Michel : L'appel de la mer, suite à la lecture du K de Buzzati Michel nous a écrit ce texte

Tout le monde a entendu parler du K de Buzzati. Mais qui l’a vraiment lu ? Et surtout, qui connaît la véritable histoire ? Cette histoire se passe dans un pays où les enfants s'endorment bercés par le ressac incessant de la houle qui brise sur la côte, et dont la respiration s'accorde au souffle du vent du large.

Eric aimait monter au grenier, où les coffres de marin de ses ancêtres avaient été jetés là, à l'abandon et comme échoués, avec le vague dessein d'en écrire un jour l'histoire. Estampillés ou calligraphiés, on y trouvait leur nom, ou simplement un numéro, ou le port d'attache du bateau, ou parfois rien, et il fallait l'ouvrir pour trouver une vieille pipe, un livre de bord, un nom.

Voilier_Goélette_http://fr.wikipedia.org/wiki/VoilierDu plus loin qu’il s’en souvienne, ses ancêtres avaient parcouru les mers, simple marin de la grande pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve, capitaine au long cours de la Compagnie des Indes, navigateur de l'expédition de La Pérouse qui s'était perdue sur une île du Pacifique, cap-hornier sur un trois-mâts.

Quand il atteignit sept ans, l'âge de raison, son père l'emmena sur son voilier. La mer était belle, la brise propulsait vigoureusement le fier voilier.

À la proue, Baleine_blanche_Béluga_http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Beluga_oceanografic.jpgEric admirait le sillage du bateau, quand soudain il aperçut une énorme baleine blanche.
- "Père, venez voir", dit-il.
Mais son père ne vit rien.

Espadon_http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Xiphias_gladius_stuffed.jpg
- "Père, venez voir", dit-il.
Mais son père ne vit rien.

Hippocampe_http://hippoandco.over-blog.com/article-15845020.htmlAu troisième monstre, un gigantesque hippocampe à la licorne, tous les marins étaient à la proue à scruter la mer, en vain, et la frayeur les gagna. Car le monstre qu'on ne voit pas, c'est le K, qui poursuit jusqu'à sa mort celui qui le voit.

Éric navigua toute sa vie, poursuivi par ce monstre qui le hantait jusque dans son sommeil quand, une nuit de tempête, la bôme balaya le pont et le projeta dans les flots. Le monstre apparut, sa rangée de dents aussi sinistre qu'une grille de programme télé un samedi soir.
- "Embrasse-moi" lui dit le monstre, "et tu connaîtras la vérité".
Éric, qui buvait la tasse, tiré vers le fond par ses bottes pleines d'eau, l'embrassa, et le monstre se transforma en une belle sirène.
- "Toute ta vie, je t'ai poursuivi pour te dire la vérité, et maintenant c'est trop tard. Mais si tu m'embrasses encore, j'ai le pouvoir de te sauver."
Sirènes_http://sissiblog.centerblog.net/rub-rub-anges-dechus--110.htmlAlors Éric l'embrassa et se transforma lui aussi en une belle sirène.

Moralité : Il faut écouter le chant des sirènes quand il est encore temps.


Illustrations :

  • Voilier : Goélette américaine Californian, réplique de 1984 du cotre C. W. Lawrence de 1847 (http://fr.wikipedia.org/wiki/Voilier)
  • Baleine blanche : Le béluga ou bélouga (Delphinapterus leucas), appelé également baleine blanche, dauphin blanc et marsouin blanc est un cétacé blanc de l'océan Arctique. Le nom béluga vient du mot russe beloye qui signifie blanc. (http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Beluga_oceanografic.jpg)
  • Espadon : Il peut dépasser les 4 m de long et peser plus de 500 kg. Il possède un long « bec » (le rostre) plutôt aplati qui représente le tiers de la longueur totale de l'animal. (http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Xiphias_gladius_stuffed.jpg)
  • Hippocampe à la licorne : http://hippoandco.over-blog.com/article-15845020.html
  • Sirènes : http://sissiblog.centerblog.net/rub-rub-anges-dechus--110.html



Viviane : Histoire véritable de la bossue courageuse de Honoré de Balzac. Paysane-gerbant-le-blé_Van-Gogh_http://www.rdl.com.lb/1998/3656/expo.htmRecueil de contes d'auteur choisis par Francis Lacassin : "Si les fées m'étaient contées", éditions France Loisirs, 2005. Nos auteurs classiques aimaient écrire des contes (à la mode alors) en s'inspirant de contes merveilleux populaires, ou de récits populaires.

Résumé de Viviane :

