Le cochon que Mr le curé ne voulait pas partager

Résumé :

Cochon-morceaux_a_decouper_http://www.compagnonsdugout.fr/trucs_astuces_cochon.phpChaque fois qu'on tuait le cochon, on en donnait une part à monsieur le curé. Le curé décide un jour d'engraisser un porcelet. Mais au moment de tuer le cochon, le curé pense qu'il devrait, en toute justice, rendre la politesse à chaque personne qui lui avait donné jusqu'à présent une part de cochon... Mais juste après il se dit :
- Si je dois donner un morceau de viande à tout le monde, même si ce n'est qu'une saucisse ou un bout de lard, il ne me restera pas grand-chose. Comment faire pour éviter de partager mon cochon ?
Comme il ne trouvait pas de réponse, il alla voir le sacristain qui était un gars plutôt malin :
- J'ai trouvé, monsieur le curé ! Je vais tuer votre cochon et je l'accrocherai à un arbre de votre jardin. En rentrant des champs, les villageois le verront. Mais dès qu'il fera nuit, vous rentrerez la bête et, le lendemain matin, vous direz qu'on vous a volé votre cochon cette nuit ! Évidemment, tout le monde vous croira et vous n'aurez pas à partager le cochon.
Cochon_pendu_DBayle_http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cochon_pendu.JPGAinsi fut fait.

Le soir, alors que le cochon était pendu dans le jardin du curé, le sacristain trouva un prétexte pour aller chez monsieur le curé et il lui parla de choses et d'autres, de tout et de rien, afin de le distraire. Pendant ce temps, son fils décrocha le cochon de l'arbre et l'emporta avec lui.
Je vous laisse imagier la tête du curé quand il découvrit que sa bête avait disparu !

Le lendemain matin, il s'empresse d'en parler au sacristain, tout à fait affolé et très contrarié :
- On m'a volé mon cochon cette nuit !
- Très bien, répond le sacristain, le ton est juste. Si vous le dites comme ça, tout le monde vous croira.
- Mais je ne plaisante pas ! on m'a vraiment volé mon cochon !!
- Parfait ! absolument parfait ... on jurerait que c'est arrivé pour de vrai !


Illustrations :

  • Cochon, morceaux à découper : http://www.compagnonsdugout.fr/trucs_astuces_cochon.php
  • Cochon pendu lors de la tuaille en Ardeche : DBayle, http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cochon_pendu.JPG


Sources :

  • Le curé et le sacristain in : Maurice Lomré, Contes de Flandre, "Le fils du pêcheur et la princesse", Neuf L'école des loisirs, 2008
  • Collecte ancienne : J. Corelissen, J.B. Vervliet Ons Volksleven, Antwerpsch-Brabantsch Tijdschrift voor Tall - en Volksdicht-veerighied voor oude gebruiken wangeloofkunde enz. (jg XII), Braeckmans, Brecht, 1900



La farce au jambon

Fabliau du Moyen Age réécrit par Henri Gougaud, adapté par Joris et conté le 8 décembre 2012.

