Sources :

Quatre contes ont été rapprochés pour mieux comprendre ce conte des trois oranges :

  • Les Filles de l'oranger, conte d'Iran (Orient), Ré et Philippe Soupault, Histoires merveilleuses des cinq continents, Seghers, 1985, 1990 : en fichier joint (pdf), cliquer ici
  • Les trois oranges d'amour, conte des Asturies (Espagne), Alfred de Musset, en ligne ici
  • Les trois oranges, conte populaire andalou (Espagne), rapporté par M. Soupey, Contes et Légendes d'Espagne, Fernand Nathan, 1958 : en fichier joint (pdf), cliquer ici
  • Les trois oranges (Las tres naranjas), conte du Languedoc (France), Claudine et Daniel Fabre, Récits et contes populaires du Languedoc/3, Gallimard. Conte relevé à Narbonne par le Dr Guibaud vers 1885 et publié par L. Lambert, Contes populaires ... 1899, en ligne ici


Dans l'article précédent, Les trois oranges d'amour (2), 4 versions ont été présentées :

  • Un résumé de chacun des textes et le texte intégral en fichier joint (en pdf),
  • Un tableau comparatif du déroulement du récit dans ces 4 contes (fichier joint en pdf).


Orangers_http://marilyneengrece.blogspot.fr/Images de la mythologie grecque

  • Le jardin merveilleux évoque le jardin des Hespérides où sont gardées les trois pommes d'or offertes à Héra.



  • Une grotte gardée par trois chiens gigantesques(dans la version des Asturies rapportée par Alfred de Musset)3 chiens_Cerbère_http://laussibiencachee.blogspot.fr/2012/03/cerbere.html évoque les enfers ou le royaume souterrain d’Hadès gardé par un chien à trois têtes (Cerbère qui sera enchaîné dans les XIIème travaux d'Hercule).



  • Les trois pommes d'or Pomme_Or_http://psyche-d-ame.bloxode.com : Les pommes d'or du jardin des Hespérides sont le cadeau de mariage de Zeus pour sa troisième épouse Héra. Cueillir les pommes d'or constituait le onzième des travaux d'Hercule.Héraclès (Hercule) avait accompli ses dix Travaux en l'espace de huit ans mais Eurysthée, qui n'avait compté ni le second ni le cinquième, lui en infligea deux autres bien qu'à aucun moment il fût dit qu'il devait y en avoir douze. Le onzième des Travaux consistait à rapporter les fruits d'or d'un pommier, cadeau de la Gaia à Héra. Elle l'avait planté dans son jardin divin qui se trouvait sur les pentes du mont Atlas, là où les chevaux du char du Soleil, hors d'haleine achèvent leur randonnée et où les troupeaux d'Atlas (mille moutons et mille vaches) se promenaient paisiblement dans les pâturages. Lorsqu'un jour Héra s'aperçut que les filles d'Atlas, les Hespérides, à qui elle avait confié la garde de l'arbre, volaient les pommes, elle plaça Ladon, le dragon vigilant, autour du pommier pour en interdire l'approche. Après avoir tué Ladon, le dragon qui gardait le jardin, Héraclès emporta les pommes. http://mythologica.fr/grec/heraclet11.htm.
  • Selon certaines interprétations, les pommes d'or seraient des oranges, inconnues des Grecs, celles-ci ressemblant à des pommes d'une couleur étrange. La couleur « dorée » des pommes était la couleur de la pelure de l'orange et son goût plus sucré était celui de l'orange.
  • Il est plus vraisemblable que ces pommes étaient des coings, nommés « pommes » dans l'Antiquité. En effet, le climat méditerranéen arrosé de la façade atlantique offre des conditions idéales pour la culture des cognassiers (cydonia oblonga). Il produit des fruits d'une belle couleur or, spécialement agréables, y compris comme fruits à couteau, puisqu'il existe des cultivars de coings doux. Columelle mentionne une variété de coing nommée « pomme d'or ».



  • Des milliers de génies gardent l'oranger dans la version d'Iran. Dans la version du Languedoc, pour guérir le roi il faut aller chercher 3 oranges sous la patte de l'Ogre. Dans la mythologie grecque c'est un dragon.



