La valeur du sel à travers le monde et à travers les siècles

Le sel a été une monnaie d’échange de grande valeur.

  • Les marchands maures le troquaient contre de l’or, gramme contre gramme, et certaines tribus d’Afrique centrale utilisaient des blocs de sel gemme comme moyen de paiement.
  • L’un des facteurs déclenchant de la Révolution française a été le lourd impôt sur le sel exigé par Louis XVI.
  • En raison des propriétés conservatrices de ce condiment, le terme “sel ” en est venu à évoquer ce qui est tenu en haute estime, ce qui a une place d’honneur, aussi bien dans les langues anciennes que dans les modernes.
  • Le sel est aussi devenu un symbole de stabilité et de permanence.
  • Jusqu’au XVIIIe siècle la place qu’occupait une personne par rapport à la position du sel à une table de banquet (avant ou après le sel) indiquait son rang social ; la position d’honneur était celle d’avant la salière, en bout de table.
  • Le sel bleu de perse est un des sels parmi les plus rares, les plus purs et les plus précieux au monde. Son nom provient des sublimes reflets bleutés intense. Un bleu ressemblant à celui d'une pierre précieuse. Il n'est pas uniformément bleu, juste certains cristaux sont teintés de bleu. Il est extrait des plus anciennes mines de sel du monde dans les montagnes rocheuses de la province de Semman en Iran, ancien empire de Perse. Il y est récolté à la main selon la même méthode depuis des siècles. (Prix à l'unité de mesure : 66.11€ le kg)


Pratiquement dans toutes les civilisations le sel possède un caractère sacré. SEL-de-la-SAGESSE_pot-pharmacie_https://www.porcelainecarpenet.fr/fr/pots-a-pharmacie/224-pot-a-pharmacie-sel-de-la-sagesse.htmlIl intervient dans les rites religieux comme un élément purificateur.

  • Dans les textes sacrés hindous, Dieu est comme un morceau de sel dissous dans l’eau : où qu’on prélève de l’eau, partout il y a du sel, et le divin se trouve partout aussi.
  • Dans l'Egypte des pharaons, les prêtres du sanctuaire d’Amon offraient de gros grains de sel naturel.
  • Dans la Grèce antique, Homère a considéré que le sel était divin dans le neuvième chant de l’Iliade. Don des dieux, il devenait normal qu’on le restitue dans les offrandes et il permettait de les conserver car elles constituaient l’essentiel de la nourriture des prêtres.
  • Les Celtes attribuaient les sources d’eaux salées à des divinités locales.
  • En malgache (Madagascar), c’est le même mot, fanasina, qui est utilisé pour sel et sacré.


Le sel symbolise une alliance :

  • Pour les Israélites, le sel est un signe d’alliance, de fidélité, de purification : les offrandes sont salées. Mais le sel est ambivalent : il peut être aussi de malédiction, de stérilité.
  • Le sel, symbole de pureté, relie à Dieu : chez les chrétiens le sel est partie prenante du rite du baptême. Déjà, dans l’Antiquité, les Romains donnaient du sel aux nouveau-nés comme symbole de la sagesse qui leur viendrait ensuite.


Aspect positif du sel :Sel de la terre_Matthieu 5:13

  • Pour les Chrétiens, le Nouveau Testament ne met en évidence que l’aspect positif du sel. Vous êtes le sel de la terre, a déclaré Jésus à ses disciples. (Matthieu 5:13). C’est représenter l’intégrité et la pureté originelles, c’est appartenir à l’élite morale.
  • En Angleterre, on plaçait sur le corps du défunt une assiette avec du sel dans lequel était enfoncée une bougie allumée : cela devait favoriser sa résurrection.
  • Dans le Béarn, lorsqu’une chouette hululait, on conjurait les maléfices en jetant une pincée de sel dans l’âtre et en disant : Chouette, je te sale la tête et le cul, que tout mal que tu portes reste avec toi.
  • Pythagore le regardait comme le symbole de la justice.


