Un conte : La goutte d'eau perdue en mer - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le thème du film projeté, "L'Aude au fil de l'eau'' m'a inspiré un conte né au fil de l'eau adapté d'un poème arabe ...

Toutes les rivières vont à la mer ... Une goutte d’eau se perd dans l’immensité depuis la source jusqu’à la mer. Les rivières coulent vers le lieu où elles doivent être … et nous ?

creative-commons_by-nc-sa_http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/

pierre-orange-riviere-montagne.jpgUne pierre tombe dans un fleuve. Elle coule. Invisible, oubliée, elle voit passer au-dessus d’elle l’eau, des feuilles, l’ombre d’une barque, des poissons … Elle semble perdue mais pour elle commence un voyage immobile.

eau boueuse_Hukou Waterfall of Yellow River,China_Fanghong_WikimediaUne motte de terre tombe du haut d’une falaise jusque dans la mer. La chute la morcelle, elle s’effrite petit et à petit et disparaît progressivement à la vue. Elle devient invisible. En réalité elle s’incorpore à l’immensité de la mer et voyage à travers elle.
- En me diluant au fil de l’eau, j’occupe encore plus d’espace : invisible, je ne suis rien, mais je voyage à travers l’immensité de la mer et tout le monde voit ma trace à perte de vue.

Une goutte de pluie, tombe dans l’océan immense :EAU_goutte_monde_http://www.cieau.com/les-ressources-en-eau/dans-le-monde/ressources-en-eau-monde
- Ô mer ! que je suis peu de chose auprès de ton immensité ! Je ne suis rien.
Elle se laisse porter et ne demande rien … Consciente de sa petitesse, elle accepte de n’être rien dans ce grand tout. Le voyage la façonne, l’affine jusqu’à ce que brille ce qu’elle cachait en elle sans le savoir ... Cette goutte d’eau, perdue dans l’océan immense, infime et pourtant unique, fut recueillie et nourrie par un coquillage. Grâce à une minuscule poussière qu’elle portait en elle, elle s’y transforma en une perle splendide : elle finit par briller sur un bijou royal : collier de reine ? diadème ou couronne de roi ? Comme bon vous semblera ...

Ce voyage fut pour elle une lente métamorphose .… Pour s’être déclarée néant, cette goutte de pluie qui se croyait invisible et insignifiante, finit par être bien visible de tous car vivante, précieuse et unique.


Sources :
Cercle des menteurs 1_ JC Carrière

  • Version originale : La récompense ou La goutte d’eau perdue dans la mer, Jean-Claude Carrière : Le cercle des menteurs, Plon, Paris, 1998, p 425.

Un court poème arabe rapporte qu’une goutte de pluie, tombant dans la mer s’écria : Ô mer ! que je suis peu de chose auprès de ton immensité ! Cette goutte d’eau fut recueillie et nourrie par un coquillage. Elle s’y transforma en une perle splendide, qui finit par briller sur la couronne d’un roi. Vivante, visible, précieuse et unique,… pour s’être affirmée néant.

  • Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n'est point remplie ; ils continuent à aller vers le lieu où ils se dirigent. (Bible, Ecclésiaste 1:7, Louis Segond)
  • Photographie : pierre sous l'eau : freepik
  • Photographie : eau boueuse du fleuve jaune, chute de Hankou, photo de Fanghong, Wikimedia


Projection du film et présentation de Hervé Grauby - - - - - - - - - - - -

L'Aude au fil de l'eau a été filmé sur le vif par Hervé Grauby et son épouse, de la descente du fleuve Aude depuis sa source jusqu'à la mer. A pied, en vélo puis en canoé (170 km) : il redécouvre ainsi de l’intérieur un fleuve qu’il pensait bien connaitre : son histoire, son état (pollution), ses colères (inondations), les nouvelles approches de prévention des risques, la gestion de la ressource, l’histoire des radeliers, le lien des riverains. De belles images, une forte expérience.
L'Aude au fil de l'eau_Herve Grauby

Pourquoi voyager ? - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Voici le texte de Hervé Grauby :

Quelle sorte de voyageur est-on ?

