens du pardon ont été soulevées, pour Jankélévitch, et pour Derrida, à propos de la formation de la notion de « crime contre l’humanité » et de sa détermination comme imprescriptible, à propos de la Shoah. Est-il possible de pardonner ce qui semble dépasser les limites du pardon, fût-il infini ?

Le pardon pardonne tout à tous et pour toujours Vladimir Jankélévitch, Le pardon

Pardonner, le pardonnable, le véniel, l’excusable, ce qu’on peut toujours pardonner, ce n’est pas pardonner. Le pardon, s’il y en a, ne doit et ne peut pardonner que l’impardonnable, l’inexpiable – et donc faire l’impossible J. Derrida, Pardonner.

L’impardonnable marquerait l’impossibilité du pardon ou inversement, l’impardonnable est précisément ce qui donne son sens au pardon. (Cairn)

N’y a-t-il pas une condition élémentaire que le pardon requiert du côté du coupable : qu’il reconnaisse sa culpabilité et demande pardon pour que -tout en étant inexpiable- cette culpabilité devienne au moins pardonnable ?


Le péché impardonnable, au sens biblique, serait d'endurcir sa conscience pour ne jamais se repentir.

Imprescriptible ?

Jankélévitch refuse de pardonner aux Allemands.
Dans Pardonnez ?, un opuscule publié dans un petit volume intitulé L’imprescriptible, Jankélévitch explique que c’est à cause du génocide froidement organisé : il y avait dans les camps une normalité de l’horreur. Un crime contre l’humanité est un crime contre l’essence même de l’homme. Ce qui est visé dans la victime c’est son être même. Les Juifs étaient ainsi persécutés non pas à cause de leurs opinions (sur 6 millions de personnes, les idées étaient extrêmement divergentes), non pas à cause de leur argent (il y a avait une égalité face à l’horreur) et non pas à cause de leur religion (on ne leur demandait pas de se convertir, comme pendant les guerres de religion, et on ne se souciait d’ailleurs pas de savoir s’ils étaient ou non pratiquants), les Juifs étaient persécutés parce qu’ils étaient simplement. Qu’un peuple aussi débonnaire ait pu devenir ce peuple de chiens enragés, voilà un sujet inépuisable de perplexité et de stupéfaction. On nous reprochera de comparer ces malfaiteurs à des chiens ? Je l’avoue en effet : la comparaison est injurieuse pour les chiens. Des chiens n’auraient pas inventé les fours crématoires, ni pensé à faire des piqûres de phénol dans le cœur des petits enfants… On peut penser que cette radicalité découle également de la peur que ressent Jankélévitch, peur que le génocide des Juifs tombe dans la banalité

Pardonner, ne veut pas dire oublier. Avec l’usure du temps l’indifférence générale apparaît. Il y a pourtant la possibilité juridique de l’imprescriptible, notion pourtant non juridique. Mais peut-on demander aux nouvelles générations de porter en eux le poids des souvenirs impardonnables ?


Exemples d’usure du temps cités par Marie-Jo et Alice :

  • Le mur de la honte est le plus souvent associé à Berlin.
  • Et le mur de Varsovie ?
  • Et celui à la frontière mexicaine ?


Ajout personnel : le mur que les Polonais construisent en Biélorussie.

  • En réaction à un afflux de migrants venus du Moyen-Orient et arrivés par la Biélorussie, le gouvernement polonais a lancé la construction d’un mur gigantesque le long de sa frontière orientale : 5 m de haut sur 186 kilomètres de long à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Des murs poussent sur les frontières du monde entier. Celui érigé entre les États-Unis et le Mexique en est l’exemple le plus tristement célèbre. L’ironie tragique de ces murs c’est que tout en mettant effectivement fin au mouvement de la faune, ils sont bien incapables de stopper complètement les migrations humaines ; ils ne font en général que les retarder ou les dévier. Sans compter qu’ils ne traitent en aucune façon le problème à la racine. (National Geographic)


Le mur de Berlin, justement surnommé le mur de la honte, est tombé, on n'en parle plus. Et si peu des autres murs construits depuis pour séparer deux types d'humains, empêcher des réfugiés, des migrants de passer les frontières. A croire que l'on s'est habitué, on devient insensible, c'est loin, ailleurs ... On oublie l'horreur, le sens du premier mur isolant les gens : la honte ... La honte devant la négation de l'être humain en face de nous, alors que nous sommes tous de la famille des humains. Et pourtant cela continue et tombe dans l'oubli après quelques titres à la Une ...

