Est-ce que tout changera si l'on change de lieu de vie ?

Les deux voyageurs

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Il était une fois un vieil homme assis à l’entrée d’une ville.
Un voyageur s’approche de lui et lui dit :
- Je ne suis jamais venu ici. Comment sont les gens dans cette ville ?
Le vieil homme, un sage, lui répond en miroir, par une question :
- Comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ?
- Égoïstes et méchants, c’est la raison pour laquelle j’étais bien content de partir, dit le jeune homme à l'air las.
- Tu trouveras les mêmes gens ici. Le jeune homme soupire et rentre dans la ville, tendu, sur ses gardes.

Un peu plus tard, arrive un autre voyageur qui lui pose la même question :
- Je viens d’arriver dans la région. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville ?
Le vieil homme répond comme précédemment, par la même question :
- Dis-moi mon garçon, comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ?
- Ils étaient aimables et accueillants. J’avais de bons amis et j’ai eu du mal à les quitter, répond le jeune voyageur.
- N'aie crainte, tu trouveras ici les mêmes, répond le vieil homme en souriant derrière sa barbe.
Radieux, le second voyageur entre dans la ville avec le sourire, prêt à faire de belles rencontres.

Un marchand qui faisait boire ses chameaux non loin de là a entendu les deux conversations. Dès que le deuxième étranger s’est éloigné, il s’approche du vieux sage et, troublé, sur un ton de reproche bien que respectueux, lui demande :
- Comment peux-tu donner deux réponses aussi différentes à la même question ?
- C'est simple : chacun porte en lui sa vision du monde. Celui qui n'a rien trouvé de bon dans son passé ne trouvera rien de bon ici non plus. Celui qui avait des amis loyaux dans l'autre ville trouvera des amis loyaux et fidèles ici ; car chaque être humain a tendance à voir dans les autres ce qu'il est en son propre cœur

En conclusion :

Celui qui ouvre son cœur change aussi son regard sur les autres.

Sources :

  • Conte soufi en ligne : http://jacques.prevost.free.fr/cahiers/cahier_48.htm#a4
  • Extrait du livre de Frédéric Lenoir sur le Bonheur « Du Bonheur, un voyage philosophique » édition Fayard.



Le trésor du rêve

Dans la ville d’Ispahan, vivait autrefois un paysan miséreux. Il n’avait qu’une pauvre maison basse couleur de terre, un champ de cailloux avec une source et un figuier. Il reposait sous son figuier quand un rêve lui vînt.
http://www.usagold.com/images/gold-coins-bullion.jpegIl cheminait dans une cité magnifique aux riches boutiques. Au loin, on voyait des palais couleur d’or. Parvenu au bord d’un fleuve, il s’avança sur le pont et, au pied de la première borne, il y avait un grand coffre empli d’or et de pierres précieuses. Une voix lui dit : ''Tu es ici dans la cité du Caire, en Égypte, et ces biens seront à toi.'' Sur ses paroles entendues en rêve, il s’éveilla sous son figuier. Ce rêve était tellement fort qu'il pensa que c'était un message personnel qui lui était adressé de l'au-delà.

Il s’en alla sur l’heure pour chercher le trésor. Le voyage fut périlleux, mais il parvint enfin au Caire, la ville qu'il avait rêvée ; c'était comme dans son rêve les mêmes rues, les mêmes boutiques, et les mêmes coupole dorées, au loin. Il parvint au bord du même fleuve et du même pont, et à son entrée, la même borne. Mais il n'y avait là qu’un mendiant qui tendait la main. Pas de trésor, hélas.
Le paysan est désespéré.
- Á quoi bon vivre. Plus rien de bon ne peut m’advenir dans ce monde.
Il tente de se jeter dans le fleuve. Le mendiant le retient :
- Pourquoi mourir, par un si beau temps ?
Le paysan raconte son rêve, son espoir, et son long voyage. Alors le mendiant se met à rire :
- Voilà le plus grand idiot de la terre. Quelle folie qu'un tel voyage sur la foi d’un rêve ! Auprès de toi, je me sens fort sage. Toutes les nuits je rêve que je suis dans une ville inconnue dont le nom est Ispahan. J'y vois une pauvre maison basse couleur de terre, un champ de cailloux avec une source et un figuier. Je creuse un trou au pied du figuier, et je trouve un coffre empli d’or et de pierres précieuses. Ai-je jamais couru vers ce mirage ? Non, Je suis raisonnable, et je reste à mendier sur ce pont. "Songe est mensonge", dit le proverbe. Tu aurais dû demeurer où Dieu t’a mis. Va, et sois moins naïf à l'avenir !

