DONNER ? Un grain de riz, ça suffit !

Un conte venu de l'Inde, Le roi d'or. nous enseigne l'importance du don qui permet de recevoir d'une manière inattendue en retour. J'ai adapté ce texte à partir du conte rapporté par Jean-Claude Carrière dans Le Cercle des Menteurs, page 58.

creative-commons_by-nc-sa_http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/


Mendiant_inde_Simpson_https://www.wdl.org/en/item/11507/Un pauvre homme, un de plus parmi la multitude des mendiants de l'Inde, subsistait en quémandant de droite et de gauche, exposant ses plaies pour attendrir les cœurs. Il se nourrissait plus du spectacle de la rue que de ce qu’on voulait bien lui donner. Il observait les jeux des enfants rieurs, le va-et-vient incessant de la foule. Il essayait de capter l'attention des hommes au pas nonchalant, indifférents la plupart du temps. Il tentait d’attirer le regard des femmes revenant du marché d’un pas chaloupé mais ferme, parfois ralenti par le poids des victuailles. Bon signe, ça, un panier bien garni … Il était attentif au moindre geste, au moindre regard …

Roi-Or_http://www.shivharsh.com/http:/www.shivharsh.com/author/harshs66hotmail-com/page/3/Un jour il reste ébahi, les yeux écarquillés de surprise : un chariot d'or entre dans le village, et sur ce chariot est un roi majestueux et souriant, au visage bienveillant. Le pauvre se dit aussitôt : ce roi rayonne de bonté, sa peau en est toute illuminée, dorée comme une statue de Bouddha ! Il ne peut être que généreux, peu attaché à sa propre richesse … Il n’est venu jusqu’ici que pour moi, je le sens. Mes prières ont été entendues ! Il va me couvrir des miettes de sa richesse et je vivrai sans souci désormais. C’en est fini de ma vie de mendiant ! En effet, comme s'il était venu voir le pauvre homme, le roi fait arrêter le chariot à sa hauteur. Le mendiant est prosterné jusqu’à terre … attendant, espérant … Entendant le chariot s’arrêter devant lui, il se relève ébloui, et regarde le roi, convaincu que l'heure de sa fortune est enfin arrivée.

Alors, avec soudaineté, le roi tend une main vers le pauvre et lui dit :
- Qu'as-tu à me donner ?Main_Roi_Or_http://bellasie.centerblog.net/1079-une-main-tendue
Le mendiant regarde … rien … la main est vide … Il ne comprend pas … il lève un regard étonné vers le roi … qui attend avec confiance. Très désappointé, le pauvre homme reste un moment sans répondre, le souffle coupé par la surprise…
- Qu'as-tu à me donner ?
Moi ? Donner ? C'est une plaisanterie … Qu'est-ce que je pourrais bien donner à ce roi à qui rien ne manque ? Il se moque de moi … Ou bien il veut me mettre à l'épreuve … Son regard se fait suspicieux … Mais il voit le regard lumineux, le sourire imperturbable du roi qui attend paisiblement, la main fermement tendue ; alors il puise dans sa besace qui contient quelques poignées de riz. Il y prend un grain de riz et le tend au roi qui le remercie et part aussitôt : son chariot d'or tiré par des chevaux rapides disparaît en un clin d'œil, dissimulé aux regards par la poussière de la route. On ne l'a jamais revu.

Le soir, notre mendiant vide sa besace, et s'apprête à faire cuire le riz récolté, lorsqu’il aperçoit, là au fond du sac, quelque chose qui scintille, qui brille dans un repli du tissu … Il plonge la main dans le sac et ramène délicatement entre ses doigts … un grain d'or !!! Il se met à pleurer amèrement :
- Je rien vu, rien compris … Pourquoi ? Si j'avais partagé mon maigre repas au moins ! Ah ! Pourquoi le roi ne m'a-t-il rien dit ? Si j'avais su, j'aurais donné tout mon riz !!!


« Nous côtoyons parfois un autre monde, mais il ne fait que passer et nous ne sommes pas toujours assez clairvoyants pour saisir ce qui passe à notre portée.»

Source :
Jean-Claude Carrière : Le cercle des menteurs, Ed Plon 1998, p. 58.

Illustrations :

  • Mendiant : Sir Simpson Benjamin (1831-1923), https://www.wdl.org/en/item/11507/
  • Chariot d'or : Murudeshwar, http://www.shivharsh.com/http:/www.shivharsh.com/author/harshs66hotmail-com/page/3/
  • Main du roi d'or : http://bellasie.centerblog.net/1079-une-main-tendue



PARTAGER ? Un grain de riz, ça suffit !

Même quand on ne possède pas grand chose, voire rien du tout, un tout petit grain de riz peut créer des liens ... et provoquer un repas partagé entre voisins ...

Il était une fois, dans un petit village de montagne, un pauvre homme, pauvre, pauvre... Si pauvre que le dernier jour de l'année, quand il est allé dans sa petite cuisine, il n'a rien trouvé à manger : pas le moindre morceau de pain, plus de carottes, ni de pommes de terre, ni pâtes, ni haricots. Rien. Rien. Rien. Tout de même, à force de chercher, il a fini par trouver, coincé dans la fente d'un tiroir, un grain de riz, un unique grain de riz.grain_de_riz
- Un grain de riz, c'est mieux que rien du tout. Je vais le faire cuire pour passer le temps, puis le sucer lentement, lentement.