Montaigne, déjà, il y a près de 500 ans, moquait ceux qui ne voyageaient que pour « s'enivrer de cette sotte humeur, de ces farouches, des formes contraires aux leurs ». Ceux qui se shootent au dépaysement la journée et qui se reposent le soir dans des hôtels au confort standardisé. Ceux qui font les pays, les villes ou les monuments comme on coche des cases. Ces idiots du voyage qui partent à l'étranger pour se remplir les yeux d'étrangeté et pour finalement ne rencontrer personne d'autre qu'eux-mêmes.
La critique est évidemment sévère. Mais elle doit nous inviter à réfléchir sur ce que le voyage peut changer en nous.

  • Le voyage à l'étranger est une invitation à devenir soi-même un étranger pour les autres.
  • Le voyage est donc une double rencontre, celle d'autres que moi et celle de moi-même, comme un autre aux yeux des autres

Avec Montaigne pour guide, la beauté du voyage, c'est donc de partir à la découverte de ce que l'on ne connaît pas encore. Le voyageur reste ouvert à l'inconnu, là où le touriste reste dans les sentiers battus des parcours tout tracés. Et c'est ce qui fait que le voyage est formateur. C'est parce qu'il dépayse au sens strict, parce qu'il décale, parce qu'il bouscule, parce qu'il renverse l'ordre habituel de notre perception des autres, de nous-mêmes et des paysages que l'on connaît.

Comment le voyage nous transforme-t-il ?

Pourquoi les voyages peuvent-ils nous transformer ? Un voyage, ça déformate. On croit tout connaître, mais à l'épreuve d'une autre culture ou d'un autre milieu, on réinterroge tout ce que l'on a appris. En observant les autres, on réfléchit à d'autres manières de faire et de vivre et on se pose des questions sur soi.

Comment la vie est-elle un voyage ?

La vie est un voyage expérimental, accompli involontairement. Notre vie est un voyage constant, de la naissance à la mort. Le paysage change, les gens changent, les besoins se transforment, mais le train continue. La vie, c’est le train, ce n’est pas la gare.

Quelques témoignages - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

  • Certains ont fait le tour du monde comme cette femme, menue mais si forte, qui a construit son bateau et a navigué par les océans.
  • D'autres ont visité plusieurs pays qui leur rappellent leur pays d'origine.
  • D'autres encore ont visité des pays pour découvrir d'autres manières de vivre.
  • Tous des "aventuriers" dans l'âme, me direz-vous ? Mais il y a aussi ceux, qui plus modestement ont choisi des voyages organisés qu'il ne faut pas dénigrer parce que nous sommes dans un café-philo ! Sans ces voyages organisés en groupe ils ou elles ne seraient pas parti(e)s !!! Et ce fut une expérience enrichissante malgré tout, bien qu'incomplète. Il y a eu aussi quelques rencontres lors des heures laissées libres, et ce dépaysement total a marqué les mémoires, la vision de la vie de ceux qui ont vécu ces voyages en terres lointaines.
  • Voyager implique-t-il forcèment d'aller aux antipodes ? Et si nous découvrions mieux notre pays, notre région ? C'est aussi un voyage vers nos racines, une approche de l'humain au sens le plus conncret : dans le quotidien.


En conclusion un autre conte : - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Les deux voyageurs à la porte de la ville

Il y a voyage et voyage ...

