Chaperon_Rouge_LoupLE PETIT CHAPERON ROUGE AU FIL DU TEMPS

Les versions populaires

Les paysans français racontaient l’histoire dès le XIe siècle. Ces versions populaires traditionnelles sont nettement plus rouges, plus sauvages, mais aussi plus saines que les versions "classiques". Le récit est fort, chargé de sens et de symboles, la fin est dynamique et positive : la petite se sauve elle-même des griffes du loup ! Une fillette (avec ou sans Chaperon Rouge selon les versions) est chargée d'apporter une galette de pain pétrie par sa mère et un petit pot de beurre à sa mère-grand. Elle quitte le village, dépasse le moulin, et suit un sentier dans la forêt jusqu'à un croisement. Le loup l'aborde et la questionne, puis lui demande de choisir son chemin. La fillette prend « le chemin des aiguilles » tandis que le loup va au plus vite, et court tout droit par « le chemin des épingles » pour arriver avant elle chez la grand-mère qu'il dévore d'entrée. Pendant ce temps, le Petit Chaperon Rouge savoure le plaisir de glaner noisettes, fleurs et cherche même des aiguilles à large trou pour sa grand-mère dont la vue baisse … (que de symboles là-aussi …). Arrivée chez sa grand-mère qu'elle trouve couchée, elle ne s'inquiète pas de sa voix rauque, la croyant enrhumée, et accepte de goûter au repas déposé sur la table. Ce sont les restes de sa grand-mère (la tête, ou des morceaux de viande, les dents ... la petite-fille s'interroge tout de même quant aux dents présentes dans la chair et le Loup répond qu'il s'agit de haricots...) : Ta viande n'est pas cuite ! Le loup lui dit de boire de la bouteille de vin posée sur la table mais c'est le sang de la grand-mère (symbole des règles qui font que la fillette devient jeune fille et bientôt femme capable de procréer) : Il n'est pas bon ton vin ! Un petit chat caché sous la table donne l'alerte en criant : « Pouah ! Elle mange la chair et le sang de sa grand-mère ! » Grand-mère-le-loup invite la fillette à le rejoindre dans le lit. Malgré les avertissements sanglants, la fillette oscille entre le désir de connaître l'inconnu (la bête cachée dans le lit qui l'attire malgré elle) et la prudence, la peur, le dégoût. Elle cède à la fascination qu'exerce sur elle le loup. A la demande du loup elle enlève ses vêtements un à un : Tu n'en auras plus besoin, jette-les au feu ! … On la sent prête à succomber au séducteur par curiosité et/ou par naïveté mais elle ne perd pas la tête (elle !) : elle agit avec ruse en trouvant un prétexte pour quitter le lit et la maison (elle a une envie urgente de faire pipi). Le loup (tout à sa digestion de la grand-mère et peut disposer à sortir du lit mais tout de même un peu méfiant) l'attache avec un fil de laine. La fillette se détache et court jusqu'à la maison de sa mère. Elle claque la porte au nez du loup qui reste dehors !

Ouf ! Ce petit Chaperon Rouge, moins bête que dans les versions suivantes, a su se sauver elle-même des griffes du loup...

Sources :

  • Ce conte transmis oralement a été recueilli auprès de L. et F. Briffault, de Montigny aux Amognes - Nièvre vers 1870. Il est en ligne sur le site de la BNF ici.
  • Répertorié sous le titre Conte de la mère-grand cette variante du Petit Chaperon rouge a été recueillie par le folkloriste Achille Millien (1838-1927) dans le Nivernais autour des années 1870 et publié par Paul Delarue (1886-1956) dans "Le Conte populaire français" (tome premier) (Maisonneuve et Larose, 1957-1985).
  • Dans la version recueillie en Touraine par M. Légot (Revue de l’Avranchin, 1885), la petite fille court, le loup à ses trousses, arrive à une rivière qu'il lui faut franchir, se fait aider des laveuses qui tendent leur drap au-dessus de l'eau et la font passer. Quand arrive le loup, les laveuses lâchent les quatre coins de leur drap, lui fournissant son linceul : il tombe à l'eau et se noie. A lire ici.
  • Dans la version italienne de La Finta Nonna (La Fausse Grand-mère), la petite fille l’emporte sur le Loup grâce à sa propre ruse, sans l’aide d’un homme ou d’une femme plus âgée.''
  • Plus de trente versions différentes sont répertoriées par Paul Delarue (1886-1956) dans son Catalogue raisonné du conte français (1951) : deux versions sont directement influencées par Perrault mais vingt versions viennent directement de la tradition orale et une douzaine sont mixtes.
  • Vous pourrez découvrir l'adaptation que j'ai conté dans l'article suivant du blog : ''Contes en Pays Narbonnais : le 22 janvier 2011'' ainsi qu'une version chinoise assez proche, où trois fillettes échappent au loup après que leur grand-mère ait été dévorée.

Le Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault :

La version de Perrault perd quelques particularités : il n'y est pas fait mention de chemin des aiguilles ou des épingles (pourtant riches en symboles que nous étudierons plus loin, car à cette époque il y avait une opposition sociale et commerciale entre les deux corporations : celles des fabricants d'aiguilles contre les fournisseurs d'épingles, mais aussi entre les couturières et les brodeuses à l'aiguille (jeunes filles bourgeoises ou citadines) et les brodeuses au fuseau issues de tout milieu (avec un chemin tracé par les épingles qui servaient à maintenir l'ouvrage en court). L'habit de la fille (le chaperon rouge) prend plus d'importance, par contre le « strip-tease » avant de se coucher n'est pas évoqué … (pudeur requise selon la morale de l'époque). Perrault se fait moraliste, il laisse son Petit Chaperon Rouge, non avertie des dangers à fréquenter le loup et particulièrement naïve, se faire dévorer. Bien fait ! Tirez-en de la graine Mesdemoiselles ! Voilà ce qu'il veut nous dire … avec férocité !

