L'auteur :
Mark Rowlands, né au Pays de Galles en 1962, a commencé des études en ingénierie avant de changer pour la philosophie. Il obtint son doctorat en philosophie de l'Université d'Oxford et a occupé divers postes universitaires dans les universités en Grande-Bretagne, Irlande et aux États-Unis. Rowlands est connu pour ses recherches en philosophie sur la construction de la pensée et pour son travail sur le statut moral des animaux.
Mark Rowlands est actuellement professeur de philosophie à l'université de Miami. Il est l'auteur de nombreux essais, traduits en quinze langues. Il a beaucoup voyagé, s'est installé successivement en Alabama, en Irlande, en Angleterre et en France, et vit aujourd'hui aux Etats-Unis. (Editeur : Belfond)

Résumé de l'éditeur :
Mark Rowlands est tout jeune professeur de philosophie à l'université d'Alabama lorsqu'il adopte un loup de six semaines qu'il baptise Brenin. C'est le début d'une cohabitation improbable, dont le philosophe sortira enrichi et transformé à jamais. Du difficile dressage des débuts aux longues promenades dans les montagnes sauvages de l'Alabama, de l'épreuve de la maladie à la naissance des petits de Brenin vont naître d'extraordinaires leçons de vie. Une réflexion passionnante sur l'homme et la nature, ou le philosophe va réévaluer des questions essentielles comme l'amour, le bonheur, la nature ou la mort. Un document tour à tour poignant et amusant, léger et brillant, qui nous fait comprendre ce que c'est qu'être humain, profondément.

Autres avis :
Rencontre entre le monde sauvage et la pensée ! Imaginez l'improbable rencontre entre un philosophe et un loup: l'un est le symbole de la pensée, l'autre l'incarnation de l'instinctif, du sauvage! bien qu'il ait vécu toute sa vie avec des chiens, le jour où Mark Rowlands adopte un louveteau, il est loin de se douter que cette rencontre va bouleverser à jamais sa pensée philosophique et sa vie. (Daniela Späder) interview Mark Rowlands ici

Extraordinaire, l’histoire de Mark Rowlands l’est à plus d’un titre. Pas seulement parce que ce professeur de philosophie de l’université d’Alabama, aux États-Unis, prit très jeune l’habitude de venir donner ses cours flanqué d’un loup de grande taille. Mais parce que ce dernier était en fait son meilleur ami. A ses côtés, le jeune homme partait pour d’interminables courses en forêt, passant parfois des nuits à randonner et à hurler à la lune. Mais le plus fou, c’est qu’au bout des 15 ans que vécut le loup, Rowlands réalisa que celui-ci l’avait poussé vers une autre philosophie. Pendant 15 ans de plus, il explora de quelle façon sa vision du monde et surtout des humains avait changé. Sa grande découverte fut qu’en fait, nous sommes profondément des singes. C’est-à-dire des êtres obsédés par leur sexualité, pratiquant simulation et mensonge pour parvenir à leurs fins, à la différence des loups, qui peuvent rester chastes et vierges leur vie entière sans s’en trouver frustrés. Les innombrables découvertes existentielles et morales que cette différence implique sont passionnantes et c’est en toute légitimité que Mark Rowlands a sous-titré son livre « Leçons du monde sauvage sur l’amour, la mort et le bonheur. La vraie bonté, écrit Mark Rowlands, ne peut se manifester dans toute sa pureté et sa liberté qu’à l’endroit de ceux qui ne possèdent pas de pouvoir. Le test moral le plus radical est de savoir quel rapport vous entretenez avec les animaux. Patrice van Eersel

Présentation par l'auteur :
Mark_Rowlands_BreninCet ouvrage s'inspire de ce que j'ai appris au cours de mes années avec Brenin et j'ai organisé le récit autour de ces leçons. (p 18) ... Celles-ci étaient de nature viscérale, fondamentalement non cognitive. Je ne les ai pas tirées d'une quelconque observation de Brenin, mais du fait que nous cheminions de concert sur les sentiers de nos vies. Et je ne les souvent comprises qu'après sa disparition (p 19)... Si les idées qui nourrissent ce texte sont le fruit de ma réflexion dans une large mesure elles ne m'appartiennent pas (...) certains concepts ne peuvent surgir que dans l'espace entre un homme et un loup, j'en suis convaincu... Ce sont des pensées de la clairière, qui n'existent que dans l'espace entre un loup et un homme. (Le philosophe et et le loup, p 20,21)