Aspect négatif du sel :

  • Le sel peut exprimer une punition : la femme de Loth a été changée en colonne de sel, Sodome et Gomorrhe ont été détruites par le feu, le sel et le soufre.
  • Véritable arme de destruction, le sel était utilisé par les Romains qui répandaient du sel sur les sites des villes qu’ils avaient rasées afin qu’aucune culture ne puisse y renaître. L’exemple le plus connu est la destruction de Carthage.


Au Moyen Âge, le sel a été l’objet de superstitions. :

Mauvais présage:

  • SEL_renverséAu Moyen-Age renverser du sel était un mauvais présage. À titre d’illustration, sur le tableau de Léonard de Vinci intitulé la Cène, Judas Iscariote est représenté avec une salière renversée devant lui.
  • Au Danemark, renverser du sel porte bonheur s’il est sec, et malheur s’il est mouillé.
  • Aux États-Unis, on dit que chaque grain de sel renversé est un jour de tristesse. Mais si on rassemble les grains, et qu’on les jette sur la cuisinière, cela supprimera les larmes prédites.


Le sel est protecteur :

  • Au Moyen-Âge, on pensait qu’avoir du sel au fond d’une poche faisait fuir le démon, et qu’en disperser aux quatre coins de sa maison éloignait le mauvais sort.
  • Pour se protéger d’un mauvais sort il faut jeter du sel par dessus son épaule gauche. La justification de cette pratique serait que les mauvais esprits, se cachant du côté gauche, sont aveuglés par le sel.
  • Au Japon, les populations ont l’habitude de disposer du sel à côté de la porte d'entrée afin de débarrasser leur maison des énergies négatives. Le sel chasse les mauvais esprits. Croyance confirmée sur le plan physico-chimique : cette fonction neutralisante a été établie. En effet, le sel est capable d'absorber les ions négatifs qui se baladent librement dans la nature. Encore aujourd’hui, des Japonais répandent chaque jour du sel sur le seuil de leur maison ou à l’intérieur, après le départ d’une personne peu appréciée.
  • En Scandinavie, on se protège des mauvais esprits et des démons en saupoudrant une pincée de sel.
  • En Suéde, comme en Saintonge, on met du sel dans le lait qui vient d’être trait, pour protéger la vache.
  • En Charente, c’était un grain de sel qui était placé entre ses cornes pour la conduire à la foire.
  • Dans la région d’Armagnac, le sel jeté dans le feu protège des orages ! (je l'ai vu faire par mon arrière grand-mère dans les Charentes maritimes)


Le sel divinatoire :

  • À l’île de Man, le 1er novembre, chacun des habitants d’un logement renversait dans une assiette un dé à coudre de sel. Si le lendemain matin quelqu’un constatait que son tas s’était écroulé, cela était le signe qu’il allait mourir dans l’année.
  • La nuit de Noël, en Hesse, on remplissait douze pelures d’oignon avec du sel. Le lendemain matin, si le sel était fondu dans une pelure, son rang indiquait le mois où le malheur frapperait. Il était cependant possible de conjurer le sort en jetant dessus du sel bénit frais !


Ésotérisme :

  • Pour les alchimistes, le sel est le principe neutre issu des noces philosophales du soufre et du mercure. Ce qui brûle, c’est le Soufre ; ce qui fume, c’est le Mercure ; les cendres, c’est le Sel.


Le sel est le symbole de l’hospitalité et, par extension, de l’amitié.

  • Plutarque, pour évoquer l’amitié entre des personnes, parlait de gens du sel et de la fève.
  • Pour les peuples sémites, manger ensemble le pain et le sel signifie sceller un pacte ou se jurer amitié.


Chez les Anciens, le sel reflétait la beauté.

  • Lucrèce, pour caractériser une belle femme l’assimilait à un pur grain de sel.
  • Plutarque aurait prétendu que les femmes sont comme du poisson salé : elles doivent subir une longue préparation, sinon elles n’ont ni saveur, ni attrait !


Beaucoup de ces traditions sont issues de l'article écrit par Pierre Boyer, Le symbolisme et les traditions attachés au sel, en ligne ici. Il y a encore beaucoup à dire sur ce sujet : vouloir être exhaustif est aussi difficile que de mettre un grain de sel sur la queue d’un oiseau pour l’attraper.