Ils sont groupées autour de trois ou quatre chandelles, quelques femmes cousent, d’autres filent, les hommes sont allongés dans le foin. La lueur des chandelles entourées de globes de verre pleins d’eau qui concentrent la lumière en rayons dessine soit un front de jeune paysanne, sot les habits usés ou le chaussures écornées de quelques vieux paysans. Ils sont tous là dans l'attente du narrateur, celui qui va apporter poésie et merveilleux à travers le conte. Le conteur, un vieux paysan commence :
Bien que la maison eut triste mine, la pauvre femme bossue fut bien obligée de demander asile car la nuit tombait. Elle était fatiguée de son retour du marché où elle était allée vendre son chanvre.
Auberge_http://www.linternaute.com/restaurant/restaurant/24818/la-vieille-auberge.shtmlL'hôtesse, femme de brigands, accepte de la loger pour la nuit et l'envoie se coucher là-haut, sans lumière. La pauvre bossue, après ses prières, se couche et au moment de s'endormir entend le pas de deux hommes et voit, avec grand peur, leurs couteaux à la lueur de la chandelle. Sans coup férir, ils se dirigent vers l'homme couché dans l'autre lit, lui coupent la tête et lui volent sa valise. Ils emmènent le corps et le jettent aux cochons.
Au bas de l'escalier, la femme des brigand demande ce qu'il en est de la bossue. Une discussion s'engage pour savoir si les brigands la tuent ou pas. La paysanne a très peur et décide de faire semblant de dormir profondément comme un ange. Les brigands hésitent et décident finalement de lui laisser la vie sauve.
Le lendemain, elle descend, prend des nouvelles du temps, de la santé de son hôtesse et part d'un pas très calme mais avec une peur épouvantable au creux de l'estomac. Elle est suive par un des brigand, le plus méfiant, celui qui voulait la tuer, mais elle se méfie et prend bien garde de ne pas montrer sa terreur. Arrivée à la ville où elle habite, le brigand fait demi-tour de peur de croiser la marée-chaussée.
Arrivée chez elle, elle reprend ses activités sans rien dire à son mari. Celui-ci lui demande de lui faire une omelette. La poêle bien graissée est sur le feu dans la cheminée, mais chaque fois qu'elle veut y mettre les œufs un morceau de chair tombe ! La tête, les jambes, es bras et enfin tout le corps de l'homme assassiné tombe par la cheminée ... Le paysan les jette au fur et à mesure dehors, ne reconnaissant en rien ces morceaux de corps.
Sa femme lui raconte enfin ce qu'elle a vécu ; le mari lui demande de faire son omelette et qu'il verra par la suite ce qu'il pourraient faire pour l'inconnu. On frappe à la porte : l'homme se présente, c'est l’homme mort d’hier, s'installe sur un escabeau puis dit à la femme :
- Femme, tu m’as vu faire mourir, et tu gardes le silence. J’ai été mangé par les cochons ! Les cochons n’entrent pas dans le paradis. Donc moi, qui suis chrétien, j’irai dans l’enfer faute par une femme de parler. Ça ne s’est jamais vu. Faut me délivrer !
La femme, terrorisée, va tout raconter à la justice. Les voleurs assassins sont arrêtés et roués sur la place publique.
Le chanverrier et sa femme eurent dès lors du beau chanvre et plus tard, ce qu'ils désiraient le plus au monde : un bel enfant qui devint plus tard baron du roi.

Quelques mots difficiles :

  • Sans coup férir : littéraire, sans frapper un coup, sans combattre ; sans difficulté (Larousse)
  • Chanverrier (dans le texte) ou chanvrier : qui travaille le chanvre
  • roués : condamnés à mourir en place publique du supplice de la roue : après avoir eu les membres brisés, le condamné était exposé sur une roue.
  • baron du roi : un baron était à l'origine l'homme du roi. Cette qualification s'appliqua d'abord aux grands vassaux du roi, mais peu à peu le titre perdit de son importance et à partir du XVIe siècle, le baron ne fut plus que le seigneur d'une baronnie, terre groupant plusieurs fiefs. (http://provinces.francaises.free.fr/lexique_noblesse.htm)


Illustrations :

  • Paysanne gerbant le blé par Van Gogh d’après Millet : http://www.rdl.com.lb/1998/3656/expo.htm
  • Vieille auberge : "La Vieille Auberge" Restaurant de cuisine traditionnelle à Casteljaloux, http://www.linternaute.com/restaurant/restaurant/24818/la-vieille-auberge.shtml


Sources :
Texte à découvrir en ligne :


Recueils de contes :

  • Si les fées m'étaient contées, éditions France Loisirs, 2005.
  • Si les fées m'étaient contées : 140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau, Omnibus, 2003
  • Honoré de Balzac, Histoire véritable de la bossue courageuse in "La comédie des ténèbres", Omnibus, 2007 où sont regroupés vingt-cinq textes, contes, nouvelles, romans et extraits, qui illustrent la fascination de l'auteur pour le fantastique.
  • Honoré de Balzac, Histoire véritable de la bossue courageuse, Textes réunis par Francis Lacassin, UGE (Union Générale d'Éditions), coll. Les Maîtres de l'étrange et de la peur n° (16), 2ème trimestre 1981. Un serpent (dont la tête est un crâne humain) gardien de la lampe merveilleuse détenue par la Fée des perles. Une tête, une jambe, un pied qui tombent dans la poêle à omelette de la bossue courageuse, avant de recomposer et réanimer un homme assassiné. Un grand d'Espagne, ombrageux et masqué, qui coupe le bras de sa maîtresse et le jette à un médecin indiscret. Un cadavre dont la tête et un bras restent vivants après une application incomplète de l'élixir de longue vie. Un libertin dont l'âme vole de réincarnation en résurrection et d'aventures en prodiges grâce à un pacte diabolique encore plus extravagant que celui proposé par Melmoth. Robespierre racontant comment il a pu souper avec feue Catherine de Médicis. Un somnambule décrivant depuis la rue Saint-Honoré à Paris, ce qui se passe au même moment dans une maison de Nemours. Douze textes introuvables (et incroyables) composent un véritable festival de l'Impossible, un carnaval des Ténèbres, tout un peuple de l'Ombre qui s'empare de la scène avant d'être relégué à jamais dans les coulisses et sous-sols de la Comédie Humaine.



Michel-le-Pet : Le garçon ou L’œuf de jument Contes_Languedoc_1_LACROIX in : Conte populaire du Languedoc/1 recueillis par Jacques Lacroix dans le pays de l'Hérault, Gallimard, 1978. Conte facétieux où un niais gobe tout ce qu'on lui dit, et achète un œuf de jument ! Bien que l'on connaisse cette histoire, la façon dont nous l'a conté Michel nous a fait rire aux éclats.