Un marchand ambulant, colporteur le jour, maraudeur un petit peu voleur à ses heures, en un mot : un pauvre diable, va de porte en porte, de ferme en ferme. Jambon_http://douceuretdetente.centerblog.net/1341-1303juin-le-relais-du-passe?ii=1Dans une riche propriété, la porte s’entrouvre : il voit, suspendu à une poutre du plafond, entre les oignons et les tresse d'ail ... un magnifique jambon. De la viande, cela fait bien longtemps qu'il rêve d'en manger...
Le soir, lorsque tout le monde est couché, les chiens et les chats endormis, il pénètre dans la salle. Le jambon est trop haut perché ... Il improvise un échafaudage: sur la table de ferme l pose une chaise ... pas assez haut ... un petit tonneau sur la chaise qui est sur la table ... pas encore assez haut ... un tabouret sur le tonneau posé sur la chaise qui est sur la table ... Il grimpe comme il peut, sort son couteau, et sur la pointe des pieds saisit la ficelle qui tient solidement le jambon accroché à la poutre ... Il tend le bras, s'étire de tout son long, toujours sur la pointe des pieds, coupe la ficelle, attrape le jambon au vol et s'envole avec lui ... Patatras ! Il entraîne avec lui l'escabeau improvisé ...Une bombe n'aurait pas fait davantage de bruit ... Toute la maisonnée est réveillée en sursaut : les chiens aboient, les chats miaulent, les souris couinent, les enfants pleurent, la grand-mère appelle son mari défunt (Alphonse ! Alphonse !) la fermière crie et rue comme une jument affolée, le fermier saute du lit en trois cabrioles arrière, se souvient qu'il a été soldat et se précipite dans la salle en saisissant au passage un balai qu'il tend devant lui dans l’obscurité :
- Halte ! Qui va là ?
Le colporteur-maraudeur-tout-à-fait voleur, improvise :
- C'est le Diable ! ...
- Le diable ! Arrière Satanas !
- Mais c'est ma nuit de bonté : je viens t'apporter un jambon...
- Ah, non ! je ne signe rien : ni reçu, ni pacte !
- Alors, aide-moi : arrime-moi ce jambon sur l'épaule que j'aille le proposer à quelqu'un d'autre ... Aïe, aïe, aïe, mes vieux os, mes tibias, mes genoux, mon dos ...
Le fermier, tout à fait désorienté, plaque le jambon sur le dos du diable et le pousse vers la porte qu'il ferme précipitamment et retourne se coucher à moitié rassuré.
Cette nuit-là, notre pauvre diable de marchand ambulant a fait un repas digne d'un roi, il s'est cru au Paradis ...
Le lendemain matin, le fermier s'est levé, avec des poches sous les yeux, et lorsqu'il a pu ouvrir tout à fait ses quinquets, il a vu, ou plutôt il n'a pas vu, le jambon ! Disparu !
- Par tous les diables ! Il m'a bien eu !

Illustration :

  • Jambon : http://douceuretdetente.centerblog.net/1341-1303juin-le-relais-du-passe?ii=1


Sources :

  • Henri GOUGAUD, La farce au jambon GOUGAUD_Au-bon-bec_2012in : "Au bon bec, Où tu trouveras les vertus, bontés et secrets des légumes, fruits et fines herbes", Albin Michel, 2012, pp 113-115. La farce au jambon, ce n'est pas une recette, c'est juste un conte pour accompagner le pain. Henri Gougaud écrit dans un vocabulaire soutenu, riche en adjectifs qui nous font des images des temps anciens. Parti de ce texte un peu difficile par la richesse des termes employés, certains vieillis, Joris a trouvé sa version, avec quelques variantes : au lieu de ramper sur une poutre, notre voleur se fabrique un échafaudage improvisé qui s'écroule avec lui au moment où il saisit le jambon. Hélas, Gougaud ne cite pas ses sources ... et c'est un reproche qu'on lui fait souvent ... il dit simplement à la fin du conte : C'était la farce au jambon cru façon village polonais.


Quelques recherches m'ont fait remonté le temps jusqu'au Moyen Age :

  • Jeux pour treteaux_JacquesRAUX_SUDEL1955Jacques RAUX, Jeux pour tréteauxSUDEL, 1952
  • Jacques RAUX, Jeux et Farces : Pitalugue; Le Faucon; Le dit des perdrix; Bernibus; Le jugement de Jean le fou; Verjus; La farce du jambon, SUDEL, 1955


Farce :
Le titre donné au conte, La farce au jambon est un jeu de mot, entre la farce qui sert en charcuterie et la farce ou courte comédie jouée au Moyen Age.
On appelle farces les pièces de théâtre comiques composées du XIII jusqu'au XVI siècle. On ne les nomme pas comédies parce que, selon les Arts poétiques du Moyen Âge, ce terme s'applique aux poèmes dont le début est triste et la fin plutôt joyeuse. On trouve le terme de farce qualifiant une pièce de théâtre à partir de 1398. Vers la fin du Moyen Âge, nombreuses sont les pièces intitulées farce ou moralité, sottie ou farce. Des acteurs installaient des tréteaux, souvent en plein air à l'occasion d'une fête, d'un marché, dans la rue, et même, plus tard, sur le Pont-Neuf à Paris (...) Le point culminant, c'est la farce, pièce comique qui présente des situations et des personnages ridicules où règnent tromperie, équivoques, ruses, mystifications. (http://www.universalis.fr/encyclopedie/farce/)

Pour en savoir plus :
Les fabliaux du Moyen Age, farces ou contes facétieux, se sont transmis de bouche à oreille jusqu’à nous, car quel plaisir pour les gens du peuple de rire de ceux qui les dirigent et les asservissent !

