A ... comme Apprenti - ''L'apprenti du Diable'' ...
Par patricia gustin le mardi, mars 12 2013, 21:19 - ABC des Personnages - Lien permanent
Dernière mise à jour le 21 mars 2013
Il y a plusieurs versions du même conte que l'on retrouve en France et, pour ce qui est des métamorphoses, également dans les légendes celtes.
Joris nous a conté le 16 février 2013 L'apprenti du Diable d'après la collecte de Claude Seignolle, et le conte donné par Monique Burg, conteuse que nous avons eu le plaisir d'écouter le jeudi 7 février 2013 à l'Espace Culturel des Corbières (Région Lézignanaise). Comme il n'y a pas de hasard, Viviane nous a offert une autre version, Jean-le-chanceux, lors de la même soirée, et nous ne nous étions pas concertés !!!
Ce conte fait écho à une ancienne légende celte contant la naissance après bien des métamorphoses, du plus grand Barde de tous les temps, Talieslin, ma version préférée, que je trouve plus riche de sens, bien que je retienne l'épisode du diamant et du grain de blé dans le corsage d'une jolie fille, petit élément facétieux mais riche de sous-entendu.
Vous trouverez dans l'article ci-dessous les différentes versions de ce même conte, et l'adaptation que Joris et moi en avons fait. Les sources des versions utilisées sont indiquées. Cela permettra à chacun de choisir le récit qui lui "parle" le mieux ou de concocter sa propre version. Mais attention ! en vous faisant apprenti choisissez bien votre maître ... Indiquez vos sources !
Et cric, et crac !
Points communs :
- Un jeune homme
- La chance
- Le diable ou une sorcière (Keridwen dans la légende du Barbe Talieslin)
- Le jeune garçon devient serviteur du Diable
- L'accès à la connaissance, aux mystères du monde (Pour Jean-le-chanceux par les livres de magie / Pour Talieslin, grâce à trois gouttes de science et d'inspirations qui l'ont éclaboussé)
- Les métamorphoses pour s'échapper
- Vaincre le Diable en l'absorbant (Keridwen avale le grain et devient enceinte qui renaîtra bébé mais avec toute la connaissance du passé et de l'avenir)
- Sortir transformé et riche de tout ce qui a été appris et vécu
Les métamorphoses :
Elles se retrouvent d'une version à l'autre. On retrouve les éléments d'une transmutation qui ressemble à de l'alchimie dans la version de Talieslin :
- feu : (le chaudron magique dans Taliselin)
- terre : (cheval/loup dans L'enfant loué au diable) (lièvre/lévrier) dans Talieslin
- eau : (poisson/loutre dans toutes les versions)
- air : (petit oiseau/faucon dans L'enfant loué au diable) (pinson/faucon dans Talieslin) (hirondelle/épervier dans jean-le-chanceux)
- Retour à la terre, Renaissance : (grain de blé dans dans Talieslin) (grain de mil dans L'enfant loué au diable)
L'apprentissage a changé le jeune garçon :
Dans toutes les versions, le résultat est le même : le garçon, riche de la connaissance des mystères de la vie, se libère de son apprentissage : il devient un homme.
- Dans la version de L'enfant loué au diable il quitte ses parents
- Dans la version de Jean-le-chanceux, il rentre chez lui mais il n'y était pas malheureux. Il avait tout appris de son métier de sabotier et voulait apprendre en partant dans le vaste monde.
- Dans la version de Talieslin, naissance d'un barde, le jeune garçon qui a acquis la connaissance grâce à trois gouttes de science et d'inspiration du chaudron magique, renaît de Keridwen qui l'avait avalé quand il était grain de blé : Gwyon-le-petit renait en tant que Talieslin le Barde.
Évocation du passage à l'âge adulte :
Un grain de blé tombe du ciel dans le décolleté d'une jolie fille, puis sur l'herbe ... c'est assez évocateur du plaisir amoureux ...
- Dans la version de Jean-le-chanceux un diamant et un grain de blé tombent ensemble dans la robe d'une , le bien et le mal se mélangent ... mais le garçon changé en diamant se changera en coq qui avale le grain, puis il rentre chez lui une fois redevenu homme.
- Dans L'enfant loué au diable, le garçon tombé du ciel, se change en bague que ramasse une mariée. Un joueur de flûte (le diable) tente de récupérer la bague en jouant de son instrument et en faisant danser la noces : il demande la bague, symbole du mariage, comme prix du plaisir qu'il a donné. La perte de la position sociale honorable, le mariage, pour quelques instants de plaisir ? La mariée enlève avec regret sa bague qui tombe et se change en grain de blé avalé par un coq (le diable) qui sera tué par un renard (dernière transformation du garçon). La fée des bois lui redonne forme humaine.
