SAMAIN :

SamainLe 1er novembre marquait la fin de l'été et le début de l'hiver et de l'année celtique. En breton, novembre se dit mis du (mois noir) et décembre mis kerzu (mois très noir). 
Cette fête associée aux morts et à l'Autre Monde, était un moment privilégié où le monde des vivants et celui des morts et des esprits pouvaient communiquer car, selon une parole celtique, la mort n'est que le milieu d'une longue vie. Durant cette nuit de Samain, à la pleine lune la plus proche du 1er novembre, les frontières du temps et de l'espace étaient alors abolies. Cette fête est à l'origine d'Halloween.
La nuit de Samain est une nuit symbolique, mais cette fête pouvait se dérouler sur trois nuits ou aussi sur les trois nuits avant et après (7 jours). C'est une fête sacrée d'obligation présidée par le roi (renouvellement des pouvoirs du roi, assemblée juridique, mise à jour des annales, renouvellement ou création de contrats économiques et répartition des biens communautaires) et les druides (suspension symbolique du temps, contact intime avec l'Autre Monde, rituels), mais aussi une trêve (pas de violence), et surtout une fête conviviale (on retrouvera cet aspect dans la communion de la Toussaint).

Un monde parallèle :

  • Dans la mythologie celte, la frontière entre le monde visible et le monde surnaturel n'est pas étanche : les dieux se mêlent souvent aux humains, et les morts qui n'ont pu accomplir leur destinée reviennent hanter le monde des vivants. L'Autre Monde est "partout et nulle part", il suffit d'avoir le don de "double vue" pour le voir. Un conte comme exemple : ''Brian ne connaît pas d'histoire''.
  • Dans l'Autre Monde celte, l'espace et le temps sont abolis : c'est le pays de l'éternelle jeunesse des mythes irlandais ou une île bienheureuse où n'existent ni maladie ni vieillesse ni souffrance.
  • Mais les bons et les mauvais esprits s'y côtoient. Il y a dans cet Autre Monde autant de bons que de méchants et, bien souvent ce sont les humains que les bons appellent à leur secours pour lutter contre les forces destructrices qui menacent l'harmonie des "terres heureuses" - Les habitants de l'Autre Monde, aussi bien les défunts que les anciens dieux (...) ont les mêmes qualités et les mêmes défauts que les vivants (...). Comme chez Grecs, ils sont soumis au Destin même s'il leur arrive de lutter contre lui et parfois de le vaincre (...) Ils possèdent des pouvoirs "magiques", ils connaissent les secrets que les humains ignorent, en particulier ce qui concerne l'avenir. Ils avertissent volontiers les humains dans le but d'orienter la vie sociale dans un sens plus favorable à la justice et à l'harmonie. (Jean Markale, Halloween, p 87, 90)


Symboles :

  • Le feu : Le feu est celui qui métamorphose les trois éléments fondamentaux : terre air, eau, symbolisés par la triple spirale du Triskell. Les druides allumaient de grands feux afin de repousser tous ces esprits. On y brûlait de grands mannequins d'osier (comme à Carnaval). Ce sacrifice symbolique permettait de mieux renaître : l'été affaibli, il faut tuer le vieil homme afin qu'il ressuscite et retrouve sa force après son passage dans l'au-delà (Jean Markale, Halloween). Cette tradition est restée vivante en Écosse et au pays de Galles, puis elle a évoluée : il nous est resté la coutume d'allumer des lanternes, puis des citrouilles ...
  • Chaudrons magiques : Le chaudron abreuve, nourrit et protège. Chaque auberge de l'Autre Monde possédait son chaudron d'abondance et de renaissance. Selon un récit, les guerriers morts étaient jetés dans ces chaudrons magiques où ils restaient plongés toute une nuit. Le matin, ils se relevaient frais et dispos pour repartir au combat. Mais ils perdaient la parole, ou un orteil, ce qui permettait de les reconnaître. Ce thème se retrouve dans beaucoup de contes bretons, entre autre Le forgeron qui rabonnissait les vieux ou Le petit vieux rajeunit par le feu, conte des frères Grimm

Dieu, en visite chez un forgeron, entreprit de rajeunir un vieux mendiant, en utilisant les outils et le feu de la forge. L’homme en ressortit comme à l’âge de ses vingt ans. Le lendemain, le forgeron essaie d’en faire de même avec une vieille femme bossue et à moitié aveugle. Une fois jetée dans le feu, elle se met à hurler. Il l’en sort «ratatinée, hurlant et glapissant, le visage tout ridé, plissé et difforme. Ne fait pas de miracle qui veut !