  • Dans la version des Asturies, le prince manque d'eau pour la première orange, elle meurt. Dans une auberge, il commande à manger, du vin et de l'eau. Il ouvre la seconde boite mais donne du vin au lieu de l'eau et l'orange meurt. Il jette la troisième boite dans la rivière. Aphrodite_naissance_BOTICELLIUn nuage d'écume se forme sur l'eau et une princesse plus belle que le soleil en sort, ce qui n'est pas sans rappeler la naissance d'Aphrodite née de l'écume des flots (aphros = écume) : sa peau était de la blancheur du lait, ses cheveux comme une rivière d'or liquide, ses yeux étincelaient comme des étoiles, ses formes étaient parfaites et elle exhalait un parfum suave de fleur. Elle chevaucha une conque et aborda d'abord sur l'île de Cythère (dans la version d'Andalousie le prince utilise un coquillage de nacre pour prendre l'eau à la rivière).



  • Ce conte qui fait vivre la plus jolie fille du monde dans une orange évoque certainsVieille_arbre_http://paladin95.canalblog.com/archives/2006/02/05/1329219.html récits issus de la mythologie où une jeune fille est changée en arbre. Dans la version venue d'Iran, la fille de l'oranger est tuée par la servante mais de son sang renaît un arbuste aux fleurs d'or.
  • D'après Antoninus Liberalis, Métamorphoses XXXII, Dryope est remarquée par Apollon, qui se transforme en tortue pour approcher le groupe. Alors que Dryope se saisit de la tortue, Apollon prend la forme d'un serpent, l'enserre et s'accouple avec elle, effrayant les nymphes qui prennent la fuite. Honteuse, Dryope ne révèle rien à ses parents et est mariée peu après avec Andrémon, puis donne naissance à Amphissos, fils d'Apollon. Par la suite, elle est changée en peuplier.
  • Le récit d'Ovide, Métamorphoses IX, 324-393, est assez différent : demi-sœur d'Iole (et donc fille d'Eurytos, roi d'Œchalie), Dryope se rend avec son fils près d'un lac pour en honorer les nymphes. Mais après avoir cueilli quelques fleurs de lotos et les avoir vu saigner du sang de Lotis, elle est changée en arbre sous les yeux des siens.
  • Dans la mythologie romaine, Daphné fuyant Apollon a été changée par son père en laurier.


Illustrations :

  • 3 oranges : Ellen Levy Finch_Wikipédia
  • Orangeraie : http://marilyneengrece.blogspot.fr/
  • 3 chiens : http://laussibiencachee.blogspot.fr/2012/03/cerbere.html
  • Pomme d'or : http://psyche-d-ame.bloxode.com
  • La naissance d'Aphrodite, tableau de Boticelli, peint vers 1485 et conservé aux Offices de Florence
  • Femme en arbre : http://paladin95.canalblog.com/archives/2006/02/05/1329219.html


Présence des forces païennes de la Nature

La version andalouse des trois oranges rapportée par M. Soupey,(Contes et Légendes d'Espagne, Fernand Nathan,1958), fait appel aux forces de la nature pour guider le prince alors que dans la plupart des versions on reconnaît des éléments de la mythologie grecque.

Le conte d'Andalousie décrit bien la sécheresse de l'Espagne, la forêt sombre et la rivière argentée sous la lune et les monts pierreux ravagés par le vent. Aux trois éléments qui vont guider le jeune homme dans sa quête Le soleil, la lune, le vent va s'ajouter une 4ème élément : l'eau vive qui permettra de rendre à la vie la beauté endormie dans l'orange, puis la révélera au monde par son reflet dans une source qui emplie une fontaine. Le jardinier, protecteur de la nature, comprend le langage des oiseaux.

Ainsi sont réunis dans le même conte les 4 éléments fondamentaux en philosophie et alchimie : le feu (le feu du soleil, le jour, le feu purificateur qui brûle la sorcière), la terre (les bois éclairés par la lune, la nuit, le jardin des 3 oranges où germe la vie), l'air (le vent, l'oiseau qui chante la vérité) et l'eau (la rivière porteuse de vie, la source, la fontaine).