Le paysan avait reconnu sa maison, son figuier !!!
Il retourne à Ispahan, creuse au pied du figuier, et découvre un immense trésor ...

Sources :

  • http://jacques.prevost.free.fr/cahiers/cahier_48.ht


  • Bruno-de-la-Salle_Le-conteur-amoureux Bruno de La Salle, Le trésor du rêve dans le recueil "Le conteur amoureux", Casterman, 1995, pp 89-93. Je vous confie l’introduction et la conclusion de la version de Bruno de La Salle. A rêver et à méditer ...

Dans un pays grand comme un mouchoir de poche, tout près d'une rivière large comme un brin de fil, il y a un homme doux et tranquille qui ne fait pas beaucoup de bruit.
C'est un paysan dans une campagne reculée, il s'appelle Murmure.
Beaucoup travailler, presque rien à manger, rien à gagner, beaucoup de dettes à payer.
De ce que son père lui a donné, il ne lui reste que sa maison blanche en terre battue avec sa porte peinte en bleu et son toit de paille abîmé.
Il se sentait bien dedans mais maintenant il a envie de s'en aller.
A peine rentré, à peine couché, il fait un rêve, toujours le même, le même tous les jours de la semaine, le même depuis des années, et quand le rêve est terminé, il ne peut plus se rendormir.

Le rêve est si différent de sa pauvre réalité que tout d'un coup il voit toute la misère dont il ne peut pas se tirer.
Alors il attend le jour, et dès que celui-ci vient, il se remet à travailler.

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Et le paysan ne peut pas s'empêcher de regarder, de vouloir savoir si le rêve peut ressembler à la réalité.
Alors il ferme la porte de sa maison, il s'en va sur le chemin.
Et le paysan qu'il a été, il va devenir sans pays, mendiant, chevalier de la fortune, immigré, regardez-le passer !

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Savez-vous si Murmure est rentré chez lui ?
S'il a retrouvé sa maison, sa petite maison banche en terre battue ?
S'il a poussé sa porte peinte en bleu ?
S'il a regardé devant lui ?

Oui, il a regardé. Devant lui il y a tout ce qu'il avait tant cherché, il y a tout ce qui lui manquait, il y a tout ce qu'il avait et qu'il croyait perdu.
Oui, il y a tout ce qu'il pouvait avoir et qu'il n'osait plus espérer.


Que penser de ce conte ?

  • Partir, c'est parfois chercher bien loin ce que l'on peut obtenir ici même. Mais pour en être conscient, il faut peut-être partir d'abord ?
  • Faut-il vraiment retourner sur ses pas ? Ne s'agit-il pas plutôt de renouer avec ses racines ? et découvrir tout ce que nos ancêtres nous ont apporté ? C'est un trésor enfoui en nous-mêmes ...
  • Ne pas écouter les rêves qui constituent le fond de notre personnalité, risque de faire de nous d'éternels insatisfaits de la vie (limités comme le mendiant du conte), comme en exil de nous-mêmes...


N'hésitez pas à exprimer votre point de vue en commentaire au bas de cet article. Ce serait marquer le chemin d'un petit caillou blanc ...