Je veille, tu veilles, il (elle) veille... de la veille documentaire à la veillée de contes ...

Soirée Conte du 4 avril 2015 chez Viviane

Patricia, de la part de Joris : Concours d'idiotie tiré de "La sagesse extravagant de Nasr Eddin", de Jean-Louis Maunoury, Qlbin Michel, 2011. Un conte facétieux où, avec un titre pareil, Nasr Eddin tient la vedette ...

Timour-Leng (Tamerlan), convoque un jour son bouffon Nasr Eddin et lui donne la tâche suivante : établir la liste par ordre hiérarchique, de tous les idiots qui fréquentent sa cour.
Le Hodja revient quelques jours après en tenant une feuille de papier sur laquelle, à l’évidence, un seul nom est écrit.
- N'aurais-tu trouvé qu'un seul nom d'idiot ? s'étonne le boiteux.
- Certes non, mais il y en a un qui dépasse tellement les autres en idiotie qu'il serait indécent de les faire figurer sur la même liste que lui.
- Et qui est-ce donc ? demande Timour qui commence à voir venir le coup mais qui, pour une fois, et décidé à s'en amuser plutôt que de s'en fâcher.
- C'est Timour ! s'écrie le Hodja.
- Peux-tu me justifier ce choix ?
- Très facile : il y a plein d'idiots parmi tes courtisans, mais c'est toi-même qui les as choisis, tu es donc incontestablement le premier des idiots.
- Tu te trompes, répond Timour. Je suis entouré de gens de grande qualité.
- S'ils sont si intelligents, alors tu es vraiment un idiot de me demander de trouver parmi eux des idiots.
Se rendant compte qu'il n'arrivera à rien avec un tel raisonneur, Timour commence à s'énerver :
- Cesse donc de faire l'insolent. Je vais te dire ce que j'avais dès le départ dans l'idée : c'est toi l'idiot.
- Exact, mais dans ce cas, seigneur, je maintiens que seul ton nom mérite de figurer sur ma liste...
- Tu insistes, bouffon du diable !
- Bien sûr, seigneur, car il faut vraiment être l'idiot des idiots pour demander à un idiot de faire la liste des idiots.

Quelques mots difficiles :

• Timerlan : Le second empire mongol a été fondé par Timour-Beg ou Timour-Leng (en persan), nommé aussi Timour le Boiteux, connu en français sous le nom de Tamerlan (1336-1405). Tamerlan se révèle un redoutable chef de guerre, bâtissant un immense empire reposant sur la puissance militaire et sur la terreur. Timour était dévot musulman et féroce à l'égal des anciens Mongols : l'histoire retient surtout ses destructions massives et massacres spectaculaires.
• Bouffon : Personnage grotesque que les rois, les grands entretenaient autrefois pour se divertir de ses facéties. (Larousse)
• Ordre hiérarchique : ordre de grandeur, du plus grand (du personnage le plus important) au plus petit.
• Hodja : titre donné aux enseignants coraniques ou plus généralement aux enseignants en Turquie titre donné aux enseignants coraniques ou plus généralement aux enseignants en Turquie. Nasrr Eddin Hodja est un personnage mythique de la culture musulmane.

Voilà un conte très amusant à dire en période d'élections ...
Comme celui-là aussi

Un jour, Nasredin Hodja prend le bateau pour traverser la Mer de Marmara. Mais juste au milieu de la traversée, une grande tempête se lève et le bateau prend l'eau ... il menace de couler. Tous les passagers et les membres d'équipage se mettent à écoper pour essayer de maintenir le bateau à flots : avec des seaux, leurs babouches ou leurs chéchias, peu importe, tous luttent ensemble conte l'eau qui envahit leur espace. Cependant, parmi la foule, un seul, à la consternation générale, prend l'eau dans la mer pour la jeter dans le bateau : l'inévitable Nasredin Hodja. Le capitaine se précipite vers lui en l'injuriant, en l'accusant de vouloir tous les tuer, mais Nasredine ne se départit pas de son calme. Il explique au capitaine qu'il se contente de suivre le conseil que sa mère lui répétait tout le temps :
- Ma mère, la sainte femme, elle me dit toujours : "Nasr Eddine, mon fils, si tu ne veux pas avoir de problème dans la vie, mets-toi toujours du côté du plus fort !" et c'est ce que je fais ...

