Le passeur de l'inconnu : COMPRENDRE et PARDONNER

Patrick Fishmann, Contes des sages nomades_Fischmann_Seuil_2009Contes des Sages nomades, Seuil, 2009.

Résumé :

Un voyageur dans le désert est accueilli dans un campement. Il offre de partager sagesse et expérience le temps que durera sa visite. L'inconnu marche dans le campement, renverse volontairement une gourde de lait, casse les cruches emplies d'eau, tranche la gorge d'un chameau !!! Tout le campement est en colère, seule la loi de l'hospitalité les retient de se venger sur le voyageur. Le chef demande des comptes. Le voyageur explique : il a renversé les outres emplies d’un lait toxique, il a cassé les cruches parce que l'eau est empoisonnée par le cadavre d'un âne, il a tranché la gorge d’un chameau malade, désorienté, qui perdrait son cavalier en plein désert. Tous comprennent ... la colère tombe ... les bédouins pardonnent. Après le départ du voyageur-passeur de l'inconnu, ils trouvèrent des pièces d'or là où avait été répandus le lait, l'eau et le sang.

Conte à ma façon :
creative-commons_by-nc-sa_http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/

Désert_Mehari_Touareg_https://lesvoyagesetmoi.over-blog.com/djerba-la-douce.et-balade-%C3%A0-dos-de-dromadaireUn méhari blanc se balance au loin dans les dunes du Sahara. L’homme, un pied sur le cou de sa monture pour la guider, est noble d’allure, porte un sarouel noir, un turban bleu nuit. Il a dû voir avant d’être vu : on n’entre pas par hasard dans un camp. Il fait baraquer son méhari et se dirige d’un pas assuré vers la plus grande tente, celle du chef.
- La paix sur toi et ta tribu. Si vous m’accueillez parmi vous, je partagerai avec vous ma seule richesse : sagesse et expérience.
L’hospitalité est un devoir sacré pour les habitants du désert. Le chef partage sa tente avec lui. Nul besoin de savoir qui arrive, d’où il vient et où il va. Le partage est naturel, sans rien demander en retour.

Après s’être reposé et restauré, le voyageur sort et se promène dans le camp, il est accueilli comme s’il avait toujours été là.outre_guerba-trepied_https://cultpatr.blogspot.com/2017/02/recipient-traditionnel-deau-et-de-lban.html Il s’intéresse au travail du tisserand, parle avec le chamelier, passe devant une tente où il entend qu’on baratte du lait. Sans un mot, il envoie promener d’un coup de pied le trépied qui soutient l’outre, la guerba. Le sable boit avidement le lait. La femme est consternée. Elle reste muette de surprise, choquée, mais aussi parce qu’on ne peut s’en prendre à l’hôte du chef. L’homme ne tient pas compte de l’émotion de la femme. Il poursuit sa visite …

Jeune fille_cruche_http://maghrebcartespostales.e-monsite.com/pages/femmes/travail-des-femmes/femmes-porteuses-d-eau.html

Il croise les jeunes filles qui reviennent du puits. Il les arrête d’un geste, renverse les jarres et les brise ! L’une est terrorisée, l’autre choquée, une autre encore sidérée … aujourd’hui seul le sable boira … Elles ont envie de crier, d’insulter cet étranger qui les prive de cette eau vitale pour la tribu, mais il est l’hôte du cher. Alors elles se taisent.

Un peu plus loin, un homme prépare son chameau. Il va traverser le désert pour ravitailler la tribu. (pain de sucre, farine …). chameau dans le désertL’étranger, de plus en plus étrange, égorge le chameau. Le nomade reste bouche bée, les larmes aux yeux. Le sable boit le sang de son compagnon … Pourquoi ? Ses poings se ferment, la main glisse vers son coutelas, mais l'inconnu est l’hôte du chef, alors il desserre sa prise mais serre les lèvres, son regard est noir de colère. Cet homme est-il fou ?