- Dans la légende de Talieslin, le barde, le jeune garçon se change d'oiseau en grain de blé, tombe du ciel sur la terre. Avalé par une poule noire (aspect maléfique), il se développe dans son sein sous forme humaine. La poule-magicienne redevenue femme donnera naissance à un bébé hors du commun qui parle et chante dès sa naissance pour conter tout ce qu'il sait du monde et de ses secret, du passé et de l'avenir. Le bébé est abandonné dans une fragile embarcation mais il survivra et sera adopté par le fils d'un roi à qui il portera chance : c'est un Barde qui voit et comprend le passé comme l'avenir.
Un tableau comparatif permet de mieux voir les similitudes et les différences : cliquer sur 
Apprenti-du-Diable_3 contes_Comparaison
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Paternité_pas d'usage commercial_identique
L'apprenti du Diable,
Des variantes lues et entendues, j'ai tiré une adaptation personnelle nourrie des éléments qui m'ont parus "forts", qui me parlent ...
Le père n'aimait pas se lever matin. Il râlait. Tous les jours. Si je n'avais pas celui-là à nourrir ... Il voulait parler de son fils. Mais il ne l'appelait jamais par son nom. C'était "Jean de trop", "Les pieds sous la table", "Le drôle", "Bon-à-rien" et quand le garçon lui posait une question, il lui disait : Va au Diable ... Il ne le pensait peut-être pas vraiment, mais quand on parle du Diable, il n'est jamais loin...
Un jour, le père décide -pour avoir la paix- de louer son fils comme serviteur pour un an, en se disant -pour se donner bonne conscience- que cela lui apprendra la vie à ce gamin qui ne sait rien, et lui, il mènerait enfin une vie tranquille ... Enfin, c'est ce qu'il se disait... En allant à la ville, le père et le fils rencontrent un drôle de petit bonhomme, tout de noir vêtu. Le Diable ? ...
Le père demande s'il est loin de la ville : il y conduit son fils pour qu'il trouve du travail au lieu d'être une bouche inutile. Le petit homme habillé en noir demande au garçon s'il sait lire :
- Oui, et écrire aussi
mais le petit homme lui rétorque qu'alors, il ne l'intéresse pas. Il s'éloigne.
Le père rouspète d'avoir manquer de louer son fils comme serviteur. En ville, ils retrouvent l'homme habillé en noir. Le garçon retourne sa veste, le père négocie une embauche. L'homme ne noir regarde le garçon :
- Il me semble t'avoir déjà vu ...
Le garçon raconte qu'il a dû rencontrer son frère jumeau qui, dépité d'avoir été refusé, a fait demi-tour ... et il s'empresse d'ajouter que lui, il ne sait ni lire ni écrire. Le petit homme habillé en noir l'invite alors à le suivre chez lui pour soigner son cheval et épousseter ses livres. Il négocie un contrat avec le père :
- Combien m’en demandez-vous ? Je paye un bon prix mon meilleur serviteur. Dix écus pour commencer et cinquante s'il travaille bien, quand vous viendrez le chercher dans un an et un jour.
- Marché conclu !
Avant de partir, le fils, pas si bête, embrasse son père et lui dit tout bas :
- Papa, lorsque tu viendras me voir, tu regarderas bien ; alors tu me reconnaîtras parce que je passerai ma patte sur mon oreille.
Et le diable emporte avec lui l’enfant qu’il venait de louer.
Le manoir était construit en pleine forêt, sur un massif rocheux. Nul être humain ne doit rentrer et le garçon doit garder la maison ; il ne s'absentera qu’une fois l'an et avec permission. Le lendemain, il cherche son maître partout mais le manoir est vide. Il s'occupe du vieux cheval et des livres dans la bibliothèque.
Le petit homme noir fait une apparition à peu près une fois par mois et donne une pistole toute neuve à chaque visite. Mais le jeune garçon se sent prisonnier et s'ennuie. Il essaye de lire les livres mais il ne comprend pas les signes bizarres écrits dessus. Un jour qu'il y revient pour la centième fois, il trouve un petit livre écrit à la main dans sa propre langue et y trouve un chapitre qui explique ceci :
Par quel moyen on peut ouvrir des portes
Comment on peut se changer en toute forme de bête
Comment on peut connaître tout ce qui se passe à distance ...