Illustrations :

• Nasr Eddine aux portes du palais : http://www.trekearth.com/gallery/Middle_East/Turkey/Marmara/Istanbul/photo1295074.htm
  

Patricia : Le maître du jardin - conte d'Arménie, d'après le texte de Gougaud, "L’arbre d’amour et de sagesse", Seuil, 1997.

Il était un roi d’Arménie. Dans son jardin de fleurs et d’arbres rares poussait un rosier chétif et pourtant précieux entre tous. S’il était choyé plus qu’une femme aimée, c’était qu’on espérait une rose de lui. Dans les vieux livres il était dit ceci : «Sur le rosier Anahakan un jour viendra la rose généreuse, celle qui donnera au maître du jardin l’éternelle jeunesse.»
Tous les matins le roi venait donc se courber devant lui. Il chaussait ses lorgnons, examinait ses branches, cherchait un espoir de bourgeon parmi ses feuilles, n’en trouvait pas le moindre, se redressait enfin, la mine terrible, et prenait au col le jardinier et lui disait :
- Sais-tu ce qui t’attend si ce rosier s’obstine à demeurer stérile ? La prison ! L’oubliette profonde !
C’est ainsi que le roi tous les printemps changeait de jardinier. Douze printemps passèrent, et douze jardiniers. Le 13ème était un fier jeune homme. Il se présenta devant le roi :
- Ceux qui t’ont précédé étaient des hommes d’âge mûr, experts dans leur art. Ils ont tous échoué. Et toi, jeune blanc-bec, oisillon encore humide à peine sorti de l’œuf, tu oses !
- Je sens que quelque chose, en moi, me fera réussir, dit le jeune homme… La peur de mourir en prison !
Le jeune jardinier s’en fut à son rosier. Il lui parla longtemps à voix basse, caressa ses feuilles, l'arrosa, bêcha la terre autour de son pied maigre, enfouit ses racines dans du terreau moelleux. Aux premières gelées il l’habilla de paille, il le protégea du vent, sous la neige il resta comme au chevet d’un enfant. Il demeura près de lui nuit et jour. Il se mit à l’aimer.
Le printemps vint. Il ne quittait plus des yeux son rosier droit et frêle, guettant ses moindres pousses, priant et respirant pour lui. Dans le jardin, des fleurs partout s’épanouirent, mais il ne les vit pas. Il ne regardait que la branche sans rose.
- Rosier, mon fils, où as-tu mal ?
A peine avait-il prononcé ces mots que de ses racines sortit un ver long, noir, hideux. Il voulut le saisir. Un oiseau s'en empara. A l’instant un serpent surgit d’un buisson proche : avala l’oiseau, avala le ver. Alors un aigle descendit du haut du ciel : il tua le serpent et s’envola vers l’horizon où le jour se levait. Alors, un bourgeon apparut sur le rosier.
Le jardinier remercia avec émotion le rosier et s’en fut au palais en criant la nouvelle. Le roi était au lit. Il bâilla, il grogna : Moi qui dormais si bien ! puis bondit hors de ses couvertures en comprenant que ce qu'il avait tant espéré était arrivé. Il sortit en courant dans le jardin et ordonna :
- Qu’on poste cent gardes armés autour de ce rosier ! Je ne veux voir personne à dix lieues à la ronde ! Toi, jardinier, jusqu’à ta mort tu veilleras sur lui !
- Jusqu’à ma mort, Seigneur.
Le roi dans son palais régna dix ans encore, puis un soir il se coucha pour ne plus se relever. Il appela son jardinier :
- Le maître du jardin meurt comme tout le monde. Tout n’était que mensonge et illusion.
- Non Seigneur, dit le jardinier à genoux près de lui. Le maître du jardin, ce ne fut jamais vous. La jeunesse éternelle est à celui qui veille, et j’ai veillé, et je veille encore et toujours, de l’aube au crépuscule, du crépuscule au jour.
Il ferma les yeux du roi, baisa son front pâle, puis sortit sous les étoiles. Il salua chacune. Il avait le temps désormais… Tout le temps…