Murmures, colère … comment pardonner ce voyageur qui disait partager sagesse et expérience et n’apporte que folie et mort ? Qu’il parte ! Et gare à lui si on le croise seul dans le désert …

L’étranger termine sa visite du camp sans qu’il y ait d’autre incident. Il s’apprête à partir. Il monte sur son méhari, mais avant de lancer sa monture vers les dunes il parle haut et fort :
- Les bouleversements inattendus de l’existence sont souvent incompris. Pourtant je n’ai fait que partager avec vous sagesse et expérience. Surpris, saisis, interloqués, nous devenons désespérés devant des pertes que nous ne comprenons pas. Nous crions, pleurons, réclamons justice parce que nous ne voyons qu’une petite parcelle de la réalité. Montent alors la colère, l’envie de revanche, de vengeance. On attend un dédommagement pour revenir à l’équilibre d’avant.
1/ J’ai renversé le lait parce que la chamelle qui l’a fourni avait mangé des herbes toxiques qui auraient empoisonné toute une famille.
2/ J’ai brisé les jarres d’eau parce que dans le puits est le cadavre pourrissant d’un âne. Cette eau aurait tué de nombreuses personnes.
3/ J’ai égorgé le chameau parce qu’il a perdu tout sens d’orientation ; il aurait égaré dans le désert l’homme et son chargement. Vous l’auriez attendu longtemps votre ravitaillement, vous l’auriez cherché longtemps dans le désert, épuisant d’autres hommes, d’autres méharis, prolongeant l’angoisse des femmes.

- Vous n’avez vu que les pertes immédiates sans chercher à comprendre.
- Vous vous dites nomades mais votre esprit est enfermé et figé.
- Plutôt que de subir la perte et rester figés dans le ressentiment, pardonnez !

Rappelez-vous et vivez ce proverbe touareg :
Lorsque quelqu’un te blesse, tu devrais l’écrire sur le sable afin que le vent l’efface de ta mémoire mais lorsque quelqu’un fait quelque chose de bon pour toi, tu dois l’écrire sur la pierre.

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Le voyageur inconnu est parti … Les bédouins ont trouvé des pièces d’or là où le sable avait bu le lait, l’eau, le sang, trois éléments vitaux perdus et dédommagés.
Reconnaissance de la valeur des choses perdues ? Compensation ? Générosité ? Retour à un équilibre de vie ?
Cette histoire est gravée dans les mémoires. On se souvient et on comprend : le passant inconnu est en réalité un passeur de l'inconnu...


Sources :

  • libre interprétation d'après Patrick Fischman, Contes des sages nomades, "Le passager de l’inconnu", Seuil, 2009, pp 221-229
  • photo de sculpture de sable : https://archzine.fr/lifestyle/art/la-sculpture-de-sable-un-art-que-nous-aimons/


En conclusion :

  • Il est plus facile de pardonner lorsqu'on comprend ce qu'il y a derrière des actes choquants.
  • Le conte parle aussi de réparation : Après son départ ils trouvèrent des pièces d'or là où avait été répandus le lait, l'eau et le sang, trois choses qui valent leur pesant d'or dans le désert car elles sont synonymes de vie.


Variante : Histoire de deux Amis (Blessures et pardon)
Page web : https://www.kt42.fr/2017/01/conte-pour-le-pardon-blessures-et.html