L'envie de voir sa famille le prend aussitôt : il voit sa mère pleurer et son père en train de faire la sieste.
Quand il veut voir où se trouve le petit homme noir, la frayeur le prend : Mon père m’avait dit "va au Diable" et j'y suis !
Il se reprend, et décide d'étudier le livre en entier. Il délaisse ses autres tâches. Quand le diable revient, il trouve le cheval mort et le garçon, bien vivant, qui lui demande s'il peut aller voir sa famille, mais le Diable refuse car il veut que sa maison soit gardée.
De son côté, le père se sent soulagé. Au moins, les premiers jours. Plus besoin de se lever aussi tôt ... Et comme lui, il aimait dormir le matin, et faire la sieste ... Plus besoin de travailler tout le jour pour nourrir le garçon ... Mais au bout d'un an, il est toujours aussi pauvre. Alors, il se dit qu'il pourrait aller chercher son fils chez le Diable, ça lui ferait quelques pièces.
- Cela fait aujourd'hui un an et un jour que mon fils s'est loué à ton service. Je viens le chercher et ses gages aussi..
- Pour cela, il faudra d'abord que tu le reconnaisses ...
Le Diable le mène dans une étable où il y a trois cents pigeons, tous pareils, couleur de galets de la rivière. Le père mais ne reconnaît pas son fils. Pas de signe de reconnaissance. Vous avez déjà vu un pigeon passer la patte derrière l'oreille ?
- Il n’est pas ici, dit-il au Diable qui riait sous cape.
Il le mène dans une autre étable où il y a trois cents chevaux, tous pareils, couleurs de nuit sans lune. Le père ne reconnaît pas son fils. Vous avez déjà vu un cheval passer la patte derrière l'oreille ? Le Diable ricane de plus en plus.
Il le mène dans une autre étable où il y a trois cents lapins, tous pareils, la queue blanche comme une boule de neige. Le père reconnaît son fils en voyant l'un d'eux mettre la patte sur son oreille et le désigne. Le Diable entre dans une violente colère.
- Ah ! coquin, tu m'emportes là le meilleur de mes animaux.
- Le meilleur ? Alors tu me dois une prime !
Le Diable sort une bourse de cinquante écus. A ce moment précis, le lapin redevient garçon. Le père et le fils s'en vont.
Lorsqu'ils sont seuls, le fils explique au père qu'il a fait une belle bêtise de l'envoyer au Diable. Mais il a appris deux ou trois secrets ...
- Si tu n'étais pas si bête, je te ferais gagner de l'argent. J'ai appris en cachette un de ses secrets au Diable : comment se changer en animal. Je vais me changer en un beau cheval, tu iras me vendre à la foire, seulement n'oublie pas de te réserver le licol, sans ça je ne pourrai pas me changer et redevenir homme.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le père a devant lui un beau cheval qu'il conduit à la foire. Tout le monde veut l'acheter. Voyant cela, le Diable dissimulé dans la foule s'approche, négocie le prix et achète le cheval pour une 1800 pièces d'argent et demande le licol pour conduire l'animal. Le père dit qu'il n'est pas à vendre mais le diable lui fait un si belle offre (600 pièces d'argent !) que le père, sans plus réfléchir, accepte, ça faisait une jolie somme, sans travailler... Le Diable part avec le cheval et le licol.
Arrivé chez lui, le diable enferme à l'écurie le cheval mais le cheval ne veut ni manger ni boire. Il rue de tout côté. Voyant cela, le Diable le frappe de son bâton noueux. Le cheval se cabre et se débat tant et si bien que son licol se détache ...Le voilà libre, il s'enfuit, mais le Diable le poursuit et se change en loup ...
Au bout du pré il y a la rivière, le cheval se change en poisson, le Diable le suit transformé en loutre ...
Le poisson se fait pinson,
la loutre se fait faucon...
Le pinson se change en diamant et tombe dans le corsage d'une jolie fille Elle secoue sa robe.
Le diamant tombe sur le sol et se change en grain de blé, bien caché dans l'herbe.
Aussitôt le Diable, de faucon se change en coq ; il gratte, gratte le sol ...
Le grain de blé devient renard et coupe la tête du coq.
La fée des bois touche le renard qui redevient garçon.
Il retourne chez son père et lui dit :
- Tu es vraiment trop sot pour que je reste avec toi.
Après toutes ces aventures, le garçon est parti vivre sa vie, riche de tout ce qu'il a vécu, car il ne peut en être autrement après avoir découvert les mystères du monde, être passé de la terre au ciel, du ciel dans un corsage pour finir dans l'herbe fraîche... On ne peut sortir indemne d'un tel voyage ... on garde la nostalgie des paysages traversés ...