Mémoire et psychanalyse

De même que l'on oppose souvent pardon et justice, on oppose souvent pardon et mémoire. Mais pardonner ne signifie pas oublier. Le pardon n'efface pas le passé, il implique au contraire une obligation de mémoire. Ce n'est pas un coup d’éponge ou de lessive, c'est la possibilité donnée à l'autre de repartir sur de nouvelles bases, de redémarrer.

Sans le travail de mémoire, et la compréhension du passé, le tort, le préjudice se répète.

Paul Ricoeur : le pardon est le contraire de l‘oubli de fuite. On ne peut pardonner que ce qui n’a pas été oublié. Ce qui est doit être brisé, c’est la dette, non le souvenir.

Le pardon permet de se souvenir autrement, sans brûler intérieurement.

Le pardon est difficile ; il est parfois impossible ou presque impossible. Il faut mettre l’offense à sa juste place.

Les étapes qui favorisent la demande du pardon et son acceptation : Je dépends de toi, je risque une parole, je mesure le tort, je tente de réparer.

Sous l’angle psychologique, certains thérapeutes considèrent qu’il y a un travail du pardon comme il y a un travail de deuil. Le pardon renouvelle la vie intérieure de l’individu. La chaîne de la haine est rompue : au lieu de s’ancrer dans l’horreur : pardonner, c’est à dire « rompre le lien » avec celui qui a fait du mal. Délier le sujet de l’acteur, apprendre à ne plus être en colère, à ne plus avoir de ressentiment.


Le pardon libère

Le pardon libère. Un pardon pour soi même, pour vivre. Le pardon permet de se souvenir autrement. Sans haine. Apaisé. Enfin.

Le mensonge emprisonne, la vérité libère et le pardon délivre. Alain Deblay

PARDON-Liberation-https://media.istockphoto.com/photos/on-the-wings-of-freedom-birds-flying-and-broken-chains-charge-concept-picture-id1141549703?k=20&m=1141549703&s=612x612&w=0&h=qpZfQxNWqTmxrmwmEq3VAW1c6XLMaqZI1ut3IfnsI_Q=

Le pardon accordé à soi–même

Se pardonner à soi-même (Arendt), c’est se voir autrement, de l’extérieur. Ce qui semble mission impossible.

Le suicide est souvent l'issue d'une douleur "inguérissable". Ce qui est coupable parfois dans un suicide, c'est une manière de tuer l'autre en soi, une manière de ne pas aimer soi–même comme un "prochain". Mais comment reprocher à quelqu'un son impuissance à se pardonner, à se percevoir lui–même autrement ?! Apparaît alors pour les proches, qui n'ont pas su ou pas pu aider le suicidant, la difficulté à se pardonner à eux–mêmes. C'est une spirale, l'absence de l'autre interdisant la formulation d'un éventuel tort, et transformant celui–ci en une dette infinie.


En conclusion :

Conclusion de Marie-Jo et Alice :

Pour conclure, quelques « obligations » du pardon :
• l’individu ne peut pardonner à une collectivité
• une nation ne peut pardonner à une nation
• le pardon doit être demandé
• celui qui reçoit le pardon doit l’entendre, et donc être vivant.

Ajout personnel :
Le pardon est une affaire personnelle : le temps d'acceptation et de renoncement menant au pardon peut être variable d'un individu à l'autre : l' un pardonnera, l'autre ne pourra pas, au moins dans l'immédiat.

Le pardon permet de surmonter les tragédies du passé, pour libérer l’avenir du poids du passé.