Deux amis marchaient dans le désert. A un moment donné, ils se disputèrent et l'un d'eux gifle l'autre. Endolori mais sans rien dire, celui qui a été plus meurtri par l'attitude de son ami et ses paroles que par la gifle écrit dans le sable :
AUJOURD'HUI, MON MEILLEUR AMI M'A DONNÉ UNE GIFLE.
Ils continuèrent à marcher puis trouvèrent un oasis, dans laquelle ils décidèrent de se baigner. Mais celui qui avait été giflé manque de se noyer ; son ami le sauve. Une fois remis de ses émotions, et après avoir remercié son ami, il écrit sur une pierre :
AUJOURD'HUI, MON MEILLEUR AMI M'A SAUVÉ LA VIE.
Celui qui avait donné la gifle puis avait sauvé son ami ne comprend pas pourquoi il écrit sur le sable puis sur la pierre :
- Quand je t'ai blessé tu as écrit sur le sable, et maintenant tu écris sur la pierre. Pourquoi ?
Sable_Pierre_deux amis_https://www.kt42.fr/2017/01/conte-pour-le-pardon-blessures-et.html- Quand quelqu'un nous blesse, nous devons l'écrire dans le sable, où les vents du pardon peuvent l'effacer. Mais quand quelqu'un fait quelque chose de bien pour nous, nous devons le graver dans la pierre, où aucun vent ne peut l'effacer.
APPRENDS A ÉCRIRE TES BLESSURES DANS LE SABLE ET A GRAVER TES JOIES DANS LA PIERRE


Le pet fondateur : SE PARDONNER

Ce conte des Mille-et-une Nuits Cercle des  Menteurs-1-JC Carrièreest rapporté par Jean-claude Carrière dans Le Cercle des menteurs - tome I, Plon, 1998, p 340, sous le titre : "Le pet fondateur".

Résumé :

Un bédouin fortuné se marie. La fête est très réussie, la mariée très belle. il rejoint la jeune épouse dans ses appartements, et s'apprête à donner congé à ses suivantes quand ... il lui arrive une chose terrible ... terriblement gênante pour lui ... Il lâche un pet ... Les Mille-et-une Nuits le décrivent comme "terrible et grand" ... De honte, il part et s'exile pour n'avoir pas su se pardonner une faute dont personne ne lui tient rigueur ...

Conte à ma façon :
creative-commons_by-nc-sa_http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/

Aboul-Hossein, avait tout ce qu’il fallait. Suffisamment de chameaux pour préparer plusieurs caravanes, des marchandises à profusion pour tous les commerces, tout … il avait tout le confort possible : des tapis magnifiques, des serviteurs, des mets raffinés à déguster à volonté… C’était un bédouin fortuné. Il avait tout … enfin presque tout … Il lui manquait quelque chose d’important … Il n’avait pas de femme.

L'âge venant, sur les conseils de ses amis il choisit une jolie jeune fille, belle comme le soleil, douce comme la lune, Mariage Maroc_Caftan_https://noscrupules.com/inspiration-maquillage/inspiration-les-20-meilleures-exemples-maquillage-mariee-prix-maroc/et le jour des noces il ouvre en grand les portes de sa demeure et fait servir un splendide festin digne des mille et une nuits. On promène l'épouse dans toute la maison, vêtue d’une nouvelle robe à chaque passage : sept caftans extraordinairement bien brodés. A la fin de la soirée, les femmes accompagnent la jeune épouse jusque dans la chambre nuptiale. Dernière toilette, eau de rose, parfum, cheveux peignés, robe d’un blanc satiné … chuchotements, recommandations, rires et soupirs …
Pendant ce temps, Aboul-Hossein continue à festoyer avec ses invités : tajine, couscous, viandes rôties ... La nuit est bien avancée quand, au milieu du cortège de ses amis et parents, il rejoint sa jeune épouse. Il s'assoit un instant sur un divan, avec la dignité qui convient à son rang. Puis il se lève pour remercier les compagnes de la jeune femme, il répond à leurs vœux, leur souhaite la bonne nuit et leur donne congé ... A ce moment, calamité des calamités ! Mariage Maroc_https://noscrupules.com/inspiration-maquillage/inspiration-les-20-meilleures-exemples-maquillage-mariee-prix-maroc/Il lâche un pet décrit dans « Les Mille et Une Nuits » comme «terrible et grand» … on pourrait ajouter «retentissant, odorant et terriblement gênant»
Toutes les femmes font semblant de parler ensemble, pour couvrir « l'incident » … L'épouse fait tinter ses bracelets en riant doucement … Mais Aboul-Hossein a bien compris que c'était pour lui faire croire qu’on n’avait rien entendu, pour lui éviter de se sentir mal à l’aise …