Résumé :

Un garçon marié depuis peu, dit à sa femme qu'il va faire affaire avec Martin, le jardinier. Il veut acheter un poulain :
Citrouilles-2_http://www.saine-alimentation.com/2010/08/21/la-citrouille/- Bonjour, monsieur Martin, lui dit le garçon, on m'a dit que vous aviez un poulain à vendre, et, comme j'en ai besoin d'un, vous me feriez bien plaisir de me le donner ; je sais que vous les tenez de bonne qualité, à cause que vous savez soigner les œufs de votre jument ? Vous n'en êtes pas à votre coup d'essai, car j'ai vu les poulains que vous avez vendus à Guillaume, mon voisin, et à Pierre, le métayer de la Suque.
Le jardinier comprit qu'il avait affaire avec un niais, lui répond qu'il n'a plus de poulain à vendre mais qu'il peut lui vendre des œufs de jument.
- Il n'y a rien à faire, je te donnerai un œuf prêt à éclore : en arrivant à ta maison, le poulain naîtra ; mais fais attention de ne pas le laisser tomber en route, parce qu'il se briserait et le poulain partirait.
Marché conclu ; le jardinier le conduisit au fond de son jardin, lui choisit la plus belle citrouille qu'il y avait, l'enveloppa dans un sac, la lui mit sur l'épaule, se fit payer deux pièces d'or et le renvoya. Le garçon, content comme un bossu, prend le chemin de la maison, fier d'avoir fait un aussi bon marché
Il comptait, recomptait et disait : Si le poulain que tu portes dans cet œuf pouvait être une jument, ta fortune serait faite : un œuf par jour, cela ferait trois cent soixante-cinq par an. Et puis ta jeune femme serait content d'avoir un mari aussi industrieux ; tu ferais concurrence à M. Martin. Il se frottait les mains de joie. Tout en se parlant à lui-même, il ne faisait pas attention où il passait, la citrouille tomba de dessous son épaule, roula sur la pente de la colline, s'ouvrit et se brisa en mille morceaux. En roulant, elle heurta un lièvre au gîte, qui dormait : le lièvre partit et arpenta tout le bois de la Suque. Notre garçon crut que c'était le poulain échappé de l’œuf qui s'était crevé.Lièvre__Malene Thyssen_http://commons.wikimedia.org/wiki/User:Malene
Il s'en va mécontent chez le jardinier :
- Monsieur Martin, un malheur m'est arrivé ! J'ai laissé tomber l’œuf de la jument ; il s'est crevé et un beau poulain s'en est échappé. Si vous aviez vu comme il courait en tendant les oreilles !... Comme ils doivent être de bonne race, vos poulains !... Mais ce n'est pas tout, il faut que vous me donniez un autre œuf, en vous payant bien entendu.
Le jardinier lui donna un autre œuf à couver pendant un ou deux jours, c'est-à-dire une autre citrouille :
- Fais bien attention à ce que je vais te dire : prends cet œuf, porte-le à ta maison, et, jusqu'à ce que le poulain soit éclos, n'adresse la parole à personne ; quoi qu'on te dise, ne réponds pas, sans cela l’œuf sera gâté.
Le garçon part, arrive bientôt à la maison, monte droit à sa chambre, met la citrouille dans le lit, se met dessus, se couvre bien et couve. Sa femme vient au bout d'un moment :
- Que fais-tu, mon Janot ; tu es malade ?... Mais le garçon ne dit pas un mot.
- T'est-il arrivé quelque chose ?... Dis-le-moi... Pas un mot.
Sa femme appela les voisins, les amis de son mari. Tout le monde arriva, lui parla ; mais lui, toujours ne dit pas un mot. Alors un de se meilleurs amis s'approche de la jeune femme qui était dans la chambre, lui fit les yeux doux et lui donna quelques baisers. Le garçon sortait les yeux hors de la tête ; il finit par n'y plus tenir :
- Pierre, tu es bien heureux que je couve, autrement je te lèverais bien de là.
Il avait parlé, l’œuf ne valait plus rien, mais sa femme sut qu'elle avait épousé un homme stupide.


Illustrations :

  • Citrouilles : http://www.saine-alimentation.com/wp-includes/images/Alimentation-215.jpg
  • Lièvre : Malene Thyssen, http://commons.wikimedia.org/wiki/User:Malene


Sources :

  • Livre : Conte populaire du Languedoc/1 recueillis par Jacques Lacroix dans le pays de l'Hérault, Gallimard, 1978
  • En ligne : Le texte est en ligne ici. Il est précisé qu'il s'agit d'un récit de M. Doumergue, publié dans la Revue des langues romanes, 1880


On trouve des variantes de ce conte dans plusieurs régions, car des niais il y en a partout !

  • Moselle : Lorsque la citrouille éclate, les habitants du bourg compatissent et l'un d'eux tente de le consoler : Ne regrette rien ! Avec la taille qu'il avait, il t'aurait coûté une fortune à élever ! (http://www.ac-nancy-metz.fr/ia57/netaventure/documents-texte/ebring/theatre-contes/conte-oeufdejument.htm)
  • Lorraine : Angevillers est un petit village qui se trouve juste sous la frontière luxembourgeoise. On y parlait autrefois un patois qui ressemblait beaucoup au luxembourgeois, ce qui donnait à cette époque aux habitants d’Angevillers une réputation de nigauds (http://tout-metz.com/conte-oeuf-jument-lorraine-2011-179.php et http://domino2.eklablog.com/l-oeuf-de-jument-a52025071)
  • Bretagne : Sébillot "Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne 2" rapporte le conte de la Citrouille où un paysan fait couver une citrouille croyant que c'est un œuf d'âne
  • En Catalogne où il y a une Foire aux œufs de juments à Sant Llorenç de Morunys qui est une commune de la comarque du Solsonès, dans la Province de Lleida (Lérida, en castillan), en communauté autonome espagnole de Catalogne (http://www.lleidatur.com/Tourisme/Visite/Mares-egg-fair/8075.aspx)



Patricia : Le bonhomme Hiver, une porte neuve, des brigands et pour finir une ancienne porte neuve ..._ conte Tzigane de Hongrie que j'ai adapté pour le dédier à Jackie : en effet, elle habite "Rue de l'Ancienne Porte Neuve'' ... un nom de rue que l'on retrouve souvent dans les villes anciennement fortifiées.

