Je veille, tu veilles, il (elle) veille... de la veille documentaire à la veillée de contes ...

Nasreddine et l'oeuf : trop de questions

Nasreddine ne se pose jamais longtemps des questions existentielles ; il vit tout simplement. A quoi bon chercher le sens de la vie ? Est-ce que le poussin se pose autant de questions sur le sens de la vie lorsqu'il éclot ? Non, il vit sa vie de poussin ... Pour l'homme il faut d'abord vivre, assurer sa survie, puis en sachant qui on est, on vit vraiment sa vie d'homme ou de femme.

Nasreddine vient de nourrir les poulets. Il observe les poules et leurs poussins, vérifie dans la paille s’il y a des œufs à ramasser et laisse une ou deux poules couver.
Vous connaissez Nasreddine : c’est un philosophe du quotidien qui sait trouver des réponses de bon sens … Exceptionnellement, ce jour-là une question lui effleure l’esprit : Comment le poussin fait-il pour sortir de l’oeuf Qu’est-ce qui lui donne l’impulsion de vie ? Comment sait-il que c’est le bon moment ? Quel est le sens de LA vie ?
Trop de questions ...
Il faut toute une vie pour répondre à cette question sur le sens de la vie … Alors rien ne presse ... et Nasreddine décide d’aller faire une petite sieste. Inutile de se torturer l'esprit …

Il se dirige vers l’ombre accueillante de son olivier favori. Mais à ce moment-là, son fils vient le trouver :
- Comment fait le poussin pour rentrer dans l’œuf ?
- Comment fait le poussin pour rentrer dans l’œuf ? !!! Moi, vois-tu, toute ma vie je me suis demandé comment le poussin sort de l’œuf et toi tu me poses un problème de plus !!!... Comment fait le poussin pour rentrer dans l’œuf ? A quel moment commence la vie ? La vraie vie ? Mais c’est une question que se posent ceux qui sont pressés de vivre, et je n’y répondrai pas ! C’est l’heure de ma sieste …

Une fois bien installé sous son olivier, Nasreddine se retrouve en lui-même : lui, son domaine ce sont les réponses, pas les questions … et la réponse est bien simple après tout : La vie comprend en réalité un seul moment : celui où on sait à jamais qui on est … Et il s’endort paisiblement du sommeil du sage …

Commentaires :

• En fait les deux questions sont liées. Si on a la réponse à la seconde, comment rentre-t-on dans l'oeuf, ou pourquoi, on a la réponse à la question du sens de la vie : pourquoi est-on en vie plutôt que sans existence ?
• Interprétation de Jodorowsky : En général on se demande : « Comment vais-je sortir de mes problèmes de mes limites, de mes angoisses ? Peut-être la solution consisterait-elle à se demander comment on y est entré. Comment suis-je entré dans ce problème pour pouvoir en sortir ? Le maître dit : « Dis-moi d’où tu viens, je te dirai où tu vas ! »
  

Sources :

• Un œuf problématique, conte rapporté par Alexandro Jodorowsky, dans le recueil « La sagesse des contes », Albin Michel, 2007, p 134 et 135. Mulla Nasreddin se promène avec son fils. Ils aperçoivent un oeuf sur le sol. L'enfant demande : Papa, comment les oiseaux rentrent-ils dans l'oeuf ? Le Mulla, suffoqué, répond : Je me suis demandé toute ma vie comment les oiseaux sortaient de l'oeuf et, maintenant, toi tu me poses un problème de plus !
  

• Pour longue et compliquée que soit ta destinée, elle comprend en réalité un seul moment : celui où tu sais à jamais qui tu es. … José Luis Borges, écrivain argentin né le 24 août 1899 à Buenos Aires et mort à Genève le 14 juin 1986. Ses œuvres dans les domaines de l’essai et de la nouvelle sont considérées comme des classiques de la littérature du XXᵉ siècle.
  

• Eclosion d'un oeuf, "Comment nourrir un poussin qui vient de naître ?'' GammVert"
• Photo d'oeuf de perdrix rouge, Dave Dunford, Wikimedia Commons
  

NOTE :
Ce conte est un peu semblable au conte du mille-pattes donné en conclusion du café-philo du 17 mars 2023 : trop de questionnement paralyse. La conclusion attribuée ici à Nasreddine a été incorporée au conte du mille-pattes. Il s'agit d'une citation de José Luis Borges. On lui en fait dire des choses à ce Nasreddine, personnage investi de la sagesse populaire.

Le goût du vinaigre :
le goût de la vie est personnel, comme le sens qu'on lui donne

Dans un tableau taoïste se trouvent trois hommes assis autour d’un pot de vinaigre qu’ils sont en train de goûter.
1. Le premier fait la grimace, trouvant le vinaigre amer.
2. Le second fait aussi une mine dégoûtée parce qu’il le considère trop acide.
3. Le troisième est ravi, il l’estime excellent. Vraiment excellent pour un vinaigre ...