Mais pour faire cuire le grain de riz, il lui fallait une casserole. Il n'en avait plus, ayant dû vendre toute sa vaisselle. Du coup il eut l’idée d’aller toquer chez son voisin...
- Bonjour cher voisin !
Le voisin est méfiant :
- Bonjour voisin, quel bon vent t’amène ?

- J'ai du riz à faire cuire ce soir, peux-tu me prêter une casserole ?casserole cuivre
- Bon, si ce n’est que ça... tu veux laquelle ? La grande ou la petite ?
- Et bien... La grande ! On m'a toujours dit que pour faire cuire du riz et pour qu'il n'attache pas, il faut le faire cuire dans beaucoup d'eau !
- Bon écoute, je te prête ma casserole mais je viens manger ce riz avec toi ce soir !
Notre homme est un peu gêné, mais comme il avait bon cœur il répond :
- Euh... Bon, d’accord. Quand il y en a pour un, il y en a pour deux. A ce soir !

En ce temps-là, il n'y avait pas l'eau courante dans le petit village de montagne. La fontaine était loin, l'hiver froid. Notre pauvre homme, plein de rhumatismes, grelottait. Après bien des hésitations se décida à toquer chez sa vieille voisine :
- ''Bonjour Grand-mère ! Je mange du riz ce soir, avec le voisin. Peux-tu me donner un peu d'eau pour le faire cuire ?'cruche-eau-freepik_https://fr.freepik.com/photos-libre/close-up-des-flammes-de-feu_903002.htm#term=feu%20de%20cheminee&page=1&position=2
- Je te donne de l'eau mais au jour d'aujourd'hui on n’a rien pour rien. Je viens manger le riz avec vous !
Notre bonhomme est de plus en plus gêné...
'' - Oui, mais... Enfin, bon, d'accord ! Quand il y en a pour un, il y en a pour deux ; quand il y en a pour deux, il y en a pour trois.

Puis il lui fallut du bois, du papier, et des allumettes pour allumer le feu. Feu-de-bois_https://fr.freepik.com/photos-libre/close-up-des-flammes-de-feu_903002.htm#term=feu%20de%20cheminee&page=1&position=2Et oui, je vous rappelle que ce pauvre homme n’avait plus rien... Il se décide à toquer chez Pierre, chez Jacques, chez Michel. L'un lui donne du bois, l'autre du papier, le troisième des allumettes, mais à chaque fois ils s'invitent.

L’heure avance... il ne reste visiblement plus qu'à faire cuire le grain de riz. Mais un grain de riz à partager en six ! L’homme commence à se faire beaucoup de soucis. Un sourire éclaire son visage ... Il a une idée ! Il se précipite chez le fermier.Poule-Pekin_Camille-Gillet_wikimedia-commons_ the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license.
- Bonjour fermier ! Ce soir, on est six à manger du riz. Il y a Pierre, Jacques, Michel, le voisin et la voisine et moi. On s'est dit que, si tu venais manger avec nous, toi qui es tout seul, ce serait bien. Bien sûr, on est des pauvres gens, on n'a que du riz tout sec, on n'a pas de poule avec. Mais tu seras le bienvenu quand même.
- Et tu crois que je vais venir les mains vides ? Le dernier jour de l'année ! Je viens manger votre riz, mais je vous donne une de mes poules. Tiens... prends celle-là.

Sur le chemin du retour, passé la première joie, notre pauvre homme commence à rouméguer...
- Une poule pour sept ! ... C’est quand même mieux qu'un grain de riz pour six : mais quelle andouille je suis ! Au lieu de lui parler de poule, j'aurais dû lui parler de dinde...

Et vous savez quoi ? Notre pauvre homme, et bien il a une idée géniale ! Vite, il court chez une vieille, une très vieille villageoise qui élève des dindes.
- Bonjour vieille dinde ! Euh... non, pardon, vieille mère qui élève des dindes !Dinde_Wikimedia commons_Par Christo — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=53690171
- Ce soir, on est sept à manger une poule au riz. Il y a Pierre, Jacques, Michel, le voisin, la voisine, le fermier et moi. On a pensé que seule tu devais t'ennuyer. Bien sûr, une poule pour huit, ce n'est pas très gros, mais enfin, on a ce qu'on a...
- Et moi, j'apporterai une dinde. Depuis le temps que je vends des dindes sans même en connaître le goût ! Toujours seule, je ne peux quand même pas me faire cuire une dinde, c’est beaucoup trop ! Tiens, choisis la toi-même cette dinde !

