Abessia : Tresor_des_contesLe loup et l'escargot in : Henri Pourrat : "Le trésor des contes", Livre XII, 1962, Omnibus, 2009.
Un escargot se promène paisiblement dans la vigne ... Vint à passer un loup qui le bouscule sans même l'apercevoir. L'escargot l'interpelle, mais le loup ne s'excuse pas, bien au contraire ! il se moque de la lenteur de l'escargot. L'escargot le met au défi de le battre à la course ! Rendez-vous est pris ... La course commence ... Le loup a beau faire et multiplier les aller-retour, l'escargot est toujours sur la ligne d'arrivée ! Il se démène tant et tant que son cœur lâche ! L'escargot s'était tout bonnement accroché à la queue du renard ...

Références :

  • Conte traditionnel d'Europe issu des fables d'Esope et du "Roman de Renard".
  • Texte en fichier joint : Le_loup_et_l'escargot_Henri_Pourrat
  • Pour entendre le conte, visitez le site des conteurs de l'Aural et cliquer ici


Joris :L'agneau_qui_ne_voulait_pas _être_un_mouton_JEAN_ZAD L'agneau qui ne voulait pas être un mouton in : Didier Jean et Zad, album, Syros, 2008.
Depuis toujours, les moutons se font dévorer par le loup. Tout le monde est d'accord là-dessus. Alors quand le loup a emporté le mouton malade, on n'a rien dit parce qu'on n'était pas malade. On a continué à brouter, tête baissée. Quand le loup s'est attaqué au mouton noir, on n'a rien dit parce qu'on n'était pas noir. Mais quand le loup a englouti le bélier, on s'est dit que notre tour allait bientôt arriver... Heureusement, un agneau qui ne voulait pas faire comme si rien n'était, propose un plan pour se débarrasser du loup ... Tout seul on ne peut pas faire grand-chose, mais tous ensemble, c'est possible !
Joris a terminé son conte par un poème attribué à Niemöller (pasteur allemand qui refusa d'obéir aux nazis) :

Lorsqu'ils sont venus chercher les communistes
Je me suis tu, je n'étais pas communiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes
Je me suis tu, je n'étais pas syndicaliste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs
Je me suis tu, je n'étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

La forme ci-dessus est une traduction reconnue définitive par la Fondation Martin Niemöller.

Marie-Eve : Les_3_petits_loups_et_le_mechant_cochon-TrivizasLes trois petits loups et le grand méchant cochon, conte russe in : Eugène Trivizas et Helen Oxenbury, album, Bayard Jeunesse, 1993. Il était une fois trois petits loups tout doux qui voulaient se construire une maison... Mais voici que surgit le terrible Grand Méchant Cochon ! Briques, bétons, blindages, cadenas : rien ne semble l'arrêter... Ni la brique ni le béton ne lui résistent. Jusqu'au jour où les petits loups bâtissent une maison... en fleurs... Plus qu'un conte à l'envers, cet album propose une utilisation à contre-emploi des animaux fort bien trouvée avec un méchant cochon terriblement convaincant ! Marie-Eve nous a fait rire aux éclats avec ce grand méchant cochon qui casse tout va jusqu'à faire sauter à coup de dynamite la maison blindée comme une banque (avec 67 cadenas tout de même !) ... un moment de fou-rire partagé ... Quel bonheur !