  • L'avenir de celui ou celle qui pardonne n'est plus figé par le ressentiment, l'étiquette de victime : libéré(e), il ou elle peut devenir lui-même.
  • L'avenir de celui ou celle qui est pardonné(e) pourra évoluer au lieu de rester défini par le tord infligé. Nier toute responsabilité fait rester sur place. C'est un choix à faire.
Réponses au questions posées en introduction :
  • Le pardon est-il toujours d'actualité ? Nécessaire à l'équilibre de la vie.
  • Y a-t-il plusieurs sortes de pardon ? Plusieurs étapes mais le pardon est total ou n'est pas.
  • Comment peut-on pardonner ce que l'on ressent comme impardonnable ? Lâcher, se décentrer de sa souffrance pour choisir de reprendre le cours de sa vie au lieu de rester figé sur une blessure insupportable.
  • Qu'apporte le pardon à celui qui l'accorde et à celui qui le reçoit ? La paix, un avenir possible.

Le premier qui s'excuse est le plus courageux.
Le premier qui pardonne est le plus fort.
Le premier qui oublie est le plus heureux.


Pas à pas vers le pardon - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Partage de Luis :

Il me semble que cette notion de pardon est étroitement liée à ce que l'on est au plus profond de soi. Selon que l'on est une personne forte ou fragile ; ouverte aux autres ou enfermée dans ses certitudes ; ayant reçu une éducation de tolérance ou d'intransigeance; cherchant à comprendre ou prompte à sanctionner… on pourra concevoir le pardon de mille manières différentes.

Il faudrait peut-être commencer par clarifier à quoi peut (doit) s'appliquer le pardon :

  1. Une blessure involontaire est plus facile à pardonner lorsqu’on en a compris l’origine et nous avons peut-être nous mêmes une part de responsabilité.
  2. Si le tort subi a été délibéré, ostensible, se pose alors la question de savoir qui en est l'auteur. Une personne externe à ma famille, hors du cercle des amis, ou bien un tiers avec qui nous avons eu à interagir (connaissance) ou un membre de la famille, un ami ? On pourra selon le cas demander justice et/ou réparation, ou plus simplement attendre une reconnaissance du mal subi et des excuses. Le pardon clôturera l'attente de réparation et éteindra le feu des exigences.
  3. S’agit-il de pardonner à un mal qui nous vise et perdure ? Y a-t-il un mot pour exprimer le pardon dans ce cas-là ? Il engloberait en tout cas une bonne dose de patience et d'amour. Surtout dans ce cas de figure des conflits intrafamiliaux. C´est l´amour qui est le moteur, le pardon en est son produit.


Un ressenti différent selon le lien existant au préalable :

  • Une blessure venant d’une personne qui serait une relation professionnelle, une simple connaissance, sera ressentie comme une cruelle déception, mais on peut tourner la page en lui tournant le dos, échappant ainsi au ressenti-ment.
  • Être agressé par une personne proche peut nous toucher plus profondément et se vivre comme une trahison (parce qu'on était en confiance), une atteinte personnelle destructrice (calomnie visant à nuire, à rabaisser, des reproches incessants qui sapent notre confiance en nous, parce que nous avons déçu certaines attentes ?), une vengeance (d’une souffrance ancienne ?)
  • Il y a tout d'abord cette idée que rien n’est jamais tout à fait blanc, ni tout fait noir. Quand je ressens que quelqu'un m'a fait du tort, ne dois-je pas m'interroger sur moi-même ? Suis-je tout à fait irréprochable ? Difficile examen de sa conscience, étant l´observateur et l´observé, juge et jugé.


Plutôt que de chercher à qui doit s’appliquer le pardon, il vaut mieux chercher comment pardonner. Le but est de (re)trouver un équilibre, l´apaisement, tout en préservant la dignité de chaque personne.

Jamais la haine ne cesse par la haine ;
c'est la bienveillance qui réconcilie. Bouddha


Sur le chemin du pardon :

Ajout personnel :

  1. Sortir du ressentiment impose une remise en question de soi-même, de notre manière de voir les choses. Cette démarche s’inspire de la philosophie bouddhique (Dalaï Lama)
  2. Comprendre l’agresseur diminue la gravité du ressenti. Essayer de comprendre ce qui s'est passé pour comprendre l'autre. Tenter de comprendre ne signifie pas pardonner.
  3. Arrêter de se poser en tant que victime : on n’attend plus une reconnaissance, une compensation, une sanction. Faire le choix de tourner la page.
  4. Lâcher prise : renoncer à punir ou à haïr, et même, parfois à juger, ne plus être dans l’attente d’une réponse, ne plus attendre des remords de la part du fautif.
  5. Pardonner inconditionnellement la personne. L'acte peut être considéré comme "impardonnable''.
  6. Se pardonner à soi-même : accepter ses imperfections – sans les justifier – et réparer la relation avec soi-même.

