Il faisait froid ... un conte venu des vastes forêts de Russie m'est venu comme un frisson ...

Patricia : L'oiseau de feu un conte merveilleuxOiseau_de_feu_ivan_bilibine_1899_wikipedia. Conte russe collecté par Afanassiev (Contes russes d'Afanassiev : L'Oiseau-de-feu, traduits par Anne-Marie Passaret, Neuf de l'Ecole des loisirs, 2003), raconté aussi par Luda Bilibine, Editions du Sorbier, collection passages. L'Oiseau-de-feu raconte comment les trois fils du tsar partirent à la recherche de l'oiseau qui venait voler les pommes d'or du jardin de leur père. Seul le dernier, Ivan Tsarévitch, grâce à son fidèle loup gris, parviendra à mener à bien cette quête.... Ce conte met en scène 3 princes, 4 tsars, un oiseau de feu, un cheval à crinière d'or, Hélène-la-Belle, sans oublier le loup gris et quelques corbeaux...

Résumé :

Le Tsar Démian a un problème ... Il ne peut jamais manger une des pommes d'or de son jardin car un voleur vient lui dérober les fruits dès qu'ils arrivent à maturité. Le Tsar ordonne à son fils aîné de monter la garde, mais Piotr s'endort au pied de l'arbre. Il en va de même pour le second fils, Vassili. Ivan, le plus jeune reste éveillé et surprend le voleur : un oiseau de feu ; il veut s'en saisir mais ne garde dans ses mains qu'une plume. Le Tsar le félicite mais Une plume n'est pas le voleur. Oiseau_de_feu_http://www.salviafamille.com/akira/oiseaudefeu06.html

Le Tsar envoie ses trois fils à la recherche de l'oiseau de feu. Un conte se dit vite, le chemin se fait plus lentement. Ivan chemine trois jours et parvient à une grande et sombre forêt. Soudain, un loup gris bondit, égorge son cheval, mais il propose à ivan de le servir fidèlement en remplaçant sa monture car il sait où trouver l'oiseau de feu : Monte sur mon dos et agrippe-toi bien ! Oiseau_de_feu_loup_gris_http://www.artrusse.ca/contes/l%27oiseau-de-feu.htmLe loup court, d'un bond passe les monts, d'une foulée franchit les vallées, des pattes dévorent l'espace, de la queue efface la trace.

Le loup s'arrête devant le palais du Tsar Afrone, et met en garde Ivan-Tsarévitch : il doit se saisir de l'oiseau de feu mais laisser la cage sinon un malheur arrivera. Mais Ivan se dit qu'il ne pourra pas ramener l'oiseau sans sa cage, et la cage est si belle ... A l'instant même où il s'en saisit, l'alarme est donnée, Ivan est fait prisonnier, devant le Tsar Afrone amené : celui-ci lui propose, pour sauver son honneur (et obtenir l'oiseau de feu) de lui ramener le cheval à crinière dorée. Ivan-tsarévitch retrouve le loup gris, lui raconte ses malheurs et implore son pardon. Le loup n'est pas content ! Il gronde, il grogne mais lui pardonne :
- Bon, bon, n'en parlons plus ! Ce qui est fait, est fait. Monte sur mon dos et cramponne-toi bien. On va aller chez le tsar Koussman.Oiseau_de_feu_loup_gris_http://www.artrusse.ca/contes/l%27oiseau-de-feu.htm

Le loup court, d'un bond passe les monts, d'une foulée franchit les vallées, des pattes dévorent l'espace, de la queue efface la trace. En peu de temps, les voilà devant ses écuries de pierre blanche. Le loup fait ses recommandations à Ivan-tsarévitch : il doit s’emparer du cheval mais laisser la bride. Mais Ivan prend la bride d'or pendue au mur et l'alarme est donnée, Ivan est fait prisonnier, devant le Tsar Kousman amené. Le tsar est très en colère :
- Ah, Ivan-tsarévitch ! Il fallait venir me trouver honnêtement, par respect pour ton père je t'aurais donné mon cheval. Et maintenant toute la terre saura que le tsarévitch n'est qu'un voleur de chevaux, honte sur toi et ta famille ! A moins que ... tu ne me ramènes la fille du tsar Dalmat, la princesse Hélène-la Belle.
Ivan-tsarévitch retrouve le loup gris qui n'est pas content ! Il gronde, il grogne, mais il pardonne... Oiseau_de_feu_loup_gris_http://www.artrusse.ca/contes/l%27oiseau-de-feu.htm

