Viviane : Contes Turcs - Pertev Nailî BoratavLe Père Ogre in : "Contes turcs", présentés et traduits par Pertev Nailî Boratav ; dessins de Abidine Dino, Coll. Contes des cinq continents 1, Éditions Erasme, Paris, 1955, 224 pages, épuisé.
Ce conte a une histoire ... Viviane a retrouvé ce conte dans un livre qu'elle a reçu ... en prix de couture ... il y a quelques années ... Ces contes ont été collectés et rassemblés par Pertev Nailî Boratav (Darıdere / Komotini / Grèce, 1907 – Istanbul, 1998) spécialiste des littératures orales turques, a occupé la chaire de folklore à l’Université d’Ankara jusqu’en 1948. Chassé de son pays pour « subversion », il s’exile aux États-Unis d’abord puis, à partir de 1952, en France où il a fait carrière au C.N.R.S. Par ses longues enquêtes dans les villages d’Anatolie il a contribué de façon décisive à la connaissance d’une littérature qui s’est perpétuée durant des siècles en dehors de tout texte écrit. Il a noté avec précision d'où viennent ces récits . Ainsi, Le Père Ogre est un manuscrit de la collection Boratav, noté en 1946 par Melle N. Kutis à Ankara de la bouche de sa grand-mère, Mme Mukaddes Duru, originaire d'Izmir, âgée de 63 ans. Cette dame a appris ce conte à Istambul, et le considère comme conte d'Istambul.

Cet ouvrage est épuisé, mais pas les contes ! Contes Turcs - Pertev Nailî Boratav
Il n'est pas difficile de remonter dans la nuit des temps avec les contes : un recueil de contes turcs collectés par Pertev Nailî Boratav est paru aux éditions L'Ecole des Loisirs. Pertev Nailî Boratav, Muhsine HelimoÆglu Yavuz , Sandra Albukrek-Sebban : Contes turcs - Dans la nuit des temps, coll Neuf, L'Ecole des Loisirs, Paris, 2008, 126 p. Un recueil de contes d'origine turque collectés par deux spécialistes dans ce domaine. On y croise sultans, derviches, fous et animaux. Le trait commun de ces contes, outre leur origine, est la démesure des personnages et l'absurdité des situations. En tout, une quinzaine de récits, parfois très court que l'on nomme "Tekerleme". L'introduction est d'ailleurs très intéressante et traite de ce dernier point, le "Tekerleme" provenant du turc "Tekerlek" : roue. Le conte étant introduit par ce "roulement de paroles" afin de préparer l'auditoire à l'écoute. "Il était une fois, il n'était plus une fois..." commentaire de Mimi

Il était une fois, et il n'est plus … Dans le temps, il y avait un Padichah qui avait trois filles. Celles-ci se faisaient beaucoup de soucis car le temps passait et elles n'étaient pas encore mariées. La plus jeune -et la plus intelligente aussi – suggère d'appeler le Lala (le conseiller) du père qui pourra intercéder en leur faveur. Voilà ce qu'il fit : Il mit trois pastèques sur un plateau, alla devant le Padichah, et, après avoir fait sept révérences déposa le plateau devant lui. http://www.paperblog.fr/1740660/melon-pasteques/
- Mon Seigneur, vos filles vous envoient ces pastèques. Et prenant la plus grosse d'entre elles il ajoute : Voici celle de la Sultane aînée. Puis il désigne la pastèque de taille moyenne, celle de la cadette et enfin la plus petite pastèque, celle de la benjamine.
Le Padichah réfléchit un instant puis il ordonne au Lala de les couper. Il commence par goûter la plus grosse : elle est déjà trop mûre. La moyenne est sur le point de passer, et la plus petite est mûre, juste à point pour être consommée. Le padichah comprend : il envoie chercher ses filles.
Les jeunes filles, toutes émues, accourent. Elles saluent de sept révérences et attendent respectueusement mais avec un peu d'appréhension. Voici ce que leur dit leur père :
- Ce soir, avant de vous coucher vous ferez vos ablutions et votre prière, puis vous ferez un vœu pour obtenir un rêve divinatoire. Je vous marierai à la personne que vous verrez en rêve.
Le lendemain, le Souverain appelle ses filles. Il demande d'abord à sa fille ainée à qui elle a rêvé. La princesse répond qu'elle a vu le fils du Grand Vizir. La seconde a rêvé du fils du deuxième Vizir. La cadette n'a rêvé de personne … mais elle s'est vue en songe dans le plus beau salon d'un magnifique palais, assise sur un superbe divan, son père lui verse de l'eau d'une aiguière d'or, pendant qu'elle se lave les mains dans une cuvette d'or.http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/arts-decoratifs/collections-26/parcours-27/chronologique/xviie-siecle-xviiie-siecle/les-salles-304/le-bronze-l-orfevrerie/aiguiere-couverte-et-bassin
Le Padichah devient furieux !!!
- Comment ? Quelle insolence ! Moi, un Padichah et ton père, je te verserais de l'eau sur les mains comme un esclave ? A-t-on jamais vu pareille effronterie ?
Il appelle le Bourreau-Exécuteur-des-sentences :
- Emmène loin de moi cette effrontée : tu la tueras et tu m'apporteras sa chemise teinte de son propre sang.

