Je veille, tu veilles, il (elle) veille... de la veille documentaire à la veillée de contes ...

Les armes de Nasruddin : L'équilibre par la terreur mène à une impasse

Chaque médaille a son revers : aux XX siècle cette stratégie a conduit à un surarmement, une escalade dans la possession d'armes nucléaires pour dissuader les pays rivaux de toute attaque armée.

C'est un peu comme tenir un chien par les oreilles pour l'empêcher d'attaquer ... Mais viendra un temps où il faudra bien lâcher les oreilles pour récupérer l'usage de ses mains ... avec le risque que le chien se retourne contre celui qui le tenait au lieu d'attaquer la personne en face (qui est peut-être parti ...). En fin de compte, celui qui semble dominer le conflit au départ, grâce à une force de frappe plus grande, finit par se trouver prisonnier de la situation qu'il a lui-même créé.

Qui prend le chien par les oreilles,
S'il le mord, ce n'est pas merveille. proverbe français

Cet équilibre de la terreur mène tout conflit à une impasse ou à une destruction massive, voire totale.

Pour illustrer cette situation paralysante du surarmement, une aventure de Nasruddin :

Nasruddin part pour un voyage lointain muni d'un cimeterre et d'une lance pour assurer sa sécurité. En chemin un bandit armé d'un simple bâton se jette sur lui et Nasruddin se retrouve tout nu, dépouillé de tous ses biens, sans armes ni bagages, y compris son âne.
Quand il parvient enfin à la ville, il raconte sa mésaventure à ses amis qui lui demandent comment il se fait qu'équipé d'un cimeterre et d’une lance il n'ait pu avoir raison d'un voleur armé d'un simple bâton.
- Le problème, explique Nasruddin, est précisément que j'avais les deux mains prises, l'une par le cimeterre et l'autre par la lance. Comment vouliez-vous que je m'en sorte ?

A quoi bon avoir tout un stock d'armes si on ne sait ou ne peut s'en servir ?
Des conflits peuvent éclater avec des armes traditionnelles mais planera toujours la peur qu'un adversaire un peu plus fou et inconscient des retombées sur les nations en présence, déterminé à gagner à n'importe quel prix, n'appuie sur le bouton ... L'équilibre de la terreur est en fait un déséquilibre : la peur est l'ultime rempart alors qu'on souhaiterait un peu plus de sagesse et d'humanité.

La peur s'accroît avec le danger, et le danger par la peur. (Danemark)
Le sage sait avoir peur quand il le faut. (Slovaquie)
Un rat aux abois peut mordre un chat. (Japon)
Si Dieu avait eu peur, il n'aurait pas fait le monde. (Rom, Tziganes)
La peur bloque la compréhension intelligente de la vie. Jiddu Krishnamurti

Autre soucis : les alliances conclues entre pays pour gagner en force contre un bloc ennemi (OTAN). Chacun se trouve ainsi engagé par une promesse d'entraide en temps de guerre. Cela paraît sécurisant mais en fait est paralysant : qui aimerait prendre parti pour un état voisin au risque d'une guerre chez lui entraînant sa propre discussion ? Cela mène à des traités stériles, des alliances et des accords non respectées, et d'autres conflits en perspectives. Ainsi le voit-on dans le conflit Ukraine/Russie où le point de départ semble les accords de Minsk non respectés (les deux parties s’accusent mutuellement de violations continues du cessez-le-feu) et la présence trop pesante de l'OTAN, du moins sont-ce les justifications invoquées par V. Poutine, président russe.

Un ancien proverbe fort sage dit :
Comme celui qui saisit un chien par les oreilles,
Ainsi est un passant qui s'irrite pour une querelle où il n'a que faire.
Proverbe 26 : 17 attribué à Salomon, roi connu pour sa sagesse.

