Les trois pains de la vielle ou Le jugement de Salomon

Que dit le pain quand on le mange ? ... Bon comme ?… Long comme ?…

creative-commons_by-nc-sa_http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/ Ramendeuse1840_placedeloursElle ramendait, ramendait, ramendait … toute la journée … elle raccommodait les filets des pêcheurs pour quelques piécettes. Comme elle était seule, veuve, ses grands fils partis travailler loin, cela lui permettait de gagner son pain. Avec ces quelques sous et les petits poissons que lui donnaient les pêcheurs, la friture, elle mangeait à sa faim et pouvait même faire de petites réserves pour les mauvais jours, les jours de mauvais temps... quand le vent et la pluie empêchent souvent les bateaux de sortir …. Hé oui ! pas de pêche, pas de trou dans les filets... pas de trou, pas de travail … et pas d'argent ! La vieille femme était courageuse. Elle travaillait tant qu'elle pouvait et ne se plaignait jamais.

Mais cet hiver-là fut si pluvieux, si venteux, si désastreux que les jours où les bateaux restaient à quai ne se comptèrent plus. Les jours mauvais s'enfilaient en un long chapelet de pluie, de bourrasques et de tempêtes. Sans travail, sans argent pour acheter de quoi manger, les réserves furent vite épuisées. Lorsqu’il ne lui resta même plus assez pour se faire une galette, elle se rendit chez l’homme le plus riche du village, un marchand  :
-Je n'ai plus rien à manger. Donne-moi juste un peu de farine pour faire du pain et survivre jusqu'à la fin de l'hiver.
- Je viens de vendre mes derniers sacs. Il me reste à peine de quoi nourrir les miens, répondit l'homme. Mais si tu veux, tu peux balayer le grenier où étaient entreposés les sacs. Il y a toujours un peu de farine qui tombe.
Résignée, la petite vieille balaye le grenier. Et, heureuse surprise, elle parvient à faire un tas de farine beaucoup plus important qu'elle ne l'avait imaginé. Elle met la farine dans un sac et rentre chez elle. D'abord elle tamise la farine, puis y ajoute une pincée de sel, de l'eau et un peu de levain. Ensuite elle pétrit longuement la pâte, fait trois boules, les couvre et les laisse reposer. Une fois la pâte bien levée, elle fait des croisillons sur les 3 miches de pain et les porte au four du village pour les cuire. Elle rentre chez elle avec trois beaux pains dorés, croustillants et odorants. Elle sent leur bonne odeur et leur chaleur traverser le torchon qui les enveloppe. Et ça lui donne faim. C'est qu'elle n'a rien mangé depuis la veille, la vieille ...
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Elle rentre vite chez elle, pose tout de suite les 3 pains sur la table, sort le grand couteau à pain et s'apprête à couper une tranche de ce bon pain tout chaud quand on frappe à sa porte ... Elle va ouvrir : c'est un homme en haillons, il semble vraiment épuisé :
-Des voleurs m'ont attaqué sur le chemin et m'ont pris tout ce que j'avais. Il ne me reste que la vie, et encore … Je n'ai rien mangé depuis plusieurs jours. Je t'en prie, donne-moi quelque chose ...
La vieille femme, émue, donne sans hésiter le pain qu'elle s'apprêtait à couper. L'homme remercie et s'en va. La femme s'approche de la table, savourant par avance le bon pain encore tiède : « Il avait plus besoin de pain que moi et il me reste encore 2 pains ».. Pain_boule_La mie calinePain_boule_La mie caline

C'est alors qu'elle entend frapper. Encore ! Elle marque un temps d'arrêt, regarde avec envie le pain tout frais, bien levé, pose à regret le couteau à pain (soupir) et ouvre : elle voit un homme encore plus pitoyable que le premier et son regard est si triste, il a l'air désespéré.
-Ma maison a brûlé voilà trois jours. J'ai tout perdu. Ma femme et mes enfants sont morts ... je n'ai plus rien. Je t'en prie, donne-moi à manger puisque je dois vivre ...
Sans hésiter, le femme lui tend le deuxième pain. L'homme remercie encore et encore. « Pauvre homme, ce pain tout chaud le réconfortera. Ce malheureux était encore plus affamé que moi. Heureusement, j'ai fait 3 miches : il me reste encore un pain !» se dit la femme en s'approchant de la table, dégustant en pensée une tartine de pain frais encore tiède.Pain_boule_La mie caline