Le bourreau emmène la jeune fille loin des appartement royaux. Elle se met à pleurer : elle regrette d'avoir parlé ainsi, mais que pouvait-elle faire d'autre ? C'était son rêve... Un vieux derviche lui était apparu dans ce songe et lui avait recommandé de faire ainsi et elle a obéi. Arrivés sur une montagne, L'homme n'a pas la cruauté de la tuer car elle est merveilleusement belle.
- Ma Sultane, donnez-moi votre chemise, et allez-vous en aussi loin que possible. Que Dieu vous aide !
L'homme chasse un oiseau, et teinte la chemise de son sang. Ensuite il apporte la chemise au Padichah sans cœur qui se montre très satisfait.

La jeune fille marche le jour, marche la nuit … pendant 6 mois … Mais quand elle se retourne pour voir le chemin qu'elle a fait, elle s'aperçoit qu'elle est toujours au même endroit … Elle marche encore 6 mois. Elle voit au loin une lumière. Arrivée devant, elle voit un énorme palais. Comme elle est tout à fait épuisée et affamée, elle entre sans hésiter. Elle regarde à droite, à gauche … personne … et il fait si sombre … elle grimpe les escaliers, ouvre une porte … et là … elle voit un Père-Ogre, énorme, énorme, et sans vêtements ! La princesse sans hésiter se jette à son cou en l'appelant « Père chéri ! » et lui baise les mains.
- Fillette, dit alors l'ogre, si tu ne m'avais pas appelé père, je t'aurais dévoré à l'instant même. Maintenant tu es devenue mon enfant. Ce palais est à toi. Tu y mangeras et boiras comme tu voudras. Tu pourras te promener dans les jardins comme bon te semble. Voici 41 clefs, je te les confie. Tu pourras visiter les 40 chambres du palais : les objets d'or et les pierres précieuses que tu y trouveras sont à toi. MAIS … garde-toi d'ouvrir la 41ème porte : si tu me désobéis, tu t'en repentiras amèrement.
La jeune fille prend les 41 clefs.
- Je m'en vais chaque jour à l'aube et ne rentre qu'après le coucher du soleil. Je te quitte maintenant. Je te confie le palais. Au-revoir, ma fille.
Une fois seule, elle se met à visiter le palais ouvrant les portes les unes après les autres. Chaque porte ouvre sur les masses d'or, d'argent, de diamants, des mets de toute sorte, tout ce qu'on peut imaginer sur terre comme trésor et merveilles … rien n'y manque. Pendant tout un mois, la princesse passe ainsi ses jours à visiter une pièce, à essayer les bijoux et les robes brodées. Souvent elle pense à la 41ème porte, mais se souvenant des paroles terribles de l'ogre, elle renonce.

Mais au bout d'un certain temps, la curiosité est la plus forte. Elle se dit : Voyons, comment pourrait-il savoir que je suis entrée ? Puisque le Palais est désert, il n'y a personne pour le lui dire ... Dans la pièce interdite trois habits étaient suspendus : un blanc, un noir, un vert.