Résumé :
Le roi veut marier le prince et au 306ème refus l'envoie lui-même chercher la femme parfaite qu'il souhaite. Il doit cependant revenir au bout de deux ans sinon il sera déshérité. Il va consulter une sorcière (dans les autres versions il ne reconnaît pas la sorcière dont il s'est moqué au début) qui lui indique où trouver la plus belle fille du monde : dans le Château des 3 oranges. Le prince devra chercher un oranger qui porte seulement 3 fruits sur la même branche et cueillir les trois oranges d'un seul coup et sans monter à l'arbre. En chemin il traverse 3 pays (décrits comme des régions d'Espagne, sec et craquelé, puis boisé, puis battu par le vent), frappe à la porte de 3 palais. 3 jeunes filles lui ouvrent et lui évitent d'être mangé par leur père : une à la peau plus foncée que le bronze, fille du Soleil ; une blanche comme la fleur de jasmin, fille de la Lune ; la dernière toute ébouriffée comme les arbres tordus et à moitié déracinés de ce pays, elle est fille du Vent. Le château des trois oranges est caché derrière la montagne couverte d'azalées.( Il n'y a pas de chien, ni de dragon mais il faut s'emparer des trois oranges d'un coup sans toucher l'arbre.) Le prince saute et prend 3 oranges.
1/Le prince affamé et assoiffé veut sacrifier la première orange (besoin immédiat, égocentrique) ; il l'ouvre et une merveilleuse jeune fille lui réclame du pain. Il n'en a pas. Elle rentre dans son orange et retourne à son arbre (au lieu de mourir dans les autres versions).
2/Des bergers lui donnent du pain. Il ouvre la seconde orange qui demande du pain, il lui donne, et de l'eau : il n'en a pas alors elle disparaît comme la première. (Il n'a pas assez réfléchi aux besoins à pourvoir. Dans la version des Asturies, il va chercher du pain, de l'eau et du vin à une auberge et, précipité, offre le vin qu'il est en train de boire à la princesse qui meurt).
3/Pour la troisième il attend de trouver une rivière, dispose le pain sur une pierre et va prendre de l'eau fraîche à la rivière à l'aide d'une coquille de nacre (qui évoque les pèlerins de Compostelle, et un sentiment de foi et de respect). La beauté qui en sort deviendra sa femme parce qu'elle le trouve courageux brave, d’avoir entrepris cette longue quête et avisé pour avoir su subvenir à ses demandes, mais demande à vivre un an dans le jardin merveilleux. Un fils naît. Quand le bébé a grandi, le prince veut rentrer chez lui avant le terme des deux ans pour ne pas perdre son héritage.
Il s'arrête non loin du château de son père le roi en demandant à son épouse de l'attendre avec l'enfant. Il lui prépare un abri caché dans un arbre au pied duquel coule une source dans une fontaine. Une servante noiraude vient puiser de l'eau 3 jours de suite. (Cet épisode se passe sur un jour dans les autres versions.) Elle aperçoit le reflet du visage de la Belle dans l'eau et croit qu'il s'agit de son visage. Elle casse la cruche, se trouvant trop belle pour travailler en tant que servante. 2ème jour, idem. 3ème jour, elle essaie de casser la cruche en cuivre et ne fait que la cabosser, la princesse rit (rire 1) … Vexée, la servante à la peau sombre veut se venger : elle joue les hypocrites. Elle fait parler la princesse, la complimente sur l'enfant, propose de coiffer ses cheveux que le vent a décoiffé pour qu'elle soit belle quand le prince viendra la chercher et en profite pour lui enfoncer 3 épingles dans la tête : la princesse devient tourterelle et la servante prend sa place. Elle prétend que c'est le soleil qui a bruni sa peau et foncé ses cheveux mais qu'elle redeviendra comme avant lorsqu’ils seront installé au palais. Le roi meurt peu de temps après, de dépit de voir une si laide femme pour son fils. Le prince devient roi et la noiraude reine.
La tourterelle erre dans les jardins et se fait comprendre du jardinier qui en parle au roi. (Dans la version orientale la princesse devient brodeuse). La reine noire ordonne de piéger et donner au cuisiner toutes les tourterelles du jardin(le sacrifice des colombes faisait partie du culte d’Aphrodite, déesse de l'amour), mais le roi garde la tourterelle qui parle pour distraire son fils qui pleure souvent en demandant sa mère. La reine noire se met en colère quand la tourterelle picore (à 3 reprises) des grains de riz dans l'assiette du roi et du prince mais dépose « une petite chose innommable dans son assiette ». Ce qui fait rire le prince (rire 2). La reine noire demande à ce que le jardinier ait la tête coupée. Le roi la trouve bien mauvaise et méchante. Il prend la tourterelle dans ses mains, sent les 3 épingles, les retire et retrouve la bien-aimée. (dans la version des Asturies c'est l'enfant qui enlève l'épingle de la tête de la tourterelle – unique et non trois – et rompt le sortilège). La sorcière s'est enfuie par les sombres couloirs du château mais tombe par une trappe de la cuisine dans une bassine d'huile bouillante au lieu d'être brûlée sur la place (Asturies) ou traînée par un cheval (Iran).