Quelques expressions salées :

Le sel est âcre quand on le goûte à part ; mais c'est le parfait assaisonnement qui donne aux mets toute leur saveur. Ainsi les difficultés sont-elles le sel de la vie. Robert Baden-Powell

  • Le sel est considéré comme le symbole de l’hospitalité et, par extension, de l’amitié.
  • Les Arabes utilisent l’expression il y a du sel entre nous.
  • Les Iraniens parlent d’une personne infidèle au sel (déloyale ou ingrate).


  • Les Grecs payaient leurs esclaves avec du sel, ce qui a donné l’expression il ne vaut pas son sel.
  • Le mot français “ salaire ” vient du latin salarium (de sal, sel), par allusion à la solde des soldats romains qui incluait une allocation de sel.
  • Une note salée se dit d'une addition trop élevée ...


  • Le sel est ce qui relève un plat. Au sens figuré, le sel désigne ce qu’il y a de fin, de vif, de piquant dans les discours, dans les ouvrages de l’esprit. Le sel d’une conversation sera donc tout ce qui relève et donne du piquant aux propos tenus.
  • Un récit qui ne manque pas de sel, un récit piquant, relevé, amusant ou choquant.
  • Mettre son grain de sel est donner son avis sans qu'on l'ait demandé, s'immiscer dans une conversation, une affaire en y apportant peu de chose mais quelque chose de superflu ou qui agace.


  • Mais une cuisinière ayant trop salé ses plats est présumée amoureuse ! Ou si le boulanger oublie de saler son pain, il se dit aussi qu'il est amoureux comme s'il avait salé deux fois au lieu d'une ...


  • Le sel de la vie est ce qui relève la monotonie de la vie. Les petits plaisirs font "le sel de la vie". Si l'on n'y prend pas garde, nous pouvons passer à côté de petites choses toutes simples mais qui pourtant, mêlées les unes aux autres, rendent la vie belle et font que celle-ci vaut la peine d'être vécue.


Un amour bon comme le sel

Conte de Roumanie Un_amour_bon_comme_le_sel

Il ne coûte pas beaucoup d'argent mais en cuisine il vaut de l'or.

Résumé à ma façon :

Un matin, il vient à l'idée du roi de demander à ses trois filles de qualifier l'amour qu'elles ont pour lui. L'aînée pense au miel, la cadette au sucre, mais la benjamine, la troisième fille veut montrer son affection tout en se distinguant de ses sœurs :
- Père, mon amour pour vous est bon comme le sel.
- Vraiment quel compliment absurde ! bon comme du sel ! Vraiment ton amour est âpre et ton cœur desséché ! Tes sœurs ont employé de merveilleuses images pour dire leur attachement envers ce vieux père qui vous aime tant. Par contre, toi ! J'ai le sentiment que tu ne sais ni ne veux me respecter ! Quitte immédiatement ma cour pour aller là où l'amour est doux comme le sel, fille ingrate !
- Oh, mon père, permettez-moi de vous expliquer. Mon amour n'est ni plus ni moins grand que celui de mes sœurs comme la saveur du sel n'est ni meilleure ni moins bonne que celle du miel ou du sucre puisque …
- Écoutez-la s'obstiner cette petite insolente ! Elle a l'audace de vouloir m'expliquer… Dehors ! Gardes, mettez-la à la porte !

Exilée par son père outré par cette comparaison avec le sel plutôt que le miel, la jeune fille trouve refuge dans un palais encore plus vaste que celui de son père. Elle gagne petit à petit la confiance de la reine grâce à son travail, son courage et sa bonté de cœur. Elle se prend d'amitié pour elle et sa présence lui devient vite indispensable. Le fils revient de guerre blessé. La reine le veille, épuisée, c'est la jeune servante en qui elle a complètement confiance qui la relaie : Douce et prévenante, elle sait apaiser les souffrances du jeune homme qui retrouve peur à peu la santé et le sourire. Le prince reprend goût à la vie et ne tarde pas à tomber amoureux. Elle, elle l'aimait déjà depuis le premier jour. Ils se marient.

