Claudine : Les_plus_beaux_contes_de_conteurs_SYROS Le plus beau cadeau du monde Conte Polonais, culture Yiddish, de Muriel Bloch in : "Les plus beaux contes de conteurs", édition Syros Jeunesse, 1999, p. 188.

Un homme vient tout juste d'être père, et pour la première fois il pleure de joie. C'est le plus beau jour de sa vie. Il veut aussitôt faire un cadeau à son fils, son bébé, son premier-né, mais comme le sont souvent les pères, il n'a aucune idée de cadeau. Il finit par demander conseil à sa femme :
- Ne te tracasse pas tant ! quel que soit ton cadeau, tu fais bien. Le cadeau d'un père à son enfant, c'est toujours le plus beau des cadeaux !
L'homme fronce les sourcils : C'est des mots tout ça ... Je veux une idée de cadeau moi !
Le père interroge ses plus proches amis :
- L'amour, voilà le plus beau cadeau. Celui qui reçoit de l'amour, reçoit tout. Celui qui manque d'amour, manque de tout !
Mais le jeune père hausse les épaules : Toujours de belles paroles !

cadeau_animéToute la nuit, il passe en revue tous les jouets qu'il connaît ... Les jouets défilent devant ses yeux et les idées tournent dans sa tête comme une toupie ... Mais en voilà une bonne idée : une toupie !. tout excité, le jeune papa attend avec impatience l'heure d'ouverture du magasin.
- Bonjour Madame, je voudrais, s'il-vous-plaît, la plus belle toupie du magasin c'est pour mon fils, mon bébé, mon premier-né. Je veux ce qu'il y a de plus beau, de mieux ! Le prix n'a pas d'importance.
La vendeuse sourit et apporte sur le comptoir une superbe toupie multicolore :
C'est la plus belle toupie du magasin. Regardez, je la fais tourner sous vos yeux : c'est un voyage au pays des couleurs ! Cette toupie resplendit comme un vêtement tout neuf !
En entendant ces mots, le jeune père se dit qu'il vaudrait mieux dans ce cas acheter un vêtement tout neuf ! et il court au magasin de vêtements d'enfants le plus proche.

- Bonjour Madame, je voudrais, s'il-vous- plaît, le plus beau pantalon du magasin c'est pour mon fils, mon bébé, mon premier-né. Je veux ce qu'il y a de plus beau, de mieux ! Le prix n'a pas d'importance.
La vendeuse attrape une jolie boite tout en haut des étagères et en sort un ravissant petit pantalon bleu clair d'un papier de soie tout doux.
- Je vous assure qu'il n'y a a plus doux et confortable que ce modèle. Le tissu est doux, moelleux, comme la mie du pain qui sort du four.
En entendant ces mots, le jeune père se dit qu'il vaudrait mieux dans ce cas acheter un pain brioché tout chaud ! et il court à la boulangerie.

- Donnez-moi le meilleur pain, celui qui est tout chaud sorti du four. C'est pour mon fils, mon bébé, mon premier-né. Je veux lui offrir le plus beau des cadeaux dont il se souviendra toute sa vie.
- Ah, dit la boulangère, quelle bonne idée ! Après le lait de sa mère, le bébé doit sentir l'odeur du pain et la douceur de la mie. Prenez ce pain-ci, la mie est aussi tendre et fondante que la chair d'un petit agneau qui vient de naître !
Le père balbutie une vague excuse et se précipite hors de la ville, là où commence la campagne et cherche un berger.

- Berger ! cherche-moi le plus petit, le plus tendre, le plus fondant de tes agneaux, je veux faire un cadeau à mon fils, mon bébé, mon premier-né ! Le prix ne compte pas !
- Je vous comprends ! un agneau qui vient de naître, c'est un joyau, c'est aussi précieux que l'or !
A ces mots, le jeune père retourne en ville et se précipite dans une bijouterie.

- Je veux de l'or, le plus pur de la boutique. Le prix ne compte pas, je veux ce qu'il y a de mieux pour mon fils, mon bébé, mon premier-né !
La bijoutière lui propose de la poussière d'or aussi délicate qu'une eau de parfum d'immortelles ... Et le jeune papa sort pour se rendre chez le parfumeur.

Et le parfumeur lui répond :
- Vous ne pouviez pas mieux choisir que cette eau de parfum d'immortelles : elle est digne du paradis. elle est subtile, délicate, suave ... ces qualités en font une eau aussi rare qu'une colombe de paix....
Mais oui ! quoi de plus beau cadeau qu'une colombe, symbole de paix, le plus beau cadeau pour toute une vie ! Et voilà l'heureux papa qui après s'être excusé auprès du parfumeur, court vers la boutique du marchand d'oiseaux.

- Montrez-moi, s'il vous plaît, une colombe de paix. C'est pour mon bébé, mon nouveau-né, je veux lui faire un cadeau qui n'a pas de prix !
- Regardez-la, dans la cage derrière vous : admirez la blancheur de ses ailes, sa douceur... il ne lui manque que le rameau d'olivier dans le bec !
- Oui ! dit le père tout excité d'avoir enfin trouvé le cadeau idéal. Est-ce que c'est vraiment ce que vous avez de mieux à me proposer ? Je n'achèterai que ce qu'il y a de mieux !
- Je vous assure qu'une colombe comme celle-ci est aussi précieuse qu'un premier baiser d'amour !

- Un premier baiser d'amour, s'écrie le père... attendez, j'ai changé d'avis, mais je vous en supplie, suivez-moi !
Et l'oiseleur suit volontiers, intrigué, le père de l'enfant qui vient de naître. En passant, ils s'arrêtent devant la boutique du parfumeur, qui les suit, puis de la bijoutière ; ils vont chercher le berger, le boulanger, la vendeuse de vêtements, la marchande de jouets ... et ils suivent tous le père...
- Vous suivez ?
Et en présence de sa femme et de tout ce petit monde réuni, le père enfin rassuré va chercher son fils, son bébé son premier-né. Il le tient tendrement dans ses bras et lui donne enfin le plus beau des cadeaux, ce qu'il y a de meilleur au monde, un baiser, le plus doux des baisers.


Ainsi, ce serait parce qu'on doute de sa propre valeur que l'on préfère offrir quelque chose de "cher", d'une certaine valeur marchande, plutôt que de donner de soi ... offrir de l'amour c'est ce qui a de plus précieux car à ce moment on ne compte plus (dans tous les sens du terme) : l'argent n'est plus un critère et notre petite personne passe au second plan. La sincérité, l'amour et le don nous permettent d'être réellement ce que nous sommes sans masque social.