Elle essaye la robe verte. Elle se trouve si belle dans cette tenue d'apparat, que pour un peu elle serait tombée amoureuse d'elle-même. Elle va à la fenêtre : devant le Palais coule un ruisseau et en face s'étend une grande prairie. Le Padichah de ce pays a un fils grand amateur d'oies et chaque jour les oies du prince viennent se baigner dans le ruisseau et s'ébrouer sur l'herbe verte. Ce jour-là, comme à l'accoutumée, le gardien des oies les a amenées au bord de l'eau. http://www.chateau-boutheon.com/-Canards-Cygnes-Oies-Poissons-.htmlL'image de la Princesse se refléte dans l'eau, une des oies la voit et lève la tête, éblouie par tant de beauté : elle crie trois fois « Gak, gak, gaaak ! » et se dépouille de toutes ses plumes. Le soir le prince s'amuse avec ses oies comme chaque jour et s'aperçoit qu'une d'entre elles a perdu tout son plumage. Il appelle aussitôt le gardien :
- Qu'est-il arrivé à cette oie ?
Mais le pauvre gardien ne sait que répondre … Le prince le chasse non sans lui avoir fait donner une bonne bastonnade. Pendant ce temps, la jeune princesse a ôté et rangé la robe verte puis le soir, elle sert et mange avec le Père-Ogre comme si ne rien n'était et part se coucher.

Le lendemain matin les oies partent avec un autre gardien et la princesse, sitôt le Père-Ogre parti, retourne à la chambre. Elle met la robe blanche. Elle s'assoit de nouveau à la fenêtre pour admirer le paysage. Les oies arrivent comme chaque jour, se désaltèrent et deux d'entre elles voient le reflet de la princesse dans l'eau. Elle en tombent amoureuses et aussitôt qu'en levant la tête elles aperçoivent le beau visage de la jeune fille à la fenêtre, elles sont frappées de stupeur … par trois fois elles poussent des cris : « Gak, gak, gaaak ! » et se dépouillent de toutes leurs plumes. Le soir, le gardien ramène les oies au palais. Le prince vient les inspecter et quand il voit cette fois 2 oies toutes nues il appelle le gardien qui ne sait quoi répondre.
- Bon, dit le Prince, demain je garderai moi-même ces oies. Donne-moi tes habits !

Le lendemain matin, le prince déguisé en gardien d'oies, amène le troupeau au ruisseau. Il s'assoit et surveille les alentours. La jeune fille, de sont côté ouvre la fameuse chambre, essaye la robe noire et se met à la fenêtre. Trois oies la voient, crient par trois fois et perdent tout leur plumage. Le prince se précipite, regarde autour de lui, aperçoit le reflet de la princesse ...
http://www.gif-anime.org/gif-anime/oiseaux/5/image113741.html Il la trouve si belle qu'il lève la tête et …
... en tombe éperdument amoureux …

Hé non ! Dommage n'est-ce-pas ? … il n'a pas perdu tous ses habits … ni ses cheveux heureusement !

Il finira par délivrer la princesse de l'ogre qui deviendra Sultane lorsque le prince devient Padichah de ce royaume. Un jour, le père de la princesse, égaré en forêt lors d'une chasse, arrive épuisé devant leur palais. On le prend pour un mendiant … La princesse descend accueillir le pauvre homme, le reconnaît mais lui ne la reconnaît pas. Il se présente, s'incline humblement et verse de l'eau sur les mains de la sultane qui l'accueille … il lève les yeux et reconnaît sa fille … le rêve s'est accomplit. La Princesse accueille son père et ses sœurs avec bonté et les couvre de cadeaux.


Ce conte ne vous rappelle rien ??? Je me demande si cet ogre était bien rasé ... ou s'il avait la barbe bleue ...