La jeune fille invite le père au repas de mariage. Elle cuisine et fait en sorte que tous les plats servis au roi soient sans sel. Et lorsqu'il cherche à saler ses plats avec la salière posée sur la table, c'est du sucre qu'il saupoudre (puisqu'il aime tant douceurs, miel et sucreries ... il est servi !). Même le vin est liquoreux. Le père entre dans une colère extrême, on le comprend :

Le roi goutte dans l'assiette de gauche, boit dans le verre de droite … et son étonnement se change alors en colère, une de ses colères légendaires :
- On se moque de moi ici ! Comment se fait-il que tous les plats soient délicieux et les miens immangeables ? Le vin est excellent, mais celui qui m'est servi imbuvable !

Sa fille se fait connaître et explique :

- J'ai voulu montrer à mon père que mon amour pour lui était et reste aussi sincère et vrai que celui de mes sœurs. Cet amour est aussi bon que le sel qui relève le goût des aliments. Même si l'on ne peut le manger tout seul, comme le miel ou le sucre, le sel est irremplaçable. Il révèle les saveurs et permet la conservation des aliments, tel est mon amour : solide et fidèle, il donne du goût à la vie. C'est ce que je n'ai pas eu l'occasion de lui expliquer jusqu'à présent.

Le père comprend son erreur lorsqu'il a chassé sa fille qui lui avait déclaré Mon amour est bon comme le sel.

Le roi se sent empli de honte. Sa colère l'a empêché de comprendre et l'a séparé de sa fille. Mais elle semble si heureuse de l'avoir retrouvé, qu'il délaisse tout orgueil pour n'écouter que son cœur. Aujourd'hui il a retrouvé sa fille, qui restera toujours le sel de sa vie… et les deux familles une fois réunies, on fit ce jour-là un repas salé-sucré qui mit tout le monde de bonne humeur.

Le texte intégral est en fichier joint : CONTE_Amour_Sel_Mariana_Cojan-Negulesco

Variante d'Autriche :

Un roi a trois filles. Elle lui font chacune un cadeau pour lui témoigner leur amour. Les deux aînées offrent des douceurs : du miel pour l'aînée, des pâtisseries bien sucrées pour la seconde ; mais la troisième lui offre ... une salière. Le roi la chasse car il trouve que son amour est bien sec et stérile, comme le sel. Elle trouve refuge dans une grande maison où elle sert comme cuisinière, en cachant ses origines. Le roi son père organise une fête et demande la meilleure cuisinière du royaume pour organiser le festin. Sa fille, méconnaissable retourne au château et prépare toutes sortes de plats mais fait en sorte que tout ce qui soit servi au roi son père soit sans sel. Le roi trouve cela immangeable, infect ! Il convoque la cuisinière. Elle explique qu'elle a cuisiné spécialement ainsi pour lui, afin qu'il se rende compte de la vraie valeur du sel qui relève la fadeur des mets. Le roi comprend, reconnaît son erreur et accueille sa fille à bras ouvert.

Variante de Bretagne :

Deux filles, la plus jeune une affirme
- Vous êtes pour moi comme le sel des aliments
Elle est bannie. Elle part avec deux ou trois robes brodées et quelques bijoux puis porte de vieux vêtements pour ne pas risquer d'être agressée par des voleurs. Elle devient bergère dans une grande ferme. Elle jette dans le feu du sel (le sel réprouvé par son père) : le feu crépite comme si on y avait jeté des poux ; on l'appelle "Pouilleuse".
Un jour, elle revêt une des ses anciennes robes, le fils du roi la voit et tombe amoureux. A la ferme on lui dit que la jolie bergère aperçue est en fait une pouilleuse. Il rentre au château mais dépérit ; il demande à sa mère un pain blanc fait des mains de la Pouilleuse. La princesse fait le pain mais y glisse une de ses bagues.

comme dans Peau d'âne :

Le prince déclare épouser celle à qui appartient le bijou. Aucune fille de la ferme ne peut enfiler cette bague.''