Mais elle n'a pas le temps d'en couper la moindre tranche. Un vent violent pousse la porte avec force, s'engouffre dans la maison et, avant que la femme ait pu réagir, le vent lui arrache le pain des mains : un tourbillon emporte la dernière miche de pain vers la mer.
La pauvre petite vieille éclate en sanglots
- Mais c'est qu'il m'enlève le pain de la bouche ! Voleur ! Et cruel ! C'est injuste ! J'ai donné deux pains à des malheureux et quand je veux manger le dernier pain, tu me l'enlèves de la bouche. Et que veux-tu que la mer fasse de mon pain ? Non, c'est trop injuste !

Ce soir là, la pauvre vieille s'est couchée le ventre vide et la tête pleine de questions. Elle ne trouve pas le sommeil : comment dormir, affamée, lorsque plane dans la maison cette bonne odeur de pain chaud... Qu'est-ce que j'ai fait au Ciel pour mériter une telle chose !!! Pourquoi le vent m'a-t-il arraché le pain de la bouche ? Qu'ai-je fait pour mériter cela ? Elle a beau s'interroger durant les longues heures de la nuit, elle ne voit pas la raison d'un telle injustice.
A l'aube, elle décide d'aller porter plainte contre le vent ! Seul le roi Salomon saura juger une affaire aussi délicate : une querelle avec le vent ! « Salomon est l’homme le plus sage au monde, il saura me rendre justice. » C'est décidé ! Elle va porter plainte contre le vent ! Apaisée, elle s'endort.

Salomon_Kikojo_http://kikojo.over-blog.net/article-10600960.htmlLe lendemain matin, elle se rend au palais, dans la grande salle d'audience du roi Salomon. Il l'écoute raconter son étrange histoire, lui pose plusieurs questions sur sa vie passée et réfléchit … et répond qu'il ne peut juger qu'en présence des deux partis : il lui faut entendre les arguments du vent pour pouvoir trancher.
-Si tu veux demander justice au vent, il te faudra patienter : il doit être présent au tribunal et je ne peux le déranger en ce moment je ne peux le déranger : il pousse nos navires marchands vers l'ouest de la Méditerranée. Je l'appellerai ce soir. Reste ici ou revient demain, ou après-demain ...
La vieille femme comprend... C'est bien un comportement de voleur de s'enfuir à l'autre bout du pays ou de traverser la mer ... Elle ronchonne un peu et s'installe sur un banc au fond de la salle. Elle ne part pas, elle est curieuse de voir comment le Roi Salomon rend justice.

En fin de journée trois hommes s'approchent et s'inclinent devant le trône royal. Ce sont trois commerçants qui viennent d'accoster. Le vent a tourné.
- Roi d’Israël, accepte de nous 7 000 pièces d’or et donne-les à une personne dans le besoin, , une personne qui, par la noblesse de son âme, en soit digne.
- Pourquoi tant de générosité ? demande Salomon.
- C'est un don promis à Dieu qui nous a sauvé de la tempête. Nous approchions de la côte de ton royaume lorsqu'une tempête s'est déchaîné. Les vagues jetaient le bateau de tout côté comme un petit morceau de bois, une fissure est apparue sur le flanc du navire et nous n'avions rien pour boucher le trou. L'eau s'infiltrait à gros bouillons, nous risquions de couler. Désespérés, nous avons prié Dieu en faisant le serment de donner aux pauvres le dixième de la valeur de notre chargement si nous nous en sortions intacts, nous, les marins et notre cargaison. Presque aussitôt, l’orage s'est apaisé, les vagues se sont calmées, et nous avons pu accoster en toute sécurité. Voici le dixième de la valeur de notre cargaison, exactement 7 000 pièces d’or pour les pauvres, à partager comme tu le jugeras bon.
- Je ferai volontiers ce que vous demandez, répondit Salomon, néanmoins une chose n’est pas claire : votre bateau prenait l'eau par une trou sur le flanc, alors comment se fait-il que vous n'ayez pas sombré ?