La version des Frères Grimm :

Le conte de Grimm se veut un conte qui prépare les enfants aux dangers des loups humains qui rôdent. Il reste proche de la version de Perrault, mais sans le repas macabre du Petit Chaperon Rouge (sans déshabillage détaillé non plus). Il y a tout un jeu non dépourvu d'humour ni de suspens quand le Petit Chaperon Rouge découvre les grands bras, les grandes jambes, les grandes oreilles, le grand nez, les grandes dents ... Trop tard ! elle disparaît dans le ventre du loup ! Heureusement, un chasseur qui passait par là (comme par hasard …) tue l'animal, l'éventre, et en sort un Petit Chaperon Rouge intact ! Ouf ! Mais, d'après moi, cette version perd son sens initial. Curieusement, ce dénouement m'a toujours « dérangée » quand je l'entendais racontée dans mon enfance. Et si le chasseur n'était pas arrivé ? Hein ? Et puis je la trouvais bien bête cette Petite Chaperon Rouge, qui ne voyait rien et ne comprenait rien à rien ! Alors je préférais m'imaginer une autre fin : le Petit Chaperon Rouge se sauvait, sinon elle éventrait le Loup elle-même pour se délivrer du noir cette sinistre prison vivante … Puis, comme dans « Le loup et les 7 chevreaux », elle emplissait le ventre béant de grosses pierres. Et le loup se noyait en allant boire à la rivière pour soigner son indigestion. C'est la version de Charles Deulin où apparaît cette fin alternative. Na ! Fin du loup et de sa faim dévorante ! Je tiens tout de même à vous préciser que je ne suis pas née par césarienne … ni aucun de mes enfants d'ailleurs ...

Au XIXe siècle, deux versions distinctes furent rapportées par Jacob et Wilhelm Grimm : la première par Jeanette Hassenpflug (1791–1860) et la seconde par Marie Hassenpflug (1788–1856). Les deux frères firent de la première version l’histoire principale et de la seconde une suite qui montre la fillette et sa grand-mère piégeant et tuant un autre loup, anticipant ses gestes grâce à l’expérience acquise au cours de la première histoire.

  • La version des frères Grimm la plus connue est ici. Leur Petit Chaperon rouge a été collecté en Bavière et diffère de la version de Perrault par son dénouement heureux. Il est extrait des Contes d'enfants et du foyer, publiés par les Grimm en 1812.
  • Vous découvrirez la version avec fin alternative que Charles Deulin ajoute au récit des frères Grimm dans Les contes de ma mère l'oye avant Perrault ici

Le déroulement du conte selon les différentes versions

Dans le tableau comparatif en fichier joint : Chaperon_Rouge_tableau_comparatif_ Gustin

  • les X indiquent la présence des éléments cités dans telle ou telle version
  • les cases grisées indiquent l'omission de ces éléments
  • la symbolique est commentée plus en détail ci-dessous.




Chaperon_Rouge_LoupLES ÉLÉMENTS DU CONTE ET LEUR SYMBOLIQUE

Les personnages

  • Le Petit Chaperon Rouge : est petite jeune fille à peine sortie de l'enfance. En quittant l'enfance elle acquiert le droit de sortir de la maison pour se rendre chez sa grand-mère en passant par la forêt. Dans la tradition orale, elle est pressée de partir.
  • Le conte met en scène les trois âges de la vie d'une femme : petite jeune fille à peine sortie de l'enfance (nubile), femme et mère, grand-mère qui ne peut plus procréer.
  • Le Loup : Il n'y a pas d'élément masculin dans ce conte … sauf le loup … qui symbolise la bestialité de certains hommes ou une sexualité violente. Est-ce pour cela que dans la version des frères Grimm surgit un chasseur qui vient délivrer le Petit Chaperon Rouge ??? afin de tempérer cet aspect négatif ?...

Les accessoires

  • Chaperon_Rouge_expo_BNF Chaperon rouge : Perrault invente le "chaperon rouge" qui donne son titre au conte. C’est une bande de tissu que d’humbles bourgeoises attachaient à leur tête au XVIIe siècle. Comme Arthur Rackham en 1922, beaucoup d’illustrateurs en font une pèlerine avec capuchon. Il s'agit d'un vêtement ample avec capuche qui s'arrête aux coudes. Le rouge évoque le sang des premières règles qui font d'une fille une jeune fille qui entrent dans la vie de femme. Dans les contes le départ est souvent lié au port d'un accessoire vestimentaire particulier : souliers de fer (dans le monde rural c'est à la puberté que la jeune fille quitte les sabots pour des chaussures), tunique de fer (opposé de la parure) sont des protections apparentes contre toutes sortes de tentations … Mais ici c'est le contraire : le petit chaperon rouge souligne plutôt que la jeune fille est sortie de l'enfance puisqu'elle peut sortir coiffée (à l'époque la coiffe indiquait que la fillette était nubile, donc désirable). Cette petite cape attire l'attention, plus qu'elle ne protège … En effet, un manteau long et de couleur discrète protégerait mieux et aiderait la fillette à passer inaperçue. Les versions de Perrault et de Grimm soulignent le fait que cette petite est tout pour la mère et la grand-mère : elle représente la jeunesse de la femme dans toute sa fraicheur. Dans le conte la mère ne fait aucune recommandation de prudence à la fillette, elle ne la met pas en garde contre de mauvaises rencontres. Le chaperon rouge met en évidence la beauté de la jeune fille mais aussi son manque de protection. Le petit chaperon rouge deviendra chez Perrault un élément distinctif qui donnera son nom à la fillette. Cette particularité n'est pas toujours mentionnée dans la tradition orale.
  • Galette : Sa mère envoie le Petit Chaperon Rouge chez sa grand-mère pour apporter une galette : le pain est une nourriture de base, et souligne les liens entre les générations. Pétrie par les mains de la mère, elle est symbole de vie et de procréation. Un expression populaire dit bien « Avoir un pain au four » pour signifier qu'une femme attend un bébé ...
  • Chevillette et bobinette : Système de fermeture de la porte d'entrée (http://fr.wikipedia.org/wiki/Tire_la_chevillette,_la_bobinette_cherra). Cela fait allusion aussi à l'accès au sexe de la femme. La cheville et la bobine sont utilisées avec un diminutif et la phrase de la grand-mère résonne comme une formule magique : « Tire la chevillette et la bobinette cherra ... ». En broderie avec fuseau et épingles, une cheville permet d'adapter la bobine de fil au fuseau … autre allusion ici aussi ?