Voyant que cela marchait si bien, notre pauvre homme est allé inviter l'épicier, le jardinier, le pâtissier, le marchand de vin. Et le soir... quel magnifique repas : riche ragoût, vins à foison, pâtisseries fines, fruits... Tout le monde était autour de la table : le voisin, la voisine, le fermier, le pâtissier, le jardiner, le marchand de vin. Mais au milieu du repas, l'un des quinze convives s'exclame :
- Eh, dis, ce matin tu nous as invités à manger du riz. On se régale, mais ce riz, il est où ?
- Oh le riz ! mince ! J'ai complètement oublié de le mettre ! Mais vous n'avez rien perdu.
Et ce disant, il va chercher le grain de riz dans sa cuisine, revient, et le montre à ses convives, en racontant toute l'histoire.
Alors, ce soir là, en voyant ce petit grain et bien tous les invités ont forcément bien... ri.

Et vous c’est quoi votre grain de riz ?

Ce petit quelque chose oublié, caché en nous, mais qui une fois retrouvé fait du lien... Parfois il faut juste une bonne dose d’audace pour les sortir. Un petit quelque chose qui va faire qu’on ira - malgré sa timidité, sa gêne ou sa honte - sonner chez un voisin pour demander une bricole, et voilà une rencontre, un partage, le début d'autre chose ...

Source :
Le grain de riz, conte d'Alain Gaussel, inclus dans le recueil Les plus beaux contes de conteurs, page 388..

Illustrations :

  • Casserole : http://www.falkculinair.com/fr/serie-falk-classique/c-6-casserole-et-pot-au-feu
  • Cruche d'eau : https://fr.freepik.com/vecteurs-libre/cruche-d-39-eau_792199.htm#term=cruche&page=1&position=32
  • Feu : https://fr.freepik.com/photos-libre/close-up-des-flammes-de-feu_903002.htm#term=feu%20de%20cheminee&page=1&position=2
  • Poule : Poule de Pekin, Camille-Gillet, wikimedia commons
  • Dinde : wikimedia commons, par Christo, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=53690171



Et quand on n'a rien à donner, à partager ?
Préparer une soupe au caillou !!!

Résumé :
Une froide nuit d’hiver, un vieux loup arrive dans un village d’animaux. Il frappe chez la poule et la convainc de lui ouvrir pour préparer sa soupe au caillou. Soupe_caillou_animaux_Anaïs_Vaugelarde Curieuse de voir un loup, et de goûter à sa soupe au caillou, la poule surmonte sa peur et accepte d’inviter le vieux loup chez elle. Ils se mettent donc à préparer la soupe au caillou. La poule propose d’ajouter du céleri. Peu à peu, ils sont rejoints par les autres animaux du village, inquiets, venus s’enquérir de la poule. Chacun apporte un légume de son goût, pour finalement obtenir une délicieuse soupe qu’ils partagent, ensemble, dans la bonne humeur : quel bonheur de goûter au plaisir d’une veillée entre amis !

Un conte à ponctuer de silences lourds de sous-entendus, qui laissent l'auditoire imaginer la suite, l'esprit en suspens, redoutant le pire et salivant à la pensée de cette soupe délicieusement concoctée par tous ... une soupe aux légumes ou un bouillon de poule ???

Source :
Une soupe au caillou, Anaïs Vaugelarde, Éditions L'École des Loisirs, cartonné, 2003.

D'autres soupes au caillou :

  • La soupe au caillou, Tony Ross,Soupe_caillou_animaux_TonyRoss Édition Mijade, collection "Les Petits Mijade", broché, 26 pages. Lors d'une promenade, le Méchant, Méchant Loup rencontre la Mère Poule, en train d'accrocher sa lessive. Il se propose de manger la poule avant d'emporter son linge, de belle qualité. La Mère Poule, maligne, lui propose de déguster, en hors-d'œuvre, une de ses spécialités : la soupe aux cailloux... La célèbre soupe aux cailloux, réécrite et illustrée par Tony Ross, avec pour particularité essentielle, la présence d'un loup vraiment méchant, bien pourvu de toutes ses dents et décidé à croquer la petite poule !

  • La soupe au caillou, Tony Bonning,Soupe_caillou_animaux_TonyBonning Édition Milan, 2002, album, relié, 32 pages. Comme tous les animaux de la ferme refusent de lui donner à manger, le renard, malicieux, décide de concocter un plat de son invention : une soupe au caillou... En voilà une drôle de recette ! Mais, dans les contes, il suffit parfois d'un simple caillou pour faire des miracles !

  • La soupe au caillou, Michel HindenochSoupe_caillou_Hindenoch, Édition Syros Jeunesse, collection Paroles de conteurs, 2007, poche, 45 pages. Un soldat qui rentre à pied chez lui demande l'hospitalité à une vieille dame qui l'envoie promener : "Y'a pas assez à manger pour les habitants ! (...) T'as qu'à manger de la soupe au caillou !" dépité le soldat s'apprête à s'en retourner, quand il baisse la tête et voit... un caillou... Le caillou ... c'était le cœur de la vieille ... mais le soldat a réussi à l'enrober de telle sorte qu'il a pu le soulever, l'alléger, comme l'eau a su entourer le caillou et l'accueillir : le sens du partage l'a emporté... Conté par Patricia le 23 janvier 2010. Pour moi, c'est la référence de LA soupe au caillou ...