Le premier conte de Joris :

Joris avait à l'époque 5 ans et demi. Nous étions sagement assis en cercle convivial à une réunion des conteuses de l'Aude (chez Monique F.). Nous étions vingt ce soir là ! Chacun avait apporté un plat préparé de ses mains et un conte. Il y avait donc une table où étaient disposés salades composées, charcuterie maison, quiches et tourtes en tout genre, et une autre table, juste derrière nous, où patientaient gâteaux, tartes au pommes, crumbles, mousse au chocolat et un magnifique fraisier ... qui attirait toute l'attention de Joris ... Fraisier_http://daralyon.canalblog.com/archives/2006/04/25/1764492.html
- Dis, maman, tu as vu le gâteau ...
- Oui, il est magnifique, c'est un "fraisier"
- Je peux en avoir une part ?
- Oui, mais après les contes, quand on mangera tous ensemble ...
- Alors, juste une fraise ...
- Non, ce n'est pas possible, si tu prend une fraise, le gâteau va s'écrouler ...
- Alors, un morceau ?
- Pas tout de suite, après les contes ...
Joris regarde tout autour, les conteurs et conteuses assis, attendant le début de notre racontage ...
- Et il faut attendre que tout le monde ait parlé ?
- Oui, quand nous aurons tous conté, nous dégusterons toutes ces bonnes choses. Chut ! ça va commencer...
Joris a pris un air résigné mais concentré et a bien écouté les contes qui se succédaient les uns après les autres. J'avais apporté un ou deux de ses livres préférés pour le faire patienter si les histoires étaient un peu difficiles pour un petit de cinq ans. Puis, j'ai conté ... Et cric, et crac ! ainsi est la formulette qui indique la prise de parole du conteur. Et juste après moi, j'ai entendu une petite voix qui disait : Et cric, et crac ! ... c'était Joris qui a conté avec ses mots bien à lui, et s'en se laisser impressionné par la vingtaine d'adultes rassemblés "Les trois boucs" tout en feuilletant son livre posé sur ses genoux ... tous l'ont applaudi ... Et j'avais les larmes aux yeux de cette jolie surprise ... car nous n'avions rien préparé Joris et moi. Mais Joris m'a fait revenir sur terre :
- Alors, je peux en manger maintenant du fraisier ?
Il y a eu dérogation, et il a eu une petite part en attendant la fin de notre réunion des conteurs ...

Et depuis ce jour, à chaque réunion, Joris prépare un conte, en ajoutant à chaque fois quelque chose de personnel... Si les petites filles naissent dans les roses et les petits garçons dans les choux, les petits conteurs naissent dans les fraises ...

Et cric, et crac !...

Il était une fois trois boucs. 3Boucs_Guggisberg
Le plus petit c’était POILU,
le moyen c’était VELU
et le plus grand c’était BARBU.

Et voilà qu’un jour, ils sont partis pour la montagne. La montagne où l’herbe est très, très haute et bien meilleure qu’ailleurs. Seulement voilà : pour arriver là, ils devaient franchir un torrent, pour franchir ce torrent, passer un pont de bois … et sous ce pont de bois vivait un troll. Le plus horrible des trolls !
Des gros yeux ronds comme des boutons,
Le nez long comme un bâton,
Un ventre gros comme un ballon.
Ce troll était goulu, ventru ! Et ceux qui passaient sur le pont, il les mangeait tout crus !

Quand les trois boucs ont vu le pont, BARBU s’est arrêté, puis il a dit
- Attention ! il y a du danger là-dessous … Je vais vous expliquer ce qu’il faut faire, écoutez bien …
Les deux autres ont écouté bien comme il faut,


PetitBOUC_Guy_Chauvelot_http://leschevresdurove.over-blog.com/photo-75314-chevraux_jpg.htmlet voilà POILU qui s’avance tout seul sur le pont : trip, trap, trip, trap…
- Holà ! dit le troll, qui trotte et sabote sur mon pont de bois ?
- C’est Poilu, le petit bouc, je vais dans la montagne où l’herbe est tellement bonne …
- Ça m’étonnerait beaucoup, parce que … je vais te manger !
- Non, Troll, ne me mange pas ! je suis tout maigrichon. Attends plutôt mon frère qui vient derrière, celui-là est gros et gras.
- Si c’est comme ça, dit le troll, passe ton chemin, je préfère manger ton frère.

BOUC_Guy_Chauvelot_http://leschevresdurove.over-blog.com/photo-75314-chevraux_jpg.htmlEt voilà VELU qui s’avance tout seul sur le pont : trip, trop, trip, trop…
- Holà ! dit le troll, qui trotte et sabote sur mon pont de bois ?
-C’est Velu, le frère de Poilu, dit le moyen bouc, je vais dans la montagne où l’herbe est tellement bonne …
- Ça m’étonnerait beaucoup, parce que … je vais te manger !
- Non, Troll, ne me mange pas ! je ne fais pas encore le poids. Attends plutôt mon frère qui vient derrière, celui-là est gros et gras.
- Si c’est comme ça, dit le troll, passe ton chemin, je préfère manger ton frère.