Michel R. : Le tailleur et le loup et La bonne fouace de Pierrou, deux récits issus du recueil "Récits et Contes Populaires du Languedoc/2" recueillis par Jean Guilaine dans la vallée du Lauquet, Gallimard, 1978.
Résumés :
"Le trou du tailleur" est le nom donné à une grotte ... Voici pourquoi :

Le tailleur s'en retourne chez lui : il a travaillé toute la semaine dans une maison bourgeoise pour habiller sur mesure toute la famille. Sa musette est bien garnie : pièces et une bonne fouace. La route est longue. Le tailleur veut faire une halte dans une grotte non loin de son chemin. Mais la grotte est habitée par des loups. Le tailleur sort ses ciseaux, les ouvre, les referme ... Les loups n'aiment pas cette musique-là, ils s'enfuient. Depuis la grotte s'appelle "Le trou du tailleur".

Les loups n'aiment pas la musique ...

A Montjoie, il y a fête : un musicien fait danser au son de sa mandoline. Il repart avec ses sous et une bonne fouace. Il s'arrête à la fontaine de l'érable, nommée ainsi parce qu'un grand érable l'abrite. Des loups arrivent, le musicien jette morceau par morceau, et à regret, sa bonne fouace le Pierrou. Les loups se font menaçants, l'homme grimpe dans l'arbre précipitamment, et ce faisant une branche accroche la mandoline : une note fuse, les loups s'arrêtent, interdits ... le musicien plaque quelques accords : les loups reculent, le musicien joue et les loups s'enfuient. Depuis ce jour, il n'y a plus de loups à Montjoie.

Illustrations :

• loups : ttp://belgarath.centerblog.net/rub-Le-loup.html
• fouace avec la recette ! http://lesbonsptiplats.canalblog.com/archives/2006/11/04/3082579.html
• mandoline : http://www.acteon-spectacles.com/nos-prestations/plateaux-artistes/artistes/

Viviane : Le marchand de cage un conte tiré d'un ouvrage ancien "Le magasin pittoresque", 1849, inclus dans le recueil "Contes, Récits et Légendes des Pays de France Tome 3. (Provence Corse Languedoc-Roussillon, Alpes Auvergne), Claude Seignolle, Omnibus, 1997.
Résumé de Viviane :

Vivait entre Carcassonne et Béziers un marchand de cage nommé Bourboulous, mais il en vendait très peu ; si peu qu'il se passait d'habits neufs, de vin et de bonne nourriture.
Un jour il est arrivé dans un gros village où tous étaient habillés en habits de fête : ce n'était pas une noce mais une farandole pour fêter l'arrivée du printemps au 1er mai. Au milieu de la farandole il y avait une petite fille sur un char entourée d'autres enfants. Et les pièces de monnaies tombaient à profusion. Bourboulous trouve injuste cette situation.
En continuant son chemin, il rencontre un riche bourgeois ; il s'arme de courage et lui demande s'il peut lui rendre un service : juste une pièce de monnaie pour lui passer son mal, la faim. L'inconnu hésite longtemps, mais après réflexion il décide de lui offrir un petit oiseau couleur des nues.
- Quand tu désireras quelque chose, tu n'auras qu'à dire "Petit oiseau bleu, fais ton service."
Pour commencer Bourboulous lui commanda un bon repas, et surprise, le repas fut servi aussitôt car le bonhomme était Saint Estapin, connu de toutes les bonnes gens de la langue d'Oc.
En second, Bourboulous demanda à l'oiseau un habit digne du repas qu'il avait mangé et il se retrouva en habit de velours avec broderies et galons d'or et son bâton se transforma en un beau cheval avec selle et sonnettes d'argent.
Arrivé à la porte d'un château, il y avait une fête pour le saint patron mais tout le monde était désappointé et déçu car l'orchestre attendu n'ait point disponible. Bourboulous, avec son "Petit oiseau bleu, fais ton service" leur fournit un orchestre au complet et tous purent danser ainsi que la jeune et belle châtelaine.
A la fin du bal, le seigneur des lieux offrit à Bourboulous un château et les terres qui l'entouraient mais celui-ci lui demanda la main de la belle jeune fille. Le châtelain accepta de lui offrir sa fiancée contre le bel oiseau. La jeune fille était très inquiète de tomber dans les mains d'un routier, d'un magicien ou même le démon. Mais le seigneur lui rétorqua qu'elle avait les moyens de se défendre et il l'aida à monter sur le cheval de Bourboulous, sans plus y penser.
Ensuite il s'empressa d'attirer tout le monde pour voir ce bel oiseau dans sa cage et profiter de ses pouvoirs. Mais au moment de prononcer les mots magiques, le seigneur se penche sur la cage qui d'un coup de bec s’ouvre, et s'envole un gros oiseau gris criant Coucou.
C'est depuis ce jour que dans la région ont dit d'un homme qui a tout perdu, qu'il a vendu son honneur pour un oiseau...