Le marchand fouille dans le pli de son manteau et en ressort un pain déformé, tout gonflé d’eau.
- Cette miche de pain, apportée par un tourbillon de vent , est venu se plaquer sur le flanc du bateau, juste sur la fissure et l'a colmatée : c’est cela qui nous a sauvés
Salomon sourit :
- Il me semble savoir d'où vient ce pain … il pourrait bien appartenir à une femme venue ce matin porter plainte contre le vent qui a emporté son dernier pain au moment où elle s'apprêtait à le manger. Salomon cherche des yeux la vieille femme, l'aperçoit et l'interpelle : Reconnais-tu cette miche ?
La petite vieille s'approche à petits pas et regarde le pain :
- Mais oui, c’est justement la miche que le vent m’a arrachée. Je reconnais le dessin que j'ai tracé dessus.
- Si ce pain t'appartient, les 7 000 pièces d’or t’appartiennent aussi, reprit Salomon. Dieu n’a pas oublié ta bonté et il a ordonné au vent de te sortir de la misère. Ce que tu avais pris pour une injustice, un malheur, est devenu Bonheur. Désormais, tu ne manqueras plus de rien.http://www.usagold.com/images/gold-coins-bullion.jpeg

De cette histoire, Salomon a tiré une sentence qu'il consigna dans le livre de l’Ecclésiaste (11:1) :
Jette ton pain sur la face des eaux, car avec le temps tu le retrouveras.
En découvrant ce conte, j'ai compris enfin tout le sens de cette pensée jetée sur la face du temps...


Sources du conte :
Ce conte est une adaptation personnelle à partir de deux versions :

  • Le jugement de Salomon in : Jean Muzi, « 25 Contes de la Méditerranée », Flammarion jeunesse, poche, 2011
  • Contes juifs, racontés par Leo Pavlat, Éditions Gründ, texte en ligne ici
  • Contes de la goutte de miel, Krystin Vesterälen, Les 2 encres, collection Histoire d'encres, 2011


Une variante :

  • Trois pains et le vent : Paule-Hélène Szmulewicz pour Guysen Israël Newsen en ligne ici


Illustrations :

  • Ramendeuse : http://placedelours.superforum.fr/t3080-la-ramendeuse-1840
  • Trois pains : http://usemines.webou.net/imagespropres/pain.jpg
  • Boule de pain : http://www.lamiecaline.com/fr/produits/pains/petite-boule
  • Salomon : dessin de Kikojo, http://kikojo.over-blog.net/article-10600960.html
  • Pièces d'or : http://www.usagold.com/images/gold-coins-bullion


Pour en savoir plus

Ramender :

  • Ramender : Réparer un filet, ou refaire les mailles qui manquent (Larousse).
  • Tutoriel pour fabriquer un filet de pêche : cliquer ici
  • Vidéo de Arnaud Contreras sur Youtube (http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=LbjWlLJOISg#!) et ici

Devinette :
Que dit le pain quand on le mange ?
Il diminue ... Il dit "minu"

Bon comme ?… le pain blanc Long comme ?… un jour sans pain

Salomon :

Salomon_http://mazel-livres.blogspot.fr/2008/10/curiosit-de-lecture-roi-salomon.htmlSalomon (970-931 avant J.-C) est le troisième roi des Hébreux. I est le fils et le successeur de David. Au cours de son règne, son royaume connut une grande prospérité fondée sur le développement du commerce. Grand bâtisseur, son œuvre maîtresse fut le Temple de Jérusalem. (Jean Muzi, « 25 Contes de la Méditerranée », Flammarion jeunesse, poche, 2011, p 71) (illustration : mazel-livres.blogspot.com)

Le roi Salomon fut réputé pour sa sagesse et son sens de la justice.
Il lui est attribué plusieurs écrits de la Bible : un grand nombre de sentences dans le livre des Proverbes et le livre de L'Ecclésiaste mais aussi un récit poétique et symbolique, Le Cantique des Cantiques.
La citation : Jette ton pain sur la face des eaux, car avec le temps tu le retrouveras, reprend le verset 11:1 de l'Ecclésiaste. L’Ecclésiaste (traduction grecque de l'hébreu קהלת Qohelet, « celui qui s'adresse à la foule »), est un livre de la Bible hébraïque. L'auteur se présente en tant que fils de David, et roi d'Israël à Jérusalem (Ecc1:1, 12, 16; 2:7, 9) et la fin du livre lui attribue également la rédaction de proverbes. Il a été quelque temps identifié à Salomon, ce qui fut contesté par Voltaire, et les exégètes modernes qui datent l'œuvre du IIIe siècle, pendant la période hellénistique où les Juifs furent influencés par les divers systèmes philosophiques grecs comme l'épicurisme et le stoïcisme. Le livre se compose de réflexions personnelles ou autobiographiques. (...) Une grande partie du livre paraît négative et pessimiste (Ecc 9:5, 10), en l'absence de toute perspective d'une vie future. Bien que le prêcheur place clairement la sagesse au-dessus de la folie, il ne lui reconnaît pas de valeur éternelle, juste un agrément de l'existence. Percevant cette absence de sens, l'auteur recommande de jouir des plaisirs simples de la vie quotidienne, comme le manger et le boire, la joie au travail, la compagnie de la personne qu'on aime, qui sont des dons de Dieu. Il recommande aussi de s'abstenir de maudire le roi (et le Roi), malgré la perception de l'injustice dans le monde et conclut que le devoir primordial de l'humanité, et la seule chose durable, est de "Craindre Dieu et garder Ses commandements, car c'est là tout l'Homme (12:13). (Wikipedia)