Maison_Forêt_Bucheron_http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/tourisme/201205/17/01-4526134-le-musee-du-bucheron-restera-ouvert-en-2012.phpIl était une fois, à la lisière d’une grande forêt, une petite maison. Dans cette petite maison vivaient un vieil homme et sa femme. Pendant toute leur vie, ils furent pauvres et le restèrent, même s’ils travaillaient dur et vivaient chichement. Le vieux mit de l'argent de côté, qu’il cacha dans un vieux bas bien serré, puis dans une cassette bien cachée pour qu’ils aient de quoi vivre quand ils ne pourraient plus travailler. Chaque fois qu'il ajoutait une pièce le bûcheron souriait :
Cet argent tombera bien quand l’hiver arrivera.
Un jour, il va couper du bois dans la forêt et laisse sa femme seule à la maison. Tout à coup, on frappe à la porte. La vieille regarde par la fenêtre et voit un vieillard devant la porte. Un mendiant certainement...
- Qui es-tu, toi, vieillard? Qui es-tu et que veux-tu?
- Je viens te demander l’aumône. Je suis le vieux Bonhomme Hiver. 
La vieille femme met dans la main du vieillard le bas avec tout l’argent que son mari avait amassé, sou par sou grâce à son dur travail. Le soir, elle le lui raconte gaiement : elle a fait comme il voulait en remettant ce qu'il avait mis dans la cassette au Bonhomme hiver !
- C’est toi qui as dit qu’un jour cet argent tombera bien quand l’Hiver viendra frapper chez nous
Le vieux était désespéré ...
- Nous avons perdu tous nos biens. Il n’y a plus rien à faire, prenons la porte, nos cliques et nos claques, et allons de par le monde pour tenter notre chance

Porte_rustique_http://www.portesantiques.com/portes-d-entree/entree-rustique-avec-barreaux/t1_f29Leurs biens tenaient dans deux baluchons, ce fut vite fait ! et le vieux décrocha la porte : elle était neuve, ou presque ! C'aurait été dommage de la laisser ! Ainsi ils pourraient dormir dessus pendant la nuit, plutôt que sur le sol humide de la forêt. A la nuit, le vieux choisit un arbre au feuillage bien fourni. Il cala la porte sur deux branches et ils s'endormirent sur la porte.

La lune était déjà très haute dans le ciel quand un grand bruit et un grand tintamarre les réveillèrent. Voilà des voleurs qui - comme un fait exprès - s'arrêtent sous leur arbre pour partager leur butin, beaucoup d'or et de bijoux. Le ton monte, ils se fâchent et se font de plus en plus menaçants, car chacun veut garder la plus grande partie pour lui. Le chef des voleurs se met en colère et crie :
- Que le diable vous emporte!
Le vieux saisit la porte et la jette sur les brigands en criant encore plus fort que leur chef :
- Voici le diable!
Ils s'enfuient de tous côtés en laissant le butin sur place. Les vieux descendent de l'arbre et récupèrent leur porte, plus aussi neuve ... un peu voilée ... c'est que les brigands ont la tête dure ! Ils mettent autant d'or et de bijoux qu'ils peuvent dans leur tablier et leur besace et rentrent chez eux : maintenant ils ont de quoi vivre tranquillement une paisible retraite. Le vieux raccroche l'ancienne porte neuve à sa place.

Le village s'est étendu peu à peu jusqu'à la forêt et qu'en raison de cette histoire on a appelé la rue qui y mène Rue de l'Ancienne Porte Neuve ...
Vous ne me croyez pas ? Mais les conteurs ne sont pas payés pour dire la vérité mais sont là pour ré-expliquer le monde !!!

Illustrations :

  • Maison dans la forêt : http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/tourisme/201205/17/01-4526134-le-musee-du-bucheron-restera-ouvert-en-2012.php
  • Porte : http://www.portesantiques.com/portes-d-entree/entree-rustique-avec-barreaux/t1_f29


Sources :



Michèle : La pierre barbue cd_Contes Jazz et Zizanie_Mure Blochde Muriel Bloch accompagnée de Didier Levallet dans un CD audio "Contes jazz et zizanie". Dans ce conte africain on retrouve la hyène malfaisante mais assez bête et le lièvre rusé
Résumé de Michèle :

Hyène_Ghislain Sillaume_FlickrPar ces temps de famine, la hyène se promène dans la forêt et elle trouve une pierre, une grosse pierre, une pierre barbue.
- Oooh ! une pierre barbue…
A ces mots, la pierre se saisit de la hyène, la fait tournoyer en l’air et la flanque par terre.
Un peu plus tard, la hyène revint à elle, toute étourdie, mais par ces temps de famine il lui vint une idée.
Elle va chercher les biches.Biche-cochon_http://ekath3.skyrock.com/3018574877-Biche-cochon.html
- Hein ! Les frangines, venez, j’ai quelque chose à vous montrer.
Les biches suivent la hyène jusque dans la forêt et découvrent la pierre.
- Ah une pierre barbue !!
A ces mots la pierre se saisit des biches, les fait tournoyer en l’air et les fracasse par terre. Le bon moment est venu pour la hyène de s’en saisir et de les dévorer toutes. C’est bon ! Mais la hyène a toujours faim.
Elle va chercher un troupeau d’antilopes.antilopes_Cob_Troupeau_Maurice Proriol_http://photos.animalieres.pagesperso-orange.fr/antilope-cob-de-buffon.html
- Hein ! les cousines….
A ces mots… Et la hyène se saisit de toutes les antilopes fracassées et elle les dévore. Ouais !
Tous les animaux de la forêt y passent les uns après les autres.