La honte au cœur, il sort précipitamment de la pièce, déboule dans la cour, un peu d’air frais l’aidera à reprendre ses esprits, mais non … Il traverse la cour, se dirige vers les écuries pour caresser sa jument dont le contact si doux saura l’apaiser … il pourrait encore faire demi-tour mais non ! Jugeant qu’il a commis un affront impardonnable il selle sa jument et s’enfuit dans les ténèbres de la nuit. Moins tourmenté, il aurait pu simplement revenir dans la nuit honorer sa jeune épouse, mais non … Plus il s’éloigne, plus le retour lui semble impossible. Il galope droit devant lui, si vite, si loin, qu’il arrive au bord de la mer, un bateau est prêt à appareiller, il monte et le voilà parti pour l’Inde.
Blessé dans son honneur, se sentant tellement coupable d’avoir gâché un moment sacré par une faiblesse dégradante, il juge cette faute impardonnable pour quelqu’un de son rang, lui qui voulait un mariage parfait, il abandonne toute une vie. S’il part loin, très loin c’est pour se faire oublier...
En Inde, comme il était un individu de qualité, il devient au bout de quelques années de commerce l'homme de confiance d'un roi : il est riche et respecté. De nouveau il a tout … enfin presque tout … Plus de dix ans se sont écoulés … le mal du pays se fait si fort qu’il soupire sans cesse en pensant à sa ville, à sa maison, à sa jeune épouse délaissée…

Un jour, il n’y tient, plus, il décide de revenir dans son pays incognito : il se déguise en derviche, un homme de foi qui a fait vœu de pauvreté, ainsi on ne le questionnera pas sur la direction de ses pas… Il arrive enfin sur la colline qui domine sa ville. Les larmes aux yeux il reconnaît les rues, sa maison avec terrasse … Il prend des chemins détournés pour arriver jusqu’à son ancien chez lui. Son cœur bat plus fort, il est ému. En passant dans une ruelle tout en escaliers, Tresses_petite fille_https://fr.freepik.com/photos-premium/triste-petite-fille-s-assoit-attend-pendant-que-maman-tresse-ses-cheveux-ses-cheveux_4578711.htmil croise une vieille femme qui peigne les longs cheveux d’une petite fille d’une dizaine d'années. Et il entend, sans vraiment le vouloir, la question que pose l’enfant :
- En quelle année je suis née, Mamoune ?
- Tu es née deux ans après l'année où Aboul-Hossein a pété.
Aboul-Hossein, s'arrête net ! Son pet est devenu une date marquante dans l'histoire de la ville, une date historique !!! Lui qui pensait toute cette histoire de pet … éventée. Aboul-Hossein aurait pu tirer fierté de son pet devenu « pet fondateur, » mais il a encore plus honte … Et le malheureux, accablé, se dit :
- Hélas ! Mon pet se transmettra à travers les âges aussi longtemps que les roses viendront aux rosiers ! 
Alors, il fait demi-tour en courant, il s'enfuit pour ne plus jamais revenir, il retourne en Inde où il vécut dans une profonde culpabilité, marqué à tout jamais, et constipé jusqu'à sa mort …

Tout ça pour n’avoir pas su se pardonner une faute dont personne ne lui tenait rigueur … il s’est exilé loin de son pays, de ses amis, de sa famille, loin de lui-même … Et pour quel méfait ? un simple pet lâché au mauvais moment … Pfff …


En conclusion :
Bien souvent, il est souvent difficile de se pardonner à soi-même en raison d'un sentiment de honte, de culpabilité, suite à un manquement ou une faute qu'on ne peut ou n'a pas pu réparer. Aboul Hossein n'arrivait pas à se pardonner une faute involontaire (comment rattraper un pet ?) qu'il jugeait impardonnable (honte parce qu'il se croyait au-dessus de ça) mais dont personne ne lui tenait rigueur. C'est sa réaction démesurée qui a fait que cet acte gênant mais peu grave a marqué les consciences.