... sauf la pouilleuse qui l'essaie en dernier. Dans Cendrillon personne ne peut chausser une de ses chaussures perdue en dansant avec le prince. La petitesse symbole de finesse et de noblesse ...

La jeune fille part au château en emportant son baluchon de robes brodées. Elle revêt la même robe qu'elle avait lors de la rencontre avec le prince, il la reconnaît, et lui demande de l'épouser.
- Pas avant d'avoir obtenu le consentement de mon père répond la jeune fille.
Un ambassadeur va demander la main de la princesse au roi son père. Après avoir banni sa file il n'avait pas tardé à regretter sa dureté : il l’avait fait chercher partout et, ne la trouvant pas, la croyait morte. il éprouva une joie immense qui effaça ses remords quand il la sut vivante et qu'un prince voulait l'épouser.
Au repas de noce, il trouve tout d’une extrême fadeur. Sa fille lui explique qu'on lui a préparé des plats sans sel :
- Vous voyez bien l’importance du sel : sans lui les mets les plus recherchés ne valent rien. Il révèle toutes les saveurs et préserve longtemps l'aliment de toute corruption. Vous n'avez pas compris le sens de mes paroles.
Le roi demande pardon, ils se réconcilient, la princesse vit heureuse avec son prince mais le conte ne dit pas s'ils eurent beaucoup d’enfants ni s'ils mangèrent bien salé toute leur vie.


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Sources :

  • Mariana Cojan-Negulesco, "Un amour bon comme le sel", Ed Albin Michel Jeunesse, Petits Contes de Sagesse, 1998.
  • Réédition en recueil : Mon année de sagesse Paris, Albin Michel-Jeunesse 2004.
  • Nicola BAXTER, 80 histoires autour du monde, "La vraie valeur du sel", Ed. Piccolia, 2002
  • Jean Muzi, Contes des sages de Betagne, Le sel, Seuil, 2010. Dans ce conte, on trouve des similitudes avec le conte "Peau d'âne" mais sans le problème sous-jacent d'inceste mais un malentendu suivi de la colère du père qui se sent offensé à tord, quelques petites ressemblances avec "Cendrillon".


Un amour sucré-salé

Un bonhomme de sel vivait avec une petite bonne femme toute en sucre ... un conte grec sur l'harmonie difficile, mais les différences qui finissent par s'associer. Les deux maisonnettes, "Les plus beaux contes du monde", Gründ, 1980 in : "La Grande Oreille" n°10, hiver 2002-2003

Petite_Maison_Sel_Sucre_http://www.editions-tourbillon.fr/spip.php?article225 Il y avait une fois une petite maisonnette et cette maisonnette était construite toute en sel. Elle luisait et brillait, scintillait et resplendissait comme un miroir. Dans cette maisonnette, vivaient un grand-père tout en sel et une grand-mère toute en sucre.
Il y avait des jours où ils s’aimaient et des jours où ils ne s’aimaient pas. Parfois ils se disputaient, comme le font les amoureux. Un jour, le petit vieux et la petite vieille eurent une effroyable querelle. Le petit vieux prit un gros bâton en sel et chassa la petite vieille hors de la maison. Il cria comme un perdu :
- Va-t’en, et fais-toi une maison en terre, maudite vieille en sucre !

La petite vieille en sucre s’en alla en pleurant, en ne pleurant pas trop pourtant afin que ne fondissent point ses joues en sucre. Elle se construisit une maisonnette en terre. Elle était très jolie, mais il y faisait bien triste. Elle pensait au petit vieux en sel et elle passait son temps à soupirer. Un beau jour elle se décida, alla toquer au carreau du petit vieux et lui demanda :
- Grand-père, mon petit vieux, prête-moi un peu de sel pour mettre dans ma soupe !
Mais le petit vieux prit son énorme gourdin en sel et chassa la petite vieille de devant sa porte.
- Retourne vivement d’où tu viens, maudite petite vieille en sucre ! Si tu n’as pas de sel pour ta soupe, demandes-en au Diable !!!
La petite vieille en sucre retourna chez elle en pleurant, en en pleurant pas trop pour que ne fondissent point ses joues en sucre.