Lieux

« Chaque élément du décor est dans le conte porteur de sens. »

  • La maison représente la sécurité du foyer. « Le four, c'est le cœur de la maison, le lieu où le pain lève. Mais c'est aussi celui où se fabriquent les enfants, celui où la femme stérile place le bonhomme en pain d'épice qui va s'éveiller à la vie. » (Bernadette Bricout : La clé des contes, Seuil, 2005, p 84) Pourtant la mère ne prépare pas sa fille au monde extérieur. Elle ne fait aucune mise en garde ...
  • Le moulin est à la limite des dernières maisons. Et la maison de la mère-grand bien au-delà. Le moulin représente le lieu du désir et de l'exubérance car les ébats amoureux sont évoqués par le va-et-vient de la trémie (sorte d'entonnoir qui conduit le grain aux meules). On disait « jeter son bonnet par dessus le moulin » pour signifier le rejet des règles, et l'entrée dans une vie sexuelle passionnée. Et « Le Moulin Rouge » (rouge, n'est-ce-pas ?) cela ne vous évoque rien ? (Au début du siècle dernier ce lieu de plaisir sur la butte Montmartre à Paris, aux spectacles peuplé de danseuses « légères », a été cité et visité par bien des artistes célèbres ...) Le Petit Chaperon Rouge va donc dépasser les limites du village, de la vie sociale pour se trouver confrontée à l'attrait de la nouveauté, de la liberté, la séduction.
  • La forêt est vaste et évoque un monde sauvage où il ne fait pas bon se perdre.
  • La maison de la grand-mère signifie un retour aux origines, une connaissance de ses origines familiales, la prise de conscience de l'appartenance à une lignée. Ici il s'agit de l'appartenance au monde des femmes. « Aller de la maison de la mère à la maison de la grand-mère, c'est remonter vers l'origine même de la vie. .. c'est aller du four matriciel qui abrite la vie vers le moulin secret de la conception» (Bernadette Bricout : La clé des contes, Seuil, 2005, p 83, 85)

Le chemin suivi par le Petit Chaperon Rouge

Le Petit Chaperon Rouge est une toute jeune fille à peine sortie de l'enfance. En quittant la maison, elle quitte aussi l'enfance. En passant par la forêt. elle suit un chemin qui évoque le chemin de la vie : elle sort de l'enfance protégée dans la maison familiale avec sa mère, entre dans la puberté, elle peut devenir femme. Il lui faut s'aventurer hors de la maison dans la forêt : le monde extérieur est beau, attirant, empli de multiples ressources mais aussi de pièges. Elle va chez sa grand-mère. Après avoir été fille, puis mère, sa grand-mère a atteint un âge où elle ne peut plus procréer mais, attention, elle peut encore être dévorée par le loup … C'est par son expérience personnelle et sa capacité à réagir que le Petit Chaperon Rouge deviendra une femme : en surmontant les pièges de la séduction, en sachant se protéger sans être terrifiée. Elle utilise la ruse pour fuir le loup, s'enferme dans la maison, lieu protecteur, symbole de la famille en opposition aux liaisons dangereuses suscitées par la séduction ou la passion. Le Petit Chaperon Rouge s'est trouvée ainsi confrontée aux trois âges de la vie et aux pièges que peut rencontrer une femme dans sa vie.
Dans la tradition orale, le Loup propose un choix à la jeune fille :

  • Le chemin des aiguilles : la fillette (avec ou sans Chaperon Rouge selon les versions) prend « le chemin des aiguilles ». Le Petit Chaperon Rouge savoure le plaisir de glaner des noisettes (cachées sous un chaperon vert), des fleurs (symbole de jeunesse) et dans une version du Morvan elle cherche des aiguilles à large trou pour sa grand-mère « qui ne voit plus bien clair » (cette sollicitude rappelle qu'un jour les enfants deviennent les parents de leurs parents qui ont vieilli. En langage populaire, une femme qui ne voit plus (sous entendu ses règles) est ménopausée … « Ce parcours féminin, c'est la vie qui se cherche au cœur de la forêt, la liberté gagnée, l'autonomie conquise. »
  • Le chemin des épingles : le loup court tout droit par le chemin des épingles pour arriver avant le Petit Chaperon Rouge chez la grand-mère qu'il dévore en entrée. Selon Bernadette Bricout « Le chemin du loup est le plus court, c'est le chemin de la conquête du pouvoir. » L'aiguille a cousu le chaperon et représente le travail domestique, mais l'épingle permet de fixer une parure et représenterait plutôt pour une femme la vie sociale ... Ces deux éléments participent à la réalisation de la jeune fille en femme sûre de sa beauté. Dans une version de Haute-Bretagne, le loup invite la petite fille à choisir entre les sentiers (l'amour buissonnier, nomade) et le grand chemin (la voie qui conduit à l'église, et au jour des noces). Dans le conte comme dans la vie, la réponse des filles varie...
  • Dans la version de Perrault le Loup cherche seulement à être le plus rapide et propose une course. A la course du loup tout entier tendu vers son but s'oppose le plaisir du jeu vécu comme une parenthèse par notre Petit Chaperon Rouge.

Contexte historique : Perrault ne mentionne ni le chemin des aiguilles ni celui des épingles parce que cela renverrait à une réalité dont il ne faut pas parler. A Paris, le commerce des aiguilliers et des épingliers est en difficulté en raison de la cherté de la main-d'œuvre. En octobre 1695, année où la première version manuscrite du Petit Chaperon rouge est offerte à la sœur du Roi, les deux corporations sont réunies mais la rivalité continue à les opposer en province. C'est une guerre entre deux techniques dans une société où le costume est devenu un élément essentiel. Perrault, soucieux de ménager l'autorité royale qui a interdit le port de dentelles en 1640 pour mettre fin à ces rivalités qui accapare trop de monde, a sans doute préféré occulter toute allusion qui pourrait réveiller le conflit.