Ce n’est pas l’absolution, qui supprimerait ou effacerait la faute, ce que nul ne peut ni ne doit. Ce n’est pas l’oubli, qui serait infidèle ou imprudent. Pardonner, ce n’est ni oublier ni effacer ; c’est renoncer, selon les cas, à punir ou à haïr, et même, parfois à juger. Vertu de justice (puisqu’il faut juger sans haine) et de miséricorde. André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, Presses Universitaires de France, 2001, p 425


Aides :

  • Prier ou méditer
  • La foi en des principes supérieurs peut aider.
  • Oser demander de l’aide à des personnes bienveillantes ou un psychologue.


Conséquences :

  • Alors que le remords est un soliloque, le pardon est un dialogue ; le premier est clos, le deuxième est libérateur.


  • Réparer ou couper la relation. Le pardon serait alors le produit d'un cheminement intérieur qui calme nos blessures, et se réjouit de rétablir un lien apaisé - et même agréable parce que nous sommes avant tout des êtres sociaux et que nous recherchons au fond de vivre dans une harmonie sociale -, avec celui qui a été hostile et néfaste. Ce n'est pas toujours possible, surtout si l'offenseur ne reconnaît pas les conséquences de ses actes.


  • Vivre dans le présent : être soi-même, au lieu de vivre dans le passé.


  • Envisager l’avenir et ce qu’on peut faire dès aujourd’hui.


  • Le pardon serait une sorte de paix accordée à soi-même et à l’offenseur. Une fois atteinte la paix intérieure, on peut se dire qu'on a atteint le stade du pardon véritable de la personne, pas de l'acte si on considère le mal subi comme une faute impardonnable.


Le pardon est certainement l'une des plus grandes facultés humaines et peut-être la plus audacieuse des actions, dans la mesure où elle tend à l'impossible - à savoir défaire ce qui a été fait - et réussit à inaugurer un nouveau commencement là où tout semblait avoir pris fin. Hannah Arendt, politologue et philosophe juive allemande.


Bibliographie, vidéo et forums - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

  • Olivier Abel, philosophe, professeur de philosophie éthique à l’Institut Protestant de Théologie, Faculté de Montpellier, créateur du Fonds Ricoeur. Blog de Olivier Abel
  • Olivier Abel « Le pardon, briser la dette et l'oubli », http://olivierabel.fr/ethique-et-politique/le-pardon-briser-la-dette-et-l-oubli.php


  • Jacques Derrida Pardonner, l’impardonnable et l’imprescriptible, Galilée, 2012. Tandis que Jankélévitch posait l’impardonnable comme limite au pardon, Derrida écrivait : Le pardon, s’il y en a, ne doit et ne peut pardonner que l’impardonnable, l’inexpiable – et donc faire l’impossible Une position éthique développée en regard de la notion de crime contre l’humanité, et dans une perspective historique : comment parvenir, collectivement, à surmonter les tragédies du passé.


  • Yves Charles Zarka, Le pardon de l'impardonnable - Derrida en question, Archives de Philosophie 2014/3 (Tome 77), pages 435 à 447, mis en ligne le 21/07/2014. Cairn.info


  • Pardonner au sens biblique : Le pardon, article de Patrice Rolin, 2 mai 2008, cliquez ici.




  • Colin C. Tipping, Le Pouvoir du pardon total, Guy Trédaniel, 2008. La personne qui vous a offensé n'est alors plus votre bourreau, mais votre bienfaiteur ; vous n'êtes plus victime, mais bénéficiaire ; et le pardon et la libération se font spontanément, sans faux-semblant, totalement. Les techniques proposées dans cet ouvrage sont simples ; elles vous aideront à vous soulager des bagages émotionnels du passé et à accueillir la joie de vivre en vous abandonnant totalement aux événements de la vie. Forum et extraits ici.