Un autre conte extrait de ce recueil, avec un ogre et une méchante marâtre jalouse de la beauté de sa fille :

Une belle jeune fille, Anâr Khâtoun, doit quitter la maison car sa mère est tombée amoureuse d’un ogre. Elle va chez les Sept Frères qui l’acceptent comme sœur, mais sa mère la retrouve grâce à l’ogre omniscient et l’empoisonne. Les frères, rentrant à la maison, découvrent Anâr Khâtoun inconsciente et, la croyant morte, la mettent sur un cheval qu’ils conduisent dans le désert. Là, le roi l’aperçoit et tombe immédiatement amoureux. Il demande à ses médecins de la sauver et elle guérit après avoir été baignée dans sept piscines remplies de lait. Ils se marient et ont deux enfants, mais la mère d’Anâr Khâtoun la retrouve une seconde fois. Elle tue les deux enfants et met l’arme du crime dans la poche d’Anâr Khâtoun. Le roi, découvrant l’arme, la croit coupable et ordonne qu’on lui excave les yeux, puis la fait sortir de la ville avec le cadavre de ses enfants. Cependant, un saint la découvre, la guérit et ressuscite les enfants. En les quittant, il leur laisse un trésor grâce auquel ils bâtissent un palais où ils invitent le roi. Quand, à la fin de son séjour, ce dernier veut quitter le palais, ils l’accusent du vol d’une cuillère d’or. Le ministre dit : “Depuis quand un roi vole ?” Anâr Khâtoun répond : “Et depuis quand une mère tue ses enfants ?” Le roi comprend qu’il s’est trompé et tue la mère d’Anâr Khâtoun et l’ogre.

En comparant ce conte avec "Blanche Neige" des Frères Grimm on remarque d’importantes analogies. Le protagoniste des deux contes est une fille seule face aux épreuves, qui va néanmoins être aidée par le destin. Le rôle du père est dans les deux cas complètement supprimé. Cependant, le rôle de la magie dans "Blanche Neige" est remplacé dans l’histoire d’Anâr Khâtoun par le pouvoir surnaturel et divin d’un saint, ce qui montre l’impact de la religion dans la tradition iranienne. Cela dit, la présence de la religion est souvent escamotée au profit de la fatalité. Il y a également l’analogie présentée par les sept nains et les sept frères, lesquels symbolisent les pahlavâns (chevaliers persans). Les pahlavâns sont braves, honnêtes, généreux et hospitaliers. Le chiffre sept, nombre des frères, est un chiffre saint et protecteur dans la tradition. La tradition européenne a modifié le caractère des sept et les a totalement européanisés en en faisant des nains travailleurs et auto-suffisants. Cependant, ils présentent les mêmes caractères d’honnêteté et d’hospitalité. Mais ces qualités ne suffisent pas. Pour être protégée, la belle fille a besoin d’une personne plus forte. Blanche Neige se marie finalement avec le prince qui la sauve et punit sa belle-mère. C’est donc la fatalité qui lui permet d’accéder finalement au bonheur. Anâr Khâtoun épouse également un roi mais bien que ce dernier soit suffisamment puissant pour la protéger, elle doit encore surmonter l’épreuve du soupçon de son époux dans la mort de leurs enfants. La fatalité ne suffit pas ici et il faut le pouvoir surnaturel d’un saint pour surmonter la ruse mortelle de la mère.

Le contexte géographique joue un rôle important dans la formation et la modification ultérieure de ces contes, et d'autre part, a religion, la culture populaire et les traditions contribuent fortement à fixer des prototypes en transformant la forme originelle des récits. Il est probable que l’hypothèse la plus à même d’expliquer les similarités des contes est celle de leur voyage à travers la mémoire vivante des voyageurs.

Cette analyse est issue de l'article "Le voyage des contes"


Patricia : Cercle des menteurs 2Le prince rêvé, in : Jean-Claude Carrière : "Le cercle des menteurs 2 - Contes philosophiques du monde entier", Plon, 2008, p p 69-70. Sous diverses formes, cette courte légende a couru les routes d'Asie centrale, de l'Inde à la mer Caspienne. Elle est parfois très brève, mais elle peut aussi occuper une demi-heure de récit. Nous en trouvons une forme poétique dans la tradition soufie. http://www.blogg.org/blog-71568-date-2008-03-19.html