Michèle : c'est_encore_la_faute_au_loup_GIRAUDC'est encore la faute du loup - Conte russe in : Robert Giraud, album, Père Castor, Flammarion, 2004.
Un coq et une poule sont partis en forêt manger des noisettes. Perché dans l'arbre, le coq commence à se régaler, tandis que la poule restée au pied de l'arbre le supplie de partager. Le coq maladroit lance la noisette trop court, elle reste coincée dans les feuilles ; il la lance la suivante trop loin, elle tombe dans la rivière ... Vraiment, tu n'es pas malin rouspète la poule. Et Vlan ! le coq lance une nouvelle noisette trop fort ! Elle la reçoit en plein dans l'œil. La poule blessée est en pleurs. Le fermier arrive et cherche à comprendre ce qui s'est passé. Le coq se justifie : C'est la faute au noisetier qui a tremblé... Du noisetier frileux aux chèvres (qui ont mangé l'écorce), des chèvres au berger (distrait parce que sa femme ne lui a pas fait de crêpes), du berger à sa femme (la pâte à crêpes s'est répandue par terre), de la femme du berger au cochon (qui a tout renversé parce qu'elle a perdu un petit porcelet), il finit par découvrir que c'est de la faute du loup... auquel il n'ose rien dire de peur de se faire manger. Mais avec tout ça le fermier finit par oublier le coq perché dans l'arbre. Quand il va enfin le chercher, le coq a mangé toutes les noisettes ! et, trop lourd, tombe de l'arbre ... et crac !
Une fin très applaudie ...

Geneviève :Histoires_du_soir_Grund_2005 La vieille femme et son cochon – Conte anglais : une "randonnée" trouvée in : "Histoires du soir, contes, fables et légendes", Gründ, 2005. Un petit cochon bien récalcitrant ...

Une vielle dame qui donnait un coup de balai dans sa maison trouva un jour une pièce de six pence. Elle se demanda alors « qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire avec ces six pences ? Je vais aller au marché et acheter un petit cochon ».
Elle retourna alors chez elle mais pour y parvenir, elle devait passer par une petite montée que le cochon refusa de traverser.
Elle alla un peu plus loin et rencontra un chien. Elle lui dit alors « Chien ! Chien ! Mord le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais le chien refusa.
Elle alla alors encore un peu plus loin et elle rencontra un morceau de bois. Alors elle lui dit : « Bâton ! Bâton ! Frappe le chien ! Le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais le bout de bois refusa.
Elle alla encore un peu plus loin et rencontra une flamme. Alors elle lui dit : « Feu ! Feu ! Brule le bâton ; le bâton refuse de frapper le chien ; le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais le feu refusa.
Elle alla encore un peu plus loin et rencontra de l’eau. Alors elle lui dit : « Eau ! Eau ! Éteint le feu ; le feu ne veut pas bruler le bâton ; le bâton refuse de frapper le chien ; le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais l’eau refusa.
Elle alla encore un peu plus loin et rencontra un bœuf. Alors elle lui dit : « Bœuf ! Bœuf ! Bois l’eau ; l’eau ne veut pas éteindre le feu ; le feu ne veut pas bruler le bâton ; le bâton refuse de frapper le chien ; le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais le bœuf refusa.
Elle alla encore un peu plus loin et rencontra un boucher. Alors elle lui dit : « Boucher ! Boucher ! Tue le bœuf ; le bœuf refuse de boire l’eau ; l’eau ne veut pas éteindre le feu ; le feu ne veut pas bruler le bâton ; le bâton refuse de frapper le chien ; le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais le boucher refusa.
Elle alla encore un peu plus loin et rencontra une corde. Alors elle lui dit : « Corde ! Corde ! Pend le boucher ; le boucher refuse de tuer le bœuf ; le bœuf refuse de boire l’eau ; l’eau ne veut pas éteindre le feu ; le feu ne veut pas bruler le bâton ; le bâton refuse de frapper le chien ; le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais la corde refusa.
Elle alla encore un peu plus loin et rencontra un rat. Alors elle lui dit : « Rat ! Rat ! Ronge la corde ; la corde refuse de pendre le boucher ; le boucher refuse de tuer le bœuf ; le bœuf refuse de boire l’eau ; l’eau ne veut pas éteindre le feu ; le feu ne veut pas bruler le bâton ; le bâton refuse de frapper le chien ; le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais le rat refusa.
Elle alla encore un peu plus loin et rencontra un chat. Alors elle lui dit : « Chat ! Chat ! Tue le rat ; le rat refuse de ronger la corde ; la corde refuse de pendre le boucher ; le boucher refuse de tuer le bœuf ; le bœuf refuse de boire l’eau ; l’eau ne veut pas éteindre le feu ; le feu ne veut pas bruler le bâton ; le bâton refuse de frapper le chien ; le chien ne veut pas mordre le cochon ; le cochon ne veut pas grimper la montée et je ne pourrais pas rentrer à la maison avant la nuit ». Mais le chat lui répondit, « Si tu vas voir cette vache et me ramène une soucoupe de lait, je tuerai le chat ».
Alors la vieille dame alla voir la vache. Mais la vache lui dit : « Si tu va voir cette meule de foin et me ramène une poignée de foin, je te donnerai le lait ».
Alors la vieille dame alla voir la meule de foin et en ramena une poignée à la vache. Aussitôt que la vache eut mangé le foin, elle donna du lait à la vieille dame qui l’a mit dans une soucoupe pour le chat. Aussitôt que le chat eut léché le lait, il commença à tuer le rat ; le rat commença à ronger la corde ; la corde commença à pendre le boucher ; le boucher commença à tuer le bœuf ; le bœuf commença à boire l’eau ; l’eau commença à éteindre le feu ; le feu commença à bruler le bâton ; le bâton commença à frapper le chien ; le chien commença à morde le cochon ; le petit cochon dans un élan de panique traversa la petite montée et la vieille dame put rentrer chez elle cette nuit.