"The pivot upon which the whole book turns is when Brenin was a six-week-old puppy and was pinned to the ground by a pit bull. Instead of squealing like most puppies did, he emits this calm and sonorous growl. The most important thing in life, the thing which defines us, is how we deal with those situations in which we have no hope … The purpose of religion is to give us hope, but what we are, at our best, is what we are when we realise that there is no hope. We sort of go on anyway." L'axe autour duquel tourne le livre entier est le moment où Brenin, alors chiot de six semaines, fut cloué au sol par un pit bull. Au lieu de hurler comme la plupart des chiots auraient fait il émit ce calme et sonore grognement. La chose la plus importante dans la vie, ce qui nous définit est quand nous affrontons ces situations dans lesquelles il n'y a pas d'espoir... Le but de la religion est de nous donner l'espoir, mais ce que nous sommes, au meilleur de nous-mêmes, c'est quand nous réalisons qu'il n'y a plus d'espoir. (interview du Sydney Morning Herald en 2009)

The Philosopher and the Wolf was, in essence, about growing up. Running with the Pack is about growing old Le philosophe et le Loup traitait, essentiellement, de la notion de grandir. Courir avec la meute (prochain ouvrage à paraître) a comme sujet mûrir. (Mark Rowlands, Philospot)

Extraits :
Nous sommes plus proches du singe que du loup :

Pensez le loup comme une clairière dans la forêt. Il fait parfois si sombre au fond des bois qu'on ne distingue plus les arbres, et la clairière représente l'espace propice à la découverte de ce qui est dissimulé. J'aimerais essayer de démontrer que le loup figure la clairière de l'âme humaine. (p 12)

Le singe représente la propension à instrumentaliser le monde : la valeur d'une chose est fonction de ce qu'elle peut rapporter au singe. (...) Le singe n'a pas d'amis mais des alliés. (...) Une telle attitude finit inévitablement par se retourner contre celui qui la cultive, venant contaminer et nourrir sa vision de lui-même (...) Être singe, c'est penser que l'essentiel de la vie relève d'une analyse de rentabilité. (...) Pour l'observateur attentif, qui sait où et comment diriger son regard, chaque fable cotée par les singes (que nous sommes) révèle aussi un loup. Lequel nous dit que les valeurs des singes sont viles et grossières ; que l'essentiel de la vie n'est jamais affaire de calcul. Ce qui a vraiment du prix n'est pas quantifiable ni commercialisable, nous rappelle-t-il, et quiconque veut agir de manière juste doit parfois risquer que le ciel lui tombe sur la tête. (...) Il est parfois nécessaire de laisser s'exprimer le loup en nous et de faire taire l'incessant bavardage du singe. p 14-17

D'après Mark Rowlands, il y a plusieurs formes d'intelligence :

  • mécanique : cette faculté à comprendre le rapport entre les choses
  • sociale : non seulement comprendre les rapports entre les choses mais aussi les relations entre eux et leurs congénères. Le calcul et la duperie sont au cœur même de cette forme d'intelligence sociale que possèdent les grands et petits singes. Les loups n'ont pas suivi ce chemin-là. Lorsqu'on affirme la supériorité de l’intelligence des singes sur celle des loups, c'est parce que finalement, les singes sont de meilleurs comploteurs et menteurs.
  • artistique et scientifique : mais cette intelligence n'est qu'un sous-produit de notre intelligence sociale ...

Le singe est le seul animal assez antipathique pour devenir un animal moral. Le meilleur de notre être provient de ce qu'il y a de pire en nous. (p 81-98)

Le mal ... est en nous comme le ver dans la pomme ...
Il nous reste le sens de ce qui est juste :
Le mal est banal, mais j'attribue cette banalisation à une carence de la volonté plus qu'à une incapacité de notre part.... l'absence de volonté d'accomplir son devoir moral et épistémique. Notons aussi le manque d'empathie et le fait de ne pas remettre en question ses idées et ses valeurs devant la souffrance d'autrui. (p 120-121) La méchanceté des singes, et plus particulièrement ceux de la branche humaine, se loge dans leur propension à "fabriquer" de l'impuissance. C'est en cela que les singes humains sont les artisans de la possibilité du mal... Lorsque les autres sont impuissants, nous n'avons aucun intérêt personnel à les traiter correctement et avec respect, car ils ne sont pas en mesure de nous aider ou de nous mettre des bâtons dans les roues... Nous ne pouvons avoir qu'une seule raison de nous montrer corrects et respectueux envers eux et elle est morale : parce que c'est la conduite juste à tenir. Et ce comportement découle de la sorte de personne que nous sommes.(p 122-123) Nous invoquons des excuses, et inventons un mal extérieur à nous-mêmes. Nous ne sommes plus assez forts pour vivre sans excuses, plus assez forts pour avoir le courage de nos opinions.