Le jugement de Salomon
Considéré comme « Sage parmi les hommes », Salomon se rendit populaire en début de règne par ses jugements pleins de sagesse. Le Premier livre des Rois (I Rois 3, 16-28) raconte ainsi le différend qui opposa deux femmes ayant chacune mis au monde un enfant, mais dont l'un était mort étouffé. Elles se disputèrent alors l'enfant survivant. Pour régler le désaccord, Salomon réclama une épée et ordonna : « Partagez l'enfant vivant en deux et donnez une moitié à la première et l'autre moitié à la seconde ». L'une des femmes déclara qu'elle préférait renoncer à l'enfant plutôt que de le voir sacrifié. En elle, Salomon reconnut la vraie mère, et il lui fit remettre le nourrisson. Alors « tout Israël apprit le jugement qu'avait rendu le roi, et ils vénérèrent le roi car ils virent qu'il y avait en lui une sagesse divine pour rendre la justice ». Ce célèbre épisode de la vie du Roi Salomon a donné lieu à l'expression « jugement de Salomon ». Il peut signifier soit que face à l'impossibilité d'établir la vérité dans un litige, on partage les torts entre deux parties, soit on met ces mêmes parties devant une situation qui oblige l'une d'elles au moins à changer sa stratégie. (Wikipedia)
Nous avons ici toutes les étapes d'un procès : l'accusation, la défense, la question à éclaircir, le processus de manifestation de la vérité, le jugement et la reconnaissance publique de la validité du jugement. Mais ce qui retient l'attention, c'est le processus symbolique suivi pour la manifestation de la vérité, avec, à la fin, le passage de l'épée à la parole. (Etienne Duval)

Le pain : origine et symbole :

Le pain des origines ...
On sait comment les Anciens préparaient la pâte, avec ou sans levain. Le pain des Babyloniens, comme celui des Irakiens, se présente sous forme de minces galettes rondes et sans levain. Chez les Égyptiens, la farine est délayée dans l'eau d'un grand pot de terre, et la pâte semi-liquide est versée dans un moule en terre cuite. Ces moules sont superposés en pyramide, qui renferme de neuf à treize pièces. Un foyer placé au centre de la pyramide permet de cuire le pain. Les Grecs ajoutent à la pâte différents arômes et savent confectionner jusqu'à 72 sortes de pains et pâtisseries. (Michel Barbier : Le pain au Moyen-Age)

Pains_http://www.francoisegomarin.fr/2012/05/19/le-pain-a-lenvers/L'origine du pain se perd dans la nuit des temps car selon de récentes recherches archéologiques, notre pain actuel serait l'héritier d'une histoire vieille de plus de 5.000 ans. Le premier pain, qui paraît avoir pris naissance avec la civilisation en Orient, a probablement été le résultat de l'oubli d'une ménagère qui laissa un peu de cette bouillie pendant un certain temps, dans un endroit abrité du vent, avant de la faire cuire. Ce produit, qui resta un aliment grossier et de digestion difficile, devint un pain léger, gonflé et formé d'alvéoles d'air dès qu'on lui rajouta un peu de pâte. Au fil des siècles, l'art boulanger s'est efforcé d'améliorer ce produit afin de parvenir à un produit plus fin, plus léger, plus digeste, meilleur au goût. Au gré des migrations, l'art de fabriquer le pain s'est transmis tout autour du bassin méditerranéen : en Judée, en Asie mineure, en Grèce puis à Rome et dans toute l'empire romain. Dans le monde catholique du Moyen-Age, où les pèlerinages étaient fréquents, les abbayes eurent un rôle favorable dans le développement de la boulangerie. En France, le pain s'est affirmé comme la nourriture de base jusqu'à la veille du vingtième siècle. Même si la place du pain a eu tendance à s'estomper au profit de la viande au cours des vingt dernières années, elle reste encore importante d'un point de vue convivial (Jean-Marie Cornuey).

