Abessia : La fille du roi de la vallée maudite,Contes-merveilleux-des-pays-de-France_Dagmard-Fink_Iona_2006 un conte collecté en France issu de l'ouvrage Contes merveilleux des Pays de France, 99 contes choisis, collectés, introduits et annotés par Dagmar Fink, Iona, 1991 et 2006. Collecte de contes issus de la tradition orale dont la majorité proviennent des provinces comme la Gascogne, la Bretagne , la Provence, le Nivernais. Le sommaire est en ligne ici : http://www.eurythmiste.be/Librairie/Livres/enfants/contesmerveil.htm

Note de l'éditeur :
La présente collection de contes est, en France, la première de cette importance, et vient combler un vide dans le domaine des textes relatifs aux traditions populaires. Elle est le fruit d'une trentaine d'années de recherche et d'expérience au service des enfants. Les contes, que Dagmar Fink a choisis parmi plusieurs centaines, qu'elle a introduits et annotés, ont vécu dans la tradition orale jusqu'au début de ce siècle et ont pour la plupart disparu dans des livres tombés dans l'oubli et ignorés du public. Dans cette collection, qui mérite d'être placée à côté de celle de Grimm ou d'Afanassiev, parents, pédagogues et conteurs trouveront un trésor inestimable.

Avant-propos (extraits) :
Cette collection de contes populaires est née d’une impulsion pédagogique. Parents et éducateurs sont de plus en plus convaincus que les enfants ont besoin de contes si leur vie psychique doit évoluer sainement. Comme l’a souligné Bruno Bettelheim (dans Psychanalyse des contes de fées), les contes populaires authentiques, apparentés aux mythes anciens, ne sont en aucune manière remplaçables par des contes imaginaires.
Nos enfants peuvent prétendre à manger les fruits de leur propre jardin (et pas seulement ceux de jardins étrangers - contes de Grimm, contes russes et autres) et à s’en délecter.


Michel R. : Les guerriers Bariba suivi de La crête de coq, Contes-du-pays-Tammari_Sylvain-Prudhomme_karthala_2003deux contes du Bénin enchaînés par Michel. Nous saurons ainsi pourquoi le coq possède une crête rouge. Contes du pays tammari, Sylvain Prudhomme. Publiés en 2003 chez Karthala, ces 48 contes du pays tammari (le massif de l’Atakora, au nord du Bénin) ont été rassemblés un par un, et choisis parmi une centaine, par l’équipe de Sylvain Prudhomme, qui les a répartis en trois grandes familles (contes de l’origine, leçons de choses, les aventures du lièvre).

Résumé :

Un jeune homme était chef d'un grand village. Jeune-homme-AfricainOn ne lui connaissait pas d'ennemis. Chacun l'aimait et le respectait. Il était beau et fort. Mais le jeune homme s'inquiétait : il n'avait pas de femme. A qui léguerait-il la chefferie ? Puis un matin, enfin, il croise une jeune fille qui lui plaît, mais n'ose pas lui adresser la parole.Jeune-fille-Peul_Cote Ivoire-Delcampe Il ne sait même pas son nom. Les jours et les semaines passent et il pense toujours à elle. On ne lui a jamais vu une aussi triste mine. Comme tous les habitants l'aiment, c'est tout le village qui est triste.

Alors, le jeune chef se décide à parler aux habitants. Il convoque le coq, la chèvre, le zébu, le chien, le mouton, la pintade et tous les autres. Il leur explique pourquoi il est triste et leur demande de retrouver la jeune fille. Ils cherchent jour et nuit et finissent par la retrouver. Ils la font monter sur l'encolure du Zébu et rentrent d'un pas triomphal au village. Le chef se précipite à leur rencontre et demande son nom à la jeune fille. Elle refuse de lui répondre. Il interroge les habitants (les animaux) et il apprend qu'elle n'a pas ouvert la bouche de tout le voyage.