Ce conte, par le vocabulaire utilisé, semble lié à l'activité dentellière : les épingles marquaient sur le carton la trace d'un « chemin » qui variait selon le modèle choisi. Pour qu'elles soient bien visibles, on trempait l'extrémité des épingles dans la « cire rouge » pour leur faire un petit « chaperon ». La « bobine » était une « espèce de fuseau servant à dévider de la soie, de l'or » et le bobinoir des dentellières comporte une « cheville » conique et mobile qui reçoit une extrémité du fuseau. Pour lisser leur ouvrage, les dentelières se servaient d'un instrument appelé « dent de loup » … Sans nul doute, Les dentellières travaillaient avec une grande concentration, voire un certain recueillement. Elles savaient manier avec dextérité les doigts, la langue et l'esprit en parlant par sous-entendu, comme dans les contes qui savent utiliser les objets de chaque jour pour créer du sens …

Le jardin des conteurs nous fait découvrir d'autres variantes : Dans son "catalogue raisonné" recensant un panel de versions de contes populaires, Paul Delarue précise qu’il y a, quelques variantes dans la désignation des chemins : on trouve aussi le chemin des pierrettes et des épinettes en langue d’oc, le chemin des ronces et celui des pierres au Tyrol. Mais cette question du loup sur le choix des chemins est si générale que les conteurs populaires de la zone d’extension du conte l’ont réintroduite dans des versions qui doivent tout le reste à Perrault. Quant à la véritable signification d’une telle question, Delarue ne prendra pas au sérieux ce motif jugé puéril et absurde (...) Le choix des chemins qui oppose des objets voisins, tous deux métalliques, rappelle une formulette pour amuser les enfants :

- Une aiguille
- Je te pique
- Une épingle
- Je te pince. "

Dans la tradition orale, les paysans comprennent ces " devinailles " à double sens. Ainsi, ce conte ne s’inscrit pas uniquement dans une perspective ludique.

Confrontation avec le Loup

  • Le loup se conduit en boucher Dans une version populaire particulièrement sanglante, les intestins de la grand-mère remplacent la lanière qui retient la porte … Le loup se conduit en boucher en suspendant les restes ... Imaginez la terreur du Petit Chaperon Rouge en entrant chez sa grand-mère et la peur des enfants qui écoutent : ils ne risquaient pas d'ouvrir la porte à un étranger …
  • Le loup invite le Petit Chaperon Rouge à un repas préparé avec les restes de la grand-mère. En acceptant, elle s'approprie la force vitale de sa grand-mère et le pouvoir de faire des enfants, prend sa place de femme et remplace celles qui l'ont précédée. Selon les versions, un animal doté de parole l'avertit (corbeau sur une arbre, chat caché sous la table).
  • Strip-tease du Petit Chaperon rouge : La parure est destinée à masquer et révéler en même temps un corps désirable. Après avoir souligné les charmes de la jeunesse elle n'existe que pour être ôtée. Le loup demande au Petit Chaperon rouge de mettre ses habits au feu : elle n'en a plus besoin.
  • L'exploration du corps du loup nomme successivement les parties du corps découvertes. Le Petit Chaperon est partagée entre la crainte et l'émerveillement. La fascination de l'interdit sans doute ... La curiosité et la surprise l'emportent sur la raison ou le danger.

L'attitude de la fillette et du loup évoluent dans les versions successives

Dans la version orale de la Nièvre

  • Aucun jugement de valeur n’est porté à l’égard du loup. C’est par hasard qu’il rencontre la fillette et qu’il la précède chez la grand-mère. Le loup n'est ni bon, ni mauvais ; il est simplement un loup affamé qui finalement se fait berner.
  • L’attitude de la fillette par contre, s’avère beaucoup plus complexe : malgré les avertissements de la chatte, elle mange la chair et boit le sang qui lui sont présentés. On ne décèle aucune crainte dans son comportement, et elle se prête volontiers au jeu du déshabillage. Le danger ne l’effraie pas, et sa débrouillardise et son intelligence lui permettent d’ailleurs d’échapper sans problème aux griffes du loup.


Dans les versions écrites de Perrault et Grimm
On assiste à une véritable métamorphose de la fillette qui d’intelligente, débrouillarde et autonome devient superficielle et naïve :

  • elle s'identifie à son vêtement (le chaperon rouge qui la rendait si mignonne)
  • elle répond naïvement aux questions du loup et donne au loup toutes les indications pour aller chez sa grand-mère
  • elle s’avère tellement incapable de gérer la situation et se fait dévorer par le loup, sans se défendre, sans lutter ni ruser pour fuir


Chez Perrault, et plus encore chez les frères Grimm, le loup représente le mal, la violence impitoyable liée à des appétits bestiaux, le danger que peut rencontrer une jeune fille seule qui parle à un inconnu. Ces versions-là visent à inculquer aux femmes qu'elles ne peuvent être indépendantes : seul un homme peut les protéger d'un prédateur qui rôde à l'extérieur du foyer familial où elles doivent bien sagement rester. Le loup, simple bête sauvage affamée mais pas très malin dans la version nivernaise, devient rusé, calculateur, menteur, cruel et impitoyable d'après l'analyse faite ici :

  • rusé, il demande à la fillette quel chemin elle compte prendre et conseille à la «pauvre enfant», mine de rien, le chemin le plus long. La ruse du loup croît encore chez les frères Grimm, où il incite carrément la petite fille à s’attarder en admirant et cueillant des fleurs
  • menteur, il ment effrontément en prétendant être trop faible pour ouvrir la porte ; il se cache sous les couvertures
  • manipulateur, il contrefait et adoucit sa voix, pour mieux abuser la fillette
  • cruel, insensible et impitoyable, l’effroi de l’enfant et son jeune âge ne le retiennent pas.

Dénouement

  • Dans la tradition orale, la fillette feint un besoin urgent pour échapper à la surveillance de son agresseur. Elle sort attachée par un fil mais coupe le cordon et s'enfuit. La liberté est reconquise par sa seule volonté et sa ruse.


  • Cette fin est oubliée dans le texte de Perrault qui se veut moralisateur : le loup dévore grand-mère et petite-fille naïve, goulument … irrémédiablement.


  • Grimm a ajouté la délivrance par un chasseur qui ouvre le ventre du loup avec des ciseaux et en sort le Petit Chaperon Rouge puis la grand-mère (elle n'est pas mangée par la fillette dans cette version). Une fois sortie, le Petit Chaperon Rouge court chercher de grosses pierres ; le chasseur et la fillette en farcissent le ventre du loup. Quand il se réveille, il ne peut plus se lever et tombe mort.C'est pour donner une fin moins terrible sans doute, mais le sens initial du conte et du voyage initiatique du Petit Chaperon rouge s'en trouve amoindri.


