Je veille, tu veilles, il (elle) veille... de la veille documentaire à la veillée de contes ...

Comment l'enfant sauva la ville

... en regardant une situation qui semblait perdue d'avance avec un regard neuf et lumineux, éclairé par ce qu'il vit au quotidien. Une vision simple des choses qui lui permis de détendre les tensions entre deux chefs.

Libre adaptation d'après le conte Comment l'enfant sauva la ville, de Luda, conte réédité par Muriel Bloch, "365 contes en ville", Gallimard, 2006

En ce temps-là, vivait en pays Kirghize un khan très belliqueux nommé Djnanybek. Assoiffé de puissance il n'attendait qu'un prétexte pour attaquer ses voisins. Et si le prétexte manquait, il les attaquait sans raison, car grande était la force de son armée et la guerre seule faisait sa joie.
Or, dans une contrée toute proche vivait un khan nommé Sultanmamyt. C'était un souverain paisible qui en déployant des trésors de diplomatie pendant des années, avait évité adroitement toute altercation avec ce remuant voisin … Bien sûr, cela ne pouvait pas durer éternellement …

Un jour, sous le plus futile des prétextes, Djanybek assiège la ville de Sultanmamyt. Il envoie un messager avec l'ordre de se rendre.
Pour gagner du temps Sultanmamyt répond par un message annonçant l'arrivée prochaine de ses parlementaires. Il réunit ses conseillers, ses vizirs, les sages et les astrologues. Ils argumentent en vaines discussions le jour puis la nuit … aucune proposition valable n'en ressort …
Et pendant ce temps, le Khan Djanibek s'impatiente, tempête, menace de raser la ville sans plus de délai …
Dans la ville assiégée, les sages barbus s'arrachent la barbe, les conseillers se crêpent le chignon, les astrologues aimeraient bien s'éclipser comme une étoile filante …

Au moment où le sultan désespère, un garde annonce un jeune garçon qui demande à parler à Sultanmamyt. C'était un pauvre petit berger, assez sale, mal coiffé, sans barbe, sans manteau de soie, mais il entre la tête droite, sans crainte, et salue le khan avec dignité.
- Que veux-tu ? Aurais-tu la prétention de nous aider de tes conseils ?
- Je dis que si vous m'envoyez en parlementaire chez le khan Djanibek, il peut en résulter un grand bien pour notre ville.
Le Khan ne peut s'empêcher de sourire malgré la situation fort préoccupante.
- Et tu comptes te présenter comme ça ? Seul, mal habillé ? Jeune fou !
- Oh, je n'irai pas seul ! J'irai accompagné de deux vieux sages : le plus grand chameau et le plus vieux bouc de vos troupeaux. A nous trois, je pense que nous réussirons à délivrer la ville.
Sultanmamyt éclate d'un rire énorme, furieux …
- Que vient faire ce bétail à la place de nobles diplomates ?! Tu te moques de moi !
Sultanmamyt était près à châtier sévèrement l'impudence du garçon, quand le premier vizir vint lui parler à l'oreille …
- Seigneur ! Le proverbe dit « Quand le cheval manque, on selle le bourricot … » Pourquoi ne pas tenter la chance ? Et si l'enfant échoue, que vous importe sa mort … nous pourrons toujours nier l'avoir envoyer … Mais en attendant, nous gagnons un temps précieux, et d'ici là nous aurons peut-être trouvé une parade …
Le sultan réfléchit et ordonne à l'enfant de se préparer à partir, et de choisir lui-même le chameau le plus grand et le bouc le plus vieux.

Le jeune garçon, monté sur le chameau et traînant le bouc au bout d'une longe s'en va au camp de Djanibek où ils se présente :
- Allez dire au Khan Djanibek que le parlementaires envoyés par le khan Sultanmamik sollicitent l'honneur d'être admis en sa présence !
Djanibek sort de sa yourte, et lorsqu'il voit les parlementaires … ses yeux lancent des éclairs !
- Sultanmamik se moque de moi ! Ou faut-il croire que son peuple est si faible qu'il n'a trouvé personne de plus grand pour le représenter ?
L'enfant s'incline avec respect :
- Seigneur ! si ton désir est de voir le plus grand des nôtres, voici ce chameau, nul n'est plus grand que lui dans notre ville...
Le terrible Djanibek se radoucit :
- Voyons, il ne s'agit pas de cela … quand je dis grand, j'entends vieux et sage. Un noble à barbe blanche et non un gamin imberbe.
- Grand Khan, puisqu'il te faut un âge avancé et une longue barbe pour te plaire, voici ce bouc : c'est le plus vieux et le plus barbu de notre communauté.
Le Khan hurle de rire !!!
- Tu es malin, hardi et courageux … et tu ne manques pas d'humour … Tu m'as fait rire, cela mérite récompense : demande-moi ce que tu veux et je te l'accorderai.
- Ô grand Khan ! Petit je suis et petits sont mes désirs. Donne-moi seulement un peu de terre que tu épargneras dans tes guerres de conquêtes. Seulement ce que peut contenir la peau du chameau que voilà
- Accordé ! dit en riant le khan qui trouve cette demande amusante, aussi ridicule que les parlementaires.
Le jeune garçon s'incline dignement et se retire. Il rebrousse chemin vers sa ville, toujours avec son bouc et son chameau.