Le loup court, d'un bond passe les monts, d'une foulée franchit les vallées, des pattes dévorent l'espace, de la queue efface la trace. En peu de temps les voilà devant un grand jardin aux grilles d'or. Le loup commence à expliquer à Ivan-tsarévitch comment s'y prendre ... puis se ravise et saute par-dessus les grilles d'or. A l'heure de la promenade d'Hélène-la Belle, le loup bondit, elle s'évanouit, il s'en saisit. Sous le chêne vert il retrouve Ivan qui monte sur son dos avec la princesse dans les bras.Oiseau-de-feu_Loup-gris_Ivan_Helene_Huile sur toile-1889-Viktor Mikhaïlovitch...

Le loup court, d'un bond passe les monts, d'une foulée franchit les vallées, des pattes dévorent l'espace, de la queue efface la trace. Lorsqu'Hélène-la-Belle ouvre les yeux, elle découvre qu'un jeune et beau prince la tient dans ses bras. Et au premier regard, ils s'aiment... tellement fort que Ivan ne peut pas rendre la princesse pour un cheval, même à crinière d'or. Le loup a pitié d'eux. Le loup gris frappe le sol, se change en Hélène-la Belle et Ivan-tsarévitch le mène chez le tsar Koussman qui donne le cheval avec sa bride par-dessus le marché. Ivan-tsarévitch rejoint la vraie princesse et ils se mettent en route.Oiseau-de-feu_Loup-gris_Ivan_Helene_cheval_Bilibine

Le loup les rejoint. Mais Ivan ne peut se résoudre à échanger un si beau cheval contre un oiseau ! Le loup frappe le sol, se change en cheval à la crinière d'or et Ivan-tsarévitch le mène chez le tsar Afrone qui donne à Ivan l'oiseau de Feu et sa cage par-dessus le marché. Ivan-tsarévitch rejoint Hélène-la Belle dans le bois et, montés tous deux sur le cheval à la crinière d'or, tenant la cage avec l'oiseau de Feu, ils se mettent en chemin.Oiseau-de-feu_Ivan_Helene_cheval_Spirin

Le loup rejoint Ivan et le prend sur son dos. En arrivant au lieu de leur première rencontre, le loup gris s'arrête :
- C'est ici que j'ai égorgé ton cheval, Ivan-tsarévitch, c'est ici que je vais te quitter. Je ne suis plus ton serviteur !
Un conte se dit vite, le chemin se fait lentement. Peu avant d'arriver chez le tsar Démian Ivan et Hélène croisent les deux frères aînés du tsarévitch qui arrivent les mains vides, le cœur déçu. En voyant Ivan-tsarévitch, la rage-jalousie les prend : Piotr-tsarévitch, l'aîné, coupe la tête d'Ivan-tsarévitch endormi, tandis que Vassili-tsarévitch menace Hélène-la Belle et lui fait jurer de dire que c'est eux qui l'ont conquise. Piotr-tsarévitch garde la princesse pour lui et Vassili-tsarévitch le cheval à la crinière d'or, L'oiseau de Feu est pour leur père, le tsar Démian.Oiseau_de_feu_Loup-gris_corbeaux_artrusse.ca

Ivan-tsarévitch gît dans la plaine et, déjà, les corbeaux tournent autour de lui. Le loup gris sort des bois, bondit et saisit un corbillat. Le père corbeau le supplie de lâcher son petit. Mais le loup le gardera en otage jusqu'à ce que le père corbeau rapporte une fiole d'eau vive et une fiole d'eau morte. Le corbeau part à tire-d'aile. On ne sait au bout de combien de jours, on ignore au bout de combien de temps, il revient avec les deux fioles pleines. Le loup gris remet la tête d'Ivan-tsarévitch sur ses épaules et l'asperge d'eau morte. Le corps se ressoude aussitôt. Il l'asperge d'eau vive et Ivan-tsarévitch bâille et s'étire :
- Oh, que j'ai dormi longtemps !
- Et tu as même failli ne pas te réveiller ...Sans moi tu dormirais encore. Tes frères t'ont tué pour s'emparer d'Hélène-la Belle, du cheval à la crinière d'or, de l'oiseau de Feu. Monte vite sur mon dos, je vais te mener chez ton père. Parce que, aujourd'hui même, ton frère Piotr-tsarévitch doit se marier avec Hélène-la Belle !Oiseau_de_feu_loup_gris_http://www.artrusse.ca/contes/l%27oiseau-de-feu.htm