Un jour, deux jours, trois jours passent. La jeune fille est toujours muette. Elle refuse même de manger. Elle maigrit à vue d’œil. Le jeune homme demande conseil au guérisseur : il faut l'appeler par son nom. Le jeune chef convoque de nouveau tous les habitants du village.
- Je vous en prie, partez, renseignez-vous, et revenez avant qu'il ne soit trop tard.
Un jour, deux jours, trois jours passent. Le zébu rentre le premier. Le chef court à sa rencontre.
- Non mon chef ! Ne te réjouis pas si vite ! Zebu_http://www.papatte-douce.com/peluche-animal-savane/peluche-zebre-zebu-buffle.htmJ'ai trouvé le village de ta promise et j'ai parlé à son père. Il m'a dit le nom de sa fille et je l'ai appris par cœur mais en chemin il y avait un précipice et je suis tombé dedans : j'ai perdu la mémoire.
Quelques heures plus tard revient la chèvre :Chevre_sokoto_Afrique_http://dico-sciences-animales.cirad.fr/liste-mots.php?fiche=5919&def=ch%C3%A8vre+de+Sokoto+%28Nigeria%29.png
- Mon chef j'ai honte ! j'ai appris le nom mais en rentrant j'ai glissé dans un précipice et lorsque j'ai repris connaissance, je ne me souvenais plus de rien !
Les jours suivants, arrivèrent
le chien,Lycaon_chien sauvage_Afrique_http://animauxmapassion.e-monsite.com/pages/animaux-sauvages/fiche-le-lycaon.html
la vache, Vache_Sanka_Afrique_Wikimedia
le mouton, Mouton_Afrique_Blackbelly_Wikimedia
... la pintade ...
Pintade_Numibie_Afrique_Paul Venter_https://fr.wiktionary.org/wiki/pintade_de_Numidie



tous dépités, crottés, honteux : tous amnésiques !

L'on n'attendait plus que le coq. poule_coq_http://hyperman.free.fr/plateforme/4e_strategies_repro/poule.htmlUne journée passe encore. On commence à perdre espoir. Enfin il arrive, l'air triomphant :
- J'ai bien failli tombé dans un méchant précipice ... mais j'ai battu des ailes de toutes mes forces pour m'en sortir ... Et me voilà ... avec le nom de la promise !
Le coq dit au chef ce qu'il voulait savoir et le chef dit à sa promise ce qu'elle voulait entendre.
- Eh bien, ce n'est pas trop tôt ! dit la jeune fille. Donne-moi une de ces succulentes mangues que je refuse depuis des semaines. Et peut-être allons-nous enfin pouvoir nous marier !
Le soir même c'était chose faite ! La bière coula à flot, les tambours résonnèrent dans la nuit et l'on dansa jusqu'au petit matin ! Et pour remercier le coq le chef lui offrit un petit bonnet rouge que l'animal s'empressa d'enfiler : il le porte encore aujourd'hui !


Illustrations :

  • Jeune homme africain : http://www.tv5mondeplusafrique.com/chaine_serie_amour_et_tradition.html
  • Jeune fille peul de Côte d'Ivoire : Delcampe http://www.delcampe.net/page/item/id,0131339303,language,F.html
  • Zébu : http://www.papatte-douce.com/peluche-animal-savane/peluche-zebre-zebu-buffle.htm Le zébu est un mammifère herbivore originaire de la péninsule indienne. Proche cousin de notre bœuf, le zébu doit son nom au terme tibétain zeba qui signifie bosse. En effet, le zébu est pourvu, comme le chameau et le dromadaire, d’une bosse dorsale qui lui permet de stocker de l’eau et de l’énergie sous forme de graisse. le zébu a migré d’Inde à l’Afrique par la Mésopotamie il y a plus de 4000 ans. Apprécié pour sa force physique, son aptitude à produire du lait et son importante rusticité, il s’est ensuite propagé à l’ensemble du continent.
  • Chèvre : http://dico-sciences-animales.cirad.fr/liste-mots.php?fiche=5919&def=ch%C3%A8vre+de+Sokoto+%28Nigeria%29
  • Chien sauvage d'Afrique, Lycaon : http://animauxmapassion.e-monsite.com/pages/animaux-sauvages/fiche-le-lycaon.html
  • Vache Sanka d'Afrique : wikimedia
  • Mouton : Wikimedia
  • Pintade de Numidie dont est issue la pintade domestique : Paul Venter, https://fr.wiktionary.org/wiki/pintade_de_Numidie
  • Coq : http://hyperman.free.fr/plateforme/4e_strategies_repro/poule.html