ou qu'il s'est fait pigeonné ?

Illustrations :

• cages : http://indulgy.com/post/qZxPSOSfA1/mur-de-cages-great-idea-for-my-wall-on-my-bac|R|ges_mur_http://indulgy.com/post/qZxPSOSfA1/mur-de-cages-great-idea-for-my-wall-on-my-bac
• oiseau libéré : http://www.mandellia.fr/stickers-muraux/stickers-cage-a-oiseau,20111302747_vbo.html

Saint Estapin
Tous les ans, et depuis un temps immémorial, le 6 août, jour de la fête de saint Estapin, qui correspond, dans le calendrier, à celle de la Transfiguration, un peuple immense se rassemble à Dourgne et dans les environs. Les boiteux, les paralytiques, les aveugles, les malades de tout genre viennent y chercher la guérison de leurs infirmités. Ils partent de grand matin des villages ou ils ont couché, et des prairies où ils ont été obligés de bivouaquer; car ils sont en grand nombre et se rendent au temple consacré à saint Estapin. Ce temple est situé dans une gorge qui s`ouvre vis-à—vis de la ville de Dourgne et au midi de la montagne. Les pèlerins font neuf fois le tour du temple et se rendent ensuite sur la plate-forme. Là chacun trouve un remède à son mal. Il suffit pour cela d'introduire dans un des trous pratiqués dans les pierres du monument, le membre affligé auquel ce trou est destiné. Il y en a de différents calibres pour la tête, la cuisse, la jambe, le bras, etc. Cette cérémonie faite, on assure que les boiteux marchent droit, que les aveugles voient, que les paralytiques recouvrent l'usage de leurs membres. (...) Lorsque cette première épreuve n’a pas réussi, les pèlerins ont recours à la fontaine de Monies ou de Saint·Jean. Cette fontaine est située dans la gorge qui suit immédiatement celle ou est bâti le temple de Saint·Estapin. (http://www.e-corpus.org/notices/114030/gallery/1541925/fulltext)

• Bien que les noms des divinités gauloises président à ces sources nous soient parvenus en très petit nombre, nous avons, ce semble, le droit de conclure maintenant que l’usage de diviniser les sources en leur attribuant de mystérieuses vertus était général chez les Celtes.
• Saint Estapin est invoqué plus particulièrement contre les varices. (http://prier.retz.fr/prieres-saintes-en-francais/st-edme-a-st-expedit/saint_epain_ou_estapin/).
• Saint Estapin vécut en Palestine. Le gouverneur de la province voulait le faire sacrifier aux dieux païens; mais aucune menace ne put fléchir la constance du saint qui eut alors la tête tranchée et qui mourut remerciant Dieu d’avoir le bonheur de subir le martyr à cause de son Nom.
  

Farandole du 1er mai :
Les fêtes du 1er mai, farandoles, célébrations autour d'un arbre, etc., sont des survivances de l'ancienne fête celte de Beltaine, le 1er mai justement ... Pour en savoir plus voir l'article consacré à cette fête : Le 1er mai : une tradition qui se perd dans la nuit des temps

Un autre conte similaire :

• Pascal Fauliot et Patrick Fischmann, Les oiseaux des Tsiganes, in : "Contes des sages tsiganes", Seuil, 2012.
• De larges extraits du conte, habillé aussi de quelques plumes personnelles à découvrir dans l'article C... comme cages