Reste le lièvre à la lèvre fendue.Lievre_Afrique_mammiferesafricains.org Inquiet, le lièvre ! La hyène vient le trouver
- Hein ! c’est moi, suis-moi, il faut absolument que je te montre quelque chose.
Le lièvre la suit.
- Dis donc ! Quelle pierre !!!
- Mais tu ne vois pas qu’elle est spéciale ?
- Tu as raison, hyène, je trouve que cette pierre est spéciale.
- Mais enfin ! lièvre, dis-le que c’est une pierre beu…
- Ah bon, c’est une pierre beu…
- Espèce de crétin, tu ne vois pas que c’est une pierre barbe…
- Mais je crois que tu as raison, ma chère hyène, c’est une pierre barbe.
- Mais enfin, y a rien dans ta calebasse, lièvre crétin, dis-le que c’est une pierre barbue.
A ces mots, la pierre se saisit de la hyène, la fait tournoyer en l’air et la fracasse par terre.
Sans pitié, le lièvre à la lèvre fendue, il l’a écrasée.


illustrations :

  • Hyène : Ghislain Sillaume, Flickr
  • Biches : La biche-cochon, plus communément appelée chevrotain aquatique constitue le seul chevrotain africain, les autres étant asiatiques. http://ekath3.skyrock.com/3018574877-Biche-cochon.html
  • Antilopes : Troupeau de cobs de Buffon, Pendjari au Benin, photo Maurice Proriol, http://photos.animalieres.pagesperso-orange.fr/antilope-cob-de-buffon.html
  • Lièvre : mammiferesafricains.org


Sources

  • La pierre barbue et autres contes du Mali, Gérard Dumestre, Ville d'Angers éditeur, (édition bilingue bambara-français), 1989, 128 p.
  • Contes jazz et zizanie, CD, Muriel Bloch/Didier Levallet



Jacqueline : Le pont du Gard ; la construction aidée par le diable a un certain prix ...

Pont-du-Gard-WikipediaLe maître d’œuvre du pont du Gard désespérait de terminer l'ouvrage. A chaque fois qu'il espérait poser les dernières pierres arrivait un malheur, une crue, ou un problème. Mais un soir, arrive un homme inconnu qui lui propose de l'aider, et même lui promet que dans la nuit il terminerait le pont. Le maître d’œuvre se set libérer d'une terrible pression et accepte. Mais chaque chose à un prix. Et le diable, car c'était lui, lui demande en échange, oh ! peu de chose, la première âme qui passera sur le pont lors de son inauguration.
Le maître d’œuvre passe du soulagement au remords. Il rentre chez lui et relève quelques collets avant de rentrer chez lui, mais ça ne lui change pas les idées pour autant. Il finit par se confier à sa femme qui lui suggère de lancer sur le pont un animal comme premier piéton. Justement, dans la gibecière se débat un lièvre. Et c'est ce lièvre qui paya le pacte passé avec le Diable, car dans la nuit le pont était fini.
Lièvre_Pont-du-Gard_http://histoireetcivilisationdeluzege.blogs.midilibre.com/archive/2011/04/24/le-lievre-du-pont-du-gard-la-lebre-dou-pont-dou-gard.html]Mais, en voyant que c'était un lièvre, Satanas le saisit avec fureur et l’emplâtra contre le pont. C'est ainsi que s'explique la silhouette d'un lièvre sculptée sur un pilier de la troisième arche du second niveau, côté aval, en partant de la rive droite.

La légende :

  • La tradition populaire a donné naissance à un dicton : « Qui n'a pas vu le lièvre, n’a point vu le pont du Gard » et, Frédéric Mistral a raconté cette légende provençale parue dans l'Armana Prouvençau de 1876. Ce texte est en ligne sur le site Histoire et Civilisation de l'Uzège.


Le pont du Diable est un terme désignant plusieurs dizaines d'anciens ponts qui, dans le folklore local, auraient été construits soit par le Diable, soit par son aide, ou dans certains cas contre ses désirs. On trouve les ponts du Diable principalement en Europe. Généralement des ponts en arc datant de l'époque médiévale, ils représentent souvent une réussite technologique significative. Une liste, non exhaustive, a été faite sur Wikipedia.

  • Dans une version de la légende, un personnage réalise un pacte avec le Diable afin de construire un pont qu'il ne peut réaliser seul. Le Diable accepte de construire le pont, mais exige en retour la première âme qui le traverse. Le pont est construit (généralement en une seule nuit), mais le Diable est trompé, de différentes manières suivant les versions (par exemple, les hommes font traverser le pont en premier à un animal : un lièvre, un chat ...). À la suite de cette tromperie, le Diable se jette souvent dans l'eau depuis le pont.
  • Dans d'autres versions, le diable s'est engagé à bâtir le pont en une seule nuit, avant le lever du jour : on fait chanter un coq ; le diable, croyant que le jour se lève, lâche la dernière pierre et disparaît. En général, cette dernière pierre manque toujours.
  • Une autre version présente le constructeur du pont et le Diable comme des adversaires ; le pont est alors bâti contre les éléments.
  • En Pays basque, le pont de Licq-Atherey fait l'objet d'une légende identique, mais le diable est remplacé par les Laminak.