Variantes
- Dans la version L'enfant Loué, collecte de Claude Seignolle (conté par Joris le 16 février 2013) le diable s'est métamorphosé en joueur de flûte pour obtenir la bague ramassée par une mariée
- Dans la version de Gougaud et celle que j'ai choisi, la bague de la mariée est remplacée un diamant tombé dans le corsage d'une jolie fille (princesse ou bergère, ou fée des bois, comme vous voudrez !). Cela donne un petit côté facétieux au conte et évoque une renaissance comme dans le récit de Talieslin
- Talieslin, naissance d'un Barde : la poule (Magicienne) avale le grain de blé mais en reprenant forme humaine, la magicienne se trouve enceinte.
- Pour que les 4 éléments (Terre, Eau, Air, Feu du diamant) soient présents et même le Bois (5ème élément pour les asiatiques) en la personne de la fée des bois, J'ai ajouté la métamorphose du Diable en loup pour courir après le garçon-cheval ( évocation de la Terre, animaux de la forêt et des grands espaces).
Illustrations :
- Homme habillé en noir : http://i.imgur.com/bZPPP
- Cheval : http://oxerdejoigny.kazeo.com/elevage-ysandre/ceulan-logan,a214578.html
- Loup : Fremlin, http://www.flickr.com/photos/fremlin/2384478345/sizes/m/in/photostream/
- Poisson : truite de rivière, http://www.dinosoria.com/truite.htm
- Loutre : Mike Pennington, Wikimedia Commons
- Pinson : Pinson des arbres, Fringilla coelebs, wikipedia
- Diamant : maviemonargent.info
- Grain de blé : http://www.espace-pain-info.com/fiches/fiche_public.php?index=37
- Coq : Coq_Belle-Ile, Rémi Jouan, wikimedia commons
- Renard : renarde, Christian Demussy, LinternauteVoyages
- Fée des bois : www.ohmydollz.com
- Jeune homme dans la forêt : Pierre Auguste Renoir, 1886, "Jules le Cœur et ses chiens dans la forêt de Fontainebleau"
L'enfant loué au Diable,
Collecte de Claude Seignolle, "Histoires et légendes de la Gascogne et de la Guyenne mystérieuses", éditions Sand, 1986, en ligne ici. Conté par Joris le 16 février 2013.
Il était une fois un père et un fils qui se promenaient sur une route. Le fils était si désobéissant que le père lui dit :
- Petit, je te louerai lorsque je croirai te louer au Diable.
Le Diable l’entendit et leur apparut. Il dit :
- Il paraît que vous voulez votre fils ? Est-ce vrai ?
- Ma foi oui.
- Combien m’en demandez-vous ?
- Deux écus d’or.
- Soit. Vous pourrez venir le voir dans un an et un jour.
Avant de partir, le fils embrassa son père et lui dit tout bas :
- Papa, lorsque tu viendras me voir, tu regarderas bien ; alors tu me reconnaîtras parce que je passerai ma patte sur mon oreille.
Et le diable emporta avec lui l’enfant qu’il venait de louer.
Au bout de un an et un jour, le père alla chez le Diable et dit :
- Bonjour, je veux voir mon fils.
Le Diable le mena dans une étable où il y avait trois cents pigeons. Le père les inspecta un à un mais ne reconnut pas son fils.
- Il n’est pas ici, dit-il au Diable qui riait sous cape.
- Où veux-tu qu’il soit ?
Il le mena dans une autre étable où il y avait trois cents chevaux. Le père les inspecta un à un mais ne reconnut pas son fils.
- Je ne le vois encore pas, dit-il au Diable qui riait de plus en plus.
- Où veux-tu qu'il soit ?
Il le mena dans une autre étable où il y avait trois cents lapins. le père les suivit un à un et dit soudain, en voyant l'un d'eux qui mettait sa patte sur son oreille :
- Le voilà, je le prends, donne-moi les deux écus et nous sommes quittes.
Le Diable entra dans une violente colère.
- Ah ! coquin, tu m'emportes là le meilleur de mes animaux.
A ce moment, le lapin redevint garçon.
- Si tu n'étais pas si bête, dit-il à son père lorsqu'ils furent seuls, je te ferais gagner de l'argent. J'ai volé un de ses secrets au Diable et je vais me changer en un beau cheval... Tu iras me vendre à la foire, seulement n'oublie pas de te réserver la laisse.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le père eut devant lui un beau cheval qu'il conduisit à la foire.
