Résumé :

Présentation du Serpent Vert par Kamel Guennoun
Billet Reduc.com Montpellier :

Kamel_Guennoun_http://www.billetreduc.com/52226/evt.htmPlacé sous le signe d'une extrême liberté d'invention, le Serpent vert est un conte merveilleux, anodin en apparence, onirique, initiatique du grand Goethe, poète, philosophe, alchimiste et directeur de théâtre, dont s'est inspiré Kamel Guennoun. Le serpent vert se présente comme autant d'énigmes que l'esprit du lecteur est invité à déchiffrer, une parabole sur la lumière et la solidarité entre les hommes. Tout commence au bord d'un fleuve. Des personnages bruyants et agités réveillent le passeur pour traverser le fleuve. Mais sans le savoir, ils se trompent de sens car ce qu'ils cherchent se trouve là où ils sont déjà !


Résumé du conte de Goethe

Le conte met en scène la rencontre impossible de deux jeunes gens vivant au sein d'un monde divisé par un fleuve. La jeune fille, atteinte d'un maléfice, ne peut être touchée par aucun être vivant sans provoquer leur mort. Le jeune homme, désespéré, cherche à l'enlacer, et meurt. Il faudra la mobilisation de personnages très divers pour ramener celui-ci à la vie et permettre son mariage avec la jeune fille: un serpent vert, deux feux follets, un passeur, un vieux sage et son épouse. Ceux-ci vont réveiller quatre rois qui attendent leur heure de longue date dans un temple enfoui au cœur d'une montagne. Les temps étant révolus, le temple sort de terre, le jeune homme est sacré roi, et le monde est réuni par le sacrifice du serpent, qui se transforme en pont entre les deux rives réunissant l'Orient et l'Occident. (Wikipedia)

Vous pourrez découvrir le texte dans ses grandes lignes sur psychanalyse-paris.com.

Pour en savoir plus :

Pour Goethe, le conte littéraire renferme des impératifs d’écriture. Il doit « exciter la curiosité, retenir l’attention, inciter à vouloir élucider précipitamment des énigmes insolubles, envoyer sur de fausses pistes, embrouiller l’esprit par une progression dans l’étrange, susciter la compassion et la peur, toucher et, pour finir, apaiser l’esprit en faisant entrevoir, derrière l’apparente gravité, un sourire à la fois serein et malicieux ; et la lecture achevée, donner matière à l’imagination pour continuer à broder, et matière à l’esprit pour méditer » (in Poésie et vérité).

Toutes les énigmes du Serpent Vert sont « symboliques, et non allégoriques », comme l’écrivait Goethe à Humboldt le 25 mai 1776. Elles sont insolubles et portent un sens.

Les personnages et les objets se rapprochent des symboles utilisés en Alchimie et par les Francs-Maçons (une interprétation des symboles est ici, en fin d'article)

Goethe et Schiller signèrent en commun une épigramme en 1796 dans le cycle des Xéniès :

« Le Conte, Plus de vingt personnages sont à l’œuvre dans le conte.
- Mais que font donc tous ces gens ?
- Le Conte, mon ami ! ».


Personnages et objets symboliques (par ordre d'apparition) :

Sur une rive donc le passeur et le domaine de Lilia (Fleur de Lys). Sur l’autre rive c’est un monde à l’envers : Le Vieux possède une Lampe dont la lumière est si pénétrante que les objets qu’elle éclaire ne peuvent projeter d’ombre. Seule la présence d’une autre lumière lui permet de redonner des forces aux êtres vivants. Lilia et la Lampe peuvent tour à tour anéantir et animer ; il leur faudra collaborer pour que leur pouvoir positif se manifeste et que leurs dons respectifs se neutralisent. Mais comment puisqu’elles sont sur des rives opposées ?

  • Un fleuve qui divise le monde


  • Le passeur : il jettera les pièces des feux-follets (tant que le moment de la transmutation n’est pas arrivé, cet or peut agir comme un poison, tuant au lieu de vivifier) et se fait payer en légumes. « Malheureux, si une seule pièce d’or était tombée dans le fleuve, celui-ci nous aurait sûrement détruit car il ne peut souffrir ce métal ». Ramassant soigneusement et péniblement chaque pièce d’or, le passeur va les jeter dans une faille de la terre, et c’est là que le serpent va les recevoir.