BoucSpartacus_Guy_Chauvelot_http://leschevresdurove.over-blog.com/Et voilà BARBU qui s’avance tout seul sur le pont : trip, troup, trip, troup…
- Holà ! dit le troll, qui trotte et sabote sur mon pont de bois ?
-C’est Barbu, le frère de Poilu, dit le moyen bouc, je vais dans la montagne où l’herbe est tellement bonne …
- Ça m’étonnerait beaucoup, parce que … je vais te manger !
- Vilain troll, dit Barbu, si c’est là ton idée, approche toujours on verra bien.
Le troll en colère monte sur le pont, mais BARBU n’est pas la moitié d’un bouc : il fonce les cornes en avant, perce le ventre du troll, et d’un grand coup de sabots, il le balance dans l’eau, Plouf ! Le torrent a emporté le troll comme un vulgaire caillou. Roulé, secoué, ballotté jusqu’à la mer, le troll a quitté le pays.

Puis BARBU a rejoint POILU et VELU sur l’autre bord, ils sont allés dans la montagne où l’herbe est tellement bonne … ils ont tant brouté qu’ils sont devenus gros et gras … Et si depuis leur gras n’a pas fondu, ils sont toujours aussi dodus.


C'est une histoire à raconter au printemps : Il faut la situer dans un paysage norvégien, de montagnes, de maisons en bois dont le toit est recouvert d'herbe et de fleurs, de torrents enjambés par des petits ponts, de chutes et de cascades. Les animaux enfermés tout l'hiver ont hâte de brouter l'herbe grasse dans les prés fleuris au printemps. Les trolls sont bien connus des enfants en Norvège, ils sont généralement énormes, sales, laids et malfaisants. Ils ont des oreilles pointues, une queue et 4 orteils à chaque pied. Ils explosent s'ils sont touchés par un rayon de soleil et se transforment en pierre s'ils sont mouillés ce qui explique qu'ils sortent surtout à la nuit tombée et par temps sec ! (materalbum.free.fr)

Références :

  • LE CRAVER, Jean-Louis.Les_trois_Boucs_LeCraver Les Trois Boucs, Didier Jeunesse, collection A petits petons. 1999. L’histoire des trois boucs qui échappent l’un après l’autre au troll qui veut les manger est un conte populaire norvégien. Il a été publié pour la première fois en 1843 par les folkloristes Peter Christen Asbjørnsen et Jørgen Moe.
  • Sente de la chèvre qui bâille : tout ! vous saurez tout sur le bouc et sa famille ... Le texte de Jules Renard sur le bouc est ici
  • Les photos de boucs proviennent du blog "Les chèvres du Rove"
  • Le magnifique fraisier provient du Blog de Dara : recettes traditionnelles du Vietnam et du Laos, et quelques pâtisseries occidentales... dont la recette du fraisier ...


Vidéos:

  • Les trois boucs contés par essawazari (ci-dessous)
  • Les trois boucs conté par des enfants en langue des signes ici



Les trois boucs par essawazari


Les trois vérités du Bouc

BoucSpartacus_Guy_Chauvelot_http://leschevresdurove.over-blog.com/Un bouc, converti à l’Islam, s’en va en pèlerinage à la Mecque. Hyène_Ghislain Sillaume_FlickrSur le chemin il rencontre une hyène qui pose ses conditions pour le laisser en vie… Pour continuer son voyage, le bouc doit lui donner trois vérités indiscutables ...
Bouc lui dit :
- Oncle Hyène, si j’étais convaincu qu’en prenant ce chemin j’allais à ta rencontre Dieu sait que je ne l’aurais jamais pris.
Hyène resta interdite un moment et lui dit :
- Tu as raison. Une.
Bouc réfléchit à nouveau et dit :
- Si je rentre au village, et déclare que j’ai rencontré l’hyène dans la brousse l’on me traitera de menteur.
Hyène lui dit : Tu as encore raison. Deux. Il reste une vérité.
Bouc réfléchit encore, puis il déclare :
- Je suis en tout cas certain d’une chose.
Hyène demande : Laquelle ?
- Toute cette palabre, c’est parce que tu n’as pas faim.
Hyène dit : Juste ! Atcha ! Tu peux donc partir.

Bouc s’enfuit : Fouy ! Et sauva sa vie.

Sources :

  • Ce conte nous vient du Sénégal mais vous pouvez le lire et l'entendre sur le site conte-moi.net.
  • La photo du bouc provient du blog "Les chèvres du Rove"
  • La photo de la hyène est de Ghislain Sillaume, flickr (licence Creative Commons)


Variante :

  • Une autre version met en scène un renard et une panthère. Fable du Gabon, Jean Muzi, 19 fables de Renard, Castor Poche, Flammarion. En ligne ici : http://educalire.fr/fiches_pedagogiques/fables/sequence_sur_les_fables.pdf?article443. Dans cette version l'introduction ne parle ni de pèlerinage ni de Dieu, mais pose la situation avec humour. Deux vérités seront demandées au lieu de trois, semblables au vérités 2 et 3 de la version précédente. A chacun de s'inspirer en adaptant l'introduction à son auditoire ...

Renard chassait dans la forêt lorsqu'il tomba nez à nez avec Panthère.
- Que fais-tu donc sur mon territoire ? demanda-t-elle.
- C'est simple, répondit Renard. Je suis venu ici pour que tu me manges.
La panthère trouva la réponse fort drôle et déclara :
- Tu as de l'humour ! Aussi vais-je te donner une chance de t'en tirer. Tu auras la vie sauve si tu peux me dire deux vérités vraies.
- Rien de plus simple, dit Renard. Voici la première : tu n'as pas très faim aujourd'hui, sinon tu m'aurais mangé sans attendre.
- Exact ! répondit-elle.
- Voici maintenant la seconde vérité vraie : nul ne me croira si je raconte que j'ai rencontré la Panthère et qu'elle ne m'a pas mangé.
- Cela aussi est exact, déclara panthère. Va ! et que je ne te reprenne plus dans les parages.