Tout le monde voulait l'acheter. Voyant cela, le Diable s'approcha et demanda :
- Combien ce cheval ?
- Mille huit cents francs.
- Marché conclu.
- D'accord, mais je me réserve la laisse.
- Non, j'en ai besoin mais pour te dédommager, je t'en donne six cents francs.
- Soit.
Et le Diable partit avec le cheval et la laisse. Arrivé chez lui, il dit à son valet :
- Donne-lui une fourchée de buisson et à boire car je le mangerai demain.
Mais le cheval ne voulut ni manger ni boire. Voyant cela, le Diable le frappa de son bâton noueux. Alors, on vit ceci :
Le cheval se changea en poisson, le Diable le suivit transformé en loutre ;
puis le poisson devint pinson, la loutre se fait faucon ;
le pinson tomba en bague devant une mariée qui passait ; la mariée la ramassa et se la mit au doigt ;
le faucon devint joueur de flûte ; il joua et fit bien amuser la noce. Pour le récompenser, la mariée lui demanda ce qu'il voulait en paiement de sa musique : La bague que tu as au doigt, dit le joueur de flûte. La mariée la "plaignait" (regrettait de la donner) ; elle la sortit lentement à contrecœur et,
au moment de la donner, la bague se changea en grain de mil. Voilà aussitôt le Diable qui se changea en coq ; il gratta, gratta dans la poussière.
Le grain de mil devint un renard qui coupa la tête du coq.
La fée des bois toucha le renard qui redevint garçon, lequel dit à son père
- Tu es vraiment trop sot pour que je reste avec toi.
Pour en savoir plus :
- Le joueur de flûte permet dans le conte de L’enfant loué au diable et de Jean-le-chanceux d'évoquer à demi-mot la position sociale des jeunes filles : elles se devaient d'être "pures" pour se marier : un grain de blé se glisse dans la robe et tombe sur l'herbe, c'est assez évocateur du plaisir amoureux, mais au risque de perdre la bague, de ne pas se marier ... Le joueur de flûte tente de récupérer la bague en jouant et en faisant danser. Hélas la bague retirée à regret tombe et devient grain de blé de peu de valeur (retour à la terre) .
- On retrouve les mêmes métamorphoses dans la légende de Talieslin, le chef des bardes qui commença comme serviteur chez la magicienne ... En tournant une potion pendant un an et un jour (même délai), il fut éclaboussé le dernier jour par 3 gouttes magiques de grâce et d'inspiration ; elles firent de ce tout jeune garçon un barde fameux car il put dès lors voir et dire tout le passé et l'avenir un tableau comparatif permettra de mieux voir les similitudes et les variantes : cliquer Apprenti-du-Diable_3 contes_Comparaisonici
- Au lieu de renaître humain dans le ventre de la magicienne qui a avalé le garçon en grain de blé lorsqu'elle était poule noire, dans cette version L'enfant loué au diable le garçon en grain de mil se change en renard (la ruse) pour tuer le diable en coupant la tête du coq. Mais la fée des bois, autre image de Keridwen la magicienne qui connaît les secrets de la nature, le fait redevenir humain. Le cycle est bouclé, avec un élément féminin évoquant le mystère de la nature, la vie, la naissance.
De Gwyon à Taliesin : naissance d'un Barde
D'après Jean Markale, Le cycle du Graal première époque, La naissance du roi Arthur, Chapitre VIII : Le chef des Bardes, Editions Pygmalion, 1992.
Vous trouverez le récit dans son entier et quelques notes explicatives dans l'article Talieslin, chef des Bardes
Keridwen, était très belle et connaissait tous les secrets de la Nature, mais son second fils était si laid, si repoussant et si bête que tous se moquaient de lui. Elle se retire dans la forêt et fait bouillir un chaudron de science et d'inspiration pendant un an et un jour jusqu'à obtenir 3 gouttes magiques de grâce et d'inspiration. Comme elle ne pouvait pas être constamment présente pour surveiller la préparation, elle chargea un jeune homme du nom de Gwyon-le-Petit de surveiller nuit et jour le chaudron et un pauvre aveugle, Morda, de surveiller constamment le feu .