Source :

• Les armes du Mulla, conte rapporté par Alexandro Jodorowsky, dans le recueil La sagesse des contes, Albin Michel, 2007, p 106
  
  

La force de la vérité : un dictateur ne gagne pas sur le long terme

Hélas, l'histoire humaine contient trop de génocides, et de massacres de masse. Pour en avoir un aperçu, consulter le café-philo ''La guerre, pourquoi ?'', note personnelle 3. Le peuple juif a survécu malgré l'holocauste, mais Hitler n'est plus là malgré tous ses efforts pour détruire ceux qu'il a désigné comme des personnes a rayer de la carte des vivants ... Malheureusement ses idées perdurent chez certains, mais sont réprimées par l'ensemble des nations en raison de leurs conséquences dévastatrices constatées durant la seconde guerre mondiale. Les génocides sont un poids sur la conscience du monde. On ne peut tout étouffer ... La vérité empoisonne les dictateurs et leurs dictatures répressives.

Un guerrier se trouve face à un monstre au cuir invulnérable. Il lui décroche yen flèche qui en lei fait pas plus d’effet qu'une piqûre de moustique, le charge avec sa lance qui se brise sans même l'égratiger, le frappe avec sa hache qui se désintègre sous le choc, utilise son épée qui vole ne éclats. Ses coups de pied, de poing ou de tête n'ont pas le moindre effet sur la bête. Rien n'y fait.
L'effroyable monstre, soulève le guerrier, et lui dit alors :
- Tu es vaincu. Je vais te dévorer.
- Ne chante pas victoire trop tôt. Lorsque je serai à l’intérieur de tes entrailles, je t'empoisonnerai.
- Et avec quoi m’empoisonneras-tu ?
- Avec la vérité.

Ce guerrier ne sera jamais vaincu. Même si le monstre le tue, car il s'est donné à la vérité et c'est elle qui agira, à travers lui ou après lui.
J'y vois aussi une exhortation à lutter jusqu'au bout (même pacifiquement), en croyant fermement que le combat continuera sans nous mais avec nous quand même, à travers les conséquences de nos actions.

Source :

• La force de la vérité, conte rapporté par Alexandro Jodorowsky, dans le recueil La sagesse des contes, Albin Michel, 2007, p 229.
  
  

Le prisonnier et le scarabée : la liberté ne tient qu'à un fil

Un homme était emprisonné à vie au sommet d'une tour.
Sa femme entreprit de l'aider à s'échapper. Elle attrapa un scarabée et, après avoir attaché délicatement un fil de soie extrêmement fin à l'insecte, elle enduisit ses antennes d’une goutte de miel. Elle déposa le scarabée au pied de la tour, le antennes dirigées vers le sommet. L'insecte, dans son désir d'atteindre le miel, grimpa, grimpa et rejoignit la fenêtre du prisonnier.
Le prisonnier libère le scarabée et tire sur le fil de soie. Au bout, était attaché un autre fil un peu plus épais. Celui-ci était suivi d'une ficelle, la ficelle d’une cordelette, et enfin la cordelette d'une solide corde que l'homme fixe à l'intérieur de sa cellule et utilise pour descendre de la tour et s’enfuir avec sa femme.

Patience ... ne pas renoncer ... avec le temps, la volonté et un esprit réactif, viennent les solutions, les réponses, la connaissance, la sagesse ... selon ce qu'est notre tour. Et en conséquences la liberté. Notons tout de même que le prisonnier libéré ne s'enfuit pas seul ...

Source :

• Le prisonnier et le scarabée, conte rapporté par Alexandro Jodorowsky, dans le recueil La sagesse des contes, Albin Michel, 2007, p 54
  
  

La souris et le serpent python : un adversaire acculé est prêt à tout pour sauver sa vie

Négocier, même quand tout semble perdu. L’instinct de survie fait voir des solutions là où on ne voyait rien lorsqu'on était paralysé par la peur.

En présence de la peur, deux réactions qui peuvent se suivre :

• La peur est mauvaise conseillère parce qu'elle empêche d'agir ou de prendre des décisions dictées par la raison
• La peur donne des ailes soit parce qu'elle mobilise la fuite ou pour ce faire fait réagir par instinct de survie pour se libérer

Une femme pile le mil. Le bruit réveille une petite souris qui sort de son trou, terrorisée : elle tourne en rond complètement affolée...

Que faire, je vous le demande : la laisser tourner en rond, affolée ou la faire entrer dans un trou ? - La faire entrer dans un trou ! ... - Bon ! C'est vous qui choisissez ! Mais je ne suis pas responsable de ce qui va arriver !!!