Deux voyageurs arrivent devant la même porte d'une ville. Un vieil homme est assis, adossé au chambranle. Ils lui demandent des renseignements sur la ville et les gens qui y habitent.
Vieil  homme a la porte de la ville_http://kazimir.eklablog.com/conte-du-mercredi-un-vieil-homme-se-tenait-a-la-porte-d-une-ville-a114621754
Le premier voyageur se plaint de venir d'un lieu où les gens étaient fort désagréables, hypocrites, faux, menteurs, égoïste, des gens qu’il n’est pas bon avoir pour voisin ! Alors je suis parti ...  Le vieux sage lui répond qu'il trouvera les mêmes gens ici : Les gens d'ici sont tout aussi méchants et tout aussi égoïstes !
Le second voyageur garde un bon souvenir de la ville d'où il vient, les gens y étaient gais, serviables, respectueux. Et le vieil homme lui fait la même réponse qu'au premier voyageur : Tu trouveras les mêmes gens ici : des gens honnêtes, accueillants et pleins de bonté. ...

Un berger faisait boire ses bêtes non loin de là, il a tout entendu. Il interpelle le vieillard :
- Grand-père, je respecte ton grand âge que je croyais associé à la sagesse, mais je t’ai entendu donner deux réponses totalement opposées en parlant de la même ville ! Grand âge serait-il radotage ?
- Mon fils, chacun porte en son cœur son propre univers. Il le retrouvera en tous lieux. La paix vient du dedans, à quoi bon la chercher à l’extérieur ? Ouvre ton cœur, change ton regard sur les autres et le monde sera changé.

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- Alors, à quoi bon voyager ?
- Aller à la rencontre de l’autre, c’est surtout aller à sa propre rencontre.

Il y a voyage et voyage ...

Voyager c’est découvrir le monde, mais cela de fait que déplacer nos problèmes tant qu’on ne change pas notre regard sur nous et/ou ce que l’on a vécu. Au delà des rencontres faites en chemin, voyager c’est partir à sa propre rencontre.

Citations :

  • Celui qui ouvre son cœur change aussi son regard sur les autres. Texte soufi.
  • La paix vient du dedans. Ne la cherchez pas au dehors. Bouddha
  • Le voyage provoque la rencontre avec l’autre, ce qui sera toujours une manière d’aller à notre propre rencontre. Luis Sepulveda
  • Au delà des rencontres, voyager c’est partir à sa propre rencontre. (Patou)


Sources :


Variantes :

- Comment peux-tu donner deux réponses aussi différentes à la même question ?
- C'est simple : chacun porte en lui sa vision du monde. Celui qui n'a rien trouvé de bon dans son passé ne trouvera rien de bon ici non plus. Celui qui avait des amis loyaux dans l'autre ville trouvera des amis loyaux et fidèles ici ; car chaque être humain a tendance à voir dans les autres ce qu'il est en son propre cœur.

  • Le sage et les deux voyageurs, Contes nomades_Catherine Gendrin_Rue du monde_2011conte de Maurinanie, rapporté par Catherine Gendrin dans l'ouvrage" Contes nomades - sur les chemins des peuples nomades du monde entier", Rue du Monde, 2011. Le récit s'étoffe de descriptions et dialogues, avec une conclusion plus humaniste. Pour finir, il y a un retour à la vie quotidienne, ce qui évite de poser le grand-père en donneur de leçons :

- Je ne te comprends pas, grand-père ! Au premier homme, tu as dit que les habitants de notre ville étaient mauvais, et à l'autre, qu'ils étaient bons ! Où est la vérité ?
-Ecoute et apprends, mon enfant ! Le premier ne pense qu'à prendre, l'autre aime partager. Celui qui n'a su voir et ne rencontre que des gens mauvais dans sa ville ne saura croiser que les mauvais partout où il ira. Sans doute aussi n'y verra-t-il que de la méchanceté parce qu'il n'aura pas su se faire aimer. Celui qui a su se faire des amis fidèles là où il vivait saura se lier partout avec les gens pleins de bonté. Tout simplement parce qu'il évitera les autres, et qu'il saura se rendre utile et agréable avec ceux qui le méritent. Retiens bien cela, aucune ville n'abrite que des bons ou des mauvais. Et ce que tu es capable de donner aux uns, d'autres te le rendront. Mais allez, il est tard. Aide-moi à rassembler mes bêtes, il est temps de rentrer.