  • Fabliaux du Moyen Âge, de Pierre-Marie Beaude, Folio Junior Textes classiques - N° 1589 : Un paysan devenu médecin malgré lui... Un prêtre victime de son propre sermon... Un voleur trahi par son bonnet... Un bourgeois si sot qu'il entend parler son chien... Dans les fabliaux du Moyen Âge, on rit de tout et de chacun avec une joyeuse liberté. Riches et pauvres, rusés et nigauds, nul n'est épargné dans ce savoureux jeu de massacre. Titre recommandé par le ministère de l'Éducation nationale en classe de 5e. Fiche pédagogique téléchargeable gratuitement sur www.cercle-enseignement.com.


Comment se faire payer son cochon ...

Un conte ou une fable ?

cochonLe Pierre, Piarrou pour les amis, a mangé le cochon de l'année, saucisse, pâté, pâté de tête, ventrêche, côtelettes, lard, pied, et jusqu'à la queue dans les lentilles ... mais il ne l'a toujours pas payé à l'aubergiste ... Comment faire ?
L'aubergiste voit bien qu'il n'est pas prêt d'être payé ... Il a trouvé une astuce pour faire en sorte que ce cochon soit payé par un autre ... grâce à un pari : Voilà ce qu'il propose à Piarrou : "A tout ce qu'on te demandera, oui, à tout, et toujours, il ne te faudrait répondre que cric ou crac. Cela jusqu'au jour où j'irai chez toi te prendre le nez entre deux doigts et te le tirer."
Et le Piarrou rentre chez lui et ne répond que par Cric, Crac à toutes les questions que lui pose sa femme qui le croit devenu fou. Elle va se confier à sa voisine qui tente de la rassurer : "Et pourquoi veux-tu qu'il devienne plus fou que d'habitude ?" Mais quand elle va parler avec le Pierre, elle s'aperçoit que ça ne va pas du tout : et Cric ! et Crac ! il ne sait rien dire d'autre...
Elles vont chez le médecin qui ne les croit guère : "Qu'est-ce que vous me chantez : le Piarrou ne peut pas être devenu fou : il l'était depuis toujours ..." Enfin il fait une visite et constate la gravité de l'état dans lequel se trouve le Pierre.
Une heure après tout le quartier, puis tout le village est au courant. Chacun veut entendre par soi-même et tantôt joyeusement, tantôt furieusement, Piarrou articule des Cric ! ou des Crac! Certains rient, d'autres se signent ...
Une semaine passe. L'aubergiste arrête le médecin et l'interroge :
- Je voulais vous demander docteur, il y a huit jours j'ai commandé un plat de truites à Piarrou? Est-ce bien vrai qu'il a perdu l'esprit ?"
- N'y comptez plus sur vos truites ! Et j'ai peu d'espoir de guérison ..
- Moi, je crois qu'en usant d'un certain secret je pourrais le guérir ...
- C'est une épidémie ! En voilà un autre qui devient fou ! Un secret pour guérir
- Vous voulez parier Docteur ?
- Ce que vous voudrez, vous allez perdre !
- Alors disons le prix d'un cochon que me doit le Piarrou ...
Ils vont ensemble voir le Piarrou, l'aubergiste lui tire le nez et voilà le Piarrou délivré :
- Tu sais, je commençais à le trouver bien cher ce cochon !
- Eh bien, demande à notre docteur, à lui de le trouver cher, s'il veut : c'est lui qui va le payer !
On se mit à rire avant même d'expliquer et puis ils ont trinqué !!!


Illustration :

  • Tête de cochon : http://tibous.over-blog.com/categorie-10484272.html


Sources :

  • Henri Pourrat, Le conte de Cric, Crac - Livre VII in : Le Trésor des Contes, Gallimard, 1956 (1ère édition) ; édition originale en treize volumes par Gallimard de 1948 à 1962
  • Rééditions : Omnibus, 2009. Tome 1 : livre I à VI - Tome 2 : Livres VII à XIII ; Ed France, Loisirs, 2009
  • Cric, Crac ! conté par Viviane le 23 janvier 2010