Sources :

  • Une présentation détaillée de ce recueil est en ligne ici
  • Pour lire le texte intégral cliquer ici


Le coq :
Le coq, animal familier qui sait se faire entendre, a trouvé une place importante dans de nombreuses religions et traditions. Symbole universel, les vertus qu'on prête à ces animaux, qualifiés de solaire, sont en effet innombrables. Porte-bonheur, prophète guérisseur, le coq incarne souvent le courage, l'intelligence, et on l'associe volontiers à la résurrection.
Au Bénin où l'on pratique un culte appelé Vodoun, le coq est un symbole de vie. Selon la tradition, pour faire revenir à la vie quelqu'un qui est mort violemment, il convient de faire tournoyer un coq vivant par les pattes au-dessus de la dépouille. L'animal est ensuite sacrifié, et son foie est mangé cru. Ces rites ont traversé l'Atlantique avec les esclaves africains et survivent, en Haïti notamment, sous le nom de Vaudou. Quelques légendes à picorer ici


Patricia : 'La princesse au doux parfum'' contes-des-sages-de-polynesie_RIPOLL_Seuil_2013conte de Tahiti pour faire venir l'été, portés par les vagues ... tiré du recueil Contes des sages de Polynésie, vingt contes collectés par Céline Ripoll, Seuil, 2013.
Résumé:
Tahiti_Gauguin_Te Arii Vahine_La femme aux mangues_1896_musée Pouchkine

La légende, portée par les alizés est arrivée jusqu'à l'île de Tahiti, dit à qui veut l'entendre :
Dans le soleil levant, se dresse l'île, où le plus doux des parfums ne naît pas d'une fleur mais d’une princesse au corps rutilant d'huile.

Son nom est à lui seul une invitation enchanteresse :
Huri-i-te-mono'ï-a-'are'-vahine
qui signifie Verse l'huile parfumée sur la vague de la femme
Quatre princes vont affronter l'océan sur leur pirogue pour la ramener à Tahiti. Mais sa servante va se faire passer pour elle alors qu'elle est partie préparer des colliers de fleurs parfumées pour accueillir dignement des princes. C'est sans compter sur la détermination de Huri-i-te-mono'ï qui va rattraper la pirogue des princes, en nageant sur sa planche en bois ... mais qui saura dire qui est la vraie princesse ?

Vous pourrez découvrir ce conte dans l'article qui lui est consacré : ''La princesse au doux parfum''

Illustration :
Te Arii Vahine - La femme aux mangues Paul Gauguin, 1896, musée Pouchkine

Jacqueline : La souris savante, Nasreddine_Sagessses et malices_tome 2_Jihad Darwiche_un conte de ce farceur de Nasreddine in : Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui était sage, Darwiche, Albin Michel

Un matin, Khadija, la femme de Nasreddine Hodja vint dire à son mari :
- Le couscous qui nous reste suffit à peine pour trois jours. Il faut que tu penses à chercher du travail.
- Ah non ! lui répondit-il. Par contre, prépare un bon repas avec tout ce couscous et attrape deux souris qui se ressemblent.
Intriguée, la femme se hâta de capturer deux petites souris qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau et les donna à son mari. Celui-ci planta un clou dans le mur et y attacha l'une des deux souris avec une ficelle ; puis il mit la deuxième dans une cage et dit à sa femme :
- N'oublie pas de préparer le couscous, je reviens à midi avec mes amis.
Et Nasreddine s'en alla avec sa cage. Lorsqu'il arriva au café, tout le monde se moqua de lui :
- Es-tu devenu fou pour promener une souris ? Un perroquet ou un rossignol, nous aurions compris, mais une souris !
- Bande d'ignorants, leur répondit-il. Ce n'est point une souris ordinaire que vous voyez devant vous, mais une souris savante !
- Comment cela ?
- C'est très simple et vous pourrez le vérifier vous-même. Désirez-vous déjeuner tous chez moi à midi ?
- Bien sûr ! si tu nous y invites.
Nasreddine s'adressa alors à la souris :souris_trotte_gif_animé
- Toi, la souris, ouvre bien tes oreilles : va à la maison et dis à ma femme de préparer un bon couscous, je viendrai le déguster avec mes amis à midi.
Nasreddine ouvrit la porte de la cage et la souris, toute contente, s'en fut en courant se réfugier dans le jardin voisin.
À midi, les hommes, incrédules, accompagnèrent le Hodja chez lui et trouvèrent le repas qui les attendait. Dans un coin, ils virent la souris attachée. Ils pensèrent immédiatement que c'était celle qui avait quitté la cage deux heures auparavant. L'un des hommes, qui s'appelait Mustapha, prit la parole :
- J'achète cette souris pour cent dinars !
- Seulement cent dinars pour une souris savante ? lui répondit Nasreddine Hodja. Tu n'es pas sérieux, mon ami.
Mustapha ajouta cent, puis cent et encore cent... et Nasreddine finit par accepter de vendre sa souris pour cinq cents dinars.

