Posséder sans être possédé …

Nos rencontres (personnes ou évènements) jalonnent notre chemin de Petit Poucet comme autant de petits cailloux blanc (ou noirs), polis, doux et lisses (ou rugueux et tranchants comme un silex) et nous indiquent une direction. L'expérience et la sagesse acquise petit à petit permettent d'en tirer un savoir-mieux-être plutôt qu'un simple savoir-faire (utile à l'adaptation en société, certes, mais qui laisse sur sa faim), et d'atteindre aussi un détachement, ou un recul suffisant, pour ne pas perdre de vue la lumière qui éclaire notre route.

Posséder sans être possédé, apprécier sans dépendre de tout ce qui ralentit notre marche. Juste ce qu'il faut, ni trop ni trop peu, pour tenter de respecter l'équilibre dans notre petite vie d'abord, puis par respect pour la Terre qui nous porte. Il est bon de s'arrêter un temps pour se reposer, considérer le chemin déjà parcouru, celui que l'on voudrait poursuivre, mais pas plus que nécessaire, par peur de ne pouvoir se relever tout alourdi de tout ce qu'on a accumulé.

« Marche aujourd'hui, marche demain, quand on marche on fait beaucoup de chemin ... »

Dans les contes on marche beaucoup, car il nous faut parfois toute une vie pour avancer, dépasser les obstacles initiaux, et trouver enfin (pour qui sait voir) ce qu'on attendait … ou ce qui nous attendait …

Et maintenant, chut !!! Écoutez le vent du désert vous chuchoter à l'oreille cette rencontre d'un Derviche et d'un Marchand ...

Un riche marchand qui possédait une caravane de 40 chameaux avait un fils unique__ qui passait son temps à faire la fête avec ses amis en dépensant sans compter. Sentant sa mort approcher, le marchand appela son fils et lui conseilla de se pendre s'il venait à tout perdre. Comme le marchand l'avait pressenti, son fils dilapida son héritage, perdit ses amis et se retrouva seul dans sa maison. Il prit une corde, la passa dans l'anneau accroché au plafond puis autour de son cou. Mais l'anneau cède sous son poids, et laisse tomber une pluie de pièces d'or et un message écrit de la main de son père : C'est ta dernière chance, saisis-la ! Le fils comprit et décida de devenir raisonnable : il acheta 40 chameaux et se fit marchand, comme son père.
Au cours d'un de ses voyages, il rencontre un vieux derviche en plein désert. Un derviche est un sage qui ne possède rien et que rien ne possède. Le saint homme lui propose de partager un trésor enfoui non loin d'eux. Le jeune homme accepte. Le vieux derviche soulève une dalle cachée sous le sable : un large escalier les conduit au plus profond de la terre jusqu'à un palais immense rempli de trésors ! Ils remplissent des sacs et chargent les 40 chameaux. MAIS... avant de quitter le palais, le vieux derviche entre dans la dernière salle et prend une boite minuscule en bois sculpté. Le marchand se dit que cette boite pourtant si petite, doit être bien précieuse… Au moment du partage, le marchand choisit les 20 chameaux les mieux chargés, les attache les uns derrière les autres et prend la route de Bagdad ; le vieux derviche part avec les 20 chameaux restant dans l'autre sens. Mais à peine le marchand a-t-il fait 50 pas, qu'il réfléchit et se dit : Lui, c'est un vieux derviche qui passe sa vie à faire la prière ; que va-t-il faire avec tout ce trésor ? Il le rattrape et négocie : le vieux derviche accepte de céder 10 chameaux, puis 5. Le marchand part avec sa caravane de 40 chameaux chargés de trésors. Il se sent l'homme le plus riche de toute la terre ! C'est alors qu'il se rappelle la boite que le derviche a mise dans sa poche. Il quitte ses 40 chameaux pour rattraper le vieux derviche déjà bien loin, mais le marchand est jeune, il finit par le rejoindre et lui réclame la boite. Le vieux derviche fixe longtemps le marchand, d'un regard tranquille mais profond ; puis lui dit :
- Tu veux cette boite mon fils ? Bien sûr que je te la donne. Mais fais bien attention : dans cette boite il y a une pommade, si tu en mets sur ton œil droit, tu verras tous les trésors de la terre, l'endroit où ils sont cachés et comment faire pour les trouver. Mais si tu mets de la pommade sur ton œil gauche tu deviendras aveugle à l'instant même et pour toujours.
Le derviche a dit vrai : tous les trésors de la terre défilent devant lui. Il voit où ils se trouvent, ce qu'ils contiennent et surtout comment faire pour s'en emparer. Mais le marchand se dit qu'il pourrait voir et avoir aussi les trésors de la mer et des océans en mettant de la pommade sur l'œil gauche. Et il devient aveugle en plein milieu du désert ! Un homme errant aveuglé par le désir de posséder tant et plus encore...


http://www.amazon.co.uk/derviche-marchand-Derviche/dp/images/2226101373



Jihad DARWICHE : Le Derviche et le Marchand, Albin Michel Jeunesse, coll. Petits contes de sagesse, 1999 Derviche_et_le_marchand_dos_de_couverture











Pour en savoir plus sur "Les Contes des Mille et Une Nuits" :




http://livre.fnac.com/a1658843/Anonyme-Les-mille-et-une-nuits?Fr=20&To=0&Ra=-1&from=201&mid=1870372 http://livre.fnac.com/a1870372/Anonyme-Les-mille-et-une-nuits?Mn=-1&Ra=-1&To=0&Nu=19&Fr=0 http://multimedia.fnac.com/multimedia/images_produits/Grandes110/6/2/5/9782070118526.gif











Sur la naissance des Mille et Une Nuits plane le plus épais mystère, et les contes rassemblés couvrent une longue période, de la fin du VIIIe siècle pour les premiers fragments à la fin du XVIIe pour les derniers.L’histoire de l’arrivée de ce recueil sur la scène littéraire européenne est en revanche bien connue : au début du XVIIIe siècle, un érudit français, Antoine Galland, découvre le conte de Sindbâd de la Mer. Il s’informe, apprend qu’il appartient à un ensemble plus vaste et finit par recevoir de Syrie un manuscrit qu’il va traduire à partir de 1704. C’est le texte fondateur de la carrière universelle des Nuits. Le succès est immédiat, considérable, constant. Des traductions fondées sur celle de Galland paraissent dans de nombreuses langues européennes. Bientôt, le monde entier lit les Mille et Une Nuits. Le 2e volume rassemble les contes de la 327e à la 719e nuit. Le 3e volume rassemble les contes de la 719e à la 1001e nuit. Ce volume contient également une « Étude sur les manuscrits » qui restitue leur histoire, et, en Appendices, deux contes qui ont fondé la notoriété des Mille et Une Nuits en Europe bien qu’ils n’en fasse pas directement partie : Alibaba et les quarante voleurs et Aladin et la lampe merveilleuse.