Le loup court, d'un bond passe les monts, d'une foulée franchit les vallées, des pattes dévorent l'espace, de la queue efface la trace. Arrivés devant le palais du tsar, le loup gris fait ses adieux et disparaît. Ivan-tsarévitch court jusqu'au palais, il entre dans la salle et ses frères croient voir un fantôme ... Hélène-la Belle de table se lève et se précipite au devant d'Ivan-tsarévitch en criant :
costume_russe_kokochnik_itroika.com- Voici celui qui m'a conquise, voici mon seul véritable fiancé !
En apprenant la vérité, le tsar Démian chasse ses deux fils aînés.
Aujourd'hui on fête alors le mariage d'Ivan-tsarévitch et d'Hélène-la Belle : ils vécurent tous sans tracas ni peines, gardant cœur en joie et maison pleine.

Sources :


Illustrations :

  • Couverture de l'Oiseau de feu, Conte de l'oiseau de feu, d'Ivan-tsarévitch et du loup gris, illustrations de Bilibine, Farandole, 1976, Delcampe
  • Oiseau de feu: http://www.salviafamille.com/akira/oiseaudefeu06.html
  • Loup gris, illustration de Bilibine : http://www.artrusse.ca/contes/l%27oiseau-de-feu.htm
  • Ivan et Hélène chevauchant le loup gris : Ivan Tsarévitch chevauchant le loup gris, Huile sur toile, 1889, de Viktor Mikhaïlovitch Vasnetsov (1848–1926). http://www.akg-images.fr
  • Hélène sur le cheval à crinière d'or et Ivan sur le loup gris : http://litteratureprimaire.eklablog.com/bilibine-ivan-a45758714
  • Ivan et Hélène chevauchent le cheval à crinière d'or en tenant la cage avec l'oiseau de feu : illustration de Gennadij Spirin (né en 1948 en Russie), l'un des plus grands illustrateurs russes contemporains. http://www.paperblog.fr/5357131/l-oiseau-de-feu-gennadij-spirin/
  • Les corbeaux : http://www.artrusse.ca/contes/l%27oiseau-de-feu.htm
  • Hélène-la-Belle et sa kokochnik (coiffe) : http://shop.itroika.com/costumes-russes-coiffe-russe-kokochnik-xsl-403_411.html



Abessia : Les morts mis en barrique, Contes-populaires-et-legendes-de-Provence_Claude-SeignolleClaude Seignolle, Contes populaires et légendes de Provence, première parution dans la Revue des Traditions populaires, 1886. Rééditions : Les Presses De La Renaissance, Paris, 1977 ; Contes récits et légendes des pays de France, t.3, Omnibus, 2003

Résumé à ma façon :

Pour ne pas payer de péage sur le pont, les habitants de cette ville font traverser le fleuve à leurs morts dans des barriques afin qu'ils rejoignent le cimetière sur l'autre rive ... Mais à malin, main et demi : certains voleurs voulant préserver leur butin, cachent dans une de ces barriques une bourse remplie d'or. Un complice la réceptionnera de l'autre côté. Mais le même jour on doit enterrer un mort qui partage le même tonneau. Peu importe, la bourse sera encore mieux cachée ! Mais la barrique ne traverse pas le fleuve. elle reste à flotter au milieu et même remonte le cours de l'eau !!! On crie au miracle, on soupçonne quelque sorcellerie ... et un homme plus courageux que les autres récupère la barrique, l'ouvre, découvre le butin et l'enlève avant d'envoyer de nouveau le défunt traverser le fleuve ... Et cette fois-ci la traversée se fait bien ! Le défunt était un honnête homme, on en est sûr maintenant ...