Ouf ! ... nous espérons tous que Geneviève est bien rentrée chez elle ce soir ...

Michel : Le_lion_amoureux_Granville_http://www.shanaweb.net/lafontaine/le-lion-amoureux.htmLe lion amoureux de jean de La Fontaine, livre IV, fable 1, suivie de la Grenouille médecin fable d'Esope et quelques vers de sa composition ...

La Fontaine encore une fois s'inspire d'une fable d'Esope, mais surtout de Françoise de Sévigné, fille de Mme de Sévigné. A 16 ans la"plus jolie fille de France" (d'après Bussy-Rabutin son cousin) est danseuse dans les ballets de la cour et danse avec Louis XIV, mais on lui reproche sa froideur vis à vis de ses soupirants. A 22 ans, elle épouse Mr de Grignan et part vivre dans la ville du même nom (Drome). Elle meurt en 1705, à 59 ans. Mon histoire ne dit pas si elle eu une descendance.

''Le lion amoureux'' de Jean de La Fontaine se laisse limer dents et ongles :

Tant son âme était aveuglée !
Sans dents ni griffes le voilà,
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.
Amour, Amour, quand tu nous tiens
On peut bien dire : "Adieu prudence."

Ce à quoi répondit Sacha Guitry : "Prudence, prudence, quand tu nous tiens, / On peut bien dire adieu l’amour. » (« L'amour masqué »)."

Esope, bien avant de La Fontaine, s'est servi des animaux pour mieux nous atteindre à travers le rire. Voici la fable qui a inspiré Jean de La Fontaine, "Le Lion amoureux et le laboureur" : Un lion s’étant épris de la fille d’un laboureur, la demanda en mariage ; mais lui, ne pouvant ni se résoudre à donner sa fille à une bête féroce, ni la lui refuser à cause de la crainte qu’il en avait, imagina l’expédient que voici. Comme le lion ne cessait de le presser, il lui dit qu’il le jugeait digne d’être l’époux de sa fille, mais qu’il ne pouvait la lui donner qu’à une condition, c’est qu’il s’arracherait les dents et se rognerait les griffes ; car c’était cela qui faisait peur à la jeune fille. Il se résigna facilement, parce qu’il aimait, à ce double sacrifice. Dès lors le laboureur n’eut plus que mépris pour lui, et, lorsqu’il se présenta, il le mit à la porte à coups de bâton. Cette fable montre que ceux qui se fient aisément aux autres, une fois qu’ils se sont dépouillés de leurs propres avantages, sont facilement vaincus par ceux qui les redoutaient auparavant.

grenouille_qui_danse La grenouille médecin et le renard , fable d'Esope, a été traduite par Chambry mais n'a pas été reprise par Jean de La Fontaine.

