Une défaite d'Alexandre le Grand

Alexandre-le-Grand_Fresque_Issos_Pmpei_http://www.cours-univ.fr/cours/licence/droit/licence-droit-histoire-droit-4.htmlAlexandre le Macédonien marchait sur le sol de l'Asie et au passage de ses armées, les peuples pliaient comme les épis d'un champ moissonné.Un village pourtant ne voulait pas céder. C'était un village de montagne et les montagnards sont épris de liberté. L'armée d'Alexandre le Grand encercle le village et tous les habitants, hommes, femmes et enfants sont fait capturés vivants.
On les mène dans un champ. Au milieu du champ, un chariot et un bourreau armé d'un glaive tranchant. Voici le verdict d'Alexandre :
- Malheur aux vaincus ! Ceux dont la taille dépasse la hauteur des roues d'un chariot seront exécutés.
Les mères serrent leurs enfants contre elles et pleurent. Les hommes serrent les poings.

Un jeune garçon sort de la foule et s'avance vers Alexandre ...
Sa taille n'atteint pas la hauteur de la roue, mais quel courage ! Il parle avec hardiesse en fixant le roi vainqueur droit dans les yeux :
- Roi ! Un loi aussi vieille que les hommes interdit de mettre à mort celui qui a faim. Le droit du condamné à un dernier repas est un droit imprescriptible : on ne peut l'annuler ni passer outre. L'as-tu oublié ?
Alexandre fronce les sourcils mais cette audace ne lui déplaît pas, car lui-même est un grand audacieux depuis son jeune âge. Il accepte :
- Le vainqueur qui ne respecte pas les droits des vaincus est indigne de sa victoire. Qu'il soit fait comme l'a dit cet enfant !
Alexandre fait distribuer aux prisonniers de la viande, du pain et du fromage de brebis et attendit sans impatience pendant qu'ils mangeaient.

Le repas terminé, Alexandre fait signe au bourreau qui lève son glaive, lame nue. Mais à nouveau le jeune garçon s'avance :
- Roi ! La vie d'un hôte est sacrée. Oseras-tu massacrer ceux qui viennent de manger ton pain ? Que diront les peuples quand ils sauront que le maître du monde piétine la plus ancienne des lois, et la plus sainte : la loi de l'hospitalité ?...
Alexandre sourit. Il laissa partir tous les habitants du village, sains et saufs et libres ...

Le grand conquérant, vainqueur de tant de peuples, avait été vaincu par l'astuce d'un enfant. Avec sagesse, il accepta sa défaite.

Illustrations :

  • pièce de monnaie : tétradrachme représentant Alexandre le grand coiffé de cornes du bélier d’Ammon : http://www.villemagne.net/site_fr/alexandre-le-grand-dans-la-bible.php
  • La bataille d'Issos, fresque du I° siècle avant Jésus Christ retrouvée à Pompéi, conservée au musée national de Naples (précisons toutefois qu'aujourd'hui, l'on ne sait toujours pas avec certitude si cette fresque représente la bataille d'Issos ou celle de Gaugamèles)


Source :

  • 365_contes_gourmandiseUne défaite d'Alexandre le Grand, épopée d'Alexandre in : Muriel Bloch, Luda, "365 contes de gourmandise, Gallimard Jeunesse, coll. Giboulées, 1999.


Un conte similaire :

  • 365_Contes_en_Ville_Muriel_BlochComment l'enfant sauva la ville, conte d'Asie mineure in : Muriel Bloch, "365 contes en ville, Gallimard, coll. Giboulées, 2006.
  • Un conte facétieux écrit par Luda, "Peine-misère et Bonheur-la-chance", Nathan, 1981 : 11 contes où chaque peuple garde son identité dans ces récits traditionnels de la Russie au Tadjikistan. Sommaire de ce recueil ici
  • A lire dans l'article Sauvé par un enfant (1), conté par Patricia le 16 mars 2013,


Alexandre-le-Grand : de nombreux faits et gestes légendaires

Des écrits élogieux et fabuleux ont construits la légende :

Dès le règne d'Alexandre le Grand se construit un mythe qui le présente comme un héros divinisé, héritier de Zeus Ammon et d'Héraclès, émule de Dionysos. À sa mort les compagnons et historiens contemporains de la conquête échafaudent des contes célébrant le courage, la force, la sagesse de ce héros conquérant.