Un soir, vers la fin de l'année, alors que Gwyon tournait encore et encore le breuvage dans la marmite, 3 gouttes du précieux liquide l'éclaboussent et coulent sur son doigt. Le jeune homme crie de douleur et par réflexe met les doigts dans sa bouche pour calmer la brûlure. Instantanément, il voit toutes choses présentes et à venir : l'univers tout entier se révèle à lui comme un livre ouvert qu'il peut lire et comprendre en une fraction de seconde. Il connaît tout du présent et de l'avenir et voit ainsi qu'il doit fuir au plus vite pour échapper à la colère et aux sortilèges de Keridwen qui cherchera à se venger.
Le chaudron se brise en deux et le liquide répandu dans la rivière toute proche fait périr tous les animaux qui s'y abreuvent cette nuit-là.
Gwyon s'enfuit au plus vite, il se métamorphose en corbeau au langage prophétique fonce à travers bois tel un sanglier hirsute, se faufile entre les arbres comme un cerf roux, se change en écureuil pour grimper aux arbres et voir s'il est suivi, se fait renard rusé et sarcastique pour mieux brouiller les pistes et se moquer de sa peur.
Keridwen rentre de sa cueillette nocturne, voit le chaudron brisé comme tous ses espoirs, et de rage frappe le pauvre aveugle si fort qu'un de ses yeux lui tombe sur la joue. Puis elle s'élance à la poursuite de Gwyon.
Pour lui échapper,
Gwyon se change en lièvre,
elle se change en lévrier
Gwyon se change en poisson
et saute dans le lac,
elle se change en loutre
Il se fait oiseau,
elle se fait faucon
et fonce sur lui,
serres ouvertes
Il se précipite dans une grange et se change en grain de blé parmi des milliers de grains de blé Keridwen se fait poule noire à haute crête, gratte avec son pied, le trouve et l'avale puis reprend sa forme de femme.
Cette nuit-là, Keridwen comprend qu'elle est enceinte. Mais comme cette grossesse n'est pas naturelle, elle cache son état le plus longtemps possible puis va dans un endroit secret connu d'elle seule où elle accouche d'un garçon. L'enfant est si beau qu'elle n'a pas le courage de le tuer ;
elle le dépose dans un coracle, petite embarcation ronde tendue de peau enduite de goudron, et le jette à la mer, à la grâce de Dieu ! Cela s'est passé le dernier soir du mois d'avril, la nuit de Beltaine. Le coracle flotte jusqu'au pays du roi voisin, Gwyddno.
Or, dans ce pays-là : chaque matin du 1er mai, le roi faisait jeter son filet dans la mer. Le soir on distribuait les poissons aux pauvres du royaume. Cette année-là, le roi avait confié à son fils unique, Elffin, cette mission pour voir si sa chance revenait … car il faut vous dire que tout ce qu'entreprenait Elffin échouait, ce qui le désespérait et attristait son père le roi qui pensait qu'il était né un mauvais jour.
Le prince aperçoit un coracle accroché au bord du filet. Il ordonne qu'on le lui amène, ouvre le sac et voit un enfant qui le regarde intensément les yeux grands ouverts, le front éclairé d'une étrange lumière : Cet enfant s'appellera Taliesin, (ce qui signifie front brillant). Il l'apporte à son père, le roi ; et l'enfant se met à parler ...
- Rassure-toi, je ne te veux aucun mal et je ne suis pas envoyé par le diable. Je fus d'abord modelé sous la forme d'un beau jeune homme dans le domaine de Keridwen la magicienne afin d'y être purifié pour connaître toutes les sciences du monde. 3 gouttes me révélèrent tous les secrets de la nature. Pour échapper à la colère de la magicienne je me suis enfui sous la forme d'un corbeau au langage prophétique, je fus sanglier hirsute, cerf roux maître des bois, écureuil agile, renard sarcastique, lièvre rapide, poisson qui glisse entre deux eaux, martinet infaillible, grain de blé prêt à renaître. Jeté en un sombre réceptacle et flottant sur une mer sans fin, je parvins ici où le maître des lieux me libéra. Je donnerai à ton fils plus grand profit que le filet ne t'en a jamais donné.
Effectivement, de ce jour-là la mauvaise chance quitta Elffin.
Les transformations de celui qui a eut accès aux secrets du monde font de lui un être différent. Il naît de nouveau au monde. Cela est très clair dans la légende de Talieslin où le garçon sous forme de grain de blé (retour à la terre, mort et renaissance) est avalé par une poule noire (aspect maléfique lié à la magie). Le jeune garçon renaîtra quand la magicienne de poule se change en femme et donne naissance à un Barde qui voit et comprend le passé comme l'avenir.