Michel R. : Le chien de Saint Roch Jacques‎ Lacroix, Contes_Languedoc_1_LACROIXRécits & contes populaires du Languedoc (tome 1),‎ Gallimard, Paris, 1978

Saint-Roch-Montpellier_http://lesruesdemontpellier.pagesperso-orange.fr/cat02/cat02.htmSaint Roch va toujours accompagné par son chien depuis que l'animal lui a sauvé la vie en léchant ses plaies et en lui amenant un pain chaque jour. Mais tout à une fin. Saint Roch meurt, son chien aussi. Ils prennent tous deux le chemin du paradis. Mais la porte ne s'ouvre pas : Saint Pierre refuse de laisser entrer un chien. Saint Roch proteste :
- Et Saint Michel et le lion ? et Saint Antoine ? et la colombe envoyée par Noé ?
- Non, pas de chien ici !
- Alors je ne rentre pas non plus !
Le ton monte ... Le propriétaire des cieux arrive ... écoute (mais pas trop longtemps) et fait entrer Saint Roch et son chien (exceptionnellement).
Le vent porta l'épisode jusqu'à la terre, et comme les chiens ont de bonnes oreilles, ils envoyèrent une délégation de chiens (un représentant de chaque espèce des canidés) pour s'informer auprès du chien de Saint Roch : Est-ce-que le Paradis est mieux que la chienlit (le pays des chiens) ?
Las ! saint Pierre refuse la délégation : Vous sentez trop mauvais !
Les chiens retournent sur terre faire toilette et sur les conseils d'un petit caniche ils se parfument et mangent des graines d'anis, des feuilles parfumées comme fait sa maîtresse quand elle reçoit son galant ; c'est pour masquer son haleine alimentée par quelques chicots mal soignés ...
Les chiens remontent ... Nouveau refus : Devant ça va, mais aux antipodes du museau, c'est une autre affaire !
Les chiens redescendent. D'autres essaient ... Depuis lors, les chiens désireux d'avoir des nouvelles du Paradis cherchent à reconnaître les bons ambassadeurs en se reniflant et devant et derrière !


Refuser les chiens au Paradis, ça cache quelque chose ... Pour en savoir plus, consulter l'article P...comme Paradis

Dominique : ''Jean et Jeanne" ou la porte dans l'arbre, Contes_et_Legendes_de_l'arbre_Louis_ESPINASSOUS_Hesse_2004Louis Espinassous, "Contes et légendes de l'arbre creux", Editions Hesse, 2003. Trente-trois contes du monde entier inspirés par l'arbre qui occupe une place majeure dans l'imaginaire de l'homme. Dominique nous a conté de récit facétieux avec beaucoup d'humour, en ménageant quelques respirations, pour qu'on ait le temps de bien "visualiser" la scène ...

Jean n'est pas très malin ... et un jour il en fait tellement voir à sa pauvre épouse qu'elle se fâche et lui dit : Va-t-en, tu peux prendre la porte, va ! Et Jean, pas contrariant, s'en va ... avec la porte ... Alors plutôt que de vivre en plein courant d'air, elle le suit ; il lui fait un peu pitié ... En fin d'après-midi, ils arrivent dans la forêt. Pour se prémunir des bêtes sauvages, ils grimpent dans un arbre, et Jean cale la porte à la fourche de l'arbre. Après avoir mangé ce qu'ils avaient dans leur sacquet, ils s'endorment, Jean tenant toujours la porte. au milieu de la nuit, ils entendent des voix : des brigands s'installent sous leur arbre pour compter leur butin et faire leur soupe. Mais la soupe est maigre, un peu claire se plaint celui qui touille dans la marmite. Jean là-haut trépigne :
- J'ai envie, j'ai envie, je ne vais pas tenir longtemps ...
- Retiens-toi, retiens-toi, si les brigands s'aperçoivent qu'on est là, on est morts !
Mais Jean n'en peut plus et urine dans la marmite ... Le brigand qui touille la soupe, s'exclame :
- Le Bon Dieu nous a entendu ! la soupe me paraît plus colorée, plus goûteuse ...
Mais là-haut Jean trépigne en se courbant en deux : - J'ai envie, j'ai envie, je ne vais pas pourvoir me retenir longtemps ... mon ventre gargouille trop
- Retiens-toi, retiens-toi, si les brigands s'aperçoivent qu'on est là, on est morts !
Mais Jean n'en peut plus et un gros morceau tombe dans la marmite ... Le brigand qui touille la soupe, s'exclame :
- Il y a un dieu pour les voleurs, il nous a entendu : voici un morceau de lard !
Mais là-haut Jean souffle, et gémit courbé en deux :
- Je crois que je vais lâcher la porte ...
- Retiens-toi, retiens-toi, si les brigands s'aperçoivent qu'on est là, on est morts !
Mais Jean n'en peux plus : il a tout lâché ... Et la porte tombe sur les brigands !!! Ceux qui n'ont pas eu le crâne fracassé, se sont enfuit en criant C'est le Diable : C'est le Diable ! Jean et Jeanne peuvent descendre de l'arbre. Jean remet la porte sur son dos, et Jeanne ramasse le butin. Et c'est ainsi qu'ils sont rentrés chez eux, bien contents de ce petit voyage ...