Les loups sont forts et intègres car sans calcul :
Les loups ne se cherchent pas d'excuses. Brenin, louveteau cloué au sol par un Pitbull, au lieu de hurler et supplier, a émis un son profond, calme et sonore qui démentait son âge tendre. ça c'est de la force (...) exprimer la volonté de ne pas reculer, quoi qu'il arrive. Et le pit bull l'a lâché. (p 132)

Le contrat social, un contrat de dupe ...
La première révélation de la théorie du contrat social est notre obsession du pouvoir... De cette théorie découle e effet une conséquence criante : il n'existe aucune obligation morale envers plus faible que soi. (p 147)
La deuxième supposition informulée : Le contrat repose sur un sacrifice délibéré en vue d'un bénéfice anticipé... L'essentiel n'est pas de se sacrifier, mais d'en donner l'impression aux autres ... Le contrat, de par sa nature même, récompense la tricherie... pas la duperie en tant que telle mais celle qui réussit parce qu'elle est astucieuse... A ceci près que le contrat ne peut fonctionner que si la tricherie reste l'exception plus que la règle.

Ce qui peut nous sauver : nous avons été loup avant d'être singe calculateur ...
Pourquoi aimons-nous nos chiens ? ... nos chiens mobilisent quelque chose, dans les plus profonds replis d'une partie de notre âme depuis longtemps oubliée... le loup que nous avons été jadis. Ce loup comprend qu'on ne peut pas trouver le bonheur dans le calcul ; qu'aucune relation vraiment importante ne peut se fonder sur un contrat. La loyauté avant tout. Une loyauté que nous devons respecter, le ciel dût-il nous tomber sur la tête. Les calculs et les contrats arrivent toujours dans un deuxième temps, de la même façon que la part singe de notre âme succède à la part loup. (p 160)

Le bonheur :
Le bonheur reste un sentiment ou une sensation d'une sorte ou d'une autre. Et c'est ce qui définit l'être humain : la poursuite perpétuelle et futile du ressenti. Aucun autre animal n'agit ainsi...(p 180) Le bonheur n'est pas un ressenti mais une manière d'être. Et l'on passe à côté de l'essentiel si l'on se focalise sur les sentiments. (p 192)

Le loup vit dans l'instant, tandis que nous voyons la vie comme une longue ligne ...
Ce que nous prenons pour "maintenant" se compose des souvenirs de ce qui a précédé et des attentes de ce qui reste a venir. Autrement dit, nous n'avons pas de maintenant... (p 242) Nous voyons au-delà de l'instant qui, par conséquent nous échappe. Un loup voit l'instant mais pas au-delà ; la flèche du temps lui échappe. Voilà ce qui nous distingue des loups : nous avons un rapport différent au temps. (p 251) Nous ruminons, nous anticipons ... Comme nous avons mieux voir au-delà de l'instant que le regarder en face, nous voulons que nos vies aient du sens, tout en étant incapables de comprendre comment cela se pourrait... (p 258) Pour que la vie continue, il ne faut pas que nos espoirs ou projets aboutissent ... alors il ne peut y avoir de sens dans la réalisation de projets mais dans notre réalisation en restant intègre et juste.

Avoir (pour le singe) et être (pour le loup) :
La vraie bonté, écrit Mark Rowlands, ne peut se manifester dans toute sa pureté et sa liberté qu’à l’endroit de ceux qui ne possèdent pas de pouvoir. Le test moral le plus radical est de savoir quel rapports vous entretenez avec les animaux. Si nos existences sont une ligne constituée par les trajectoires des flèches de nos désirs, alors on peut posséder ce qui est délimité par ces trajectoires.... Comme je l'ai appris de Brenin : le plus important .. se trouve précisément dans ce que l'on ne peut pas s'approprier... "Avoir" a énormément d'importances pour un singe, qui mesure sa propre valeur à l'aune de ses biens. En revanche "être" est crucial pour un loup... En déclarant que le sens de la vie se loge dans des instants ... je suggère qu'il y a des moments dans l'ombre desquels nous trouveront ce qui compte le plus dans nos vies. Ces instants correspondent à nos temps forts. Nos temps forts sont rarement agréables, ce sont même parfois les moments les plus pénibles de nos existences. Mais ce sont ceux durant lesquels nous sommes au mieux de nous-mêmes, souvent au prix d’événements épouvantables.... Nous sommes au mieux de nous-mêmes quand cela ne rime plus à rien de continuer, lorsque aucun espoir ne le justifie plus. 266-271 Mark Rowlands reprend la métaphore de Brenin acculé par le Pit Bull : le louveteau grogne avec fermeté car il se sait fort par nature, quelques soient les circonstances.

Le temps nous dérobe notre force, nos désirs, nos buts, nos projets notre avenir, notre bonheur et même l'espoir. Tout ce que nous avons tout ce que nous pouvons posséder le temps nous l'enlèvera. Mais jamais il ne pourra nous arracher ce que nous avons été dans nos meilleurs moments. p 273

Pendant 15 ans, Brenin a partagé la vie de Mark Rowlands. Vivre avec un loup a révélé au philosophe une autre manière d'être et de voir la vie. Plutôt que de suivre (ou subir) un "contrat social", il est possible de se libérer des faux-semblants, des faux espoirs, pour être réellement. Le Philosophe et le loup retrace l'évolution de la pensée du philosophe "instruit" par le loup, pour que nous aussi réveillons le loup qui dort en nous.