Sources des photos :
- Chaudron
- Coracle : Marine Film Service Limited
- Lièvre : Malene Thyssen sur Wikimedia
- Lévrier irlandais : Le Lévrier d'Irlande ou Irish Wolfhound est une race très ancienne; c'est l'antique chasseur de loups des Gaëls d'Irlande et le plus grand chien du monde.
- Carpe : poisson d'eau douce
- Loutre : Dans l’eau elle bouge de façon très élégante et chasse ses proies en plongeant à une vitesse pouvant aller jusqu’à 7km/h. Une plongée dure en moyenne entre 1 et 2 min, mais la loutre peut rester sous l’eau jusqu’à 7 min.
- Oiseau : le martinet épineux est l'oiseau le plus rapide du monde en vol battu, atteignant 170 km/h, alors que des vitesses supérieures ne peuvent être atteintes qu'en piqué, par exemple par le Faucon pèlerin.
- Faucon : Le faucon pèlerin est l'oiseau le plus rapide en vol au monde (180 km/h). Ses longues ailes en forme de pointe permettent cette vitesse exceptionnelle, tandis que cet oiseau de proie possède des narines dotées de déflecteurs : il respire parfaitement dans les descentes en piqué. Cet oiseau puissant est un chasseur redoutable et ses attaques en piqué sont particulièrement spectaculaires.
- Grains de blé : http://www.passeportsante.net/fr/Nutrition/EncyclopedieAliments/Fiche.aspx?doc=ble_nu
- Poule noire : En Haute-Bretagne, les poules de cette couleur, qui sont fées ou sorcières, pondent tous les matins un œuf ou une pièce de cent sous ; celles qui ont le plus de crête rouge, rendent au lieu de crottes, l'argent que le diable leur a introduit dans le corps. Suivant une superstition du Bocage vendéen, la poulette qui rapporte à son propriétaire deux pièces quand il lui en met une dans le bec, est dans le cercueil de son maître, et fait entendre son cri devant la croix de bois du chemin.
Jean le chanceux
Un conte merveilleux issu du recueil Les plus belles légendes de France, Editions France Loisirs, 2011 - conte du Centre, Berry - Liosnel de la Salle, Souvenirs du vieux temps, 1900. Conté par Viviane le 16 février 2013.
Résumé de Viviane :
Un jeune homme de seize ans, était fils de sabotier, le dernier d'une famille de 12 enfants. Il vivait encore avec ses parents, à l'orée d'une grande forêt. Ayant appris parfaitement le métier de sabotier : il venait d'achever sa 550ème paire de sabots, il décide de partir. Son père, apprenant sa décision, l'envoie "au diable". Sa mère pleure, mais Jean ne faiblit pas et se prépare pour le départ.
Après sept bonnes heures de marche, il rencontre un petit homme tout habillé de noir à qui il demande s'il est loin de la ville pour y chercher du travail. Celui-ci lui demande alors s'il sait lire et Jean lui répond :
- Oui, et écrire aussi mais le petit homme lui rétorque qu'alors, il ne l'intéresse pas. Il s'éloigne.
Jean retourne sa veste et reprend la route d'un bon pas. Peu de temps après, il retrouve l'inconnu avec lequel il a le même discours, c'est-à-dire travailler à la ville, gagner 50 écus, et il rajoute qu'il a dû rencontrer son frère jumeau. Jean affirme que lui, il ne sait ni lire ni écrire. Le petit homme l'invite donc à le suivre chez lui pour soigner son cheval et s'occuper d'épousseter ses livres.
Le manoir était construit en pleine forêt, sur un massif rocheux. La consigne donnée à Jean est que nul être humain ne doit rentrer et que Jean ne s'absentera qu’une fois l'an et avec permission. Le lendemain, Jean cherche son maître partout mais le manoir est vide. Il s'occupe du vieux cheval et des livres dans la bibliothèque.
Par quel moyen on peut ouvrir des portes
Comment on peut se changer en toute forme de bête
Comment on peut connaître tout ce qui se passe à distance ...
De suite, Jean veut voir sa famille : il voit sa mère pleurer et son père en train de creuser un sabot. Quand il veut voir où se trouve le petit homme noir, la frayeur le prend : Mon père m’avait dit "va au Diable" et j'y suis ! >Mais il se reprend de suite et décide d'étudier le livre en entier.
Quand le diable revient, il trouve le cheval mort et Jean qui lui demande s'il peut aller voir sa famille, mais le Diable refuse car il veut que sa maison soit gardée.