  • 2 feux-follets espiègles. Il y a beaucoup d’orgueil, un peu d’insolence, accompagnés d’immaturité, d’irrespect qui les suit tout au long du récit. Une fois passés sur l'autre rive, les feux-follets se secouent et font tomber des pièces d’or pour payer le passeur.


  • 3 sortes de légumes (prix de la traversée : 3 choux, 3 artichauts, 3 gros oignons)


  • Un serpent qui devient lumineux et vert après avoir absorbé les pièces d'or des feux-follets jetées par le passeur dans la caverne. Il se transforme en pont au-dessus du fleuve. Il rend la vie au Prince en faisant autour de lui un cercle magique. Le serpent se change alors en pierres précieuses qui seront jetées dans le fleuve à sa demande.


  • une jeune femme victime d'un sortilège : Lilia (Fleur de Lys). Tout ce qu'elle touche est changé en pierre et meurt (son canari trouve la mort à son contact) mais elle a le pouvoir de faire vivre les pierres précieuses et de ressusciter les animaux.


  • un géant stupide : il dérobe 3 légumes puis veut traverser le pont pour envahir la ville.


  • un vieil homme avec une lanterne magique : sa lampe avait la merveilleuse propriété de changer toutes les pierres en or, tout le bois en argent, les bêtes mortes en pierres précieuses, et d’anéantir tous les métaux. Mais, pour produire cet effet, il fallait qu’elle éclairât toute seule ; s’il se trouvait auprès d’elle une autre lumière, la lampe répandait seulement une belle clarté, qui réjouissait tous les êtres vivants.


  • dans la caverne, qui est un temple souterrain, 4 rois : or (sagesse) argent (force) airain (beauté ou justice) composite (roi pressé fait avec les restes des autres). Les trois premiers rois représentent Sagesse, Force et Beauté. Dialogue entre le roi d'or et le serpent :


Le roi se mit à parler et dit :
« D’où viens-tu ?
- Des cavernes où l’or demeure, répondit le serpent.
- Qu’y a-t-il de plus beau que l’or ? dit le roi.
- La lumière.
- Qu’y a-t-il de plus agréable que la lumière ?
- La parole. »

  • la femme de l'homme à la lanterne est chargée par les feux follets de payer leur dette (le prix de la traversée du fleuve) en légumes. Le serpent va l'aider mais le Géant volera trois légumes. Le passeur l'oblige à tremper sa main dans le fleuve : sa main devient noire (elle a 12 heures pour payer la dette de légumes). Chez Lilia, où elle a amené le petit chien, elle voit le prince changé en pierre et retraverse grâce au serpent, va chercher son mari et les 2 feux-follets. Elle rajeunira à la fin du conte en nageant dans le fleuve.


  • un prince qui traverse le fleuve pour rejoindre Lilia (Fleur de Lys). Son amour est impossible : il se jette dans les bras de fleur de Lys et se change en pierre (mort volontaire qui signifie renoncement à soi) ; il sera ressuscité par le serpent qui forme un cercle magique.


  • petit chien : il meurt quand il avale un pièce jetée par le passeur ; la lampe va le sauver de la putréfaction en le changeant en onyx (pierre noire précieuse) mais rendu à la vie par Lilia. Sa maîtresse, la vieille femme du passeur, l'amène chez Lilia (Fleur de Lys) qui a le pouvoir de faire vivre les pierres précieuses et de ressusciter les animaux.


  • Le Prince ressuscité retourne dans la caverne avec Lilia et prend le glaive, le spectre et la couronne de chêne, les attributs du pouvoir. Le roi composite fond quand les feux-follets lèchent son or. Le prince devient roi. Le Prince se tourne vers le Vieux : « Tu as oublié la 4ème puissance dont l’empire sur le monde est plus ancien encore : la puissance de l’Amour ». Les joues de Lilia se couvrent du plus bel incarnat alors que le Vieux dit : « l’Amour ne règne pas, il instruit et cela vaut bien mieux.» Ce n’est pas une 4ème force car « l’Amour ne règne pas mais il est le véritable ciment de la société »


Résolution

Les temps sont révolus : un pont se forme à partir des pierres précieuses qui constituent le corps du serpent vert, reliant l'orient et l'occident, la caverne passe sous le lac et s'effondre, la maison du passeur s'écroule. Les dettes sont acquittées, la vieille femme retrouve sa main noircie et ratatinée par l'eau du fleuve grâce à la lanterne. Son mari, l'homme à la lanterne, la force à se baigner et elle rajeunit et lui aussi.