Des aides spéciales et des objets magiques

La magie est plus ou moins présente selon les versions du conte :

Les Filles de l'oranger, conte d'Iran, Ré et Philippe Soupault, Histoires merveilleuses des cinq continents, Seghers, 1985, 1990

Il est néfaste de se moquer des anciennes forces (Le vœu de guérison du roi est bafoué par le rire du prince envers une pauvre vieille) :

  • Dans un certain royaume, le fils du roi était tombé très gravement malade. Le roi fait un vœu pour la guérison de son fils : Si mon fils guérit, dit le roi, je ferai remplir tout un puits du jardin avec du miel et du beurre pour que les pauvres puissent y puiser autant qu'ils voudront. Quelques jours plus tard, le prince guérit et, sur l'ordre du roi, le puits fut rempli de miel et de beurre. Le prince voit une pauvre vieille avec une seule coquille d'œuf pour ramasser le miel et le beurre et par jeu prend son arc : d'une seule flèche il fit éclater la coquille et un long éclat de rire ! La vieille se retourne, et apostrophe le prince : Mon garçon, puisque tu es si habile, tu devrais partir à la conquête de la fille de l'oranger.
  • Le prince réjoui par le récit de la vieille, lui jette une pièce d'or. La vieille lui donne alors trois conseils : Si, tu veux vraiment te lancer dans cette aventure, fais bien attention de ne pas cueillir les oranges avec la main et n'oublies pas d'emporter une poignée de sel et un paquet d'épingles. (...)


Génies, arbre qui parle, objets protecteurs :

  • Au pays des génies, au milieu d'un jardin, il y a un oranger. Dans chacune des oranges se trouve une jeune fille. Mais des milliers de génies montent la garde autour de cet arbre et personne n'a réussi jusqu'à présent à cueillir une seule de ces oranges : au moindre bruit, les génies se précipitent sur celui qui touche de sa main une orange et le déchirent sans pitié …
  • Le prince cueille 7 oranges avec une cisaille, un bâton et la dernière à la main. L'arbre parle : Il cueille avec le fer, avec le bois, avec la main..; et c'est à ce moment là que le géant ouvre les yeux et réveille les 100 génies qui gardent l'arbre.
  • Les génies sont plus rapides que le cheval et bientôt le prince se rend compte qu'il ne pourra pas leur échapper. Alors, il laisse tomber derrière lui le paquet d'épingles qu'il avait emporté sur les conseils de la vieille du puits. En une seconde, les épingles se multiplient et se dressent comme des fils barbelés et barrent la route aux poursuivants. Les génies tentent de passer mais sortent de cette muraille d'épingles couverts d'écorchures. Le prince laisse tomber derrière lui la poignée de sel qu'il avait emporté. Le sel se change en un mur que les génies veulent traverser mais le sel pénètre dans leurs plaies, les traverse et les brûle jusqu'au cœur ...


Métamorphoses :

  • Le prince ouvre les oranges les unes après les autres : une fille d'une grande beauté en sort à chaque fois mais il les voit mourir faute de pain et d'eau. Il prend ses précautions avant d'ouvrir la 7ème, et une beauté vêtue de noir apparaît : elle porte le deuil de ses six sœurs.
  • La servante qui est une négresse, tue la princesse par jalousie pour sa beauté et parce qu'elle a rit d'elle (elle a pris le reflet de la princesse pour le sien). Le sang répandu fait jaillir de terre un arbuste qui porte des fleurs d'or. Une laveuse de la cour du roi vient laver le linge à la rivière et coupe des branches pour orner sa maison. La princesse nettoie la maison pendant son absence. Elle brode des robes avec des perles et rentre ainsi au palais. Elle conte son histoire dans l'atelier des brodeuses. La fausse fiancée veut la tuer à coups de bâton. Le prince intervient et reconnaît sa vraie fiancée.