Variantes :


Joris : La soupe au self-service légende urbaine pêchée sur Internet Déjà publiée dans l'article ''Vous reprendrez bien un peu de soupe ?''soupe_caillou_lettres
Dans un self-service, une dame d’un certain âge a pris un bol de soupe. Au moment de s’installer à l’une des nombreuses tables, elle s’avise qu’elle a oublié de se munir d’une cuillère. Déposant son plateau, elle s’en va en chercher une. Lorsqu’elle revient, surprise ! Un Noir s’est installé devant le bol, et il trempe sa cuillère dans la soupe. « Plutôt gonflé ce Noir ! » pense la dame. « Mais il a l’air gentil, ne le brusquons pas ». Elle s’adresse à lui en tirant la soupe vers elle... Ils finiront par partager la soupe, puis le Noir va chercher une grosse portion de frite, partagée elle aussi... Il se lève ne disant Merci d'avoir partagé mon repas !. c'est alors que la vieille dame découvre que son sac a disparu... panique ... colère ... et surprise : le sac est sur le dossier d'une chaise un peu plus loin, et à cette place une assiette de soupe refroidit...

Michèle : Les larmes de Gutenberg, contes-legendes-Alsace_Nathan_1999 Jacques Lindecken Contes et légendes d'Alsace, NATHAN, coll. Contes et Légendes n° 25, décembre 1999. Cet légende avait déjà été rapportée par Alphonse de Lamartine, dont le texte est en ligne ici
Extraits :