  • Mort reconnaissant : Chez les celtes pré-chrétiens, il n'y avait pas de notion de péché conçu comme une désobéissance envers une loi divine mais la non-réalisation de l'être. Pour eux, les fantômes ou êtres errants sont des âmes qui n'ont pas accompli dans leur vie le rôle qui leur était destiné qui vont tenter au moment du Samain une nouvelle expérience, soit par des épreuves personnelles, soit avec l'aide des vivants. Les contes populaires de la tradition orale sont riches en récits où les défunts malheureux et souffrant atrocement, sont soulagés et finalement sauvés par une intervention humaine dont ils se montrent reconnaissant ; le thème du ''mort reconnaissant'' est présent, entre autres contes, dans "Jean de Calais". Un cahier de Littérature Orale à consulter : n° 46 - Le mort reconnaissant.


A présent tout a basculé. L'antique fête de Samain s'est évanouie dans le brouillard. Mais Samain perdure inconsciemment dans ce brouillard pour réapparaître sous d'autres aspects, celui d'Halloween, populaire et fantastique et celui de la Toussaint, liturgique et sacré.
(Jean Markale, Halloween, histoire et traditions, p 104)
Halloween_sorciere_http://animestoi.servhome.org/spip.php?article58

La fusion entre les croyances druidiques et le populaire le fantastiques a donné naissance à la fête d'Halloween.

HALLOWEEN :

Halloween est le nom donné, dans les pays anglophones, à la soirée du 31 octobre, veille de la Toussaint. Cette date signe la fin de l'été, des beaux jours, et l'entrée dans les mois sombres de l'hiver. Beaucoup pensent à tort que cette fête populaire vient des Etats-Unis. En réalité, Halloween, mot anglais signifiant veillée sacrée, a son origine dans l'ancienne Irlande.
Déguisements :
Les pratiques liées à Halloween sont la survivance des rituels des druides qui croyaient que Saman, le seigneur des morts réveillait ce soir-là des hordes d'esprits maléfiques. Les esprits revenaient parmi nous pour se réchauffer, et pour ne pas être emportés dans l'au-delà, les vivants se grimaient et se déguisaient pour leur ressembler. Ce soir-là on avait coutume dans les cercles druidiques d'allumer de grands feux pour attirer les esprits des morts. Les druides se déguisaient de façon grotesque et effrayantes pour tromper les esprits en leur faisant croire qu'ils n'étaient pas humains.
Citrouilles :
citrouille_JackO'lantern_Wikipedia Quand les Romains envahirent la Grande-Bretagne, ils ajoutèrent à Halloween des caractéristiques de la fête romaine des moissons, célébrée le 1er novembre : les citrouilles furent de la fête.
Une légende Irlandaise raconte qu'un dénommé Jack ne peut pas entrer au paradis, car il est avare, ni en enfer, car il s'est moqué du diable! Le diable lui donna une lanterne et le condamna à errer avec sa lanterne autour du monde jusqu'au jour du jugement dernier....

Un soir, alors qu'il était dans une taverne, Jack bouscule le diable. Ce dernier, comme à son habitude tente de convaincre Jack de lui laisser son âme en échange de faveurs diaboliques. Sur le point de succomber, Jack demande alors au Diable de lui offrir un dernier verre avant qu'il n'accepte le pacte. Le Diable se transforme alors en pièce de six pence afin de payer le tavernier. Prestement, Jack empoigne la pièce et la glisse dans sa bourse. Or, celle-ci contient une croix d'argent : le Diable ne pouvant plus se transformer de nouveau, est prisonnier sous la forme de cette petite pièce. Jack obtint alors du Malin qu'il ne vienne pas réclamer son âme avant que ne se soit écoulé un an et le Diable accepte.
Douze mois plus tard, Jack rencontre le Diable sur une route de campagne : ce dernier réclame son dû. Jack réfléchissant à toute allure dit alors :
- Je vais venir, mais d'abord pourrais-tu cueillir une pomme de cet arbre pour moi ?
Le Diable grimpe sur les épaules de Jack et s'accroche aux branches du pommier. Jack sort alors son couteau et sculpte une croix sur le tronc de l'arbre. Coincé de nouveau. Le rusé maréchal-ferrant obtient alors du Diable la promesse qu'il ne prenne jamais son âme… Sans autre solution, le Diable accepte et Jack efface la croix du tronc.
Quelques années plus tard, Jack meurt. Mais il se voit refuser l'entrée du paradis à cause de sa vie d'ivrognerie. En désespoir de cause, il se rend chez le Diable : aux portes de l'enfer, celui-ci lui rappelle qu'il ne peut pas prendre son âme… (En fait le Diable avait bien trop peur de se retrouver coincé par Jack une fois de plus ...)
- Mais où vais-je aller ? demande Jack.
- Retourne d'où tu viens lui répond le Diable !
Il faisait nuit, froid et un grand vent soufflait. Jack demanda alors au Diable s'il n'avait pas de quoi l'éclairer sur la route. Dans un geste de bonté (ou plutôt pour se débarrasser au plus vite de Jack), le Diable lui donna une braise (cela ne manquait pas chez lui…). Jack la mit dans un navet qu'il mangeait pour la protéger du vent glacé. Depuis lors Jack est condamné à errer comme une âme en peine au milieu des ténèbres…