Les trois oranges (Las tres naranjas), Claudine et Daniel Fabre, Récits et contes populaires du Languedoc/3, Gallimard. Conte relevé à Narbonne par le Dr Guibaud vers 1885 et publié par L. Lambert, Contes populaires ... 1899 

  • Il était une fois un roi qui était malade, aucun médecin ne l'avait pu guérir... Un forgeron qui faisait le savant, alla trouver le roi et lui dit que pour guérir il lui fallait manger 3 oranges qui se trouvaient sous la patte de l'Ogre.
  • Les trois fils partent les uns après les autres, mais seul le plus jeune partage son pain avec un vieil homme à longue barbe blanche assis au bord de la fontaine (les deux premiers qui n'ont rien donné se perdent en chemin et reviennent bredouilles). Pour remercier le plus jeune, le vieil homme lui dit de suivre un chemin sinueux, puis il lui faudra franchir sept montagnes avant de trouver le jardin des orangers. Le jeune garçon s'achemine dans la montagne et arrive à une ferme.
  • A la ferme, il trouve une femme qui avait achevé de pétrir le pain et balayait le four avec ses mamelles parce qu'elle n'avait rien d'autre : il lui donne son foulard qu'il fixe à un bâton. Pour le remercier, la femme lui révèle qu'un ogre endormi garde le jardin. Il a une épine à la plante du pied droit et les trois oranges sont dans une poche sous la peau de la plante du pied gauche. Elle lui confie une fiole : il faudra verser trois gouttes dans la bouche de l'ogre), puis gratter tout autour de l'épine d'une main et prendre les trois oranges de l'autre main et fuir rapidement. Si l'ogre se réveille, il faut poser sur le sol des petits miroirs pour ralentir l'ogre car il aime à se regarder.
  • Le plus jeune fils rapporte les trois oranges à son père. Le roi guérit. Les frères sont jaloux. Le roi donne alors son royaume tout entier à son jeune fils qui se maria avec la fille d'un autre roi, jolie comme une étoile.


Les trois oranges d'amour, conte des Asturies, Alfred de Musset.

En chemin, le prince croise une femme (la sorcière du début qu'il ne reconnaît pas) qui lui conseille d'acheter trois pains pour les trois chiens qui gardent les trois oranges d'amour au fond d'une grotte, vers le Nord, nichée au creux d'un amas de rochers. Arrivé au jardin, le prince lance un pain à chacun des trois molosses qui montent la garde, et s'empare des 3 boites qui renferment les 3 oranges. Le prince manque d'eau pour la première orange, elle meurt. Dans une auberge, il commande à manger, du vin et de l'eau. Il ouvre la seconde boite mais donne du vin au lieu de l'eau et l'orange meurt. Il jette la troisième boite dans la rivière. Un nuage d'écume se forme sur l'eau et une princesse plus belle que le soleil en sort. La suite est semblable au conte suivant.

Les trois oranges, conte populaire andalou, rapporté par M. Soupey, Contes et Légendes d'Espagne, Fernand Nathan, 1958. Dans le récit, le chiffre 3 revient sans cesse comme un talisman ou une clé qui donne accès au merveilleux.

Le roi veut marier le prince et au 306ème refus l'envoie lui-même chercher la femme parfaite. Le prince va consulter une sorcière qui lui indique où trouver la plus belle fille du monde : dans le Château des 3 oranges (dans les autres versions il ne reconnaît pas la sorcière dont il s'est moqué au début). Le prince devra chercher un oranger qui porte seulement 3 fruits sur la même branche et cueillir les trois oranges d'un seul coup et sans monter à l'arbre. Le prince traverse 3 pays (décrits comme des régions d'Espagne, sec et craquelé, puis boisé, puis battu par le vent), frappe à la porte de 3 palais. 3 jeunes filles lui ouvrent et lui évitent d'être mangé par leur père : une à la peau plus foncée que le bronze, fille du Soleil ; une blanche comme la fleur de jasmin, fille de la Lune ; la dernière toute ébouriffée comme les arbres tordus et à moitié déracinés de ce pays, elle est fille du Vent. Le château des trois oranges est caché derrière la montagne couverte d'azalées. Le prince s'empare des 3 oranges d'un coup sans toucher l'arbre. Il lui faudra 3 essais pour garder la femme tant désirée, née d'une orange. La 3ème fille de l'oranger est celle qui acceptera de rester avec lui. Un fils naît. Quand le bébé a grandi, le prince veut rentrer chez lui avant le terme des deux ans pour ne pas perdre son héritage. Une servante, un peu sorcière car il s'agit de la femme du début, pique 3 épingles dans la tête de la princesse pour la changer en tourterelle à l'aide de 3 épingles (magie et à l'envoûtement) pour prendre sa place par jalousie et pour se venger car elle a ri de la voir tenter de casser la 3 ème cruche en cuivre (elle casse sa cruche par 3 fois, pendant 3 jours). Le jardinier du palais du comprend le langage des oiseaux. La tourterelle lui chante son histoire pendant 3 jours. Le jardinier rapporte les propos de la tourterelle au prince devenu roi. Le petit prince s'amuse de voir la tourterelle picorer dans les 3 assiettes et le prince rit de la voir déposer une chose innommable dans l'assiette de la reine mauresque (rire qui provoque la fureur) ; il protégera l'oiseau des fureurs de la mauvaise reine. En prenant l'oiseau dans sa main, il sent les 3 épingles, les enlève et libère la fille de l'oranger du sortilège : elle reprend forme humaine.