  • Onésicrite et Callisthène, qui ont accompagné la conquête, sont par leurs récits (aujourd'hui très parcellaires) à la source de quelques légendes dont les historiens antiques plus tardifs se font l'écho.
  • Clitarque d'Alexandrie, au IVe siècle av. J.-C., écrit une Histoire d'Alexandre contenant des affabulations et éléments surnaturels. Son histoire est à l'origine de la Vulgate d'Alexandre le Grand, une tradition mêlant faits tangibles et légendes qui présente une vision apologétique du règne d'Alexandre. Il s'agit probablement du premier ouvrage à construire le mythe du roi Conquérant. Alexandre aurait rencontré la reine des Amazones lors des campagnes contre les Scythes...
  • Pseudo-Callisthène est un auteur inconnu égyptien ou grec d'Égypte qui dut vivre à Alexandrie au IIe siècle ou IIIe siècle. Les historiographes l'ont appelé Pseudo-Callisthène parce qu'il voulait se faire passer pour Callisthène, le contemporain et biographe d'Alexandre le Grand dont furent perdues les chroniques. Cet auteur inconnu vécut cinq siècles après le héros dont il prétend raconter les exploits. Son œuvre, intitulée Roman d'Alexandre, sensiblement fabulatrice, ne suit que de très loin l'histoire du conquérant macédonien mais elle contient presque tous les épisodes que l'on retrouve chez la plupart des historiens grecs et romains ayant entrepris ce récit, entre -200 et 300. De cette version du Pseudo-Callisthène dérivent la plupart des Légendes, Vies, Romans, Histoires ou Exploits d'Alexandre le Grand qui se multiplieront, à partir du Ve siècle.


Le mythe d'Alexandre dépasse les frontières du monde grec pour prendre place parmi les autres peuples.

  • Les perses : l'histoire d'Alexandre (« Iskandar » en persan) est abondamment reprise dans le Shâh Nâmâ de Ferdowsi, très largement inspiré de l'Iskandar Nâmâ du pseudo-Callisthène qui présente peu de points communs avec l'histoire réelle. Alexandre est présenté comme un sage, qui a notamment dépassé le bout du monde, conversé avec l'arbre waq-waq.
  • Les juifs : Pseudo-Callisthène avait déjà narré une rencontre entre Alexandre et le grand prêtre de Jérusalem. Le Talmud reprenant cette tradition, fait d'Alexandre un héros sémitique, défenseur et propagateur de la religion du Dieu unique. Selon le Talmud, Alexandre vit en rêve chaque veille de bataille le visage du grand prêtre Juif, après chaque « rencontre » il savait comment gagner la bataille, ou s'il n'allait pas gagner la bataille. Lors de son arrivée aux portes de Jérusalem, il vit le grand prêtre, reconnaissant sa grandeur, il s'agenouilla devant lui, le grand prêtre fit de même et naquit ainsi une amitié entre le peuple Juif et Alexandre.
  • Les chrétiens : Alexandre est cité dans la Bible à plusieurs reprises ; une prophétie de Daniel, très imagée, a prédit l'avènement du roi grec. Alexandre dans la Bible
  • Les musulmans : Alexandre le grand est cité dans le Coran. « Alexandre est appelé Dhû-l-Qarnayn pour cette raison qu'il alla d'un bout à l'autre du monde. Le mot “qarn” veut dire une corne, et on appelle les extrémités du monde “cornes”. Lui, étant allé aux deux extrémités du monde, tant à l'orient qu'à l'occident, on l'appelle Dhû-l-Qarnayn» (Tabari, La Chronique (De Salomon à la chute des Sassanides), Actes Sud, (ISBN 2-7427-3317-5), p. 78). Plus simplement ce nom pourrait être dû au fait qu'Alexandre était représenté sur les pièces d'argent avec les cornes du dieu Amon. (242 av. J. C.). (wiikipedia)
  • Les contes arabes : on retrouve enfin cet Al-Iskandar Dhû-l-Qarnayn dans des passages des Mille et une nuits.


Quelques légendes :
  • Le nœud gordien : Gordias, père de Midas, le fondateur du royaume de Phrygie. Cette hypothèse se justifie d’autant mieux que Gordias donna son nom à Gordion, la résidence royale des rois phrygiens. Selon la légende, le timon du char du roi Midas était lié par le fameux « nœud gordien », dont quiconque, selon la prophétie, parviendrait à le dénouer deviendrait le maître de l’Asie — exploit qu’accomplit Alexandre le Grand. En 337 av. J.-C., Alexandre tenta de défaire le nœud. Ne pouvant trouver une extrémité pour le défaire, il le trancha d'un coup d'épée (la « solution d'Alexandre »).
  • Alexandre le Grand à la recherche de l'eau de jouvence, Jean MUZI, 25 Contes de la Méditerranée, Flammarion Jeunesse, 2006, 2011. Alexandre découvre au pied d'une mystérieuse montagne peuplée d'hommes à tête de chien, une source miraculeuse qui n'est autre que la Fontaine de Jouvence ...
  • A la découverte de mondes fabuleux : Alexandre va jusqu'aux extrémités du monde près du Pays des Bienheureux, pour tenter de pénétrer vivant au Paradis. Il traverse les Enfers avec toute son armée, et enfin, il descendre tout au fond de la mer dans un tonneau de verre pour connaître les mystères de l'abîme ...
  • L'oeil du crocodile : Les mnémotechniques sont à double tranchant : elle permettent de retenir bien et longtemps, mais il devient très difficile d'oublier en raison du lien créé dans notre mémoire entre deux idées ou une idée et une chose... Cela peut parfois être dramatique comme en témoigne le conte cité en exemple par J-C Carrière dans l'ouvrage de Jean-Claude Carrière & Umberto Eco, entretiens menés par Jean-Philippe de Tonnac : « N'espérez pas vous débarrasser des livres », Ed. Grasset & Fasquelle, 2009, page 30 :