Une toute jeune fille rêve qu'un prince merveilleux vient d'arriver dans son village et qu'il n'est venu là que pour elle. Elle le voit arriver ... Il est jeune, beau, souriant, et ses yeux pétillants ne regardent qu'elle.... C'est bien un rêve, un beau rêve, mais le rêve est tellement puissant qu'au matin, elle se lève précipitamment et se met à la recherche de son prince. Mais personne n'a entendu parler de lui. Un homme le capuchon de son manteau rabattu sur son front, est assis au bord du chemin à la sortie du village, près d'une source qui jaillit entre des rochers ; il lui dit quand elle passe près de lui :
- Tu perds ton temps, tu perds ton temps.
Sans prêter attention à ce que cet homme lui dit, elle sort du village, court dans les champs, interroge les paysans. Personne n'avait entendu parler du prince. Elle revient, très fatiguée, et passe auprès du bonhomme qui lui dit encore :
- Tu perds ton temps, tu perds ton temps.
Elle rentre chez elle. Elle semble très abattue. Ses parents essaient de la calmer, de la ramener à la raison, de lui montrer qu'il ne s'agissait que d'un rêve. Peine perdue, le rêve est le plus fort.
Le jour suivant, elle repart à la recherche du prince, qu'elle a revu dans ses songes et qui cette fois lui a tendu les bras. Elle passe auprès du même vieil homme, assis près de la même fontaine, qui lui dit au passage les mêmes mots :
- Tu perds ton temps, tu perds ton temps.
Elle ne l'écoute pas et repart à travers champs. Elle cherche partout, déchirant ses pieds et ses jambes aux ronces, aux cailloux des chemins. Elle interroge même les animaux : pas de réponse. Au retour, quand elle repasse auprès du vieillard, celui-ci lui dit encore :
- Tu perds ton temps, tu perds ton temps.
La nuit suivante, le prince revient dans ses rêves et lui ouvre les bras. Elle s'y jette, et il l'étreint. Folle d'espérance, malgré les efforts de ses parents, de ses voisins, elle repart dès l'aube, elle repasse auprès du vieil homme qui lui dit des mots qu'elle n'écoute même plus :
- Tu perds ton temps, tu perds ton temps.
Après plusieurs jours de courses et de recherches vaines, elle revient un soir au village. Elle est épuisée et désespérée. Ses vêtements sont en lambeaux, sa chevelure est mêlée de terre, ses jambes saignent. N'en pouvant plus, elle s'assied sur une pierre auprès du vieil homme, qui cette fois ne lui dit rien. Un instant plus tard, il se lève, réunit ses deux mains, recueille de l'eau à la source toute proche et l'offre à la jeune fille. Elle penche son visage vers les mains qui lui tendent de l'eau. Soudain elle voit que ces mains ne sont plus celles d'un vieillard. Elles sont jeunes et fermes. Une bague en or, sertie d'un diamant, brille à un doigt. Étonnée, la jeune fille lève les yeux et voit que, sous le capuchon qui lui couvre en partie le visage, se cache un jeune homme au regard brillant, aux lèvres souriantes. Celui-là même qu'elle a vu dans son rêve, et qui l'a prise dans ses bras. Elle lui demande :
-Comment ? C'était toi ? Tu étais là ?
Il la regarde sans répondre. Elle lui dit encore :
-Mais pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?
Il lui répond, en lui tendant toujours l'eau fraîche :
-Et comment pouvais-je savoir que c'était moi que tu cherchais ?



Joris (10 ans) : MUZI_Contes_des_sags_et_facetieux_DjehaNasreddine cueille des abricots, in : Jean Muzi :" Contes des sages et facétieux Djeha et Nasreddine Hodja", Le rossignol, Seuil, Paris, 2009, p 93.

Nasreddine se promène sur son âne dans la campagne. Il passe devant un superbe abricotier ... Les fruits lui font tellement envie qu'il ne peut pas attendre. Il descend de son âne et grimpe dans l'arbre et commence à manger, manger, manger des abricots. Mais le propriétaire le voit depuis sa fenêtre. Il se précipite et se plante devant l'arbre, les poings sur les hanches, très fâché.
- Que fais-tu dans cet arbre ?
- Je fais comme les oiseaux, explique Nasr Eddine.
- Tu ne prétends pas être un oiseau tout de même !
- Si, si !
- Vraiment ? Et quelle sorte d'oiseau es-tu ?
- Un rossignol !
L'homme ne sait pas trop s'il doit rire ou se mettre en colère, ce Nasreddine ...
- Si tu es vraiment un rossignol, il faut me le prouver en chantant ... Vas-y, chante !
- Pfffff Shssss ... Nasreddine respire profondément et émit un sifflement poussif ... et quelques sons discordants (Joris nous a fait cela d'une manière toute naturelle...) : il ne sait pas siffler et encore moins chanter comme un rossignol qui fait des trilles mélodieuses.
Le propriétaire éclate de rire :
- Je n'ai jamais entendu un rossignol chanter aussi faux !
- Toi qui sembles connaître le chant des oiseaux, réplique Nasreddine, tu devrais savoir qu'un rossignol qui vient de manger des abricots aussi acides que les tiens, ne peut plus chanter juste !