Un jour une grenouille dans un marais criait à tous les animaux : « Je suis médecin et je connais les remèdes. »
Un renard l’ayant entendue s’écria : « Comment sauveras-tu les autres, toi qui boites et ne te guéris pas toi-même ! »
Cette fable montre que, si l’on n’a pas été initié à la science, on ne saurait instruire les autres.

LA GRENOUILLE MÉDECIN de Michel

Au bord de l’étang la Grenouille coasse
J’ai des remèdes plein ma besace
Maître Renard postule
Comment soigner l’acné
Quand on a sur le nez
Une grosse pustule ?
Moralité : Faut pas nous prendre pour des batraciens.

Deux autres versions de la fable d'Esope, accompagnées de "La grenouille médecin" de Michel et de ses consœurs cuisinées en fable, sont en fichier joint. Cliquez ici :


Viviane : Le pays des sots in : Conte populaire du Languedoc/3 recueillis par Daniel et Claudine Fabre dans le Narbonnais Gallimard, 1978
Résumé de Viviane :

Un homme et une femme ont un petit. L'homme au travail, la femme à la maison ! avant de partir l'homme installe le petit dans son landau dans un coin, au-dessus de lui il y a un "rabassier" (espèce de pioche qui sert à travailler la terre et les vignes). La femme voit cela et s'exclame :
- Si le rabassier tombe sur le petit !!!!
Elle s'inquiète tant et tant que toutes les voisines accourent et chacun de s'écrier ...
Le mari arrive et voit ce ramdam. Logique, il dit :
Quelle affaire ! vous enlevez le petit de là ou le rabassier !
Il les trouve tellement bêtes qu'il dit à sa femme :
- Je pars ! Si je trouve plus sots que vous je reviendrai, sinon vous ne me reverrez plus.
Il part, arrive dans une ville, et entre dans un restaurant où 40 personnes attendent. Il commande et aussitôt des rats gras et gros accourent. Les rats se servent avant les gens et on personne ne sait comment s'en débarrasser. L'homme propose une "bête" de chez lui. Il sort de son sac un gros chat qui croque les rats les uns après les autres en quelques jours. Le tenancier lui donne 50.000 Francs.
Le lendemain il repart et croise 40 hommes avec un engin essayant de couper les blés mais sans succès. Il leur propose son outil : une faucille ... et crac, et crac, les blés sont fauchés. Mais il les avertit de faire attention car cet outil "mord" ! Effectivement un homme se blesse et laisse tomber la faucille qui rebondit sur le sol.
- Aouh ! elle est vraiment méchante s'écrie l'un d'eux.
Pour la ramasser il jette un caillou ... qui fait sauter la faucille ... tous ont peur !
- Attention, elle bouge encore ! C'est qu'elle est dangereuse ...
Ils appellent les gendarmes mais tout le monde a peur de la faucille. Ils vont chercher l'homme qui attrape l'inculpée (la faucille) ... par le manche tout simplement.
- Aaah ! quel courage ! on n'y aurait jamais pensé ! comment faut-il faire ? Montre encore ...
Pour le remercier, ils lui donnent 50.000 francs de plus !
L'homme repart, il arrive enfin dans un village où des hommes ont des paniers sur la tête. Ils les remplissent de soleil, mais arrivés à l'ombre le panier est vide .. alors ils recommencent sans cesse. L'homme les interroge ...Pourquoi font-il cela ? Les habitants lui répondent que depuis six mois, le maire veut faire entrer le soleil dans l'église mais ils n'y arrivent pas ! L'homme propose de s'en occuper, mais personne ne doit intervenir. Ils acceptent. L'homme prend une échelle, monte sur le toit, enlève une tuile, un rayon de soleil entre, il en enlève 4 ou 5 et tout le soleil rentre ... Les habitants sont contents et le récompensent aussi de 50.000 francs.
L'homme est revenu chez lui, et a dit à sa femme :
- J'ai trouvé plus bête que toi, mais j'ai 150.000 francs !
Alors, ils ont vécu heureux et riches et tout cela un bon peu de temps !
Et cric et crac, mon count est acabat !