AUTRES CONTES - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Un conte sur le même thème :

Je vois le monde comme je suis

Voici le texte tel que je l'ai lu, augmenté de deux ou trois mots de mon cru mis entre parenthèses, mais on peut transposer ce conte lors d'un pélerinage à Compostelle si on veut absolument rester proche d'un vécu qui nous correspondrait davantage.

Deux pèlerins discutaient, de retour de la Mecque :
- Comment avez-vous trouvé ce pèlerinage ?
- Un délice ! Et vous ?
- Un enfer.
- Comment un enfer ?
- Les conditions d'hébergement étaient épouvantables. Quelle idée de loger cinq cents personnes en dortoir ! Et le soir, ça baillait, ça ronflait, ça piaffait ou ça rêvait tout haut. Je n'ai pas fermé l'oeil une seule nuit pendant ce séjour dans la ville du Prophète. et vous trouvez moyen d'y voir un délice ?
- Parfaitement, car j'y voyais une occasion de méditer sur notre future conditon dans le ciel.
- Vous rigolez ? Quelle future condition ?
Et la discussion continua sur ce ton sans qu'ils parvinssent à se mettre d'accord, et pour cause ! L'un des pélerins voyait le dortoir comme un avant-goût de l'Enfer où l'on en peut jamais fermer l'oeil (ni trouver le repos), tandis que l'autre le considérait comme un avant-goût du Ciel où l'on vit ensemble (et où on s'apprécie) et non en chambres séparées.

Source :
365_Contes_en_Ville_Muriel_Bloch

  • Muriel Bloch, 365 contes en ville, 6 avril, Je vois le monde comme je suis, d'après le conte Dieu n'est pas sérieux, François-Xavier Damiba, Légendes des mondes, éditions l'Harmattan.


Le trésor du rêve

Pourquoi voyager si loin ? On va parfois chercher bien loin ce que l'on a à côté de soi ...

Résumé :

Dans la ville d’Ispahan, vivait autrefois un paysan miséreux. Il reposait sous son figuier quand un rêve lui vînt. il y avait un grand coffre empli d’or et de pierres précieuses. Une voix lui dit : Tu es ici dans la cité du Caire, en Égypte, et ces biens seront à toi.Ces paroles entendues en rêve l’éveille et il part à la recherche de ce trésor lointain.
Après un long chemin difficile, il parvient au Caire, au bord du même fleuve, devant le même pont, à la même borne. Mais il n'y avait là qu’un mendiant qui tendait la main. Pas de trésor. Désespéré, il tente de se jeter du haut du pont. Le mendiant le retient :
- Pourquoi mourir par un si beau temps ?
Le paysan raconte son rêve et le mendiant se met à rire :
- Quelle folie qu'un tel voyage sur la foi d’un rêve ! Moi, toutes les nuits je rêve que je suis dans une ville inconnue dont le nom est Ispahan. J'y vois une pauvre maison basse couleur de terre, un champ de cailloux avec une source et un figuier. Je creuse un trou au pied du figuier, et je trouve un coffre empli d’or et de pierres précieuses. "Songe est mensonge", dit le proverbe. Tu aurais dû demeurer où Dieu t’a mis !
Le paysan reconnait sa maison, son figuier !!! Il retourne à Ispahan, creuse au pied du figuier, et découvre un immense trésor ...

Sources :Bruno-de-la-Salle_Le-conteur-amoureux

  • Bruno de La Salle, Le trésor du rêve dans le recueil "Le conteur amoureux", Casterman, 1995, pp 89-93.
  • Le trésor du rêve est inclus dans l'article E... comme exil - Partir pour mieux se trouver ? avec une variante et des commentaires qui compléteront la lecture.