Un conte : Le pet d'Aboul Hossein - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le pet fondateur
lorsque la honte empêche de passer à autre chose

Le sujet du pardon étant vaste ce seul conte a été retenu par les présentatrices Marie-Jo et Alice. Le résumé est ci-dessous, mais le texte entier est à découvrir dans l'article suivant __P... comme pardon__

"Le pet fondateur" est Cercle des  Menteurs-1-JC Carrièreun conte des 1001 nuits rapporté par Jean-claude Carrière dans Le Cercle des menteurs - tome I, Plon, 1998, p 340.

Résumé :

Un bédouin fortuné se marie. La fête est très réussie, la mariée très belle. il rejoint la jeune épouse dans ses appartements, et s'apprête à donner congé à ses suivantes quand ... il lui arrive une chose terrible ... terriblement gênante pour lui ... Il lâche un pet ... Les 1001 nuits le décrivent comme "terrible et grand" ... De honte, il part et s'exile pour n'avoir pas su se pardonner une faute dont personne ne lui tient rigueur ...

Facettes du pardon

  • Bien souvent, il est difficile de se pardonner à soi-même en raison d'un sentiment de honte, de culpabilité, suite à un manquement ou une faute qu'on ne peut ou n'a pas pu réparer. Aboul Hossein n'arrivait pas à se pardonner une faute involontaire (comment rattraper un pet ?) qu'il jugeait impardonnable (honte parce qu'il se croyait au-dessus de ça) mais dont personne ne lui tenait rigueur.
  • C'est sa réaction démesurée qui a fait que cet acte gênant mais peu grave a marqué les consciences et la mémoire.


Autres contes - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

D'autres contes pourraient compléter ce débat en ouvrant diverses perspectives : ils donnent des éclairages divers au pardon. Vous trouverez ci-dessous :

  • Les références,
  • Les résumés,
  • Les facettes du pardon mises en valeur dans ces récits.


Ces contes de sagesse (et d'autres encore) seront présentés dans leur intégralité dans l'article suivant P... comme pardon.

Le passeur de l'inconnu

J'avais proposé ce conte en introduction, ce qui m'aurait permis de demander l'hospitalité au groupe du Café-Philo… Je vous rassure, même sans ce conte, l'accueil a été chaleureux.

Patrick Fishmann, Contes des sages nomades_Fischmann_Seuil_2009Contes des Sages nomades, Seuil, 2009.

Résumé :

Un voyageur dans le désert est accueilli dans un campement. L'inconnu marche dans le campement, renverse volontairement une gourde de lait, casse les cruches emplies d'eau, tranche la gorge d'un chameau !!! Tout le monde est choqué, et l'envie leur vient de s'en prendre violemment au voyageur mais la loi de l'hospitalité est sacrée ... ils s'abstiennent. Le voyageur explique : il a renversé les outres emplies d’un lait toxique, il a cassé les cruches parce qu'un âne mort est dans le puits, il a tranché la gorge d’un chameau malade, désorienté, qui perdrait son cavalier. Tous comprennent ... la colère tombe ... les bédouins peuvent pardonner. Après son départ ils trouvent des pièces d'or là où avait été répandus le lait, l'eau et le sang.

Facettes du pardon

  • Il est plus facile de pardonner lorsqu'on comprend ce qu'il y a derrière des actes choquants.
  • Le conte parle aussi de réparation : Après son départ ils trouvèrent des pièces d'or là où avait été répandus le lait, l'eau et le sang, trois choses qui valent leur pesant d'or dans le désert car elles sont synonymes de vie.


Un amour bon comme le sel

Conte roumain Un_amour_bon_comme_le_selrapporté par Mariana Cojan-Negulesco, Ed Albin Michel Jeunesse, Petits Contes de Sagesse, 1998.