Arrivé devant les portes, il tue son chameau, il l’écorche, et découpe la peau en très fines lanières qu'il lie bout à bout. Et avec ce très long ruban de lanières, il encercle sa ville assiégée, ainsi protégée …
Et c'est ainsi qu'un enfant sauva la ville.

Illustrations :

• Garçon Kirghize avec un troupeau de boucs : http://www.rdv-voyageurs.fr/spip.php?article1543
  
• Garçon Kirghize sur un chameau : http://www.parispekinavelo.com/jours/kazakhstan.htm
• Bouc : 123rf.com

Sources :

• Comment l'enfant sauva la ville, conte d'Asie mineure in : Muriel Bloch, "365 contes en ville, Gallimard, coll. Giboulées, 2006.
• Un conte facétieux écrit par Luda, "Peine-misère et Bonheur-la-chance", Nathan, 1981 : 11 contes où chaque peuple garde son identité dans ces récits traditionnels de la Russie au Tadjikistan. Sommaire de ce recueil ici
• Conté par Patricia le 16 mars 2013.

Un conte similaire :

• Une défaite d'Alexandre le Grand, épopée d'Alexandre in : Muriel Bloch, Luda, "365 contes de gourmandise, Gallimard Jeunesse, coll. Giboulées, 1999.
• A lire dans l'article ''Sauvé par un enfant (2)''.
  

Où d'autres jeunes gens se tirent d'affaire d'une pirouette

Jeunes garçons ou filles avisées ont réponse à tout ! Dans plusieurs contes, il s'agit de déjouer la mauvaise foi d'un roi d'un tsar ou d'un juge ... une manière de critiquer le pouvoir à mots couverts : un jeu d'enfant !

Un esprit plus vif que les plus âgés, prétendus sages ...

• L'enfant de cinq ans et les voleurs, Catherine Zarcatte, , "Les plus beaux contes de conteurs ", Syros. Trois voleurs ont amassé un tel butin qu'ils se méfient désormais les uns des autres et préfèrent se séparer. Mais leur bourse contient exactement mille pièces d'or... Impossible à répartir en trois ! Ils décident alors de réunir mille deux cents pièces d'or et, en attendant, de confier le magot à la vieille femme qui les loge. Mais les choses se retournent contre elle ! Seul un enfant de cinq ans, très malin, saura l'aider.

• Le partage de l'oie en 5 parts égales ... Petit Jean et l'oie de Noëlconte traditionnel in : Mille ans de contes, tome 1, Milan, 1990, p 377. Conté par Joris le 18 décembre 2010 et adapté d'un conte de Léon Tolstoï "Comment le Moujik partagea l'oie" en ligne ici.

• Les deux cailloux, conte de Praline Gay-Para en ligne ici. Conté également par Patricia en octobre 2012, lors d'une balade dans le minervois : C... comme cailloux . Variante du conte Le grand inquisiteur, extrait du recueil "Debout sur un pied", Nina Jaffe et Steve Zeitlin, Neuf, L'Ecole des Loisirs, 1994. A lire ici.

• Debout sur un pied, Nina Jaffe et Steve Zeitlin, Neuf, L'Ecole des Loisirs, 1994. Ce petit recueil contient quatorze contes yiddish où le lecteur est invité à rivaliser d’intelligence avec les héros de chacun des récits. Chaque histoire expose un conflit que le lecteur est incité à résoudre avant de lire la conclusion. Des extraits sur savoirlire.net

Réponse à tout !

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• Les bonnes réponses, Afanassièv, , "Les contes populaires russes", Maison neuve et Larose. Après 25 années de service, un soldat demande à voir le Tsar qui l'interroge ; le soldat répond à tout avec astuce...

Pour en savoir plus !
Consulter le billet : E... comme énigme où vous trouverez de larges extraits de ces contes célébrant l'astuce de jeunes esprits fort débrouillards.

• La princesse qui résout les énigmes
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