Ainsi fut fait. Le monde s'agglutinait autour de cet animal magnifique et les enchères montaient, et une voix partie de la foule renchérissait ... c’était le petit homme noir que Jean-le-Chanceux reconnaissait. L'affaire faite, le Diable monte sur sa fière monture qui part dans un galop effréné, qui passe au milieu des ronces, frôle les rochers.Le petit homme tout écorché finit par tomber et comprend à qui il a affaire.
mais aussitôt Jean se transforme en hirondelle.
Le loup devient épervier.
Tout à coup, une princesse qui se promenait avec son père s’écrie en voyant l'hirondelle : Mon dieu, elle est perdue ! Et brusquement, elle sent quelque chose dans ses vêtements :
Jean était tombé en diamant et le diable en grain de blé, tous deux dans sa robe ...
Elle secoue sa robe, Jean se transforme en coq qui croque le grain de blé et se retrouve aussitôt avec son père et sa mère.
Riche des connaissances acquises, des mystères découverts, des métamorphoses traversées, Jean-le-chanceux est devenu un homme accompli. Cette aventure l'a métamorphosé...
Illustrations :
- Sabotier (fils) : http://www.les-silenes.eu
- Homme seul sur le chemin : Nyu, FlickR - http://www.flickr.com/photos/nyu-pullip/5601235420/
- Poulain : http://oxerdejoigny.kazeo.com/elevage-ysandre/ceulan-logan,a214578.html
- Loup : Fremlin, http://www.flickr.com/photos/fremlin/2384478345/sizes/m/in/photostream/
- Hirondelle : Wikimedia commons, Egyptian_Barn_Swallow_(Hirundo_rustica_savignii)_Flickr_Lip_Kee
- Epervier : Club Epervier
- Diamant : maviemonargent.info
- Grain de blé : http://www.espace-pain-info.com/fiches/fiche_public.php?index=37
- Coq : Remi Jouan, wikimedia commons
Pour en savoir plus :
- Sabotier : LA VIE PAYSANNE VUE PAR LUQUET
- Le travail du sabotier : http://www.vocance.fr/Le-sabotier.html et aussi http://www.souquieres.org/cantal/sabotier/sabotier3.html
Gougaud a écrit une version de Jean-le-chanceux, publiée dans "L'arbre à soleils", Seuil, 1996. Ici, la princesse n'est que bergère, mais j'aime beaucoup la conclusion de ce conte : Jean-le-chanceux reprend forme humaine. Il est riche puisqu'il a exploré tous les mystères et il épouse la bergère, car on ne tombe pas du ciel dans un corsage et du corsage dans le gazon sans garder la nostalgie du paysage traversé.
Jean-le-Chanceux est très proche de la version de Jean-claude Bray, L'apprenti magicien, in : "Les plus beaux contes de conteurs", Syros jeunesse, 1999. Le conteur s'est inspiré d'un conte du Berry répertorié dans "Le conte populaire français" de Paul Delarue (T1), G.P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1985.
Le garçon vendu au Diable
Un conte merveilleux issu du recueil de Maurice Lomé, Contes de Flandre, Neuf de l'école des loisirs, 2008. Bien que le point de départ de ce conte soit le même, un enfant promis au diable, le conte s'enrichit de multiples rencontres : une jeune fille enterrée jusqu'au cou par un mauvais sort, 3 frères qui se disputent une paire de bottes et un manteau magiques.
Résumé :
Un jeune homme promis au diable par son père lui échappe grâce à un livre qu'il lit à mi-voix. Une gifle du diable le transporte dans un bois où il découvre une jeune fille enterrée jusqu'au cou. Il va la délivrer en se rendant dans le château du diable. Grâce à son livre, il fait échouer les maléfices du diable et la troisième nuit, le château explose. Il épouse la jeune fille mais la perd quand il dévoile le secret de leur rencontre à sa mère : elle s'envole dans les airs. Il part à sa recherche et en chemin croise 3 hommes qui se disputent un manteau et des bottes laissées en héritage. Il dérobera ces objets en leur proposant une course, car les bottes permettent de faire 300 lieues en un pas et le manteau permet de se transformer en n'importe quel animal. Il finira par retrouver sa femme mais elle doit se remarier. Il se change en mouche grâce au manteau magique et se pose sur son miroir. Il lui suggère une question à poser à son fiancé qui comprendra et décampera.
Les femmes sont un peu sorcière, dirait-on ... Un conte de sortilèges à raconter un soir, à la lueur de 3, 6 ou 9 chandelles, comme le jeune homme dans le château du diable. Lisez ce conte et vous comprendrez ... Rendez-vous (par la voie des airs ou par internet) ici pour connaître les détails de ce conte merveilleux.