La petite souris sort de son trou, complètement désorientée, à la recherche d'un autre refuge : elle s'engouffre dans le premier trou venu et elle heurte un serpent python qui faisait tranquillement sa sieste. Et réveiller un serpent python pendant sa sieste, c'est encore pire que réveiller un Corse ... c'est terrible : on s'expose aux pires représailles ...
- Oh ! Où vas-tu comme ça ! Tu ne vois pas que je dors !
La souris tremble de tout son corps ...
- Excusez-moi, Monsieur le Python, je ne savais pas ...
- Tu Ssssais ce qui arrive aux petites souris qui me réveillent ?
- Pitié, Monsieur le Python, je ne le ferais plus !
- Connais-tu la terrible morsure du serpent ?
Et la souris tremble, tremble plus qu'une feuille de peuplier tremble ...

On dit qu'il ne faut pas s'attaquer à un ennemi paniqué et acculé car on ne sait pas de quoi il peut être capable ... vous allez comprendre ...

La souris, secouée par l'instinct de survie, répond effrontément :
- Serpent, tu as trop traîné chez les humains ! Morsure de serpent, morsure de serpent ... Et morsure de souris ? Connais-tu la TERRIBLE morsure de souris ?
- Vraiment ? Le serpent doute, mais se méfie aussi ... on ne sait jamais ... Mesurons nos forces sur le premier qui passera devant le trou. Après vous ...
- Non, après vous, vous êtes le plus grand, et je vous ai dérangé ... Et, pense la souris, au moins pendant ce temps, je pourrais me sauver ...
Finalement, le serpent essaie le premier, et la souris attend dehors pour mieux voir. Un homme passe, le serpent le mord, l'homme blessé se retourne et voit ... la souris ... Il se sent soulagé et rentre chez lui, clopin-clopant, sans s'affoler.
Maintenant c'est au tour de la souris. Le serpent attend dehors, caché derrière un buisson. Un homme arrive. La souris le mord, l'homme se retourne pour voir qui l'a mordu, et il voit ... le serpent !!! Il crie, s'affole, boite, rampe, hurle au secours ...
- Tu vois ! dit la souris ... Tu connais maintenant la TERRIBLE morsure de la souris ... et sans plus attendre, elle part en courant vers un autre trou ...

Sources :

• Morsure de serpent, morsure de souris - conte de Abaye Abekar, entendu lors d'un festival du conte à Limoux, il y a de cela quelques années ...
• La photo est d'AlexanderShenkar : Certains droits réservés : PaternitéPas d'utilisation commerciale
  

Une victoire à la Pyrrhus : de trop lourdes pertes

Une victoire à la Pyrrhus est une victoire obtenue au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu'elle équivaut quasiment à une défaite. Une telle victoire est contraire à tout sentiment d'accomplissement ou de gloire, et compromet le progrès à long terme du vainqueur.

L'expression est une allusion au roi Pyrrhus Ier d'Épire, dont l'armée souffrit des pertes colossales et irremplaçables quand il défit les Romains pendant sa guerre en Italie.

• A la bataille d'Héraclée en 280 av. J.-C., les Romains, épouvantés par les éléphants chargés de tours pleines d'archers, cédèrent après de furieux combats,
• A la bataille d'Ausculum en 279 av. J.-C. les Romains s'étaient équipés de chars armés de faux pour la lutte contre les éléphants ; le combat fut indécis.
  

À chaque victoire de Pyrrhus, les Romains perdaient plus d'hommes que lui mais ils pouvaient facilement recruter de nouveaux soldats ; leurs pertes affectaient donc beaucoup moins leur effort de guerre que celui de Pyrrhus.

Plutarque, philosophe et historien romain, rapporte cette déclaration de Pyrrhus :
Si nous devons remporter une autre victoire sur les Romains, nous sommes perdus. (Plutarque, Œuvres morales tome III, Apophtegmes de rois et de généraux, « Pyrrhus », Collection des Universités de France, 1988.)

Pour en savoir plus :

• Pyrrhus, https://mythologica.fr/rome/bio/pyrrhus.htm
• Pyrrhus Ier, roi d’Épire et général victorieux : https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/4163-pyrrhus-ier-depire-roi-et-general-victorieux.html

Souvenons-nous !
Si nous n’apprenons pas de l'Histoire, nous sommes condamnés à la revivre.