Le pain en tant que symbole :
On a l'habitude de faire référence au pain pour symboliser deux concepts humains : le travail (ou l'effort) et l'amitié :

  • En ce qui concerne la notion de travail, innombrables sont les expressions de la langue française qui en témoignent : avoir du pain sur la planche ; gagner son pain à la sueur de son front ; être dans le pétrin ; le gagne-pain...
  • Il en est de même de l'amitié et du partage. Le compagnon, étymologiquement, est celui avec qui l'on rompt le pain et partage le pain. " Rien n'a d'égal la valeur du pain partagé " écrivait A. de Saint-Exupéry. Socialement, les mots compagnon et copain expriment le partage du pain qui devient ainsi symbole communautaire.


Le pain est pour de nombreuses religions un élément fondamental, symbole de vie et de don spirituel. Ce caractère sacré en fait un aliment différent des autres. Aliment sacré, jeter le pain est resté pendant longtemps un sacrilège mais sa dimension symbolique s’est perdue dans notre ère industrielle.

  • Il y a plus de 5000 ans, Osiris se déclarait être le pain de vie des enfants de l’Egypte. Il apprit aux hommes à cultiver le blé, à faire la farine et préparer le pain : le pain fut toujours considéré comme divin et sacré par les égyptiens. L'entité divinisée, ou l'initié mangeant le pain d'Osiris, communie avec le dieu, et se nourrit de lumière, car en mangeant le pain "Il avale l'esprit, il avale le savoir et l'intelligence de tout dieu." Le gâteau, c'est l'Oeil d'Horus, c'est-à-dire la Lumière. Il a été trouvé dans une pyramide cette inscription à l’attention du défunt : "Avale l'esprit, avale le savoir et l'intelligence du dieu". Ainsi, manger le pain consistait à se nourrir du mystère universel, du triomphe de la vie sur les forces destructrices de la mort.
  • La céréale est une divinité dans pratiquement toutes les cultures (telle Déméter chez les Grecs ou Cérès chez les Romains).
  • Trois mille ans plus tard le Seigneur Jésus-Christ utilise le même symbole que Osiris pour situer la valeur de son exemple et de son enseignement : « Prenez et mangez, ceci est mon corps ». Les Écritures Saintes de la religion chrétienne recèlent environ quatre cents références au pain.
  • Si le pain est originellement un produit d’une extrême simplicité, composé de farine et d’eau (le sel viendra plus tard), le tout fermenté et cuit, allie ainsi les 4 éléments fondamentaux que sont la terre (blé), l’eau, l’air (bulles issues de la fermentation) et le feu. Le pain symbolise une osmose entre le ciel et la terre, entre le spirituel et le matériel, le temporel et l'éternel.


La valeur nutritionnelle du pain lui confère un certain pouvoir :

  • Dans l’Antiquité, selon Ovide (1 er s. av JC), lorsque les Gaulois assiégèrent Rome, les Romains invoquèrent Jupiter qui leur conseilla de jeter par-dessus les murs ce qu’ils avaient de plus précieux. Ils confectionnèrent alors avec leur reste de farine, des miches de pain qu’ils lancèrent contre les assaillants. Ces derniers pensèrent que Rome était largement approvisionnée et possédait de quoi tenir un très long siège. A cause de cela, ils abandonnèrent leur assaut. En reconnaissance, les romains édifièrent un temple à Jupiter Pistor (Jupiter Boulanger) ce qui associait le symbolisme du blé (vie, mort et renaissance) à la destinée de la ville.
  • Du pain et des jeux" (Panem et circenses) : expression latine citée par Juvénal dans Satire'', une œuvre dans laquelle il dénonce les vices de son époque. Chez les anciens romains, «le pain et les jeux» étaient gage de la bonne humeur du peuple. En politique, le thème du pain a été utilisé comme le symbole de la sécurité ainsi que de la prospérité.
  • Il a mangé du pain du roi : il a fait de la prison.
  • Pain à l'envers, mort pas loin : Le boulanger, pour ne pas s’attirer les mauvaises grâces du bourreau, réservait toujours un pain pour ce dernier. Il posait ce pain à l’envers pour être sûr de ne pas le vendre à un autre. Tout le monde savait que ce pain était celui du bourreau et … personne n’y touchait. Pain à l‘envers, mort pas loin, de là les superstitions, «peurs irrationnelles». (http://www.francoisegomarin.fr/2012/05/19/le-pain-a-lenvers/)