La réalité :
Le pont du Gard est la partie monumentale d'un aqueduc de plus de 50 km de longueur (52 702 m), qui apportait l'eau de la Fontaine d'Eure, située au pied d'Uzès, jusqu'à la ville romaine de Nemausus, aujourd'hui Nîmes. Le pont a été entièrement construit à sec, c'est-à-dire sans l'aide de mortier, les pierres — dont certaines pèsent six tonnes — étant maintenues par des tenons de chêne. Seule la partie la plus élevée, à la hauteur du canal, est faite de moellons liés au mortier. Le calcaire coquillier est issu de la carrière de l'Estel située à environ 700 m en aval du monument, au bord du Gardon. Sur place, les blocs étaient montés grâce à une cage à écureuil dans laquelle les ouvriers prenaient place, apportant la puissance nécessaire au treuil. On suppose que la construction a duré de trois à cinq ans (une quinzaine d'années pour l'ensemble de l'aqueduc de Nîmes), avec 800 à 1 000 ouvriers sur le chantier. (Wikipedia)
Sur un pilier de la troisième arche du second niveau, côté aval, en partant de la rive droite, on voit la sculpture d'un lièvre taillé en bas-relief. En réalité, il s’agit d'un symbole phallique en forme de phallus à trois têtes qui peut laisser penser à la forme d'un lièvre qui court. Dans son "Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nismes" de 1758, Léon Ménard nous en donne la description et l’explication : Nous avons vu que dans l'amphithéâtre (de Nîmes) ces phallus représentaient de plus les jeux et les sacrifices qu'on y faisait en l'honneur du dieu Priape… (Histoire et Civilisation de l'Uzège)

Abessia : L'île d'Orado 1000-ans-de-contes-Nature_Milan_1992conte russe tiré du recueil "Mille ans de Contes Nature", Milan, 1992.
Résumé d'Abessia :

Fédor est un homme très très riche qui vit à Kiev, en Ukraine, dans une maison avec des tours hautes et dorées. Il est avare et les gens l'appellent "Le vieux cousu d'or".
Un jour, il entend parler de l'île d'Orado où, dit-on, se trouvent une immense montagne d'or. Il prépare le voyage et s'en va avec son valet Boris sur un voilier.
Montagnes-dorées_Altaï_http://www.orpostal.com/histoire/ruee-vers-or-en-russie/En débarquant il découvre, ébahi, la montagne et manque de s'étouffer en voyant l'or. Il ordonne au valet de monter mais les parois sont glissantes comme du cristal. Fédor lui donne à boire une potion qui le fera voler mais Boris s'évanouit en la buvant. Fédor le dépose avec des outils sur une peau de vache. Il coud les côtés et demande à de grands corbeau de le transporte au sommet de la montagne.
Quand Boris se réveille, il croit qu'il est arrivé là en volant. Il se fait une joie de partir en fin de journée par les airs avec les oiseaux. La fin de journée arrive enfin mais il ne peut bouger. Les pieds sont ancrés dans le sol. Fédor lui hurle qu'il est son esclave et qu'il doit continuer à creuser. Dégoûté, le pauvre Boris continue.
http://www.wespeaknews.com/world/russias-kamchatka-volcano-eruption-destroys-science-camps-121024.htmlLa montagne se met en colère et explose : elle envoie des pépites d'or et des coulées de lave descendent le long de la montage. Boris est envoyé dan les airs et se retrouve projeté sur le sable. Il a tout juste le temps de se cacher sous la peau de vache avant qu'une pluie de pépites d’or ne s'abatte sur l'île. Dans un vacarme terrible de grandes coulées de lave d'or se répandent jusqu'à la mer
Quand le calme revient Boris sort de sa cachette et découvre son maître Fédor debout, immobile, le visage déformé par un rictus : le volcan l'avait pétrifié, il était du même métal que ces pièces qu'il aimait tant
Boris saisit les sacs et les entasse dans la soute du voilier et rentre à Kiev guidé par les corbeaux qui lui montrent le chemin.


Illustrations :

  • Les montagnes d'or de l'Altaï : http://www.orpostal.com/histoire/ruee-vers-or-en-russie/
  • Eruption du volcan Plosky Tolbachik (Kamchatka) : http://www.wespeaknews.com/world/russias-kamchatka-volcano-eruption-destroys-science-camps-121024.html


Sources :


Notes :

  • L'île d'Orado semble être un jeu de mot lié à L'Eldorado (de l'espagnol el dorado : « le doré »), une contrée mythique d'Amérique du Sud supposée regorger d'or. Ce mythe est apparu dans la région de Bogota en 1536 dans le cadre du mythe plus ancien des cités d'or, largement diffusé à l'époque chez les conquistadores. Le mirage d'une contrée fabuleusement riche en or a alimenté sur près de quatre siècles une sanglante course au trésor. Les conquistadors n'ont pas trouvé l'Eldorado mais ils ont arraché aux Incas des monceaux d'or.
  • La partie russe des montagnes de l'Altaï, les montagnes d'or de l'Altaï (sud de la Sibérie occidentale), est inscrite sur la liste du Patrimoine mondial. Ce nom est un pléonasme étant donné que l'étymologie d'Altaï signifie également monts d'or. L’histoire raconte qu’à l’origine un trappeur trouve des pépites d’or mais ne révèle sa découverte que quelques mois plus tard. Une véritable ruée vers l’or se déclenche alors. La ruée vers l’or en Russie commence au XIXe siècle et va durer pendant les 50 premières années, cet or provenait des mines de Sibérie, de la région de Nertchinsk et des montagnes de l’Altaï essentiellement. (http://www.orpostal.com/histoire/ruee-vers-or-en-russie/)
  • Le conte rejoint l'actualité, puisque plusieurs volcans sont en activité en Russie : Plosky Tolbachik et Pavlof en Alaska.
  • Afanassiev a rapporté un conte intitulé "La montagne de cristal" mais le thème est différent : il s'agit d'une quête pour délivrer une princesse en affrontant un dragon. Le prince Ivan va libérer le pays d'un dragon à trois, six, douze têtes en se changeant en faucon, puis en fourmi pour délivrer la princesse. Afanassiev, "Nouveaux contes populaires russes", Maisonneuve et Larose. Le thème de ce conte et les principales variantes sont résumés ici



Dominique : Chapeau-à-sac 40-petits-contes_Margret-Rolf-Rettich_Bayard_1999un petit conte facétieux de Margret et Rolf Rettich tiré de leur recueil "40 petits contes", Bayard, 1999.