  • Dans la version transmise par Charles Deulin dans Les contes de la mère l'oye avant Perrault (E. Dentu, 1879 (p. 166-172), un nouvel épisode s’ajoute au récit, comme si cela n'était pas suffisant, . «On raconte encore qu’une autre fois», le Chaperon Rouge croisa un loup en allant porter de la galette à sa grand-mère. Se gardant de se laisser distraire, elle arriva sans encombre chez cette dernière et lui raconta sa rencontre. Comme le loup frappait à la porte et rôdait autour de la maison, la grand-mère dit au Chaperon Rouge d’aller vider l’eau de cuisson des saucisses qu’elle avait fait cuire la veille dans la grande auge de pierre devant l’entrée de sa maison. Le Petit Chaperon Rouge en porta tant de seaux que pour finir l’auge fut pleine. Attiré par l’odeur de la viande, le loup juché sur le toit se pencha, glissa, tomba dans l’auge et se noya. «Allègrement, le Petit Chaperon Rouge regagna sa maison et personne ne lui fit le moindre mal».


Cette image négative de la femme, en cette fin de 17ème siècle, s’inscrit dans un contexte historique précis, où les femmes étaient soit considérées comme des sorcières potentielles, soit contraintes d’épouser des hommes pour lesquels elles n’éprouvaient rien. Tout devait donc être mis en œuvre pour les maintenir dans un état d’infériorité et de dépendance par rapport aux hommes. (...) La caricature proposée par le conte : une fillette aimable aux prises avec un animal sanguinaire et sans pitié, sauvée in extremis par un bon chasseur, a pour objectif de justifier aux yeux des enfants les mauvais traitements que nous infligeons aux animaux. (voir l'analyse faite ici)

LIVRE_anime1.gifPour en savoir plus :

  • Bernadette Bricout : La clé des contes, Seuil, 2005
  • Pierre Péju : La petite fille dans la forêt des contes, Robert Laffont, 1997
  • AVEA - Action végétariste pour l'égalité animale : Analyse du Petit Chaperon rouge, en ligne, cliquer ici



  • 4_histoires_Petit_chaperon_Rouge Quatre histoires du Petit Chaperon rouge, Gilles Bizouerne (Auteur), Charles Perrault (Auteur), Fabienne Morel (Auteur), Nicole Belmont (Postface), Syros, 2010. Quatre versions très différentes du conte dit du «Petit Chaperon rouge». En France, Le Petit Chaperon rouge : la version intégrale de Charles Perrault ou comment le loup croque grand-mère et enfant. Au Maroc, La petite Aïcha et le grand-père Bouissa, qui eux, rencontrent un ogre. Au Japon Les sœurs et le démon, où un démon prend la place de la mère de deux fillettes. En Afrique de l’Est, La petite fille et le lion, où l’enfant, par la ruse, et grâce à ses frères, s’en sortira.
  • Histoires du Petit Chaperon rouge dans le monde, Hisoires_Petit_Chaperon_Rouge_Monde_Syros_2008Fabienne Morel et Gilles Bizouerne, Syros, 2008 : France/Touraine L'homme bien laid et sa truie. France/Velay La fille et le loup. Chine Le léopard. Afrique de l'Est La petite fille et le le lion. Maroc La petite Aïcha et le grand-père Bouissa. Japon Les sœurs et le démon. Canada Le petit piqueur de gomme. Italie/Abruzzes L'ogresse poilue. Italie/Lombardie Le loup et les trois filles. Corée L'origine du soleil et de la lune. France Le Petit Chaperon rouge: texte original de Charles Perrault.


Le loup et les sept chevreaux remonte probablement au 1er siècle de l’ère chrétienne donnant naissance mille ans après à une variante devenue Le petit chaperon rouge. Le petit chaperon rouge figurait dans les ouvrages, célèbres en Allemagne, des frères Grimm publiés au 19e siècle. Cette version était basée sur celle écrite au 17e siècle par le français Charles Perrault. Celui-ci s’était inspirée d’un conte plus ancien transmis par la tradition orale en France et en Autriche. Il en existe de nombreuses variantes en Afrique et en Asie comme par exemple le tigre grand-mère au Japon, en Chine et en Corée. Pour retrouver les origines du conte, Jamie Tehrani a soumis 58 variantes à une analyse phylogénétique, une méthode statistiques utilisée par les biologistes pour la classification des êtres vivants qui permet d’établir le degré de parenté entre les espèces et de comprendre leur évolution. L’analyse s’est concentrée sur 72 scénarios en fonction de différents protagonistes comme le loup, l’ogre, le tigre ou d’autres créatures et les ruses utilisées pour berner les victimes ainsi que le sort de ces dernières. Cette étude a aussi permis de démentir une théorie répandue selon laquelle la version la plus ancienne du petit chaperon rouge était née dans la tradition orale chinoise avant de se répandre en Occident par la route de la soie.La version chinoise est dérivée des traditions orales européennes», affirme le chercheur. «Les Chinois ont en fait mélangé le petit chaperon rouge, le loup et les sept chevreaux et des contes du folklore local pour créer une nouvelle version hybride». ("Le Temps", magazine, ''Quand «Le loup et les sept chevreaux'' donne naissance au «Petit chaperon rouge»'' article publié le 14/11/2013)

LE PETIT CHAPERON ROUGE CHINOIS

Le_petit_chaperon_chinois_Sellier_Louis Le Petit Chaperon chinois, Marie Sellier (auteur), Catherine Louis (illustration), Picquier Jeunesse, 2010. Dans ce livre, pas de chaperon rouge, mais le rouge est présent en fond derrière les motifs de papier découpé noir. D'après une très ancienne version chinoise mettant en scène un tigre, mais cette version reste très proche du texte original. Ce beau livre cartonné montre à chaque page le texte et des silhouettes découpées noires sur fond rouge, façon kamishibaï. Le kamishibaï ou théâtre d'images en papier » (紙芝居, littéralement « pièce de théâtre sur papier ») est une technique de contage d'origine japonaise basée sur des images (planches cartonnées 37 x 27,5 cm, en papier à l'origine) défilant dans un petit théâtre en bois (à l'origine) ou en carton, à trois ou deux portes.

Voilà une version du Petit Chaperon rouge "sans rouge ni chaperon" bien éloignée du texte de Perrault mais relativement proche des versions populaires transmises par les traditions orales de diverses régions françaises dont un grand nombre proposent un dénouement heureux, différent toutefois de celui des frères Grimm. La version chinoise inverse les rôles dans la fonction initiale du conte. C'est la grand-mère qui porte un panier de galettes à ses trois petites filles laissées seules…La grand-mère se faire dévorer, mais les petites se méfient avant d'ouvrir la porte (comme dans le conte du loup et des 7 chevreaux). Les deux aînées ne laissent pas entrer le loup mais la plus jeune se précipite et ouvre la porte. Elles vont utiliser la ruse pour s'échapper en prétendant devoir sortir pour faire leurs besoins. Elles se réfugient dans un arbre et le loup s'attache lui-même pour se faire hisser (cela rappelle un peu le conte musical de Prokofief : « Pierre et le loup »). Elles lâchent la corde lorsque le loup est presque à niveau de la branche, et la brute s'écrase au sol. Après s'être assuré qu'il ne bouge plus, les trois petites-filles rentrent tranquillement dans la maison car, maintenant, « qu'on se le dise, les petites-filles n'ont pas peur du loup !»