Sources :

  • Jean-Claude Carrière. Le Cercle des menteurs - tome I, "Le pet fondateur", Plon, 1998, p 340
  • Conte des Mille-et-une Nuits. A écouter ici. Dans la ville de Kawkaban au Yemen. le malheureux, Aboul Hossein pète et se réfugie pour 10 ans dans la petite ville de Malabar en Inde.
  • Illustration : https://noscrupules.com/inspiration-maquillage/inspiration-les-20-meilleures-exemples-maquillage-mariee-prix-maroc/


Mariage traditionnel :

  • L’entrée de la mariée marocaine se fait en général vers 23 h. Elle est vêtue d’une robe blanche soyeuse avec une large ceinture. La mariée entre dans la salle de réception installée sur une sorte de chaise avec porteur, très élégante. La mariée, telle une reine, sera ainsi promenée dans toute la salle pour être bien visible de tous les convives. Au cours la soirée, la mariée apparaît vêtue de sept robes et parures de bijoux différentes, dont l’une au moins des tenues est représentative de la région d’origine de ses parents (Berbère, Fès, Kabyle…).
  • Le dîner du mariage se déroule en trois services. Il débute par une pastilla, sorte de tarte à pâte feuilletée traditionnelle. Le festin continue avec un copieux plat de viande (couscous, tajine, méchoui). Un dessert sera ensuite proposé, ainsi qu’une incontournable corbeille de fruits.
  • La fête se poursuit jusqu’à l’aube. Peu avant la fin de la cérémonie, la mariée revêt une robe blanche occidentale. https://www.mon-mariageoriental.com/511-mariage-marocain-et-traditions


Un amour bon comme le sel : COMPRENDRE permet de PARDONNER, S'EXCUSER permet d'ÊTRE PARDONNE

Conte rapporté en Autriche et en Roumanie Un_amour_bon_comme_le_sel Mariana Cojan-Negulesco, Ed Albin Michel Jeunesse, Petits Contes de Sagesse, 1998. Tout commence par un malentendu ...

Version roumaine de Mariana Cojan-Negulesco : Résumé à ma façon :

Un matin, il vient à l'idée du roi de demander à ses trois filles de qualifier l'amour qu'elles ont pour lui. L'aînée pense au miel, la cadette au sucre, mais la benjamine, la troisième fille veut montrer son affection tout en se distinguant de ses sœurs :
- Père, mon amour pour vous est bon comme le sel.
- Vraiment quel compliment absurde ! bon comme du sel ! Ton amour est âpre et ton cœur desséché ! J'ai le sentiment que tu ne sais ni ne veux me respecter ! Quitte immédiatement ma cour pour aller là où l'amour est doux comme le sel, fille ingrate !
- Oh, mon père, permettez-moi de vous expliquer. Mon amour n'est ni plus ni moins grand que celui de mes sœurs comme la saveur du sel n'est ni meilleure ni moins bonne que celle du miel ou du sucre puisque …
- Écoutez-la s'obstiner cette petite insolente ! Elle a l'audace de vouloir m'expliquer… Dehors ! Gardes, mettez-la à la porte !

Exilée par son père outré par cette comparaison avec le sel plutôt que le miel, la jeune fille trouve refuge dans un palais. Elle gagne petit à petit la confiance de la reine grâce à son travail, son courage et sa bonté de cœur. Le fils revient de guerre blessé. La reine le veille, épuisée, c'est la jeune servante en qui elle a complètement confiance qui la relaie. Le prince reprend goût à la vie et ne tarde pas à tomber amoureux. Ils se marient.