http://nice-dailyphoto.blogspot.com/2009/03/oeil-de-crocodile.htmlAlexandre est à la veille de prendre une fois encore une décision aux conséquences incalculables. On lui a raconté qu'il existe une femme qui peut prédire l'avenir avec certitude. Il la fait venir afin qu'elle lui enseigne son art. Elle lui dit qu'il faut allumer un grand feu et lire l'avenir dans la fumée qui s'en dégage, comme dans un livre. Elle met toutefois le conquérant en garde. Pendant qu'il scrutera la fumée, il ne devra en aucun cas penser à l'œil gauche d'un crocodile. A l'œil droit à la rigueur, mais jamais à l'œil gauche. Alors Alexandre renonça à connaître l'avenir.
Pourquoi ? Parce que, dès qu'on vous a mis en demeure d'éviter de penser à quelque chose, vous ne pensez plus qu'à ça. L'interdiction fait obligation. Impossible, même, de ne pas y penser, à cet œil gauche de crocodile. L'œil de la bête s'est emparé de votre mémoire, de votre esprit. Parfois, se souvenir, comme pour Alexandre, et ne pas être capable d'oublier, est un problème, et même un drame.

Vous pourrez retrouver ce conte dans le recueil "Le cercle des menteurs 2 - Contes philosophiques du monde entier", Jean-Claude Carrière, Plon, 2008, p 150

  • La légende de Bucéphale, le cheval d'Alexandre le Grand : Tous deux avaient presque le même âge, tous deux moururent au début de leur trentaine après vingt ans de batailles. Ensemble, ils conquirent le monde. Bucéphale, dont le nom veut dire "à la tête de taureau", allusion probable à son front large et à ses naseaux courts et écartés, était noir, portant une étoile blanche sur le front. Il possédait un œil vairon, dont l'iris était entouré d'un cercle blanchêtre, et il était beaucoup plus grand que la plupart des chevaux de l'époque. Bucéphale était si fougueux que personne n'avait jamais réussi à le monter. Alexandre, âgé de 12 ans seulement, mais qui avait déjà pris part à des batailles et était un cavalier émérite, releva le défi. Il dompterait l'indomptable. Il commença par étudier le comportement du grand cheval noir, cherchant la faille. Il s'aperçut alors que l'animal avait peur de son ombre comme de celle des hommes qui s'approchaient de lui. Tendre et cajoleur, le jeune homme parvint à placer le cheval face au soleil et l'enfourcha, le faisant galoper en tout sens avant de revenir vers son père. "Tu devras te chercher ton propre royaume, mon fils, la Macédoine est trop petite pour toi", fut le seul commentaire du souverain visionnaire.Pendant presque vingt ans, Alexandre et Bucéphale combattirent ensemble. L'histoire d'Alexandre et de son inséparable Bucéphale se termine comme on peut s'y attendre, à la guerre : lors de la bataille de l'Hydaspe, en l'an 326 av. J.-C., où Alexandre combattit contre Pôros, roi indien du Pendjab. Bien que mortellement blessé, le vaillant Bucéphale ne permit pas à Alexandre de monter un autre cheval, et, réunissant ses ultimes forces, mena son auguste maître à la victoire. La bataille gagnée, couvert de sang et de sueur, il s'allongea enfin pour succomber à ses blessures. Plus que la perte d'une monture, le roi de Macédoine déplora la disparition d'un ami véritable. Reconnaissant, il fit ensevelir son cheval avec les honneurs militaires et fonda sur ce site la ville de Bucéphalie, qui fut pour toujours dédiée à son compagnon. (http://animalis.forumactif.info/t9-la-legende-de-bucephale-le-cheval-d-alexandre-le-grand)

Alexandre-le-Grand_Bucéphale_sarcophage_Sidon_Oboulko_http://www.dinosoria.com/alexandre_legrand.htm Détail du sarcophage dit "d'Alexandre", découvert dans la nécropole de Sidon (Liban) en 1855. Le soldat perse s'effondre sous les coups du conquérant divinisé, coiffé, comme Hercule, de la dépouille d'un lion. (IVe siècle avant notre ère, Musée archéologique Istanbul) . By Oboulko (dinosoria.com)