Le pot de vinaigre c’est la vie, et les personnages sont Confucius, Bouddha et Lao Tseu.
1. Le premier, Confucius, pense que la vie est terrible, qu’il faut se créer des cérémonials pour s’y soumettre ensuite.
2. Le deuxième, Bouddha, dit que la vie est acide, elle nous ronge, nous dévore petit à petit, on va mourir, tout est souffrance et il faut s’efforcer de s’en détacher.
3. Le troisième, Lao Tseu, est un être positif, il suit le cours des choses. Il dit : « La vie dépend du point de vue que l’on a sur elle. Mon quotidien est une merveille parce que c’est moi qui le crée. Je suis la vie. »

Source :

• Le goût du vinaigre, conte rapporté par Alexandro Jodorowsky, dans le recueil « La sagesse des contes », Albin Michel, 2007, p 212-214. Alexandro Jodorowsky est un artiste chilien (écrivain, scénariste, acteur et réalisateur) né en 1929, d'origine juive-ukrainienne et nationalisée en 1980.
• Le goût du vinaigre, texte mis en ligne sur le blog « Un lapin sur la lune »
  

Commentaires de Jodorowsky :

• Goûter le vinaigre est une image très forte, mais il s’agit de le goûter vraiment, c’est-à-dire de goûter la vie vraiment. Cela amène à acquérir un point de vue plus large sur le monde. Voilà toute la difficulté du travail que nous avons à faire.
• S’il y a un virus, je suis l’anticorps, s’il y a une vibration, je suis le calme, s’il y a une guerre, je suis la paix. (…) Je fais partie du monde. Si j’ai de beaux sentiments, il existe de beaux sentiments dans le monde. (…) Si j’allume la lampe de la beauté, la beauté existe quelque part dans le monde : « Quand une fleur s’ouvre, c’est le printemps partout. »
  

Deux contes de quête, à la recherche d'une réponse

L'homme qui courait après sa chance

Ce conte qui connaît bien des variantes, a été revisité par Praline Gay-Para avec un humour salvateur qui rend bien moins tragique (en apparence) la malchance ; mais la sottise reste toujours aussi difficile à vivre ! Et la chance ? Ta chance, c’est toi qui la forges, au moins pour les deux tiers. Voilà une version qui nous aidera à devenir acteur de notre vie en saisissant la chance là où elle se trouve, juste devant !

Source :

• Praline Gay-Para, L'homme qui cherchait sa chance in : L'ogre gentleman et autres contes, Ed. Syros, Collection Paroles de conteurs, 1994.
• A lire dans l'article C... comme chance. Cliquez ici !
  

Les trois cheveux d'or du Petit Père Soleil

Pour ceux qui pensent avoir un destin à accomplir, ou qui ont une vocation dés leur plus jeunes années.

Un mauvais départ ne condamne pas à une vie d'échecs, comme le montre ce conte. La réussite vient après une longue quête semée d'embûches. Ce conte nous vient de Bohême (actuelle Tchécoslovaquie). Il y a aussi quelques variantes sur le même thème dont une autre version collectée par les frères Grimm (Les trois cheveux d'or du Diable).

Ce conte nous parle du sens de la vie :
- du destin (décidé à la naissance),
- des essais (infructueux) pour le contrer,
- des obstacles, (dangers et mystères) rencontrés en chemin,
- d'une quête initiatique (riche en symboles) : le héros va parcourir un long chemin en découvrant la réponse à trois énigmes et de nombreuses richesses
- de l'aide (venue d'un autre monde) : sa fée-marraine le guidera et l'aidera à obtenir les 3 cheveux d'or demandés et les 3 réponses aux énigmes
- de l'écoute au monde et de la confiance en soi (ou en son destin) qui amène la réussite dans les épreuves.

On ne peut changer ce que l'on est vraiment. Mais nous pouvons orienter notre vie en faisant face aux évènements qui bouleversent notre vie. Suivre pas à pas cette vie semée d'embûches, mais aussi de rencontres qui nous aident, nous permet de nous accomplir et donne tout son sens à notre vie. Une vie plus forte, plus sage, comblée (certains diraient "réussie"), malgré les épreuves, ou grâce à elles ...

Sources :

• Les trois cheveux d'or du Petit Père Soleil, rapporté par Marie-Claire Dolghin dans Les saisons de l’âme, des labours aux moissons - L’analyse jungienne des contes de fées, éditions Dervy, 1999, 2009, pp 49-62.
• A lire dans l'article Les trois cheveux d'or du Petit Père Soleil (1) La réussite après une longue quête remplie d'embûches. Cliquez ici.
  

• Les trois cheveux d'or du Diable, conte de Grimm.
  
• Quelques différences constatées entre les deux versions sont étudiées dans l'article Les trois cheveux d'or du Petit Père Soleil (2) et Les trois cheveux d'or du Diable. Cliquez ici.
  

Pour ceux qui cherchent le sens de la vie à tâtons

Une partie de carte :

On peut réussir une belle partie avec des cartes pas fameuses, et faire une partie médiocre avec tous les atouts en main..

Sources :

• Michel Piquemal, Une partie de cartes in : "Petites et grandes fables de Sophios", Albin Michel, 2004, p 62.
• Conte à lire dans l'article Lorsque les chances sont inégales ..... Cliquez ici.
  

L'enfant loué au Diable :

Un jeune garçon devient serviteur du Diable et accède à toutes sortes de connaissances. Il échappe au Diable en changeant de formes sans cesse : le jeune apprenti sort transformé et riche de tout ce qui a été appris et vécu.

Éléments clefs du conte :
- Un jeune homme
- La chance
- Le diable ou une sorcière
- Le jeune garçon devient serviteur du Diable et accède à la connaissance
- Les métamorphoses pour s'échapper
- Le jeune apprenti sort transformé et riche de tout ce qui a été appris et vécu.

Sources :

• L'enfant loué au Diable, collecte de Claude Seignolle, "Histoires et légendes de la Gascogne et de la Guyenne mystérieuses", éditions Sand, 1986.
• Ce conte, et ses variantes, est présenté dans l'article A ... comme Apprenti - L'apprenti du Diable ... Cliquez ici.