La jeune fille invite le père au repas de mariage. Elle cuisine et fait en sorte que tous les plats servis au roi soient sans sel. Le père entre dans une colère extrême. Sa fille se fait connaître et lui explique en quoi le sel est irremplaçable. C'est lui qui permet la conservation des aliments, relève les mets fades du quotidien. Ainis est son amour : solide et fidèle, il donne du goût à la vie.
Le père comprend son erreur lorsqu'il a chassé sa fille parce qu'elle lui avait dit : Mon amour est bon comme le sel.
Le roi se sent empli de honte. Sa colère l'a empêché de comprendre et l'a séparé de sa fille. Mais elle semble si heureuse de l'avoir retrouvé, qu'il délaisse tout orgueil pour n'écouter que son cœur. Aujourd'hui il a retrouvé sa fille, qui restera toujours le sel de sa vie Les voilà réconciliés.

En conclusion :

  • Le ressentiment peut provenir d'un malentendu. Le roi a chassé sa file parce qu'il se sent offensé, mais en réalité elle l'aime profondément.
  • Le pardon vient grâce à la compréhension. Sa fille lui pardonne parce qu'elle comprend qu'il a interprété à tort ce qu'elle voulait exprimer : Mon amour est bon comme le sel.
  • Plus que du regret ou un repentir, elle espère une réconciliation. Elle lui a déjà pardonné (sinon elle ne l'aurait invité que pour l'humilier). Elle cherche comment faire comprendre à son père le sens réel de ses paroles. Après un festin délicieux pour les autres convives, mais immonde pour lui car sans sel, le roi reconnaît son erreur. Il y a réconciliation.


Sources :

  • Mariana Cojan-Negulesco, "Un amour bon comme le sel", Ed Albin Michel Jeunesse, Petits Contes de Sagesse, 1998. Ma version résumée est dans l'article suivant : La vraie valeur du sel.
  • Réédition en recueil : Mon année de sagesse Paris, Albin Michel-Jeunesse 2004.
  • Le texte intégral est en fichier joint : CONTE_Amour_Sel_Mariana_Cojan-Negulesco
  • Nicola BAXTER, 80 histoires autour du monde, "La vraie valeur du sel", Ed. Piccolia, 2002
  • Jean Muzi, Contes des sages de Bretagne, Le sel, Seuil, 2010. Dans ce conte, on trouve des similitudes avec le conte "Peau d’Âne", sans le problème sous-jacent d'inceste mais un malentendu à l'origine de la colère du père : il se sent offensé à tort. La fille va se dissimuler sous des haillons et devenir bergère avant d'épouser un prince. A découvrir dans l'article suivant : La vraie valeur du sel.


Le plus grand de tous les hommes : RECONNAÎTRE SES TORTS, ÊTRE PARDONNE

Alphabet de sagesse_Albin Michel Jeunesse_1999
Lydia Marin Ross, Johanna Marin Coles, L’alphabet de la sagesse, Albin Michel jeunesse, 1999

Résumé :

Un roi impose toute une kyrielle de titres à déclamer lorsque on veut s'adresser à lui.
Le souverain fait proclamer que, dorénavant, tout le monde l'appellerait : "Son Altesse grandissime, invincible magnificence de l'Orient et de l’Occident, infinie lumière resplendissante de tous les temps."
Les courtisans rivalisent de courbettes, de déclarations pompeuses. Mais un vieil homme refuse de se prosterner devant le roi et de le saluer avec emphase en lui donnant tous ses titres. Il est emprisonné deux ans. Une fois l'homme libéré, le roi le fait venir de nouveau, il pense que la prison lui a servi de leçon, mais le vieil homme refuse toujours de se mettre à terre et de déclamer tous les titres du roi. De nouveau la prison, quatre ans. L'homme retourne dans sa famille une fois la peine purgée. Le roi se demande s'il va de nouveau s'entêter ... il se dit que s'il n'arrive pas à le faire plier il croupira en prison le reste des ses jours. Curieux de connaître pourquoi le vieillard refuse de le saluer, il se déguise en porteur d'eau (c'est la coutume des sultans à Bagdad) pour se placer sous la fenêtre de la maison de l'homme afin d'écouter ce qu'il dit en famille. Le roi entend la femme critiquer amèrement leur souverain qui s'est montré si dur, mais l'homme prend la défense du roi qu'il excuse en raison de sa jeunesse. Ainsi, cet homme reste respectueux malgré ce qu'il a vécu ; il aime son souverain et il lui a pardonné toutes ces années de prison. Le roi entre dans la maison de l'homme : il se met à genoux pour demander pardon pour son intransigeance qui l'a poussé à être injuste. Le vieil homme le relève avec empressement, et le salue en lui donnant tous les titres requis ... Le roi ne comprend pas ... Le vieux sage lui répond : C'est parce qu'aujourd'hui tu t'es montré digne d'être appelé le plus grand des rois : le plus grand de tous les hommes est celui qui est capable de reconnaître ses torts.

