Petit résumé imparfait de la présentation de Marcelle :

  • Le non est un adverbe, comme le oui.
  • Il est parfois difficile de dire non sans se justifier.
  • Le non peut s'adoucir de mots ajoutés par politesse Non merci. C'est gentil, mais non merci.
  • Un personnage de Melville pratique le refus sans dire non : Le narrateur est un notaire qui engage dans son étude un dénommé Bartleby pour un travail de clerc, chargé de copier des actes. Au fil du temps cet être qui s'est d'abord montré travailleur, consciencieux, lisse, ne parlant à personne, révèle une autre part de sa personnalité : il refuse certains travaux que lui demande son patron. Il ne les refuse pas ouvertement, il dit simplement qu'il « préférerait ne pas » les faire, et ne les fait pas. Et cette phrase revient alors systématiquement dans sa bouche : « I would prefer not to », traduite en français par « je ne préférerais pas », « je préférerais ne pas », « j'aimerais mieux pas » ou encore « j'aimerais autant pas ». Peu à peu, Bartleby cesse complètement de travailler, mais aussi de sortir de l'étude où il dort. Il ne mange rien d'autre que des biscuits au gingembre, et refuse même son renvoi par son employeur. Ainsi Bartleby et sa fameuse phrase « Je préférerais ne pas » (qui conduit son employeur à ne plus rien lui demander) constituent-ils l'illustration de la stratégie de la fuite. La fuite s'impose non plus comme simple défection mais comme une nouvelle stratégie de lutte https://fr.wikipedia.org/wiki/Bartleby. Bartleby, le scribe, Herman Melville, réédité en 2020 aux éditons Libertalia.
  • Non est un mot compris par tous et dès le plus jeune âge, même les animaux domestiques comprennent qu'il impose une interdiction stricte.
  • Le non pose (ou impose) les limites nécessaires à la vie en groupe. Il pose un interdit. Le premier interdit est l'inceste : on n'épouse pas son parent.
  • Pour être bien reçu et compris il doit être ferme et clair. Ce n'est pas un non-mais ... D'où la nécessité d'une éducation qui valorise la parole qui donne un sens aux limites posées.
  • L'enfant qui dit non cherche à se démarquer dans la famille, à se constituer une singularité sans adopter systématiquement le mode de fonctionnement de ses parents. Cela n’empêche pas de poser des limites à son comportement, plutôt que d'en faire un enfant-roi qui aura du mal à vivre en société et/ou qui sera malheureux s'il ne connaît pas la frustration et les limites imposées par les parents ; en fait ces limites sont nécessaires et rassurantes ; elles lui permettent de se construire.


Discussion, débat :

  • Suzanne a souligné que le fait d'interdire peu de chose en famille donne une grande importance au Non ! lorsqu'il est posé. Les enfants savent alors qu'il s'agit d'une interdiction ou d'une limite qui ne se négocie pas.
  • Dire non d'une manière systématique fait perdre du poids au non quand il est utilisé par paresse pour éviter d'expliquer, pour son confort personnel, et non pas pour des choses importantes comme, par exemple, des consignes de sécurité.


  • Plusieurs ont mal vécu le non : le fait de dire Non en groupe impose de se justifier devant les autres mais cela ne se produit pas lorsqu'on dit oui comme la majorité.


  • NON-agression H/F Le non des femmes violées n'est pas entendu. Pour certains hommes, ce n'est pas un non ferme, mais un oui déguisé.(https://www.elle.fr/Societe/L-actu-en-images/45-affiches-pour-denoncer-les-violences-faites-aux-femmes/Quand-c-est-non-c-est-non)


  • Est-ce un problème d'éducation pour tous, enfants, jeunes et adultes ? On a souvent dit aux filles qu'il faut dire oui par politesse, pour ne pas blesser l'autre. Est-ce pour cela que le non dit par une femme a moins d'impact ?


  • Le non est le dernier pouvoir qui reste lorsqu'on ne peut plus rien faire. Par exemple :

- Crier non lorsqu'on est menacé ou dominé par la force (viol, agression).
- S'opposer aux soins lorsqu'on est en fin de vie.
- Refuser de s'alimenter pour signifier que c'en est assez.