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Sources :

  • Le Petit Chaperon chinois, Marie Sellier (auteur), Catherine Louis (illustration), Picquier Jeunesse, 2010.
  • Zhongguo TongHua, version chinoise du " Petit Chaperon Rouge ", recueillie dans la province du Henan, in : le recueil "Contes populaires chinois", Shangaï (Chine), 1989. Mis en ligne par le CMLO, ici.
  • Dans La Grand-Mère et le loup, c’est la vieille dame qui se rend chez ses trois petites filles toutes seules à la maison, leur portant un panier de galettes et de boulettes fourrées à la viande. http://expositions.bnf.fr/contes/grand/019.htm
  • Un vieux conte populaire de Chine, La vieille femme tigre, raconte l'histoire de deux fillettes amenant de la nourriture à leur grand-mère dévorée par un tigre qui prend sa place pour manger les enfants. Ce motif sera repris ensuite de façon quasi universelle par beaucoup de conteurs qui le feront varier selon les époques et les lieux. Une page visible ici
  • Grand-mère ours, Muriel Bloch, « 365 contes pour tous les âges », Gallimard Giboulées, 1995. CHINE. « Contes de la République populaire de Chine, Editions de Pékin.
  • Din'Roa la vaillante, conte chinois repris par Jean-Louis Le Craver, Didier Jeunesse, collection A petits petons, 2006. Din'Roa part avec son petit frère chez sa grand-mère. Mais c'est un ours qui les reçoit ! Din'Roa protège son petit frère en faisant croire qu'il a des poux (les ours n'aiment pas les poux) et l'enferme dans la chambre. Elle sort dans la cour faire ses besoins ; l'ours va la chercher et voit le reflet de Din'Roa dans la mare mais ne peut l'attraper... en réalité elle est perchée dans le poirier. Elle propose des poires à ce gros balourd d'ours et lui demande d'aller chercher la lance pour quelle puisse lui attraper quelques poires et les lui lancer. L'ours qui a grand faim va chercher la lance. Une poire, deux poires ... et un coup de lance dans la gueule grande ouverte de l'ours ! Din'Roa descend et donne un grand coup de pied à la dépouille de l'ours : Tiens, sale bête ! ça t'apprendra à vouloir manger les petits enfants ! et elle va se coucher comme si de rien n'était ... Le matin, elle réveille son petit frère et lui montre l'ours qui s'était fait passé pour la grand-mère. Elle raconte tout à sa mère et depuis la fillette est appelée Din'Roa la Vaillante.


Plusieurs contes d'Asie sont contenus dans le recueil Hisoires_Petit_Chaperon_Rouge_Monde_Syros_2008« Histoires du Petit Chaperon rouge dans le monde », Fabienne Morel et Gilles Bizouerne, Syros, 2008 :

  • Le léopard - CHINE -
  • Les sœurs et le démon – Japon
  • L'origine du soleil et de la lune - Corée

D'autres références en ligne :



Chaperon_Rouge_LoupLE PETIT CHAPERON ROUGE MODERNE

Le petit chaperon vert

Chaperon_vert_Grégoire SolotareffLe Petit Chaperon vert, Solatoreff, illustré par Nadia, l'Ecole des loisirs, coll. Mouche, 1989.
Cette version s'ouvre sur une histoire de couleur de capuchon : vert pour l'héroïne, jaune pour sa sœur, bleu pour sa meilleure amie et rouge pour son ennemie détestée "parce que c'était une menteuse". Excédée par les histoires à dormir debout du petit chaperon rouge, le "petit chaperon vert" décide donc de lever le voile sur ce qui s'est vraiment passé ce jour fameux où son ennemie et elles sont allées rendre visite à leurs grand-mères respectives... Comme sa grand-mère est malade, le petit chaperon vert part lui donner des médicaments et "des bonnes choses à manger". Dans la forêt, elle rencontre le petit chaperon rouge qu'elle ne salue pas, qui porte également un panier, puis "un énorme loup noir" courant à vive allure sans se préoccuper de la fillette. Celle-ci arrive chez sa grand-mère et lui raconte l'aventure. Sur le chemin du retour, elle retrouve le chaperon rouge, la met en garde contre ce qui peut lui arriver, mais le chaperon rouge ne s'en soucie guère. Cependant, la mère du petit chaperon vert est inquiète et demande à sa fille de raccompagner son ennemie chez elle car "toi, habillée en vert, avec ton chaperon vert parmi les hautes herbes vertes de la forêt verte, tu ne risques pas grand-chose et c'est d'ailleurs pour ça que je t'habille toujours en vert". Le chaperon vert s'exécute et croise alors un convoi de chasseurs portant un loup mort, accompagné du chaperon rouge chantant sa mort et sa résurrection… : le chaperon vert et sa mère concluent au mensonge.
Un extrait est en ligne ici

Quelques réécritures du XXème siècle :

  • Le Chaperon rouge, Henri Pourrat (1948-1962)
  • Le Petit Chaperon chinois, Marie Sellier (auteur), Catherine Louis (illustration), Picquier Jeunesse, 2010, d'après un conte ancien de Chine
  • Le Petit Chaperon Bleu marine, Dumas et Moissard (1977)
  • Le Petit Chaperon rouge, Tony Ross (1978)
  • Le Petit Chaperon rouge, Christian Poslaniec d’après Grimm (1981)
  • Le Petit Chaperon Vert, Grégoire Solotareff illustré par Nadia, l'Ecole des loisirs (1989)
  • Le Petit Chaperon Rouge - Suite en rouge, in : Jacqueline Keller, Les femmes éternelles, Ed. Anne Carrière (1998). A lire comme une nouvelle ...