Le nouveau propriétaire était fier de son acquisition. Le lendemain, il arriva au café avec sa souris dans la cage.
- Mes amis, aujourd'hui nous mangerons chez moi.
Puis il s'adressa à la souris :
- Toi, la souris, ouvre bien tes oreilles : va à la maison dire à ma femme de préparer à manger, j'invite mes amis pour midi.
L'homme ouvrit la porte de la cage, et la souris s'en fut rejoindre sa cousine dans le jardin voisin.
À midi, Mustapha invita ses amis à l'accompagner. Nasreddine voulut partir, prétextant un mal au ventre soudain.
- Non, lui dit l'homme, hier nous avons mangé chez toi. Aujourd'hui, tu es obligé de m'honorer à ton tour.
Nasreddine finit par céder et les hommes arrivèrent chez Mustapha, l'appetit en éveil. Mais la femme n'avait rien préparé. Elle n'avait, bien sûr, pas vu la souris savante. Elle se moqua même de son mari :
- Comment peux-tu croire une histoire pareille ? lui dit-elle. C'est évident : Nasreddine t'a trompé pour te voler.
Mustapha devint furieux. Il se tourna vers Nasreddine :
- Rends-moi mon argent tout de suite; sinon je fais un malheur.
Nasreddine fit semblant de s'énerver à son tour :
- Comment ? Tu as perdu une souris que j'avais éduquée pendant deux ans, et tu veux en plus que je te rende ton argent ! Dis-moi d'abord, as-tu pensé à lui donner ton adresse avant d'ouvrir la porte de la cage ?
- Non, dit Mustapha, démonté.
- Alors, comment veux-tu qu'elle trouve ta maison si elle ne connaît pas l'adresse ?
Et Nasreddine garda l'argent pour lui.


Dominique : Le conte de la marguerite, Conte de la marguerite_Pere Castor_Flammarion_1993écrit par Béatrice Appia, est un album du Père Castor paru aux éditions Flammarion dès 1948 ! disponible en album broché, 1993. Vous pourrez lire cette jolie petite histoire ici ! Un conte sur la solidarité, le don de soi, l’amitié, avec des dessins pleins de charme.
Résumé :

Une Marguerite quitte son pré fleuri et part à la recherche du mouton qui lui a brouté deux feuilles. Emportée par un ruisseau rapide vers une cascade, elle est aidée par un lézard qui l’emmène consulter un corbeau tout en haut du sommet d’un peuplier. Elle rencontre le bœuf qui lui fait part d’une terrible information : son mouton est peut-être parti pour la montagne où les loups guettent… (à moins qu’il n’ait été envoyé chez le boucher, car les hommes les mangent !) La Marguerite part donc avertir son mouton à toute allure. Car la douce fleur aime le mouton et c’est par amour qu’elle lui avait offert deux feuilles, à lui alors si petit. Arrivée dans les alpages elle retrouve son mouton qu'elle reconnaît sans peine car il avait une petite tache noire à l’oreille. Elle lui communique la terrible nouvelle et lui conseille de se sauver.
- Je ne puis le croire, dit le mouton, je n’ai fait de mal à personne !… Me sauver ! Je périrais de chagrin sans mes frères ! Autant partager leur sort !…
Le lendemain, le mouton ami de la Marguerite est choisi pour conduire le troupeau.
- Sais-tu que le bélier est le plus beau mouton du troupeau et qu'il doit avertir les autres à la venue du danger. Cette cloche me permettra d'avertir le berger.
La marguerite décide alors de rester là et d'élever une nombreuse famille.