Amelia : Bouline_LhoteBouline, la vache sans tache in : Olivier Lhote et Mélanie GrandGirard, Bouline la vache sans tache, album, Editions Lito, 2008. Une jolie histoire sur les différences, la gourmandise, la jalousie... le tout raconté avec humour.
Bouline est une vache... Sans tache. Elle est blanche, possède deux jolies cornes, mais voilà, elle est triste: elle n'a pas de tache ! Et toutes ses copines ont des taches, elles ! Heureusement, Toinou le fermier a une idée et trouve une solution : il suffira à Bouline de manger une ou deux pommes du pommier magique. Une pomme mangée, une tache ajoutée ... Mais Bouline est trop gourmande ... elle devient toute noire ! Et elle se désole de nouveau parce que toutes ses copines ont des taches, mais pas elle ... elle est toute noire maintenant ...

Patricia : Petit_Bodiel_Amadou_Hampâté_BâLa révolte des bovidés - Conte Peul - Afrique de lOuest - d'Hamadou Hampâté Bâ : « La révolte des bovidés ou le jour où les bœufs voulurent boire du lait - Légende Peul (à peine) adaptée dans les termes, en fonction de certaines situations africaines … ou autre» in : Petit Bodiel et autres contes de la savane, Editions Stock, 1994, pp 116-120. Voici ce conte à méditer, résumé à ma façon :

En ces temps lointains où l'homme et les animaux parlaient un même langage, existait un certain pays recouvert de prés toujours verts, sillonné de rivières généreuses et intarissables et parsemé de collines aux courbes plus doucement abaissées que l'arrière-train de l'hyène... Chose étonnante, ce pays très grand et très beau n'était peuplé que de bovidés. Les vaches, beaucoup plus nombreuses que les mâles, étaient toutes très bonnes laitières. Les taureaux portaient majestueusement leurs cornes longues et puissantes, et une bosse de graisse sur leurs épaules, qui témoignait de leur opulence. Le peuple des vaches et des bœufs était administré par un roi qui dirigeait bien les affaires de l'État. Il savait défendre ses sujets contre les fauves et contre les feux de brousse. Mais, il y avait quelque chose d'étrange … Ce roi, bien qu'animal au même titre que les bovidés, n'appartenait pas à la même espèce... Il savait marcher à quatre pattes mais le plus souvent était sur deux pattes, parfois 3 et ne possédait pas de corne ... La légende ne dit pas comment les bovidés furent amenés à se donner l'Homme comme chef, ni surtout où ils l'avaient déniché... Quoi qu'il en soit, le roi de l'État bovin prenait son rôle à cœur. Chaque matin, il emmenait son monde travailler au pâturage ; là chacun ramassait l’herbe à larges coup de dents et se remplissait la panse. Puis, aux heures de repos, toujours sous les yeux vigilants de leur roi, à l'ombre des grands arbres ou la nuit à l'abri de l'enclos du village, les bovidés perdus dans leurs rêves paisibles, leur méditation ruminante, mastiquaient avec application et plaisir le contenu remonté de leur panse.
Tant que les bovidés se contentèrent de ce travail tranquille, broutant et ruminant, le lait coula abondamment dans les calebasses (caisses) de l'État. Tout marchait bien … à deux ou à quatre pattes … Le roi s'arrondit, cela fit des envieux.
Un jour, un taureau plein d'ardeur, qui meuglait plus fort que les autres et savait mener sa troupe, entreprit une campagne en vue de modifier cet état de choses qu'il trouvait parfaitement injuste. Il finit par réunir toute une assemblée et décida, au nom des veaux, vaches, génisses et taureaux de présenter une réclamation au roi :
- Pourquoi notre roi est-il le seul à se nourrir de lait alors que nous, nous devons nous contenter de brouter l’herbe des prés ? Nous voulons aussi de lait, comme lui, sinon ce sera la révolte !
Le lendemain de cette réunion, une manifestation monstre envahit le chemin qui menait chez le roi. La foule bovine avançait lentement, puissamment, beuglant sa colère, agitant oreilles et queues comme pour chasser des mouches. Le roi prit le temps de les écouter, respira calmement, car le calme évite de se perdre dans le labyrinthe des pensées agitées, et après avoir réfléchir leur demanda :
- Avez-vous bien pesé le pour et le contre de votre exigence ?
- Bien sûr, répliqua le taureau grand meneur de bovidés. Tu crois peut-être que nous ne savons que ruminer sans penser !
Voyant leur entêtement le roi accéda à leur demande :
- Désormais, je ne vous conduirai plus au pâturage. Vous resterez tous au village et je vous nourrirai de lait.
Et ce ne fut que beuglement de joie dans le troupeau.
Quand vint le soir, le roi sortit comme tous les soirs portant une grosse écuelle en bois creusée dans un tronc d’arbre. Il ordonna au Chien de rassembler toutes les vaches laitières. Retroussant ses manches, il commença à traire la première vache laitière. Il partagea le lait en quatre parts :
- la 1ère pour lui et pour subvenir aux charges de l’Etat
- la 2ème pour la vache mère qui avait donné le lait
- la 3ème pour le veau qui attendait
- la 4ème pour le reste du troupeau.
Il fit de même le lendemain, et le jour suivant ... Le troupeau commença à gémir, à meugler : ils avaient faim !
Alors le roi intervint :
- Je n’ai fait que suivre votre demande. D’où voulez-vous que je tire du lait, sinon du pis des vaches ? Quant à vous, taureaux, vous n’avez presque rien reçu, parce que vous n’avez rien donné.
Après réflexion, les bovidés demandèrent au roi la permission de reprendre le chemin du pâturage...