Il y a longtemps que je n 'ai vu ma mère-grand. Je lui écris parfois. Cet hiver elle m'a envoyé un joli manteau qu'elle avait tricoté en laine rouge. La couleur que je préfère. Je ne me souviens plus bien de son visage, à part des lunettes que le soir elle range soigneusement avant de mettre sur sa tête un drôle de petit bonnet bordé de dentelle ... Tant qu'on a chaud à la tête et aux pieds, tout va bien, dit-elle. Ma mère-grand ... C'est une étrange expression. Elle n'est pourtant pas grande, mais plutôt trapue, solide. ... Mère-grand habite une maison toute simple en bordure de forêt. Elle ne se sent pas seule parce qu'elle parle aux arbres, aux écureuils, parce qu'elle aime chaque jour qui vient. Quand on a des souvenirs, on devient vieux, dit-elle... La belle saison est revenue... J'ai eu envie de rendre visite à mère-grand et ma mère, qui est fine cuisinière, m'a chargée d'un panier de bonnes choses pour elle... Me voici donc tout de rouge vêtue, marchant vers la forêt...tiens, le bruit se rapproche -doux, lent, feutré. Derrière un buisson de houx, quelqu'un remue puis apparaît et s'incline bien poliment. C'est un loup. Il a belle allure : noir, trapu, l'œil vif. ... Je l'invite à venir partager ce goûter avec nous et je lui indique la maison ... Elle est facile à reconnaître : son toit est rouge comme mon manteau ... "Vous aimez tous le rouge dans la famille !" s'exclame le loup. Et moi, pour être gentille, je réplique : "ça fait toujours très joli avec le noir ..."

  • Quel cafouillage, Gianni Rodari, Kaléidoscope, 2005 : un drôle de grand-père raconte le Petit Chaperon rouge à sa petite-fille mais cafouille complètement à chaque étape du conte
  • La fillette et le loup, conte revisité, en ligne ici. La grand-mère assomme le loup envoyé par le Petit chaperon rouge pour se cacher et échapper aux chasseurs. Mère-Grand regrette aussitôt son geste : elle le couche dans son lit ... «Peste», dit le chasseur, «on croirait voir un loup!» «Les apparences sont parfois bien trompeuses» pensa-t-il en refermant la porte. «Qui aurait pu imaginer qu’un être humain ressemble tant à un animal?»«Et qui aurait pu croire», ajouta la fillette, «qu’un animal fut à ce point humain ?» Inattendu !
  • Un conte détourné (en espagnol), El lobo calumniado (la verdadera historia de Caperucita Roja y el Lobo Feroz), de Lief Fearn : le loup se justifie et prétexte un grave malentendu : en ligne ici



Un conte pour adultes ?

  • Pour en finir avec le Petit Chaperon Rouge, Valérie Thomas, Atelier Baie, 2010. Conte Illustré à l’usage des adultes. Le Petit Chaperon Rouge c’est l’histoire d’une petite fille que sa mère envoie à travers la forêt épaisse, vêtue du vêtement rouge qui excite le loup… Et maintenant, qu’est-ce qu’elle a dans son panier, le Petit Chaperon Rouge ? Dans cette version, le petit-chaperon rouge arrive à dominer seul le loup, après pas mal de temps il est vrai, mais finalement la jeune fille, qui a grandi, arrive à bout du vieux loup. (http://mutietseslivres.com/2011/03/07/pour-en-finir-avec-le-petit-chaperon-rouge-valerie-thomas/)


  • Mon Chaperon rouge, Philippe Poloni, ed "Les 400 coups", 2006. Un conte sur le passage de l'enfance à l'âge de femme, le danger des prédateurs à l'affût de chair fraîche, un conte érotique ? La version de Philippe Poloni, illustrée par Alain Pilon, se veut dérangeante : Un univers où la jeunesse danse avec la mort... Imaginez un loup pénétrant dans la maison, enfilant des vêtements féminins, s'introduisant dans la chaleur des draps, et parlant avec une fillette dans la plus troublante proximité...Malgré l'histoire elle-même, malgré la tradition, ce petit Chaperon rouge-là n'est pas un livre pour enfants. Il est dirigé par une réflexion adulte sur l'histoire millénaire de cette jeune fille qui, un jour, après une randonnée dans l'obscurité des bois, prit la place de sa mère-grand dans la chaleur du lit et dans l'intimité d'un autre corps noir, velu, menaçant... jusqu'à ce que mort s'en suive. Un texte étrange et poétique. Le plus : la sensualité commence par l'ajout de senteurs parfumées du jardin

Il était une fois, au sommet d'une colline, une veille maisonnette entourée du plus magnifique jardin qu'on ait jamais vu. Ce jardin embaumait de mille parfums délicieux. Lorsque soufflait la brise ou venait un coup de vent, ses effluves allaient jusqu'à envelopper de leurs sucs enivrants les habitants du village en contrebas et les faire vibrer de sensations voluptueuses. Voici le forgeron qui saisi par le bouquet sucré de la pêche marié à la rose sifflote des airs d'opéra tout en frappant l'enclume d'un geste souple et rythmé. Sous l'emprise du parfum poivré du fenouil mêlé à celui de l'estragon, le professeur donne sur-le-champ congé à ses écoliers dissipés... Ce paradis de plantes, de fleurs, de fruits et d'arômes est l’œuvre d'une jolie petite fille. Sa mère lui avait confectionné un chaperon afin qu'elle soit protégée du soleil pendant les heures de jardinage. Le vêtement était d'un rouge ardent. Tous les gens du village surnommaient la fillette le Petit Chaperon rouge.Un jour, à la demande de sa mère, elle prépare pour rendre visite à sa Mère-grand, un gros panier des fruits et légumes de son potager (que l'on peut comparer à de jolies joues ou de jolies fesses rebondies), y ajoute des herbes aromatiques, un petit pot de pesto, des fleurs multicolores, et bien d'autres choses encore... Chemin faisant elle rencontre le loup, affamé mais rusé ... Il sait qu'il ne perd rien pour attendre. Le loup prend une voix douce pour lui demander où elle va avec ce panier chargé d'odeurs, de saveurs et de couleurs : Eh bien va, ma jolie ! Et n'oublie pas de présenter à ta Mère-grand mes vœux de prompt rétablissement. Trop poli pour être honnête ... La suite, on la connaît : il dévore en entrée la Mère-grand ... et attend pour plat de résistance la naïve petite Chaperon rouge qui entre sans méfiance. Alors le Loup lui susurra : Viens donc plus près, ma petite fleur chérie ! Serre-toi contre la pauvre Mère-grand si malade et si faible. Le Chaperon rouge s'approcha et fut fort étonnée de l'allure qu'avait sa Mère-grand. Et le coquin de Loup lui répond avec des mots tendres et se jette sur le Petit Chaperon rouge et la mange, accompagnant chaque bouchée tantôt d'une feuille de basilic, tantôt d'une branche d'estragon, d'une tranche de tomate ou d'un bout de poivron .... L’histoire se termine comme un roman policier. Après avoir effacé les indices (et enterré le manteau du Chaperon rouge) ce voyou de Loup échappe aux chasseurs mais revient un jour sur les lieux du crime ... des fleurs rouges sang ont poussé juste à l 'endroit où il a enterré le manteau du Chaperon rouge ... Le loup plonge alors son museau afin de renifler de plus près l'étrange odeur qu'exhale ce feuillage si particulier. A l'instant même, le parfum électrisant du géranium enflamme ses nasaux et ses poumons. Il hurle de douleur ! C'est ainsi qu'est mort le Loup, dans d'atroces souffrances... Si vous avez peur qu'un loup vienne vous faire une mauvaise surprise pendant votre sommeil, eh bien détachez une feuille de géranium et glissez-là entre vos orteils ….