En tant que chef du troupeau, le petit mouton devenu bélier ne sera pas conduit chez le boucher mais l’histoire ne dit pas quel sera le sort de ses compagnons ...

Michelle : La mère Miette court toujours pour faire sa pelote ... on la voyait, quand Michelle contait, enroulant un fil imaginaire sur une pelote de plus en plus grosse, et la pelote tombait, et la mère Miette recommençait ...

fileuse_vieille_Auvergne_http://www.regardsetviedauvergne.fr/2013/05/les-vieilles-de-mon-pays-dauvergne.htmlLa mère Miette, n'aurait pas laissé perdre quoi que ce soit ! ça peut toujours servir ... Elle ramassait la moindre miette et la mettait dans son tablier... Voilà pourquoi on l'appelait comme ça, la mère Miette ...

Pour la suite, voici le conte dit par Céline Mazier, en 25 avril 1886 :

La mère Miette du village de Maisse était avare, si avare qu’elle aurait tondu un œuf.

Fil-Paysage_La-Réunion_http://www.antoinetricot.com/portfolio/la-reunion-fragments-de-paysage-03/Sa quenouille à la main, elle suivait ses vaches au champ de l’Aubespi (les beaux épis) quand elle trouva au milieu du chemin un gros peloton de laine, couleur de la bête. Elle se baisse vivement pour le ramasser et si vite, si vite, qu’elle ne pense pas une minute à la fileuse qui l’a perdu. Elle le voit déjà dans la vaste poche de son tablier qui s’ouvre toute grande comme pour le recevoir.
Cependant elle ne peut saisir le peloton. Il glisse, glisse devant elle, et la mère Miette, pour le prendre enfin, dépose en toute hâte sa quenouille au bord du chemin. Ses deux mains libres se tendent avidement vers le peloton pour le saisir. Mais non; il glisse encore, il glisse toujours !
La mère Miette oublie sa quenouille au bord du chemin, ses deux belles vaches qui, par habitude, s’en vont toutes seules tranquillement au pacage et la voilà courant comme une folle après le peloton qui fuit devant elle. Pareil à un feu follet, tantôt il la poursuit, tantôt il la précède; mais il lui échappe toujours. Elle franchit, haletante, les prairies du hameau, elle monte sans s’en apercevoir la côte de Châtel-Guizon; elle paraît vouloir suivre le mystérieux peloton de laine au bout du monde. Enfin, elle réussit à saisir non pas le peloton, mais le brin de laine qu’il entraîne. Elle se met à le tourner sur ses doigts d’abord, et peu à peu se forme un magnifique peloton. L’autre peloton ne diminue point, et il court, il court toujours, attirant à lui la vieille mère Miette.
Elle est contente ; Grosse pelote_ http://weblog.redisdead.net/main/post/2014/01/19/January-Photo-Challenge-Semaine-3elle tient, non plus dans ses mains, mais dans ses bras, un énorme peloton de laine : elle en fera faire une veste et des bradzes (pantalons) pour son homme, une jupe pour elle, elle vendra le reste … C’est une fortune ! elle ne sent pas la fatigue. Et bientôt elle ne peut plus tourner le brin de laine autour du peloton, tant celui-ci est devenu gros.
Elle a du chagrin, mais il faut se résigner à rompre le fil.
C’est ce que fait miette en poussant un soupir de regret.
Mais tout à coup le peloton, qu’elle a tant convoité, disparaît dans un bond fantastique, et en même temps ce beau peloton de laine qu’elle avait obtenu avec tant de peine, s’échappe de ses bras malgré ses efforts pour le retenir.
Et voilà la vieille courant de nouveau après le peloton ! Elle saisit encore le brin de laine. Vingt fois elle recommença le même labeur, vingt fois il eut le même résultat. On la vit le même jour à Mont-Redon, à Chastres, à Oursières, partout, échevelée, hors d’haleine, exténuée, courant toujours après un peloton qu’elle dévidait fiévreusement.
Son homme trouva les deux belles vaches à l’Aubespi, la quenouille au bord du chemin, mais pareille au Juif-Errant, la vieille mère Miette n’arrêta plus sa course, et elle court encore. Quand vous trouverez des pelotons de laine, couleur de la bête, ramassez-les ; mais avec l’intention de les rendre aux fileuses qui les ont perdus.