Marie-Hélène : La jeune fille et le tapis volant, création personnelle. Illustration de Clovis Perrin que vous pourrez retrouver sur le blog d'eMmA MessanA ici tapis_volant_Clovis_Perrin
Une jeune fille voudrait bien assister à la fête grandiose organisée par le prince. Mais elle a tellement à faire ... et elle n'a pas l'autorisation d'y aller sans avoir tout finir. Et quand elle peut enfin ... il est bien trop tard : il faut trois jours de voyage ... Elle va donc tristement errer au souk. Là elle passe en soupirant devant l'étal d'un marchand de tapis. Celui-ci entend son gros soupir chargé de chagrin. Il l'interroge, elle raconte. Et voici ce qu'il lui propose : "Que dirais-tu de voyager sur un tapis volant ? J'en ai un en réserve pour les grandes occasions et les cœurs désespérés ... Seulement il te faudra revenir sans faute avant que la dernière étoile ne s'éteigne, sinon ce tapis égaré loin d'ici perdra tous ses pouvoirs magiques". Bien entendu la jeune fille accepte, et la voilà partie. La fête est merveilleuse comme peut l'être une fête au pays des 1001 nuits... Mais là-bas, elle s'attarde devant un charmeur de serpent qui joue si divinement de la flûte qu'il ne fait pas que charmer les reptiles ... elle est sous le charme. Elle aimerait que cette nuit n'en finisse pas, mais déjà l'obscurité se fait moins dense, moins noire, il faut qu'elle parte de toute urgence ! Elle secoue son tapis pour le déplier d'un geste sec et une frange se dépose sur l'épaule du jeune homme ... Si leurs yeux ont dit vrai, il saura la retrouver ...
Et maintenant, nous attendons la suite de la bouche de notre Schéhérazade ! ... Comment fera-t-il ce voyage ? Qui va-t-il rencontrer ? Comment se retrouveront les deux amoureux ? ...


Abessia : Tomi_UNGERER_Le_geant_de_ZeraldaLe Géant de Zéralda, de Tomi Ungerer, L'Ecole des loisirs, coll. Petite bibliothèque de l'Ecole des loisirs, Paris, 2002.

Un géant, aussi laid qu'il est grand, vit loin de tout et de tous, mal aimé et redouté car ce qu'il préfère c'est manger les petits enfants. Il les a presque tous mangés, les enfants n'osent plus sortir, les parents cachent leurs petits dans toutes sortes de cachettes et notre ogre grincheux est réduit à manger des céréales et des légumes, et ça ne lui plait guère...... Tout le monde vit dans la peur sauf Zéralda : dans son village éloigné elle n'a jamais entendu de l'ogre et elle n'a qu'une passion : la cuisine ! Un jour, son père est malade et c'est elle qui doit descendre au village pour faire les courses. En chemin pour le marché, elle rencontre l'ogre blessé : il a chuté en essayant de l'attraper. Comme Zéralda a bon cœur, elle décide de lui faire à manger pour l'aider à se requinquer. Elle lui fait de si bons plats que rassasié, il oublie son appé !@#$%^&* pour la chair fraîche et tendre des enfants et embauche Zéralda comme cuisinière. Le père de Zéralda est chargé de l'approvisionnement. L'ogre les paie avec l'or dont sa cave est emplie. Zéralda va continuer à régaler le géant et tous les ogres et les ogresses du coin, si bien qu'ils n'auront plus du tout envie de dévorer des enfants : ils peuvent enfin sortir sans danger. Devenue une belle jeune fille, et une cuisinière experte et renommée, Zéralda écrit des livres de recettes succulentes. Et le géant, devenu tout-à-fait amoureux demande Zéralda en mariage... ils auront beaucoup d'enfants, beaux, grands, forts, en bonne santé et ayant bon appé !@#$%^&* mais …. tous végétariens !