On peut y ajouter la danseuse qui perd ses vêtements et provoque le rire du prince (Asturies) ce qui ferait 3 rires (1/ danse 2/ à la fontaine 3/ la tourterelle sur la table), et 3 apparitions de la sorcière (1/ danse 2/ La femme qui lui donne des conseils 3/servante noire à la fontaine). J'en ai fait une version personnelle à lire dans l'article Les trois oranges d'amour (1)

Les sentiments humains sont aussi acteurs du conte

Les sentiments et le comportement humain sont particulièrement bien décrits dans la version d'Andalousie :

  • Le roi, lassé des refus de son fils (306 refus de fiancée, on le comprend), le chasse : il devra trouver tout seul ce qu'il cherche : la plus belle fille du monde ...


  • Le rire de moquerie déclenche la quête du prince : Iran : pour s'être moqué d'une pauvre vieille / Asturies : pour la danseuse qui perd ses vêtements. Ce rire "méchant" engendre la colère, la violence et la vengeance d'une femme dotée du pouvoir de jeter des sorts. La princesse rira d'elle à la fontaine, et le prince devenu roi rira lorsque la tourterelle dépose une petite chose innommable dans l'assiette de la fausse épouse ...


  • Prince : curiosité, accepte les conseils, ténacité, empressement (orange 1), réflexion (2), se prépare et anticipe (3), écoute le message d'un oiseau, perçoit l'invisible pour délivrer du sortilège (sent et enlève les 3 épingles). Il apprend tout au long du conte, comme on apprend tout au long de la vie.
  1. /Le prince affamé et assoiffé veut sacrifier la première orange (besoin immédiat, égocentrique) ; il l'ouvre et une merveilleuse jeune fille lui réclame du pain. Il n'en a pas. Elle rentre dans son orange et retourne à son arbre (au lieu de mourir dans les autres versions).
  2. /Des bergers lui donnent du pain. Il ouvre la seconde orange qui demande du pain, il lui donne, et de l'eau : il n'en a pas alors elle disparaît comme la première. (Il n'a pas assez réfléchi aux besoins à pourvoir. Dans la version des Asturies, il va chercher du pain, de l'eau et du vin à une auberge et, précipité, offre le vin qu'il est en train de boire à la princesse qui meurt).
  3. /Pour la troisième il attend de trouver une rivière, dispose le pain sur une pierre et va prendre de l'eau fraîche à la rivière à l'aide d'une coquille de nacre (qui évoque les pèlerins de Compostelle, et un sentiment de foi et de respect).


  • Sorcière/servante : esprit de vengeance car ne supporte pas qu'on rit d'elle, fière, susceptible, orgueilleuse, jalouse, manipulatrice, elle séduit avec hypocrisie, usurpe sa place par tromperie, cherche à dominer par la magie en éliminant sa rivale, et non par ses qualités personnelles.


  • Fille de l'oranger : ses besoins doivent être satisfaits sinon elle disparaît, mais elle est perspicace quand il s'agit d'accepter l'amour du prince : elle deviendra sa femme parce qu'elle le trouve courageux brave, d’avoir entrepris cette longue quête et avisé pour avoir su subvenir à ses demandes, mais elle demande à vivre un an dans le jardin merveilleux. A la fontaine, étant pour la première fois seule face au monde extérieur, elle se montre gaie et naïve, sans méfiance, et se laisse tromper. Mais son amour pour le prince et son fils est fort, elle n'abandonne pas. Elle sait communiquer et se faire comprendre malgré sa métamorphose en oiseau (auprès du jardinier). Bien que fragile, elle rayonne grâce à son amour indéfectible. Serait-ce la femme idéale de l'époque où ce conte a été retranscrit ?