Voici la conclusion d'Amadou Hampatê Bâ : Un chef n’est pas une vache laitière, mais un berger qui doit savoir mener les laitières au pré. (Il en va de même du professeur envers ses élèves …) et une demande doit être réfléchie. Si les administrés veulent que le roi soit juste, ils doivent savoir quoi demander car, en fin de compte, c’est d’eux-mêmes que le roi tirera ce qu’ils exigeront. Finalement, chacun doit y mettre du sien ... Ni trop, ni trop peu ...

Amadou Hampatê Bâ
Originaire d'une famille peule aristocratique, Amadou Hampâtê Bâ s'est attaché toute sa vie à défendre et à sauvegarder les cultures orales peules et le dialogue entre les hommes, ce qui a fait sa célébrité. Son œuvre littéraire est considérable et compte des poèmes, des romans, des traductions, des ouvrages historiques. En 1960, Amadou Hampâté Bâ est nommé membre du conseil exécutif de l'UNESCO. En octobre 1969, sous une forme très résumée, il utilisa le conte "Il n'y a pas de petite querelle" (intitulé également "La querelle des deux lézards") au Conseil exécutif de l'UNESCO à propos du conflit israëlo-arabe.

La fin de notre soirée approchant, et la faim se faisant sentir ... je n'ai pu résister au plaisir de vous faire découvrir "Faim de loup", un album de conte revisité au texte et aux illustrations emplis d'humour.

Faim de loup, Faim_de_loup_PINTUSde Eric Pintus, illustré par Rémi Saillard in : "Faim de loup", Didier jeunesse, 2010, album. Un texte savoureux servi par une très belle illustration stylisée qui vous fait vivre l'histoire