L’imprimerie est le télescope de l’âme. De même que cet instrument d’optique, appelé télescope, rapproche de l’œil, en les grossissant, tous les objets de la création, les atomes et les astres même de l’univers visible ; de même, l’imprimerie rapproche et met en communication immédiate, continue, perpétuelle, la pensée de l’homme isolé avec toutes les pensées du monde invisible, dans le passé, dans le présent et dans l’avenir. On a dit que les chemins de fer et la vapeur supprimaient la distance ; on peut dire que l’imprimerie a supprimé le temps.
Un jour, à Haarlem, en Hollande, la sacristain de la cathédrale, nommé Laurent Koster, avec lequel Gutenberg s’était lié d'amitié, lui fit admirer dans la sacristie une grammaire latine, ingénieusement reproduite par des caractères taillés sur une planche de bois pour l’instruction des séminaristes. Un hasard avait enfanté cette ébauche d’imprimerie.
Le jeune et pauvre sacristain d’Haarlem était amoureux. En allant se promener et rêver au printemps, les jours de fête, hors de la ville, il s’asseyait sous les saules au bord des canaux. Le cœur plein de l’image de sa fiancée, il se complaisait, comme tous les amants, à graver à l’aide de son couteau la première lettre du nom de sa maîtresse et la première lettre de son propre nom, entrelacées ensemble en symbole rustique de l’union de leurs âmes et de l’enlacement de leurs destinées. Mais, au lieu de laisser ces lettres gravées sur l’écorce pour grandir avec l’arbre, ainsi qu’on voit au bord des forêts et des ruisseaux tant de chiffres mystérieux, il sculptait ces lettres amoureuses sur de petits morceaux de saule dépouillés de leur écorce et tout suants encore de l’humidité de leur sève printanière, puis il les rapportait, comme un souvenir de ses rêves et comme un monument de sa tendresse,’à celle qu’il aimait.
Un jour, ayant ainsi taillé ces lettres dans le bois vert apparemment avec plus d’art et de perfection qu’à l’ordinaire, il enveloppa son petit chef-d’œuvre d’une feuille de parchemin, et le rapporta à Haarlem. En dépliant, le lendemain, la feuille pour revoir ses lettres, il fut tout étonné de voir son chiffre parfaitement reproduit en bistre sur le parchemin par le relief des lettres, dont la sève avait sué pendant la nuit et reproduit leur image sur la feuille. Ce fut pour lui une révélation. Il tailla en bois d’autres lettres sur un large plateau, remplaça la sève par une liqueur noire, et obtint ainsi cette première planche d’imprimerie. Mais elle ne pouvait imprimer qu’une seule page. La mobilité, et la combinaison infinie des caractères qui les multiplient à la proportion infinie des besoins de la parole écrite, y manquaient. Le procédé du pauvre sacristain Koster aurait couvert la surface de la terre de planches taillées en creux ou en relief (...) l’on pourrait hésiter à attribuer la gloire à Koster ou à Gutenberg, si dans l’un l’invention tout accidentelle n’avait pas été un don de l’amour et du hasard, et dans l’autre une conquête de la patience et du génie !
Cependant, à contempler cette planche grossière, l’éclair jaillit du nuage pour Gutenberg : il l’analyse, il la décompose, il la recompose, il la modifie, il la disloque, il la rajuste, il la renverse, il l’enduit d’encre, il l’applique, il la presse par une vis dans sa pensée. Le sacristain, étonné de son long silence, assiste à son insu à cette éclosion d’une idée couvée en vain depuis dix ans dans le cerveau de son visiteur ; et quand Gutenberg se retire, il emporte tout un art avec lui De retour à Strasbourg, Gutenberg s’enferme dans son laboratoire et (...) finit par exécuter enfin en secret une ébauche heureuse d’impression sur parchemin avec des caractères mobiles en bois percés latéralement d’un petit trou, enfilés et rapprochés par un fil (...)
Une nuit Gutenberg rêve : il entend une voix lui dire :
— Oui, Jean, tu es immortel ! mais à quel prix ? La pensée de tes semblables est-elle donc toujours assez pure et assez sainte pour mériter d’être livrée aux oreilles et aux yeux du genre humain ? N’y en a-t-il pas beaucoup, et le plus grand nombre peut-être, qui mériteraient mille fois plus d’être anéanties et étouffées que répétées et multipliées dans le monde ? L’homme est plus souvent pervers que sage et bon ; il profanera le don que tu lui fais, il abusera du sens nouveau que tu lui crées ! Plus d’un siècle, au lieu de te bénir, te maudira ! (...) Jean, l’immortalité qui coûte tant de larmes et d’angoisses n’est-elle pas trop chère ? Envies-tu la gloire à ce prix ? N’es-tu pas épouvanté, Jean, de la responsabilité que cette gloire fera peser sur ton âme ? Crois-moi, Jean, vis comme si tu n’avais rien découvert ! Regarde ton invention comme un rêve séduisant, mais funeste, dont l’exécution ne serait utile et sainte que si l’homme était bon !... Mais l’homme est méchant, et prêter des armes aux méchants, n’est-ce pas participer soi-même à leurs crimes ?
Pour mieux préserver son invention de la curiosité du public, qui commençait à murmurer des soupçons de sorcellerie contre lui, Gutenberg sortit de la ville ; il établit ses ateliers dans les ruines d’un vieux monastère abandonné, qu’on appelait le couvent de Saint-Arbogaste. (...) Il y taillait en bois ses lettres mobiles ; il méditait de les fondre en métal ; il y cherchait laborieusement le moyen de les enchâsser dans des formes, tantôt de bois, tantôt de fer, pour en faire des mots, des phrases, des lignes, des pages espacées sur le papier. Il y inventait des enduits colorés, à la fois huileux et secs, pour reproduire ces caractères. Il fit construire une presse, puis le succès venant pris des associés qui lui intentèrent un procès pour lui disputer l’invention, la propriété, l’exploitation de l’œuvre (...) Lorsque Gutenberg fut contraint de quitter Strasbourg, en 1446,Guttenberg_imprimerie_ecoletreuffet.blogspot.com il y laissa les traditions de son art dans les collaborateurs et les ouvriers initiés à sa découverte et a ses procédés (...)
A sa mort à soixante-neuf ans, il ne peut léguer à sa sœur (ayant perdu enfants et femme) que quelques livres édités de sa main. (...) Pauvre inventeur qui n’avait à léguer à celle qui lui survivait que la richesse de presque tous les inventeurs comme lui, sa jeunesse consumée, sa vie persécutée, son nom méconnu, ses sueurs, ses insomnies, et l’oubli de ses contemporains.(...)
Il semble que chaque progrès de l’humanité doive s’acheter par des larmes ; que la souffrance soit la loi fatale de toute grande initiation. L’imprimerie avait eu ses apôtres : elle eut aussi ses martyrs.