Pour éclairer leur chemin en allant de maison en maison, les prêtres celtes portaient des navets évidés et découpés en forme de visage, où brûlait une bougie faite avec de la graisse humaine de sacrifices précédents. Ces navets représentaient l'esprit qui allait rendre leurs malédictions efficaces.
Au 18ème et 19ème siècle, quand cette coutume est arrivée aux Etats-Unis, les navets ont été remplacés par des citrouilles. Le nom donné à l'esprit qui habitait dans la citrouille était : "Jock" qui est devenu "Jack qui habite dans la lanterne", d'où le nom de "Jack-o-Lantern", tiré d'un conte dans lequel un homme célèbre, nommé Jack, fut chassé à la fois du ciel et de l'enfer. Contraint d'errer sur terre comme un esprit, le diable pour le consoler lui aurait donné un charbon ardent tiré de la fournaise, que Jack mit dans une rave évidée pour éclairer son chemin dans la nuit. Le terme "Jack à la lanterne" apparu en 1750 désignait à l'origine un veilleur de nuit ou quelqu'un portant une lanterne. La tradition irlandaise de creuser des navets lors de la nuit d'Halloween (en souvenir des âmes perdues comme celle de Jack) fut vite remplacée, lors de l'exode massif des Irlandais vers les Amériques en 1845-50 par l'envie de creuser des citrouilles qu'ils trouvèrent sur place. Cette tradition, plutôt campagnarde, n'est devenue vivace partout aux États-Unis que depuis le début du XXème siècle. Les citrouilles utilisées sont d'une variété particulière de ce cucurbitacée orange appelées "Jack-o-Lantern", elles sont devenues rapidement le symbole majeur de la fête d'Halloween grâce à leur forme régulière, rappelant un visage et la facilité avec laquelle on peut les creuser. (Wikipedia)


La fusion entre les croyances druidiques et les évangiles a permis de maintenir une fête religieuse, liturgique et sacrée.

TOUSSAINT :

TOUSSAINT_tombe_fleurieCette étrange fête païenne sera récupérée par l'Eglise, devenant ainsi la Toussaint, non pas jour des Morts, mais " fête " de tous les saints. La Toussaint est la glorification de ceux qui ont atteint la lumière éternelle, le couronnement de toute expérience spirituelle réussie, mais pour le peuple (les fidèles ou les incroyants) la Toussaint est liée au souvenir des défunts, pas seulement aux saints de l'Eglise.
Les débuts officiels de la Toussaint :

  • en 731 le pape Grégoire III, fait de la basilique saint Pierre de Rome la chapelle "à tous les saints" ; une célébration se fait chaque 1er novembre, mais seulement à Rome.
  • en 837, sous le règne de l'empereur Louis-le-Pieux, fils de Charlemagne, la Toussaint sera célébrée dans les territoires carolingiens d'une façon générale et définitive.


Fusion ou confusion ?
Le culte des morts, avéré ou inconscient, a toujours existé dans toutes les civilisations. Tout se passe comme si l'inconscient collectif populaire refusait la sélection officielle et mêlait sans discernement tous les défunts (saints ou non). D'après Jean Markale C'est évidemment un retour à la nuit de Samain "où tous les tertres sont ouverts" et où chacun peut aller d'un monde à l'autre, dans une totale fusion des êtres passés des êtres de maintenant et des êtres du futur ... puisqu'en cette période le temps est aboli.

Actuellement, les chrétiens confondent dans leur rituel la fête des morts (où il n'y a pas de jugement entre les bons et les mauvais mais un contact entre deux mondes) avec la fête de tous les saints (la glorification des élus) : au recueillement et à la tristesse se mêle la gaieté révélée par les tombes fleuries, et les déguisements des enfants chassent ainsi toute angoisse. La fête sacrée est devenue populaire.

Sources :
Halloween_JeanMarkale

  • Jean Markale, Halloween histoire et traditions, Imago, 2000
  • Didier Philippe, Petit lexique des fêtes religieuses et laïques, Albin Michel, 2003
  • Les mythologies, Encyclopédie junior, Fleurus, 2004, "L'Autre Monde", p 107.
  • jack O'lantern sur Wikipédia


Pour en savoir plus :
Consulter Halloween : Origine et Histoire