Tous sont régénérés : la Vieille en se plongeant dans le Fleuve redevient jeune et belle, le Vieux aussi, le Passeur apparaît tout de blanc vêtu. Les pierres précieuses provenant du Serpent se sont assemblées dans l’eau du Fleuve pour constituer les piles et les arches d’un vaste pont qui établit une circulation animée entre les deux rives naguère désertes. Le Géant stupide menace cette harmonie mais il est métamorphosé en pierre d’un rouge éclatant sur la place entre le Pont et le Temple et son ombre indique les heures. Une dernière fois les Feux Follets versent une pluie d’or sur la foule venue admirer ces merveilles.

Interprétation

  • Une interprétation de ces nombreux personnages et objets symboliques est ici : le conte est résumé, puis expliqué en fin d'article.

Dans son trou notre Serpent est symboliquement noir, il est lové donc à l’horizontale en attendant le réveil. L’or le rend lumineux et il se complaît dans son nouvel état qui l’amène à se délover, se dresser suivant la verticale pour d’abord suivre le feux follets et se nourrir encore d’or plutôt que de rosée puis descendre dans la crypte (il amène la lumière dans l’obscurité de la terre) où il réveille les Rois qui lui font subir un rituel d’initiation. (...) En éclairant le Temple souterrain, il permet au Vieux à la Lampe d’y pénétrer sans causer de dégâts et par là de comprendre que l’heure est venue. (...) le Vieux se dirige vers l’occident pour y répandre la Lumière et le Serpent poursuit vers l’Est en quête de la Vraie Lumière ; d’initié il devient initiateur : c’est lui qui annonce à Fleur de Lys que le Temple existe. Tous deux (le Serpent et le Vieux à la Lampe) savent qu’ils vont collaborer à un Grand Œuvre collectif placé sous le signe de la Mort et de la Résurrection, idée chère aux Francs Maçons, aux Alchimistes et à d’autres.

Mais il y a bien d'autres interprétations...