Pour en savoir plus :

  • Gutenberg n'a jamais été français, sa ville natale (Mayence) et la ville où il réalisa son inovation (Strasbourg) étant à l'époque toutes deux villes d'Empire.
  • Gutenberg n'a pas à proprement parler inventé l'imprimerie, car l'impression de motifs (par exemple des cartes à jouer) par la technique de l'imprimerie existait depuis belle lurette.
  • Son coup de génie fut d'avoir l'idée de reproduire des textes par cette technique. Son invention est donc la typographie mobile, c'est à dire le principe de réaliser des motifs élémentaires représentant des lettres, qui pourraient être assemblés sur une matrice pour composer des textes, imprimables en quantités.(http://his.nicolas.free.fr/Dates/Evenements/PageEvenement.php?mnemo=GutenbergImprimerie)

Consulter le site : http://histoire.typographie.org/gutenberg/sommaire.html où sont exposées plusieurs polémiques concernant Gutenberg De Gutenberg on sait tout à la fois trop et trop peu de choses. Rarement personnage historique a été aussi contreversé. Il ne faudrait d'ailleurs pas parler d'affaire Gutenberg, mais plutôt des affaires Gutenberg.

Et à l'heure du numérique ?

Il est dans une bibliothèque, vide, comme toutes celles qu’il vient de traverser. Tous les rayons sont vides, sans exception. Quelqu’un là, enfin ! Il va pouvoir lui demander, savoir pourquoi il n’y a plus de livres nulle part. ... L’autre n’a pas encore parlé qu’il le sent déjà vibrer :
- Vous allez me demander pour les livres, n’est-ce pas ? Ne cherchez plus, vous n’en trouverez nulle part
Comment cela est-il possible ?
La grande révolution, l’avènement du clic-clic bouque, le livre numérique. Encore une demi-décennie et plus personne ne saura qui était Gutenberg. Pensez donc, chacun peut maintenant envoyer ses œuvres dans le cyberespace. Et croyez-moi personne ne s’en prive. Il y a désormais autant de lecteurs que d’auteurs. La situation idéale me direz-vous mais qui a malheureusement mis au chômage les bibliothécaires comme moi (la remarque fut dite avec une pointe d’émotion qui ne pouvait échapper, une vibration plus marquée que les autres, un la aigu poignant), les imprimeurs, les libraires aussi et même les éditeurs.
Les éditeurs ? Il n’y aurait plus d’éditeurs. Mais c’est dramatique !
Quelques-uns ont survécu en publiant sur papier, mais à l’usage exclusif des antiquaires, quatre œuvres, pas plus, reconnues comme patrimoine de l’Humanité : l’Iliade et l’Odyssée, Don Quichotte… ...
Mais alors que sont devenus tous les autres ouvrages.
Ils ont été compactés et utilisés pour le recouvrement des autoroutes devenues ainsi et enfin plus silencieuses. ... Tenez, pour revenir à votre problème, vous trouverez un exemplaire de votre ouvrage au Km 132,5 de l’A 305, dans un virage juste après un radar. Un lieu pratiquement inaccessible. Il faudrait attendre une grève des pompistes et je ne pense pas qu’on vous laisserait faire un trou dans la chaussée. Et puis, il y a tous les autres éparpillés sur le réseau routier…
Il referme le tiroir de son cauchemar.

Marcel Baraffe, Comme une vague inquiétude (p. 175 -177), extrait en ligne sur marcel.baraffe.over-blog.com/article-feu-gutemberg-65655387.html