  • Des fleurs rouges : Le géranium est bien connu pour repousser les moustiques ... mais les loups ? Dioscoride fait mention du géranium au Ier siècle après J-C pour ses vertus médicinales. L’huile de géranium possède de nombreuses propriétés, elle est antifongique, antibactérienne, cicatrisante, hémostatique, anti-inflammatoire, insecticide, antalgique, anticellulite, tonique et astringente (http://www.massage-zen-therapie.com/huile-essentielle-geranium.html). L’odeur caractéristique des feuilles provient d’un terpénoïde (antibactérien), l’oxyde de nérol. Cette fleur exprime un sentiment amoureux, et offrir un bouquet de géraniums signifie Je suis heureux près de vous mais le géranium rouge est symbole d'un chagrin d'amour ... Adonis_http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Adonis_aestivalis_in_Mardin.jpegComme plantes toxiques à baies ou fleurs rouges on peut citer l'adonis une anémone aux fleurs rouge-sang (elle doit son nom au dieu Adonis blessé mortellement par un sanglier : chaque goutte de son sang fut changé en fleur par Aphrodite afin qu'il continue à vivre ; depuis il symbolise le chagrin d'amour Mon cœur blessé se ferme), le muflier (ou gueule-de-loup), la digitale, le rhododendron, le laurier rose (une feuille suffit pour tuer un homme), l'if, les baies de laurier cerise (http://chevalconseils.jimdo.com/les-plantes-toxiques/)... La plus indiquée serait peut-être l'aconit tue-loup, dont les fleurs jaune pâle sont regroupées en épi terminal. Cerbère, furieux d'avoir été transporté aux Enfers par Hercule, aurait transformé sa bave en aconit lorsqu'elle toucha la terre. Autrefois, on avait l'habitude de tremper dans son suc les appâts pour les loups et les renards ; de là son nom de tue-loup. (http://plantes.sauvages.free.fr/pages_medecine/)


  • L'herbier du petit chaperon rouge et 1000 astuces naturelles pour chasser le loup Editions Plume de carottes, 2010, Herbier du Petit Chaperon Rouge_coffret_Plume de Carottes_2010est un joli coffret qui contient plein de choses : l’histoire du petit chaperon rouge (ici représenté par un coquelicot) qui se déplie pour former une frise, un herbier dans lequel l’enfant est amené à coller des fleurs qu’il a fait sécher au préalable, un guide pour faire fuir le loup, un sachet de graines avec un petit pot pour faire pousser des pâquerettes et un plateau de jeu en volume avec le décor de l’histoire ! Le petit livret 1001 astuces naturelles pour chasser le loup regorge de petites choses à fabriquer, créer,… Le loup est un prétexte, un fil conducteur mais toutes les choses que contiennent ce livret sont intelligentes : fabriquer un dentifrice avec des feuilles de menthe (si si, l’odeur fait fuir le loup), construire un refuge pour abeilles (qui piqueront les fesses du loup s’il approche) ou encore apprendre des comptines sur le loup (qui le feront fuir également !). (présentation de Gabriel - La mare aux mots - 20 septembre 2012 : "Tire la chevillette, la bobinette cherra")


  • Une publicité pour Chanel n°5, réalisée par Luc Besson en 1998.

Retour aux sources :

  • Le Petit Chaperon Rouge, Bruno de la Salle, in : "Le conteur amoureux", Casterman, 1995 : retour aux versions populaires d'avant Perrault. A re-découvrir ...
  • Le petit chaperon rouge ou La petite fille aux habits de fer-blanc, texte de J.J. Fdida, illustrations de Régis Lejonc. Didier Jeunesse, 2010. Les évocations suggestives, les tournures complexes et sophistiquées de l'auteur, et les illustrations fascinantes mais facilement troublantes voire impressionnantes de Régis Lejonc, destinent pour une fois cet ouvrage à un public plus âgé que de coutume. Je dirais même qu'il ferait le régal des adultes amoureux des contes traditionnels et des interprétations plus poussées. Krinein Magazine

Le Chaperon Rouge au cinéma !!

Le Chaperon rouge de Catherine Hardwicke avec Amanda Seyfried, Gary Oldman, long métrage américain (1h40), sorti au cinéma le 20 avril 2011.
Drame, Thriller. Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.
Le résumé :
Dans une histoire inspirée d’un célèbre conte de fées, une adolescente se retrouve en grand danger quand son village décide de chasser les loups-garous qui terrorisent la population à chaque pleine lune. Dans un endroit où tout le monde a un secret et est suspect, notre héroïne doit apprendre à suivre son cœur et trouver en qui elle peut avoir confiance. (Allociné) Vidéo en ligne ici Une critique pertinente
à lire sur le blog d'une documentaliste : Blog-O-Noisette article du 22 avril 2011 :Le Chaperon rouge n'est pas ce qu'on pourrait appeler une adaptation du célèbre conte de Perrault ou de Grimm... mais Quelques passages célèbres du conte sont repris (Que tu as de grands yeux/oreilles/bouche...; les pierres dans le ventre du loup, le chaperon rouge et le panier...)... Un film qui mérite de meilleures critiques que ce qu'on a pu lire dans la presse !