Comme elle se sentait de plus en plus malheureuse, elle demanda au ciel de pleurer à sa place. Et dès qu’elle l’eût demandé, il se mit à pleuvoir. Mais alors, à pleuvoir ! A pleuvoir à verse ! Comme si toutes les écluses du ciel s’étaient ouvertes ! Sous une pluie pareille la jolie et brillante maisonnette toute en sel du petit vieux se mit à fondre.

Vite, vite, le petit vieux tout en sel se précipita vers la maisonnette en terre de la petite vieille et frappa à la fenêtre :
- Laisse-moi entrer, grand-mère, sinon cette pluie va me faire fondre, complètement !
- Ah, Ah ! finie la fête, ricana la petite vieille. Quand je suis venue te demander un peu de sel, tu m’as menacée de ton bâton. Maintenant, débrouille-toi !
BAISER_SEL_SUCRE_http://www.editions-tourbillon.fr/spip.php?article225Mais le petit vieux sut trouver de si gentilles paroles, il pria et supplia tant que la petite vieille en sucre eut finalement pitié de lui et lui ouvrit la porte de sa maisonnette. Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre et se donnèrent un long baiser sucré-salé. Mais comme le petit vieux en sel était tout mouillé, il se retrouva collé à la petite vieille en sucre. Et s’il n’avait pas séché, ils seraient restés ainsi pour l’éternité.

Depuis ce jour, le petit vieux en sel a la bouche en sucre et la petite vieille en sucre a la bouche en sel. Et ils ne se disputent plus jamais ! Ils sont toujours d’accord.


Chaque lecture apporte sa réponse selon ce qu'on y trouve et ce qu'on y voit. Une saveur aigre-douce, sucrée-salée ??? Mais pour ce faire dégustez ce conte jusqu'au bout, jusqu'au fond de votre cœur ...

livre_010.gif Versions d'ici et d'ailleurs :
Le conte du p'tit vieux tout en sel et de la p'tite vieille tout en sucre qui se disputent, se séparent et finissent - bon gré mal gré - par se réconcilier, vient de Grèce, mais se raconte aussi au Liban.

  • Les deux maisonnettes, conte grec, "Les plus beaux contes du monde", Gründ, 1980 in : "La Grande Oreille" n°10, hiver 2002-2003
  • Les deux maisons, Didier Kowarsky (Auteur), Samuel Ribeyron (Illustrations), conte grec, Ed. Didier jeunesse, Collection A petits petons, 2004
  • La petite maison de sucre et de sel A. Ivanovich-Lair, Annie Caldirac, conte du Liban, Ed. Tourbillon, Lectures d'aujourd'hui, 2008
  • Grand-mère sucre et Grand-père chocolat, Conte de Gigi Bigot et Josse Goffin, édition Bayard Jeunesse, 2007.
  • Grand-mère sucre et Grand-père chocolat, Conte de Gigi Bigot et Josse Goffin, édition Bayard Jeunesse, 2007


Une soupe trop salée : chacun y a mis son grain de sel ...