Quelques victoires à la Pyrrhus dans l'Histoire moderne :

• Napoléon a gagné une victoire à la Pyrrhus à Eylau, contre les Russes, mais ses lourdes pertes en homme l'ont conduit à une défaite générale. (Historia)
  

• La bataille de la Marne en 1918 : une victoire qui s'est soldée par de lourdes pertes en hommes.
  

• La guerre russo-finlandaise, ou guerre d'hiver en 1939-40 : L'attaque de la Finlande est jugée illégale par la Société des Nations qui, en représailles, exclut l'URSS le 14 décembre 1939. La résistance acharnée des Finlandais, qui luttent pourtant à un contre quatre contre l'Armée rouge, dure jusqu'au 13 mars 1940 (date du traité de Moscou), soit pendant 105 jours. Les résultats de la guerre sont mitigés. Ni l'URSS ni la Finlande n'en sortent indemnes. Outre ses lourdes pertes humaines, la Finlande se voit dépossédée, aux termes du traité de Moscou, de 10 % de son territoire et de 20 % de son potentiel industriel. Elle cède également une des plus grandes villes du pays, Vyborg (Viipuri en finnois). Cependant, les Finlandais conservent leur souveraineté et gagnent une reconnaissance à l'échelle internationale, la propagande élevant la notion de sisu (l'esprit de ténacité des Finlandais) au rang de mythe national.
  

• La Bataille du Pacifique Sud ou des îles Santa Cruz en 1942 : quatrième engagement majeur entre la marine impériale japonaise et la marine américaine durant la bataille de Guadalcanal. Après une série d'attaques aériennes, les deux flottes quittèrent la zone avec de lourdes pertes. Par le nombre de navires et d'appareils détruits ou endommagés, les Japonais avaient remporté une victoire tactique, mais leurs forces perdues furent bien plus difficiles à reconstituer. La bataille est donc considérée comme une victoire à la Pyrrhus japonaise.
  

• L'offensive du Tết en 1968 est une campagne militaire menée par les forces combinées du Front national de libération du Sud Viêt Nam (ou Việt Cộng) et de l'Armée populaire vietnamienne pendant la guerre du Viêt Nam. Le coût humain et matériel pour le Sud Viêt Nam était énorme. Aux Etats-Unis, l’offensive du Tet crée une crise au sein de l’administration, qui devient progressivement incapable de convaincre le public américain que les communistes ont subi une défaite majeure. La nouvelle administration du président Richard Nixon allait superviser le retrait des forces américaines et la poursuite des négociations.
  

• La bataille de Vukovar en 1991 est le siège de la ville de Vukovar pendant 87 jours lors de la guerre de Croatie (1990-1995). C'est la bataille la plus féroce et la plus longue ayant eu lieu en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, et Vukovar la première ville importante en Europe à être entièrement rasée depuis cette date. Lors de la chute de la ville, le 18 novembre 1991, plusieurs centaines de personnes sont massacrées par les forces serbes et au moins 20 000 habitants sont expulsés. Aujourd'hui encore, les effets d'un des épisodes les plus sanglants du conflit yougoslave sont loin d'être effacés. Croates et Serbes cohabitent difficilement dans la ville de Vukovar reconstruite.
  

• Une victoire qui mène à sa propre perte, pourrait être la conséquence d'une autre guerre en Europe.
  

• La phrase de Pyrrhus énoncée dans un contexte militaire s'applique aussi à d'autres champs d'activité comme l'économie, la politique, la justice, la littérature et le sport, pour décrire une lutte ruineuse pour le vainqueur.
  

• Certains commentateurs parlent de victoire à la Pyrrhus pour qualifier celle de Joe Biden à l'élection présidentielle américaine de 2020, les démocrates ayant obtenu l'avantage en s'appuyant sur le vote anti-Trump, tandis que le vote pro-Trump gagnait des électeurs par rapport à l'élection précédente.
  

• Il s'est passé la même chose pour la réélection d'Emmanuel Macron en 2022, avec plus d'électeurs pour Marine Le Pen que lors l'élection précédente.