Quelques expressions populaires :
La culture du blé comme la confection de pain rythment si intimement la vie des hommes qu’elles génèrent de nombreuses expressions qui narrent autant nos bonheurs que nos malheurs. L’homme doit gagner son pain. Pour cela, il doit mettre la main à la pâte. Quand il y a trop de travail, il y a vraiment du pain sur la planche ; des ennuis, il se retrouve dans le pétrin ; une période misère après une période faste, il aura mangé son pain blanc Les journées sont parfois longues comme un jour sans pain. Puni, il sera au pain sec et à l’eau. Les meilleurs amis sont comme du bon pain et les ennemis, il aimerait leur faire passer le goût du pain. Etc. (http://www.anachronique.fr/?p=612)

  • Gagner son pain (à la sueur de son front) : gagner sa vie, gagner de quoi se nourrir, subvenir à ses besoins en travaillant (dur). Cette expression vient de la Bible (Genèse) et ce fut la sentence qu'énonça Dieu à Adam et Eve en les chassant du Jardin d'Eden : ils devinrent mortels et durent travailler dur pour se nourrir.
  • Le gagne-pain... : le travail rémunéré qui permet de se nourrir ; C’est mon gagne-pain : c’est mon métier
  • Mettre la main à la pâte : se mettre au travail, s'impliquer dans une tâche.
  • Avoir du pain sur la planche : avoir du travail, être très occupé
  • Nul pain sans peine (1611)
  • Tel pain, telle soupe : des situations se valent en fonction des éléments qui les composent
  • Faire de quelque chose son pain quotidien : en faire une habitude


  • Être dans le pétrin : avoir des ennuis, des problèmes qui vous travaillent comme est travaillée la pâte dans le pétrin
  • Avoir mangé son pain blanc : après une bonne période vivre des moments difficiles
  • Il m'enlève le pain de la bouche : priver une personne de l'essentiel
  • Ôter le goût du pain à quelqu’un : lui enlever l’envie de vivre
  • Long comme un jour sans pain : le temps parait plus long sans le plaisir de manger à sa faim du bon pain


  • Ça ne mange pas de pain ! : cela n’occasionne pas de dépenses, cela ne prête pas à conséquence
  • C'est parti comme des petits pains : cela s'est vendu très vite/ facilement
  • Pour une bouchée/un morceau de pain : pour une petite somme
  • Vendre son pain avant qu’il ne soit cuit : être présomptueux ou imprudent
  • Être bon comme du pain blanc : être généreux


Sources :

  • Le pain, aliment ou symbole, Jean-Marie Cornuey, IEN ET ALIMENTATION, 14 novembre 2002, texte en PDF sur internet
  • Le pain au moyen-age, Vivre au Moyen Age, Michel Barbier, Mercredi 2 juillet 2008, <http://vivre-au-moyen-age.over-blog.com/article-20924413.html>, consulté le 6 décembre 2012
  • La symbolique du pain : Comment évolue le pain, aliment essentiel dans l'histoire de l'Homme, ainsi que sa fabrication ?, Réalisation du site par les élèves du groupe de TPE du Lycée Julien Wittmer à Charolles, 2010-2011, <http://www.pain-tpe.sitew.com/La_symbolique_du_pain.S.htm#La_symbolique_du_pain.S> consulté le 5 décembre 2012
  • Le Pain traditionnel et symbolique, Mythologie et symbole, Robert-Jacques Thibaud (28 novembre 1941 - 21 février 2002), Le sphinx vous communique, <http://symbuli.pagesperso-orange.fr/mythologie/textes/messages_sphinx/pain.htm>, consulté le 5 décembre 2012
  • Le pain, tout un symbole, Ana'Chronique, Élisabeth de la Fontaine, 1 septembre 2011, <http://www.anachronique.fr/?p=612>, consulté le 5 décembre 2012