soupièreDans une ferme vivaient le père, la mère, la fille, le fils et la belle-fille. Mais c'était sans tenir compte du proverbe "Dans une maison, ne faut qu'une femme et qu'un four". Pas une n'avait les mêmes façons de faire et la maison allait souvent à hue et à dia. Un jour on fait venir un tailleur comme c'était de coutume en ce temps où on ne se déplaçait guère en ville. Alors le tailleur restait dans chaque grosse ferme le temps qu'il fallait pour habiller les gens, chacun selon ses moyens. On soigne le dîner dans ces occasions-là.
La mère fait ses recommandations à la belle-fille, mais sur un ton ...
- "Mais, n'oublie pas, surtout de saler la soupe !" Une manière de lui rappeler qu'elle avait oublié de la saler l'avant-veille. Et elle s'en va à ses occupations.
La soupe est sur le feu. Bon, un moment après, la fille revient de garder les moutons : "Il faut que je sale la soupe, ma belle-sœur est tellement tête en l'air ..."
La mère revient, "Il faut que je sale la soupe, sûr et certain que cette tête de linotte l'a oublié".
La belle-fille arrive : "Il faut que je sale la soupe. Si je l'oubliais, je n'aurais pas fini d'entendre chanter ..."
Le tailleur toujours assis dans la salle avait tout vu, mais sans rien dire ... C'est qu'il voyait aussi le jambon, les andouilles qui pendaient aux solives ... et vers qui on se tournerait si l'on ne pouvait manger la soupe ... Il se lève donc à son tour, et jette une poignée de sel dans la soupe ...
Le maître rentre. On sert la soupe. Il est le premier à goûter ... et tranquillement dit :
- "Vous aurez oublié de saler ..."
Et bien sûr toutes se récrient qu'elles ont chacune mise ce qu'il fallait ... Alors on attaque le jambon. Mais le maître avait l'œil et remarque la mine réjouie du tailleur ; il l'interpelle :
- "Mais vous, vous être resté dans cette salle : vous les avez bien vues venir l'une après l'autre ? Vous n'auriez pas pu avertir que cette soupe était déjà salée ?"
- "Oh, moi, j'ai cru que c'était la manière de faire de la maison : que chacun mettait son grain de sel dans la marmite. Alors, bien sûr, j'ai voulu faire comme les autres ..."


livre_010.gif Source :

  • La soupe bien salée in : Henri POURRAT, Trésors de Contes, Tome I, livre II, p 415, Ed France, Loisirs, 2009


Nasreddin et le bon usage du sel

Un peu d'humour pour conclure. Au diable les superstitions ! Il suffit de se convaincre de leur force pour voir que ça marche ...

Le voisin de Djeha-Hodja Nasreddin l'a surpris à répandre du sel autour de sa demeure.
- Pourquoi fais-tu cela ? lui demande t-il.
- C'est pour repousser les tigres, répond Djeha-Hodja Nasreddin... un peu pour donner du grain à moudre à son voisin trop curieux...
- Mais il n'y a jamais eu de tigres par ici ! réplique alors son voisin.
- Eh bien ! rétorque Djeha-Hodja Nasreddin, tu vois que c'est efficace...


Le sel au quotidien

Le sel de table
Les sels artisanaux issus des marais salants ne sont pas blanchis et ne subissent aucun traitement, ni ajout.

  • Le sel gris est un sel marin constitué de gros cristaux séparés, formés par agglomération en trémies, dont la couleur révèle des impuretés.
  • Le gros sel est souvent le même, mais lavé et précipité sommairement.
  • Le sel fin est souvent moulu après raffinement.
  • La fleur de sel est un sel marin très fin, récolté tel quel.
  • Le sel industriel est obtenu par épuration et blanchissement, pour obtenir du sel blanc et pur à 99,9 %. Les étiquettes des produits alimentaires précisent si le sel est iodé ou non.


Le sel de terre
Il provient de l'extraction minière et même du végétal :

  • Autrefois, le sel gemme était vendu pur comme sel de table ou comme gros bloc de formes variées pour le bétail, sans traitement ultérieur après une extraction minière traditionnelle.
  • Le sel végétal est, en français d'Afrique, le sel alcalin extrait de la cendre de matière végétale, à base de potasse ou carbonate de potassium, autrefois dénommé alcali végétal. La plupart des plantes salifères poussaient dans les marais et les marécages. Les cendres recueillies sont recouvertes d'eau. Le liquide filtré est ensuite stocké dans de grands pots ou dans des bouteilles ou chauffé à haute température dans des casseroles jusqu’à évaporation de l’eau pour recueillir au fond les cristaux de sel. Le filtrat récupéré est utilisé pour cuire et attendrir les aliments, améliorer le goût et préserver la couleur verte des légumes. Le degré de salinité du filtrat dépend non seulement des plantes utilisées pour le réaliser mais aussi de la qualité des sols et peut-être aussi de l’eau utilisée. Chaque plante confére au sel de ces cendres, une saveur spécifiques, et les gens sont capables de reconnaître en le goûtant quelle plante était à l’origine du filtrat salin. Les Africains qui utilisent ce sel affirment qu’en en consommant chaque jour, les gens vivent plus longtemps grâce à ses propriétés thérapeutiques. (https://lavierebelle.org/sels-vegetaux-traditionnels)


Diététique et santé
Le sel permet lors de la salaison de conserver les aliments par salage à sec ou saumurage. Il a la propriété d'attirer l'eau et de la retenir, privant d'eau les bactéries qui se déshydratent et ne se développent plus. Les protéines et le goût sont également modifiés rendant les produits appétissants.