En conclusion :

  • Le plus grand de tous les hommes est celui qui comprend son erreur et demande pardon : il l'obtient.


L'arbre du pardon : REGRETTER, CHANGER, EFFACER le PASSE

Conte rapporté par Marie Faucher, Contes des sages qui guérissent, Seuil, 2007, p 183-185. Le pardon est complet quand un changement de vie ou d'âme permet d'effacer le passé.

Il était une fois un homme perdu. Depuis des années, il vivait de razzias, de rapines, de massacres, de vols. Il était farouchement cruel, sans pitié, malade d’une folle rage. C’était un homme perdu, un homme en ruine.
Un jour qu’il cherchait, il n’aurait su quoi dire au juste, l’idée lui vint d’aller en haut du grand pierrier trouver l'ermite pour lui demander peut-être un espoir, un pardon. Le vieil homme l'écouta. Puis il lui sourit, et, lui montrant un arbre sans vie, calciné par la foudre, lui dit :
- Tu vois, là, ce vieil arbre mort ? Eh bien, tu seras pardonné quand il refleurira !
- Autrement dit, jamais ! Alors à quoi bon vieil homme ? Autant retourner à mes saccages.
Et le bougre redescend, dévale et lance ses godillots insensés sur les cailloux, là où il ne sait faire que ça. Pendant des années encore, il s'use et s'acharne à semer le malheur, la peur et la haine.

Un soir qu’il avance pour se poser dans un lieu isolé, désolé, il trouve là une femme qui a rassemblé sa marmaille affamée autour d’un chaudron. Il s'avance et soulève le couvercle. Le chaudron est plein de pierres et la femme chante une berceuse :
- Dormez mes petits. Dormez jusqu’à demain. Maman vous fait la soupe. Dormez encore un peu. Dormez jusqu'à demain.
L’homme hausse les épaules, renverse le chaudron et fait rouler les pierres sur le sol, puis y jette, après l’avoir coupé en morceaux, la viande du mouton qu’il a volé aujourd’hui. Il prend soin de raviver le feu sous le chaudron et s'en va en pleurant sur une telle misère.
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C’est ce jour-là que le vieil arbre mort a refleuri.


Le maître et le scorpion : à chacun sa nature, COMPRENDRE, PARDONNER, AIDER, SE PROTEGER

Conte zen, en ligne ici. Si on ne peut changer sa nature ni celle de celui qui nous fait du mal, on peut par contre prendre ses précautions : cela évite de se sentir victime et d’avoir du ressentiment.

Scorpion-bleu-https://www1.doggocorner.com/fr/scorpion-symbolism/Un Maître Zen voit un scorpion se noyer et décide de le tirer de l’eau. Le scorpion le pique. Sous l’effet de la douleur, le Maître lâche l’animal qui tombe à l’eau et le voilà de nouveau en train de se noyer. Le Maître tente de tirer de nouveau l’animal hors de l’eau et le scorpion le pique encore.