Il était, une fois un pauvre homme que tout le monde appelait Chapeau-à-sou. Car il ne possédait rien d'autre au monde qu'un vieux chapeau. Il le tendait sous le nez des gens pour leur demander de l'argent. Les gens y jetaient de petites pièces d'argent et, quelquefois, ils lui donnaient une assiette de soupe. Ainsi Chapeau-à-sou vivait-il bon an, mal an.
Un jour, il frappa à la porte d'un homme riche. Il lui tendit son chapeau mais l'homme riche n'y mit rien du tout. Alors Chapeau-à-sou demanda une assiette de soupe. L'homme riche se mit à rire :
- Assieds-toi là et regarde-moi manger, cela te nourrira.
Chapeau-à-sou s'assit par terre et regarda l'homme manger, celui-ci était installé dans un fauteuil, à une grande table. Poulet, haricots verts et pomme dauphine_http://www.foodreporter.fr/dish/index/id/218798#Sur la table il y avait un plat de boulettes, une marmite de haricots et un beau poulet. Tout d'abord l'homme se servit de boulettes et prit sa fourchette. Chapeau-à-sou se souvint tout à coup qu'il connaissait quelques tours de magie.
Il leva son pouce et voilà que les boulettes s'envolèrent de l'assiette, passèrent par la fenêtre et allèrent se piquer dehors sur les cornes des vaches. L'homme riche était effrayé. Il ne savait pas que Chapeau-à-sou avait ensorcelé ses boulettes.
L'homme remplit son assiette de haricots et prit sa cuillère. Chapeau-à-sou leva le pouce et hop, les haricots se mirent à bourdonner en l'air. Ils étaient devenus des mouches. L'homme riche sauta de son siège et grimpa sur la table pour attraper les mouches. Lorsque enfin il les eut toutes tuées, il se remit à table. Il était épuisé et ne savait toujours pas que Chapeau-à-sou avait ensorcelé ses haricots.
L'homme riche s'occupa alors du poulet qu'il mit dans son assiette. Il prit son couteau, et Chapeau-à-sou leva encore le pouce. L'homme essayait bien d'enfoncer son couteau, mais il n'y parvenait pas. Le poulet était devenu aussi dur et lourd que de l'acier. Bientôt la sueur perla et se mit à couler sur le front de l'homme riche.
Chapeau-à-sou se leva et dit :
- Tu as dit que je serais nourri à te regarder manger, mais tu manges pas du tout et moi, je ne suis pas nourri ! Je vais m'en aller.
Il leva encore le pouce. Alors le poulet vola jusqu'à lui et il partit en se régalant à pleine bouche. L'homme riche, lui, resta assis devant son assiette vide, et il n'avait toujours pas compris que Chapeau-à-sou était magicien.

Illustrations

  • Poulet, haricots verts et pommes dauphines : http://www.foodreporter.fr/dish/index/id/218798#



Viviane : Le rat et les six lézards Guillaume Apollinaire se demande (avec beaucoup d'imagination et d'humour) ce que deviennent les chaussons de Cendrillon et les autres éléments métamorphosés par la fée après les douze coups de minuit....
Résumé :

carrosse_royal_de_la_reine_des_pays-basLa fée, qui était la marraine de Cendrillon, n'eut point la cruauté de faire redevenir rat le gros cocher aux si belles moustaches, et lézards les six laquais aux habits chamarrés. Elle laissa par la même occasion la citrouille creuse changée en beau carrosse doré et les six souris restèrent six beaux chevaux gris couleur souris pommelé.
Mais le gros cocher décida de vendre le carrosse et les chevaux et pensa que les six laquais, paresseux comme des lézards, formeront volontiers une bande de détrousseurs de grands chemins dont il serait le chef. Et fouette cocher ! l'attelage détala et ne s'arrêta que devant un cabaret où ils vendirent leur équipage, se changèrent de vêtements et s'armèrent. Le gros cocher, nommé Sminthe, choisit un déguisement particulier : après s'être coupé les moustaches, il s'habilla en femme. Ils quittent Paris pour aller battre l'antiffe sur le grand trimard. En sept années, ils sont devenus tous si riches.

Bibliothécaire_lecture_echelle_http://portraitspatates.blogspot.fr/2010/01/la-bibliothecaire.htmlDurant le temps où il avait vécu habillé en femme, Sminthe avait pris coutume de sortir peu, ce qui lui permettait de combiner de bons coups. Il avait aussi appris à lire ; parmi ses lectures il y avait les "Révélations de sainte Brigide", ... les "Centuries de Nostradamus", les "Prédilections de l'enchanteur Merlin". Il lisait et méditait sur le pouvoir des fées, sur le peu de chose qu'est l'intelligence ou ruse des hommes et sur les fondements du vrai bonheur. Et le voyant toujours fourré dans son cabinet aux livres, ses six acolytes finirent par le désigner sous l'appellation : Lerat de bibliothèque.