Claudine : Petits_contes_insolentsQui est le plus fort ? conte de Bulgarie in : "Petits contes insolents", collectés par Albena Ivanovitch-Lair et adaptés par Mario Urbanet, Milan, 2006.

Ce matin-là, sur la place du village un jeune garçon tenait tête au costaud du coin de plus de 2 m de taille : chacun prétendait être plus fort que l'autre. Le géant lance un défi :
- Tu vois cette énorme massue, je suis capable de la lancer si haut qu'elle atteindra les étoiles !
Le garçon réfléchit un instant ... sa force n'est pas dans ses muscles mais dans son intelligence ...
- C'est facile, ce que tu proposes. Moi, je peux faire mieux ! Avec cette même massue, je peux faire descendre les étoiles sur terre !
'' -'' C'est impossible ! Tu n'es qu'un vantard !
- Eh bien ! ouvre grand tes yeux, les étoiles arrivent !
A ces mots, le jeune garçon s'empare de la massue et en !@#$%^&*ène un coup si fort sur la tête du géant qui regarde le ciel, qu'il s'écroule assommé par surprise. C'est ainsi que le géant vit 36 étoiles et perdit son pari ... La foule applaudit !
Il ne lui resta plus qu'à partir en répétant :
- Les étoiles du ciel me sont tombées sur la tête ! Ce garçon est bien plus fort qu'il n'en a l'air, c'est le diable en personne : il dit des choses terribles, et en plus, il les fait !!!
Depuis, il n'a jamais remis les pieds dans la région et l'exploit du jeune garçon est resté dans toutes les mémoires.



Joris :Nassreddine Nasreddine achète dix ânes, conte qui a fait le tour de la Méditerranée jusqu'à nous.

Le Caddi du village charge Nasreddine d'acheter pour lui 10 ânes à la foire aux bestiaux. Nasreddine choisit, négocie le prix, marchande comme lui seul sait le faire, et achète 10 ânes. Il les attache les uns les autres à la queue-leu-leu, monte sur l'âne de tête, et rentre - doucement - chez lui. En chemin, la chaleur se fait torride ... Il s'arrête à l'ombre d'un bosquet. Il se retourne pour voir si tous ses ânes sont bien installés et les compte :
- 1, 2, 3, 4, ... 9 !!! Il m'en manque un !
Nasreddine descend de son âne, fait le tour des arbres, cherche l'âne manquant et revient auprès de son troupeau :
- 1, 2, 3, 4, 5 ... 10 !!! Tiens, il est revenu ...
Nasreddine repart avec ses 10 ânes, mais il ne tarde pas à s'arrêter de nouveau : c'est l'heure sacrée de la sieste ... Il se retourne, compte ses ânes :
- 1, 2, 3, 4, ... 9 !!! Il en manque encore un ! toujours le même !
Nasreddine descend un peu énervé, cherche autour des rochers ... rien ! Il retourne auprès du groupe d'âne et recompte :
- 1, 2, 3, ... 10 !!! Il y a quelqu'un qui me suit et me fait une blague ! Nasreddine se campe bien ferme sur ses pieds écartés, les mains sur les hanches et s'écrie d'une voix forte, très en colère : Si vous ne me rendez pas immédiatement mon âne je fais ce que mon père a fait en 44 ! et en ce temps-là il ne ratait jamais sa cible ! Silence ...
Nasreddine se décide à repartir ... et ne s'arrête plus jusqu'à son village. Lorsqu'il passe devant sa maison il appelle sa femme pour lui raconter son voyage mouvementé. Et joignant le geste à la parole il se retourne pour compter les ânes :
1, 2, 3, 4, ... 9 !!! Il m'en manque encore un !
La femme de Nasreddine se met à rire :
- Moi, j'en vois 11 d'ânes !!! 10 sur leur 4 pattes et un monté sur le premier !

Au fait voulez-vous savoir ce qu'il a fait le père de Nasreddine en 44 quand on lui a volé ses babouches pendant sa sieste ??? Hé bien ... il en a acheté d'autres ...