Savez-vous faire une pelote que l'on peut dévider aussi bien de l'intérieur ou à partir du fil extérieur ? A voir ici, sans perdre le fil, bien sûr ...

Illustrations :

  • Paysage : http://www.antoinetricot.com/portfolio/la-reunion-fragments-de-paysage-03/
  • Grosse pelote : http://weblog.redisdead.net/main/post/2014/01/19/January-Photo-Challenge-Semaine-3


Sources :

  • Conte dit par Céline Mazier, en 25 avril 1886 - Revue des traditions populaires
  • Collecte de Paul Sébillot, tirée du livre " Littérature orale de l'Auvergne" (pages 206-209) de Paul Sébillot et publié en 1897. Réédité aux éditions Cpe en 012, sous le titre Tradition Orale de l Auvergne, Broché, 160 pages.
  • Comment Miette en vint à errer par monts et par vaux Histoires-de-voyages-extraordinaires_Isabelle-Lafonta_Caravane de contes_Flies_2014du recueil Histoires de voyages extraordinaires de Isabelle Lafonta, Flies France, coll. La caravane des contes, 2014. Le sommaire est en ligne ici


Un album :
L'île de laine : Un conte poétique imaginé par Cristina Marsi et Claudia Venturini, éditions Philomène, 2010. Sur une île imaginaire où nichent des oiseaux aux plumages colorés, Tante Rosette aime tricoter des chandails en grosses mailles. "Ils ne grattent pas, ne s'usent pas, ne se salissent pas. Ils ont le parfum des embruns et des fleurs en boutons broutées par les moutons..." Un jour, une miraculeuse apparition descend du ciel: un fil de laine. Le fil descend et forme une pelote infinie. Rosette tricote alors des pulls aux couleurs de l'aurore et à la clarté des icebergs. Une fois le pull enfilé, on peut entendre le chuchotis des ruisseaux, le bouillonnement des torrents, la rumeur des marées. Illustrations visibles ici. Pas vraiment un conte, plutôt de la poésie tricotée toute en douceur ...

Viviane : Espiguette Contes_recits_legendes_pays de France_Seignolle_Omnibus_1997un conte collecté en France par Claude Seignolle. Vous pourrez le retrouver dans le recueil Contes, récits et légendes de France édition Omnibus, 1997. (conte merveilleux)
Résumé de Viviane :

Lavandière_Etude pour les laveuses"_1912_ Jules Alexis Meunier (1863-1942)Un berger avait sept filles, toutes trouvèrent à se placer dans des fermes ou autres, sauf la plus jeune. Mais un jour, la reine en entend parler et la prend à son service. Espiguette donnait entière satisfaction, voire plus.

Toutes les chambrières en étaient jalouses ! Tellement, qu'elles racontèrent que cette petite pouvait laver, blanchir, ravauder et repasser tout le linge en moins d'une journée ... Et en ce temps-là, laver le linge c'était tout un travail ... Elle dut donc prouver cela à la reine. Elle se mit à pleurer, ne pouvant accomplir une telle tâche.
Arbre_Micocoulier_Celtis australis_wikimediaUn jeune homme apparaît et lui donne une branche de micocoulier : il lui dit : Grâce à cela, tu feras des miracles.
Espiguette donne des ordres à la baguette et aussitôt toute une foule se me à laver, blanchir, ravauder et repasser tout le linge.

Mais cela ne suffit pas les mauvaises langues firent savoir à la reine qu'Espiguette pouvait libérer le prince, son fils, emprisonné par une fée dans un lointain château.
Le jeune homme réapparaît et la rassure : elle doit demander à la reine un bel attelage : un carrosse et dedans on devait mettre un mouton blanc, une ruche, un balai neuf et un sac plein de laine.