La scène où l’embarcation et ses passagers sont menacés par le fleuve, informe sur l’un des dangers présents lors d’un processus d’initiation.
Les deux feux-follets symbolisent en nous une forme de connaissance qui prend sa source de l’autre côté de la rive, celle où se trouve la belle Lilia, là où la raison n’opère pas ; on peut qualifier cette connaissance d’intuitive, mais une intuition qui opère ensuite dans la dualité. C’est un peu le paradoxe d’un soleil qui révèle, mais qui aveugle aussi.
Ayant absorbé et digéré l’or des feux-follets, le serpent devient lumineux ; la lumière a pénétré dans l’obscurité de la terre ; il part alors à la recherche de cette source d’énergie. Cette lumière est avant tout connaissance et illumination (ou révélation).
Notre serpent éclairé rencontre les feux-follets qui lui donnent encore des pièces d’or qu’il s’empresse d’avaler. Son éclat s’avive à vue d’œil ; il luit de manière vraiment merveilleuse, et se sentant redevable, il propose à nos deux feux-follets d’exaucer tout ce qu’ils voudront. Leur requête concerna la fleur de lis, la belle Lilia, et ils demandèrent au serpent où habitait cette dernière. « Ce service, répartit le serpent avec un profond soupir, je ne puis vous le rendre sur le champ. La belle Lilia habite par malheur de l’autre côté de l’eau.» Deux solutions sont proposées aux feux-follets pour traverser cet énigmatique fleuve et retrouver la belle Lilia (qui n’est autre que la princesse prisonnière dans un château de nombreux autres contes) : 1/ à midi, sur le dos du serpent : en pleine lumière, c’est-à-dire dans la claire conscience de soi-même, le serpent se faisant pont, ou arc-en ciel 2/ le soir, sur l’ombre du géant : symbole des méthodes utilisant les états de conscience modifiée pour entrer dans l’autre moitié de la vie.
Avec sa nouvelle lumière, le serpent va pouvoir explorer la grotte aux statues ; elles vont s’animer, lui parler. Les trois ou quatre forces principes qui sont à l’origine de la vie vont se révéler au serpent sous la forme du roi en or, en argent, en airain et composite.
La lanterne (du vieil homme qui pénètre dans la caverne), placée à hauteur du visage, nous parle à nouveau d’une connaissance. Il s’agit ici de la connaissance traditionnelle et éternelle%% Après la scène où le Serpent parvient à voir et entendre les rois dans le temple, il s’éloigne par l’orient tandis que le vieux s’éloigne par l’occident :« Tous les couloirs où cheminait le Vieillard se remplissaient d’or sur son passage, car sa lampe avait le pouvoir magique de transformer toute pierre en or, tout bois en argent, toute bête morte en pierre précieuse ; par contre, elle anéantissait tous les métaux ». Tout ce qui constitue le monde ordinaire, les pierres (habitudes), le bois (émotions) pétrifiés par le temps, les animaux que la mort a entraînés, revivent sous l’effet de la véritable Lumière.
La compagne de l’homme à la lampe (...) se fie trop aux apparences, ce qui est à l’origine de ses soucis. Elle laisse entrer les feux-follets chez elle parce qu’ils paraissent bien vêtus et très convenables ; lorsque le jeune homme lui raconte ses états d’âme, elle est déçue car elle espérait connaître le nom de son royaume, tout son périple extérieur. Elle ne prend pas de décision, mais rumine beaucoup dans sa tête toutes les contrariétés qui lui arrivent. Elle est centrée sur elle-même de manière trop accentuée. Elle suit de son mieux les directives de son compagnon, mais ne possède aucune connaissance intérieure pouvant la guider. Pourtant lorsqu’elle se trouve en présence de Lilia, elle reconnaît sa beauté et s’émerveille de tout ce qui l’entoure. Il est aisé d’identifier ce personnage dans notre psyché, c’est un aspect de notre personnalité que les ans ont figé, qui se fie à la forme extérieure et ne voit qu’elle. C’est en nous ce qui pense en terme de « je » au détriment du « nous ». Ce sont nos problèmes personnels qui occupent le devant de la scène sans qu’aucune vision globale ne vienne en atténuer la portée.
C’est à la vieille que revient la tâche de régler la dette des feux-follets parce qu’elle est bien ancrée dans la dimension terrestre, et que le passeur ne veut que des produits de la terre. (Il lui en faut 9, mais le Géant en prend 3.) Six légumes ne peuvent pas convenir. Ces produits de la terre symbolisent trois niveaux de réalisation de la personnalité, et il manque une dimension à la vieille femme, liée sans doute à son côté superficiel et personnel. Nous sentons dans toute cette mise en scène du conte, l’importance de la solidarité pour l’avancement spirituel.
Le serpent se sacrifie pour faire revenir à la vie le Prince. Dans toutes les traditions païennes ou religieuses, l’idée de sacrifice est présente. C’est un symbole de renoncement aux liens terrestres par amour de l’Esprit ou de la Divinité. (...) Le sacrifice du serpent va permettre au plus grand nombre de circuler librement entre les deux rives du fleuve. Ce passage qui autrefois était réservé à quelques initiés, devient grâce à lui, un pont magnifique sur lequel la vie circule en parfaite harmonie.


  • Le Serpent vert, conte suivi du poème Les Mystères, accompagné d’une étude de Rudolph Steiner,Collection Science de l’Esprit, Goethe


  • Le Serpent vert de Goethe, traduit et commenté par Jean-Patrick Dubrun, Maison de Vie Editeur. Le lecteur fera le lien entre les métamorphoses successives des personnages et les phases du grand-œuvre. (...) Cependant la référence au projet maçonnique est chez Goethe secondaire par rapport au référent alchimique. (http://lettreducrocodile.over-blog.net/article-goethe-62215202.html)