Résumé :

Un roi demande à ses filles comment est l'amour qu'elles éprouvent pour lui. L’aînée offre du miel, la seconde des pâtisseries bien sucrées, la troisième compare son amour au sel. Le roi la chasse ! Comment pourrait-il accepter sous son toit quelqu'un qui l'aime aussi amèrement, d'un amour stérile et destructeur ? La jeune fille est recueillie dans une famille où la reine la prend en amitié. Elle soigne le prince qui devient amoureux d'elle. Ils se marient. La fiancée tient à inviter le roi son père, mais aussi à préparer les plats qui lui seront servis mais elle fait en sorte que tout ce qui lui soit servi soit sans sel. Le père trouve cela immangeable, infect ! Il convoque la cuisinière. Sa fille se présente et explique qu'elle a cuisiné spécialement sans sel pour lui, afin qu'il se rende compte de la vraie valeur du sel qui relève la fadeur des mets et les conserve longtemps. Le roi comprend, reconnaît son erreur et accueille sa fille à bras ouvert.

Facettes du pardon

  • Le ressentiment peut provenir d'un malentendu. Le roi a chassé sa file parce qu'il se sent offensé, mais en réalité elle n'a pas voulu cela, au contraire, elle l'aime profondément.
  • Le pardon vient grâce à la compréhension. Sa fille lui pardonne parce qu'elle comprend qu'il a interprété à tord ce qu'elle voulait exprimer : Mon amour est bon comme le sel.
  • Plus que du regret ou un repentir, elle espère une réconciliation. Elle lui a déjà pardonné (sinon elle ne l'aurait invité que pour l'humilier). Elle cherche comment faire comprendre à son père le sens réel de ses paroles. Après un festin délicieux pour les autres convives, mais immonde pour lui car sans sel, le roi reconnaît son erreur. Il y a réconciliation.


Alphabet de sagesse_Albin Michel Jeunesse_1999

Le plus grand de tous les hommes

  • Lydia Marin Ross, Johanna Marin Coles, L’alphabet de la sagesse, Albin Michel jeunesse, 1999


Résumé :

Un roi impose toute une kyrielle de titres à déclamer lorsque on veut s'adresser à lui. Un vieil homme refuse de se prosterner devant le roi en énumérant tous ses titres. Il est emprisonné à deux reprises. Le roi, étonné de cet entêtement, veut comprendre. Il lui laisse une nuit pour réfléchir avant une nouvelle condamnation et se déguise en porteur d'eau : il veut écouter ce que dit l'homme en famille. L'homme prend la défense du roi qu'il excuse en raison de sa jeunesse : il aime son souverain et il lui a pardonné toutes ces années de prison. Le roi entre dans la maison de l'homme et demande pardon. Le vieil homme le relève avec empressement, et le salue en lui donnant tous les titres requis. Le roi ne comprend pas ... Le vieux sage lui répond : C'est parce qu'aujourd'hui tu t'es montré digne d'être appelé le plus grand des rois : le plus grand de tous les hommes est celui qui est capable de reconnaître ses tords.

Facettes du pardon

  • Reconnaître ses erreurs et le mal qu'on a fait permet le pardon.


Le maître et le scorpion

Un Maître Zen voit un scorpion se noyer et décide de le tirer de l’eau. Le scorpion le pique. Sous l’effet de la douleur, le Maître lâche l’animal qui tombe à l’eau. Le Maître tente de tirer de nouveau l’animal hors de l’eau et le scorpion le pique encore. Alors, à l’aide d’une feuille, le Maître tire le scorpion de l’eau sans se faire piquer et sauve l'animal malgré sa nature qui est de piquer lorsqu'il se sent agressé. Le sage a su tenir compte de la nature du scorpion et de la sienne qui est d'aider.

Facettes du pardon

  • Ce n'est pas parce qu'on souffre, qu'on a été agressé injustement, que l'on doit rendre le mal pour le mal. Au contraire une fois que l'on a compris que l'agression est dans la nature de l'autre, le pardon est possible, si cela est dans notre nature d'être bienveillant.
  • Observer, comprendre, accepter : on ne peut changer sa nature ni celle de celui qui nous fait du mal, mais on peut se protéger, se préparer à la confrontation, se montrer prudent.
  • Pardonner sans pour autant renoncer mais en s'adaptant permet de redevenir maître de son destin et de quitter l'état de victime.