Encore une histoire qui commence par la faim ... celle qui fait mal au ventre, mal au cœur et mal à la tête... Le Loup s'éloigne à pas ... de loup ... de la ville et sa banlieue : il rejoint la forêt. Sous le couvert des arbres, il reprend du poil de la bête. Il se fond dans l'ombre de la forêt. Les 1001 parfums du sous-bois l'affolent, il salive ...La faim, c'est la faim, tu as faim...
Et soudain, Vrac ! Boum ! Aïe ! Par la barbe d'Ysengrin ! Pas de chance quand même ! En plein dans une fosse à ours ... Alors qu'il n'en reste qu'un dans tout le pays. Les hommes n'ont vraiment que ça à faire : des pièges ... Et impossible d'en sortir de celui-ci ... Trop haut, trop glissant ... Les seuls bruits qui lui parviennent sont les gargouillis de son estomac... La faim, c'est la faim, tu as faim...
Chut ! C'est quoi ça ? Des pas ? Mais chut, nom d'Ysengrin ! C'est ça, des pas, des petits pas ... Un enfant ! Tant mieux. Un enfant, c'est innocent, c'est gentil, tout n'est pas peut-être perdu. Un enfant, c'est mignon ... c'est tendre ... La faim, c'est la faim, tu as faim... Le bruit de pas s'approche. De tout petit pas. Non, c'est pas vrai ! Deux oreilles, toutes grandes. Non, c'est pas possible ! Deux yeux, tout petits. Non, je rêve ! Deux dents, toutes grandes. Non, j'hallucine ! Non, pas lui ! PAS LE LAPIN ! Pourvu qu'il ne m'ait pas vu ... la honte !!!
- HouAAH, l'autre ! J'y crois pas ! et le lapin sautille de rire, s'esclaffe, danse autour du trou ... Eh, il fait bon au fond de ton trou ? Ah, le maillon supérieur de la chaine alimentaire des bois, parlons en ! D'habitude tu me courses, mais là tu fais moins le malin, hein ? Attends ! Attends ! bouge pas ! J'ai plein de choses à te dire ... J'en profite : alors dans l'ordre :

Et là, le lapin lui donne par ordre alphabétique et sans épargner une seule lettre au loup, tout une gamme d'insultes très drôles (à découvrir dans l'album). En voici quelques unes parmi les plus savoureuses auxquelles se mélangent certaines de mes trouvailles :
Aberration de la nature ... Crotte de nez collante ... Dégonflé du cerveau ... Erreur de la nature, espèce en voie de disparition ... Fiente de la forêt ... Incapable, idiot, imbécile ... K désespéré ... Minus, minable ... Nullité nulle ... Odeur de vieux prout ... (elle a beaucoup de succès auprès des enfants celle-là)... Poisson pourri ... Quadrupède pas fini ... Résidu biologique ...Wassingue ... Xénophobe ... Yponomeute (visitez donc le dictionnaire) Zozo Zinzin ! Zozo Zinzin ! Zozo Zinzin !

Et le lapin de chanter, de danser, de chanter et danser autour du trou, tout autour du trou, trop près du trou ... Et Le lapin glisse dans le trou ... Il glisse en essayant de freiner désespérément avec ses grandes pattes arrières bien écartées, il essaie de se rattraper ... aux racines et radicelles qui cassent les unes après les autres, aux mots ...
- Loup, Lou-Lou, attends ! Tu sais, loup, tout ce que je t'ai dit, c'était pour plaisanter, pour de rire, pour te distraire, hein ! Tu as bien un peu le sens de l'humour, non ? même pas un peu ? Tu sais ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air, c'est même beaucoup plus compliqué ... En fait, je t'aime beaucoup, tu sais ...
- T'inquiètes pas Lapin, moi aussi je t'aime beaucoup ...
Et le loup s'installe confortablement et ouvre largement la gueule ...
Fin de l'histoire ? Fin de la Faim ... Pour l'instant ...


Yponomeute : Yponomeuta ou Yponomeute est le nom d'un genre de petits papillons de nuit (dits "teignes", de la famille des Yponomeutidae appartenant à l’ordre des lépidoptères. Petit papillon nocturne dont la chenille, très nuisible, tisse des toiles denses autour des rameaux des arbres fruitiers et en dévore les feuilles (http://blog.legardemots.fr/post/2005/11/19/439-yponomeute). Mot savant remplaçant l'insulte commune : "petite teigne" ...