Un jeune disciple qui était en train d’observer se rapproche du Maître et lui dit :
- Excusez-moi Maître, mais vous vous obstinez inutilement. Ne comprenez-vous pas qu’à chaque fois que vous tenterez de le tirer de l’eau il va vous piquer ? Le Maître répondit :
- Plusieurs voies s’offrent à moi :
1/ ne rien faire et laisser le scorpion se noyer par peur qu’il ne me pique.
2/ dans un élan de compassion essayer de le sauver et accepter de me faire piquer.
3/ ayant pris conscience de la nature du scorpion prendre mes précautions.

Scorpion_feuille_https://fr.dreamstime.com/photo-stock-scorpion-brown-image15481260Alors, à l’aide d’une feuille, le Maître tire le scorpion de l’eau et sauve sa vie, puis il s’adresse à son jeune disciple :
- Je ne peux changer la nature du scorpion qui pique pour chasser ou face à un danger. Mais cela ne va pas changer la mienne qui est d’aider. Ainsi, ne change pas ta nature si quelqu’un te fait mal, prends juste des précautions.

En conclusion :

  • Ce n'est pas parce qu'on souffre, qu'on a été agressé injustement, que l'on doit rendre le mal pour le mal. Au contraire une fois que l'on a compris que l'agression est dans la nature de l'autre, le pardon est possible, si cela est dans notre nature d'être bienveillant.
  • On ne peut changer sa nature ni celle de celui qui nous fait du mal, mais on peut se protéger, se préparer à la confrontation, se montrer prudent.
  • En devenant maître de son destin en choisissant de pardonner sans pour autant renoncer, mais en s'adaptant, on évitera de se sentir victime et d’avoir du ressentiment à condition de se protéger au lieu de subir.


Le cœur d'une mère donne et pardonne - conte oriental : L'AMOUR PERMET LE PARDON

Résumé :

Un fils se marie. Sa femme trouve la maison un peu petite surtout quand la famille s'agrandit.vieille_femme_visage_mains Le fils demande à sa vieille mère de céder sa chambre pour une pièce plus petite, puis pour une remise sans fenêtre, puis pour un cabanon de jardin, palais des courants d'air. Mais la vielle mère ne se plaint pas, pardonne à chaque fois, excusant son fils qui a de plus grands besoins qu'elle. Et puis un jour, le fils, poussé par sa femme, lui dit de partir ... C'est le petit-fils qui va le faire réfléchir à la gravité de ses actes : il dit à son père de couper en deux la couverture qu'il veut donner à sa mère comme seul bagage parce qu'ainsi il gardera la moitié pour lui quand il le chassera à son tour.

En conclusion :

  • Seul un amour inconditionnel peut accepter et supporter les blessures infligées par ses proches.
  • Un enfant rétablit le bon sens et l'ordre des choses.


La vieille mère - un abandon pardonné - conte japonais : L'AMOUR PERMET LE PARDON

Résumé :

PARDON-lacher priseL'empereur a ordonné d'abandonner dans la montagne les vieilles personnes incapables de travailler. Un fils hésite mais sa mère lui demande d'obéir pour ne pas être puni à cause d'elle. Lorsqu'il la transporte, elle s’inquiète de sa fatigue, de la difficulté du chemin pour son fils, du temps qu'il fait, mais pas un seul instant elle ne pense à elle. Une fois arrivée, elle lui dit qu'elle a laissé tomber sur le chemin ses bracelets, ses mouchoirs de soi, des mèches de cheveux qu'elle a coupée pour qu'il ne se perde pas sur le chemin du retour. Le fils, pris de honte, la ramène et la cache près de chez lui. Par la suite, l'empereur veut mettre à l'épreuve les jeunes nobles en leur demandant de résoudre des énigmes. Seul le fils qui a conservé sa mère près de lui trouvera les réponses, grâce à elle. L’empereur finit par deviner, mais se rend compte de son erreur : l'expérience et la mémoire des personnes âgées est irremplaçable. Il annule son décret d'exil des anciens.

En conclusion :

  • Un amour inconditionnel qui pardonne tout, même l'abandon.
  • La force d'un tel amour et la force du pardon vont influer sur les décisions du fils et changer le cours de sa vie.