Mon père qui vivait en Ehpad a été grandement désorienté pendant le confinement ; nous pensons qu'il a fait un AVC : il ne pouvait plus manger seul, avait du mal à s'exprimer, ne pouvait plus s'orienter dans l'espace ni le temps. Il n'a pas supporté de se trouver totalement dépendant. Il est devenu agressif en paroles et en actes en s'opposant au personnel soignant, refusant les consignes, les heures de repas, les aides. En fait, il était dans une grande détresse. Les visites étant interdites, il était impossible pour nous, sa famille, de l'aider à retrouver ses repères. Il a décidé de refuser toute nourriture pour abréger ses jours. Il a continué à vivre un mois et 20 jours malgré tout, car des perfusions ont été posées pour l'hydrater. Au bout de quelques jours il a commencé à les arracher. J'ai eu (enfin !) l'autorisation de le visiter (en prenant toutes les précautions nécessaires) car le pronostic n'était pas bon. Un peu tard peut-être, par excès de prudence en raison du confinement ; en effet, à ce moment-là son désir d'en finir était plus fort que l'envie de vivre. Il m'a reconnu, a reconnu et même souri à ses petits-enfants quand ils ont pu le visiter à leur tour. Nous avons pu ainsi lui dire au-revoir tout en respectant sa décision.


Deux contes :

La rose bleue Histoires_merveilleuses_des_5_continents_Soupault
Conte chinois, tiré de l'ouvrage de Rè et Philipe Soupault : Histoires merveilleuses des cinq continents, Ed Seghers, 1975, 1985, p. 185-188. Une princesse refuse de se marier. Pour refuser tous ses prétendants, elle leur demande de lui apporter une rose bleue... qui n'existe pas dans la nature. Comment son "non !" pourrait-il se changer en oui ? L'adaptation que j'ai faite de ce conte est dans l'article suivant. Cliquez ici.

Un gage d’amitié Nasreddine-Sublimes paroles et idioties-JL Manoury-Phebus-2002
Petit conte facétieux mais plein de sagesse tiré du recueil Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja - Tout Nasr Eddin, ou presque, recueillies et présentées par Jean-Louis Maunoury, Phébus libretto, 2002, p 369. Nasreddine ne veut pas offrir une bague en gage d'amitié parce que le refus de donner (le non !) reste plus longtemps et plus sûrement en mémoire qu'un cadeau.

Nasr Eddin Hodja, héros légendaire qui a peut-être vécu en Turquie au XIIIe siècle (on y montre son tombeau. mais il a toujours été vide) est célèbre dans tout le monde musulman, de l'Albanie au Sinkiang, de la Crimée jusqu'à l'Inde. Jean-louis Maunoury a passé dix ans de sa vie à inventorier, classer et traduire plus de 500 des historiettes qui le mettent en scène. Il les rassemble ici, pour la première fois, en un volume unique, et en propose une lecture à double ou triple fond. Si Turcs, Arabes et Persans font en effet proférer au « divin Hodja », depuis bientôt dix siècles, toutes les insanités possibles et imaginables, ce serait en large part pour assouplir le carcan de la religion officielle, les insanités en question se trouvant être, quand on y regarde d'un peu près, empreintes d'une bizarre sagesse. Sagesse fondée sur l'art du paradoxe, qui cultive volontiers le coq-à-l'âne, la facétie fût-elle joyeusement indécente, et se nourrit de la mirifique absurdité du monde. Au point que les poètes soufis de l'âge classique feront des aventures de Hodja autant de sujets de méditation philosophique - histoire de se libérer du sérieux qui est la plus sûre entrave à la vraie liberté de l'esprit. J.-L. Maunoury a voulu rompre ici avec la tradition orientaliste qui tendait à « arranger » Nasr Eddin pour le rendre un peu mieux fréquentable. Lui préfère nous le restituer dans un souci de fidélité aux sources les plus anciennes, dont la verdeur en stupéfiera plus d'un.

Adaptation à ma façon :

Nasreddine vient de recevoir une jolie somme (héritage, commerce, loterie … le conte ne le dit pas). Son voisin le plus proche essaie d’en profiter.
- Le salut soit sur toi Nasreddine ! Je suis vraiment heureux pour toi de ta bonne fortune. Mais tu n’oublies pas, j’espère, que nous avons toujours eu de bonnes relations, je suis un bon voisin qui a beaucoup d’estime pour toi, et …
- Où veux-tu en venir ? l’interrompt brusquement Nasreddine.
- Oh ! Je ne te demande pas grand-chose … juste une petite chose en gage d’amitié … Une petite bague ??? explique le voisin.
- Et pourquoi une bague ? demande Nasreddine.
- A chaque fois que je la verrai à mon doigt, mes pensées s’envoleront vers toi, sois-en sûr !
- Dans ce cas, c’est non ! Vraiment non ! Une bague ne serait pas appropriée. Je suis tellement touché par tes bonnes intentions que je voudrais que tu penses à moi encore plus fort que si je te donnais une simple bague. Ainsi tu auras un cadeau à la mesure de ton amitié …
- Nasreddine, merci ! Tu m’offrirais un rubis ???
- NON ! Rien du tout au contraire ! Chaque fois que tu regarderas ta main, je suis sûr que tu penseras à moi !