Lézard-des-murailles_Podarcis-Muralis_http://www.antiopa.info/117-lezard-reptile-serpent-podarcis-lacerta-orvet.htmLes six lézards cultivèrent les Arts, eux-mêmes au nombre de six. L'un comme peintre qui tirait à merveille les portraits des belles tavernières, le deuxième comme poète qui faisait des chansons que le troisième mettait en musique et reprenait sur le luth, tandis que la quatrième dansait parfaitement des sarabandes où il prenait mille postures gentilles et bouffonnes, le cinquième devint excellent sculpteur et taillait des statues gracieuses dans le saindoux pour les montres des charcutiers, tandis que le sixième, architecte sans second, bâtissait sans cesse des châteaux en Espagne. Comme on les voyait toujours ensemble, on les appelait les Arts parce qu'ils représentaient à eux six : la Poésie, la Peinture, la Sculpture, l'Architecture, la Musique et la Danse.

Quatre moururent aussi dans leur lit mais le poète et le musicien menèrent si mal leurs affaires qu'ils furent contraints pour subsister de recourir de nouveau à leur adresse. Entrés une nuit au palais Royal, ils emportèrent une cassette. Ils l'ouvrirent en rentrant chez eux et n'y trouvèrent qu'une paire de pantoufles de fourrure blanche et grise.
Cendrillon_Pantoufles_http://www.bulleblog.com/index.php/post/2009/08/18/Les-pantoufles-de-vairC'étaient les pantoufles de vair de la reine Cendrillon et, au moment où ils se désespéraient du peu de prix de leur trouvaille, les gendarmes qui avaient trouvé leurs traces et les emprisonnèrent. Ils risquaient la peine de mort. Ils décidèrent de jouer aux dès à qui des deux prendrait tout sur lui et déchargerait l'autre. Le poète retourna chez lui et composa les épitaphes de ses amis, mais mourut un mois après, car son art ne le nourrissait pas et il était consumé d'ennui.
Cendrillon_Baskets-de-vair_http://www.fri.pe/posts/baskets-spring-court-fourrureQuant aux petites pantoufles de vair, les hasards du temps font qu'on les voit à présent au musée de Pittsbourg, en Pennsylvanie, qui les a cataloguées sous la mention Videpoches (première moitié du XIXe siècle), bien qu'elles soient authentiquement du XVIIe siècle. Mais on se perdrait en conjonctures si l'on voulait essayer de préciser comment les petites pantoufles de vair de Cendrillon ont passé en Amérique.


Quelques mots difficiles :

  • battre l'antiffe sur le grand trimard (argot) : courir les grands chemins
  • Rongeur-Sminthe-errant_https://fr.wikipedia.org/wiki/Sicista_betulinaSminthe : proche du patronyme anglo-saxon "Smith", le Sminthe errant ou Siciste des bouleaux est un petit rongeur, mais c'est aussi une épithète d'Apollon (le dieu grec du chant, de la musique et de la poésie) - jeux de mots de l'auteur -
  • acolytes : complices
  • les pantoufles de vair étaient en fourrure d'écureuil gris ... Certaines fourrures rares, comme le vair, (...) ne pouvaient être portées que par les rois, par les ducs et par les seigneurs (...). Ce mot, depuis cent ans, est si bien tombé en désuétude que, dans un nombre infini d'éditions de contes de Perrault, la célèbre pantoufle de Cendrillon, sans doute de menu vair, est présentée comme étant de verre (Balzac, Martyr calv., 1841, p. 53). C'est par erreur (...) qu'on a dit que les pantoufles de Cendrillon étaient de verre? (...) Des chaussures de vair, c'est-à-dire des chaussures fourrées, se conçoivent mieux (A. France, Livre ami, 1885, p. 321) (http://www.cnrtl.fr/definition/vair)


Illustrations :

  • Carrosse : carrosse royal de la reine des Pays-Bas
  • Lézard des murailles : le Lézard des Murailles ou Podarcis muralis : un monte en l'air qui n'a pas froid aux yeux..., un monte en l'air et le surnom donné aux voleurs... - jeu de mots d'Apollinaire - http://www.antiopa.info/117-lezard-reptile-serpent-podarcis-lacerta-orvet.htm
  • Sminthe : le Sminthe errant est un petit rongeur - jeu de mots d'Apollinaire - https://fr.wikipedia.org/wiki/Sicista_betulina
  • Bibliothécaire : Le rat (de bibliothèque) s'est déguisé en femme, pour être bibliothécaire ? - http://portraitspatates.blogspot.fr/2010/01/la-bibliothecaire.html
  • Pantoufles de vair : http://www.bulleblog.com/index.php/post/2009/08/18/Les-pantoufles-de-vair
  • Baskets de vair : http://www.fri.pe/posts/baskets-spring-court-fourrure


Sources :

  • Recueil de contes d'auteur choisis par Francis Lacassin : "Si les fées m'étaient contées", éditions France Loisirs, 2005.
  • Guillaume Apolliaire, La suite de Cendrillon ou Le rat et les six lézards, éditions Passage Piétons, collection contes à rebours, 2005, 47 p.
  • Texte en ligne sur le blog de Mélusine : http://aupaysdemelusine.blogspot.fr/2010/07/la-suite-de-cendrillon-ou-le-rat-et-les.html
  • Cendrillon, conte de Perrault, à lire et à écouter ici


Note :

  • Les Arts : Hegel, dans son Esthétique, classe les arts selon une double échelle de matérialité décroissante et d'expressivité croissante. Il distingue ainsi six arts, dans cet ordre : 1. architecture / 2. sculpture / 3. peinture / 4. musique / 5. danse / 6. poésie / Le septième art est une expression proposée en 1919 par Ricciotto Canudo pour désigner l'art cinématographique.



Patricia : Tout vient par la volonté de la femme Les_plus_beaux_contes_nomades_Syros_2004Muriel Bloch, Tout vient de la femme in : "Les plus beaux contes Nomades", Syros, 2004. Conte d'Orient très facétieux pour ces dames, un peu moins pour les messieurs. A lire dans un prochain article