  • On traite ainsi essentiellement les fromages, les viandes, la charcuterie et des poissons comme la morue ou les anchois ou pour conserver des légumes comme les cornichons dans un mélange de vinaigre, de vin et de sel.


Le sodium est un minéral indispensable pour le corps humain. L’OMS indique qu’il joue un rôle primordial dans le maintien du volume plasmatique, l’équilibre acido-basique, la transmission des influx nerveux et le fonctionnement normal des cellules. Le problème du sel résiderait donc dans l’excès.

  • À trop forte dose, le sel, par son contenu en sodium, contribue à augmenter la tension artérielle. Une tension artérielle élevée favorise l’athérosclérose, les accidents vasculaires cérébraux et les maladies coronariennes.
  • Une consommation excessive de sel se traduit par une rétention d’eau. La présence d’une quantité importante de sodium dans le corps entraîne la migration des fluides en dehors des cellules vers les tissus. Ce qui explique le gonflement de certaines parties du corps comme le visage, les mains et les jambes. La cellulite peut s’aggraver avec l’excès de sodium.
  • La consommation excessive de sodium peut affecter les fonctions rénales en augmentant les protéines dans l’urine.
  • La consommation d’aliments riches en sel entraîne une usure de la muqueuse de l’estomac : l’inflammation rend l’estomac plus sensible et plus vulnérable aux infections et maladies. L’excès de sel favoriserait l’action cancérigène de la bactérie Helicobacter pylori associée aux ulcères et au développement du cancer.
  • La consommation d’aliments trop salés altère la composition du microbiote intestinal (flore intestinale). En effet, les bactéries qui y sont présentes sont très sensibles au sel. De telles altérations sont responsables de l’hypertension, de l’obésité et de l’apparition des maladies auto-immunes.
  • Des apports importants de sel favorisent l’excrétion urinaire du calcium, ce qui fragilise les os et accroît le risque de fracture osseuse.
  • Des aliments trop salés peuvent avoir des effets néfastes sur la peau. La consommation excessive de sel entraîne le dessèchement et la perte de l’élasticité de l’épiderme. Cela accélère le vieillissement de la peau. L'excès d'apport de sel favorise l’apparition et le développement de l’acné.
  • Un apport élevé en sel pourrait être associé à une mauvaise cognition. Cependant, les résultats sont mitigés et les spécialistes indiquent que des études supplémentaires sont nécessaires.

Une alimentation riche en sel, à elle seule, ne peut entraîner systématiquement l’apparition des maladies mentionnées plus haut. Mais elle favorise leur apparition et leur développement. (https://www.mesbienfaits.com/exces-sel/)

Techniques utilisant le sel

  • Arts du feu : Le sel, outre son rôle de fondant en métallurgie ancienne comme dans les arts du feu, a servi communément dans la poterie ou la céramique. Il permet d'obtenir des vernis pour les émaux de porcelaine. Il est toujours utilisé dans l'industrie verrière.
  • On utilise également le sel depuis des temps immémoriaux pour conserver les peaux de bêtes en vue d'en faire du cuir.
  • Le sel est aussi utilisé en savonnerie et dans la fabrication des détergents et des cosmétiques.
  • Le chlorure de sodium (sel) était et reste une matière première pour la fabrication de carbonate de soude, de soude caustique, d'acide chlorhydrique et de gaz chlore.
  • Salage des routes pour limiter le verglas. La température nécessaire pour que de la glace subsiste devient donc inférieure à 0 °C et est proportionnelle à la quantité de sel dissous (jusqu'à −21 °C pour 23 % de sel en masse).