Loup_Fremlin_http://www.flickr.com/photos/fremlin/2384478345/sizes/m/in/photostream/En route elle rencontre des loups affamés à qui elle donne le mouton. Ils la laissent passer.Mouton_solognot_eponimm_http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AMouton_solognot_101.JPG

Abeille-ruche_essaim_http://www.apiservices.com/abeille-de-france/articles/fete_au_ruche.htmPlus loin, une nuée d'abeille obscurcit le ciel : elle leur donne la ruche.

Socière_balai_http://www.loisirs-enfants.com/pages/soutien-scolaire/repris-des-cours/3e-annee/savoir-lire-et-savoir-ecouter/comment-reconnaitre-une-sorciere.htmlEnfin, elle rencontre une sorcière à qui elle donne un balai neuf. En échange la sorcière veut l'aider et donne à Espiguette une clé d'or it de cristal entouré de petites clochettes d’argentpour entrer dans le château de la fée. Elle doit dire : Clé d'or, aide-moi à sauver le prince qui dort.

Grâce à cette clé elle peut entrer dans le château, traverser un parc peuplé d'oiseaux et d'animaux étranges. Elle arrive dans la chambre où dort le prince en compagnie de la fée, sur un lit cristal clochettes d'argentClochette_argent. Grâce à la laine elle peut étouffer les tintements des clochettes lorsqu'elle le libère. Puis, elle prend le prince à bras-le-corps et ils partent dans le carrosse à bride abattue.

Espiguette rend le fils à la reine et les chambrières sont sévèrement punies.


Illustrations :

  • Lavandière : "Lavandière - Etude pour les laveuses", 1912, Jules Alexis Meunier (1863-1942). Huile sur toile
  • Branche de micocoulier : Wikipedia. Le Micocoulier est un arbre d'ornement caduc apprécié dans le paysage méditerranéen. Il atteint 15 à 25 m dans son milieu d'origine. Il subsiste à Sorède, dans les environs de Perpignan, un atelier qui est peut-être le dernier au monde à travailler le micocoulier comme on le faisait dès le XIIIe siècle dans la région. Tandis qu'à Sauve, dans le Gard, le micocoulier est encore cultivé pour la fabrication traditionnelle des fourches, parce qu'il produit naturellement des branches fourchues à trois fourche (l'épaisseur des branches de la fourche étant contrôlée en enlevant des feuilles à la branche trop vigoureuse pour favoriser les deux autres). D’après Pierre Clément, le micocoulier a fait l’objet d’un culte chez les Gaulois dont on retrouverait la trace dans les écrits d’Apulée au IIème siècle. Il est probable que les anciens aient remarqué que, même coupé à ras de terre, l’arbre pouvait renaître de sa souche. Les prêtresses ou vestales devaient avoir les cheveux coupés avant de se consacrer au service d’un dieu ou d’une déesse. Après avoir ôté la chevelure de la future prêtresse on déposait la précieuse toison sur la branche d’un arbre sacré. Sur la place Diana Lucina, à Rome près du temple de Diane, ce rituel s’effectuait parfois au pied d’un grand micocoulier que l’on appela plus tard « lotus chevelu ». L’usage que l’on réservait au bois de la racine était de caractère religieux. On s’en servait pour confectionner de petits cercueils, sortes d’urnes funéraires pour y déposer les cendres des défunts.(http://fourchedesauve.free.fr/detout.htm)
  • Loup : http://www.flickr.com/photos/fremlin/2384478345/sizes/m/in/photostream/
  • Mouton : http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AMouton_solognot_101
  • Ruche et essaim : http://www.apiservices.com/abeille-de-france/articles/fete_au_ruche.htm
  • Sorcière : http://www.loisirs-enfants.com/pages/soutien-scolaire/repris-des-cours/3e-annee/savoir-lire-et-savoir-ecouter/comment-reconnaitre-une-sorciere.html


Pour en savoir plus :

  • Espiguette, ce nom vendrait de l'occitan espiguet, nom m. lavande aspic loc. ou espigueta, nom f. petit épi loc.
  • Le texte intégral, dans la version de Horace CHAUVET, Folklore catalan, Légendes du Roussillon, 1899, est accessible en ligne ; cliquer ici.
  • Cette histoire est l'une des variantes populaires du célèbre conte de Charles Perrault Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre (1697). La plus ancienne version de ce thème nous vient de Chine, où elle fut consignée par écrit au IXe siècle avant J-C.