Les trois sorcières

A la recherche d'un conte original mettant en scène sorcières ou diables en tout genres, j'ai repris un album jeunesse qui utilise le rire pour vaincre la crainte des sorcières ... Et tant pis pour les grimaces d'Halloween ! Je me suis largement inspiré de l'album 3 sorcières de Grégoire Solatoreff, mais j'y ai mis mes mots pour vous le raconter :

3 Sorcières_Grégoire SolotareffIl était une fois, trois sœurs qui ne riaient jamais, jamais, ja-mais.
Il faut dire, avec les noms qu'elles avaient ...
1/ La première s‘appelait Scoliose. Elle était un peu tordue... Comme son nom ne lui plaisait pas, elle se faisait appeler Scoly. C'est plus joli.
2/ La deuxième s'appelait Squelette. Elle était maigre, raide, laide. Son nom ne lui plaisait pas, elle se faisait appeler Squelly? C'est plus gentil.
3/ La troisième s'appelait Scorie. Elle était toute rabougrie, comme une tartine de pain rassie. Elle portait bien ce nom affreux et le trouvait tout à fait à son goût : Scorie ou Scory, c'est plus chic.
Comme les 3 sœurs ne riaient jamais, jamais, jamais ... elles s'ennuyaient. Elles ne voyaient jamais personne. A vrai dire tout le monde en avait peur. Surtout les enfants. On les disait sournoises, prêtes à jeter un sort... On les disait ... en un mot : sorcières ...
Alors, elles décidèrent de fonder une association de fait (pas de fées... de fait, comme mal-fait-eur...) : "Les 3 S ".
S comme Sœurs
S comme Scolly, Squelly et Scory, évidemment.
Mais surtout :
S comme Sorcières, Sorts, Sortilèges
S comme Serpents à Sornettes, Scorpions, Scolopendres
S comme Soupirs, Sanglots, Solitude ...
S comme Soupirail, Sarcophage et Sépulture
S comme Salissures de chiure de mouches, Strychnine et Séquestration
ou encore, encore plus horrible :
S comme Substantifs, Subjonctifs, Satisfaisant-Mais-Peut-Mieux-Faire …
et pire :
S comme Suppositoires...

Les 3 S passaient leurs journées à épier les rares passants qui osaient passer devant chez elles, tout en échangeant sarcasmes, grimaces et ricanements. Mais les 3 sœurs ne riaient jamais, jamais, jamais …

Les enfants ne voulaient plus attendre le bus scolaire devant leur maison. Le maire et le conseil municipal ont dû se réunir en session extraordinaire pour déplacer l'arrêt de bus  loin de la maison des 3 terrifiantes sorcières !!! Ce qui n'était pas très malin : plus d'excuse valable pour justifier un retard au collège … (3 retards, 1 h de colle … vous connaissez le tarif ...) et les enfants étaient obligés de marcher un bon moment à découvert, bien visibles des 3 Sorcières, pour rentrer chez eux. D'ailleurs ils ne marchaient pas, ils couraient !!!

Un après-midi, alors qu'elles observaient les enfants du haut de leur colline, les trois sœurs en remarquèrent deux qui ne couraient pas.
- Ces deux-là sont horriblement mignons, non ? chuchota Scolly en faisant la grimace. Si on les transformait en poux ? On les mangera après ... mmmh, ça craque sous la dent ...
- Regardez-moi ça, ils se tiennent par la main, c'est dégoûtant ! murmura Squelly.
- Écoutez ! continua Scory en crachant par terre. On les entend rire d'ici ! C'est horripilant ! Donnons-leur une bonne raclée !
Elles se précipitèrent sur les deux enfants, les enveloppèrent dans des couvertures avant même qu'ils ne s'en aperçoivent, les ligotèrent et les emportèrent dans une brouette qui grinçait à chaque tour de roue … aussi harmonieusement qu'une craie sur le tableau noir ...
Arrivées chez elles, elles jetèrent les deux enfants sur un divan et se mirent à leur poser les questions qu'elles se posaient depuis toujours :
D'abord Scoly, en se retenant à peine de vomir :
- Pourquoi êtes-vous si gais ? C'est écœurant.
Puis Squelly, en grimaçant et en faisant craquer ses doigts d'horrible façon :
- Qu'est-ce qui vous fait rire de si horrible façon ?
Et Scory, en gémissant :
- A quoi ça sert de se tenir la main ? Beeeerk !
- On ne peut pas répondre à ces questions quand on est ficelés comme des rôtis ! dit la petite fille, calmement.
- Et montrez-vous, au moins, ajouta le garçon. Qu'on fasse connaissance.
Les 3 S se regardèrent, se concertèrent et après un rapide conciliabule, elles décidèrent de les détacher. Lorsque les enfants les virent, ils les trouvèrent vraiment rigolotes, sans penser une seconde qu'elles puissent leur faire du mal. La petite fille trouva même Scory « mignonne », tellement elle était petite. Ce qui était un peu exagéré.
Qui êtes-vous ? demandèrent les enfants qui le savaient très bien.
- Les 3 S !!! s'écrièrent d'une seule voix Scolly, Scory et Squelly.
- Ah bon ! On a cru un instant que vous étiez des sorcières ! plaisantèrent les enfants et ils se mirent à rire d'un rire contagieux ...
Ensuite, ils réclamèrent un goûter, comme s'ils étaient chez leur grand-mère. Elles acceptèrent, impatientes de connaître les réponses aux questions qu'elles se posaient depuis toujours. Comme elles n'avaient jamais préparé de goûter de toute leur vie, le résultat fut un peu bizarre : il y avait des tartines de ketchup aux cornichons, du jus de citron dilué dans de l'eau bulleuse, des biscuits à la rose et à la pistache, du jus de tomate mélangé à du jus de carotte, des scones à la pomme de terre et d'autres choses bien plus étranges encore...
Ensuite, elles posèrent pour la seconde fois leurs questions :
- Et bien…, dit la petite fille. On se tient par la main parce que… Et elle se mit à rire.
- Oui ? dit Squelly en faisant craquer ses os d'impatience.
Les deux enfants se regardèrent et se mirent de nouveau à rire.
- Mais pourquoi êtes-vous si joyeux, à la fin ? explosa Scory.
- Parce que le goûter est drôle... drôlement bon ! répondit le garçon en riant.
- On ne peut pas répondre à toutes vos questions en une seule fois. dit la petite fille. Les grandes sœurs, c'est toujours plus raisonnable. Là, il faut qu'on rentre chez nous sinon nos parents vont s'inquiéter. On peut revenir demain ?
Les trois sorcières restèrent muettes. Stupéfaites … Ils n'avaient même pas peur ! En voyant la tête qu'elles faisaient, les deux enfants se mirent à rire et à rire …. Les trois sœurs devinrent rouges comme trois vieilles tomates. C'était la première fois que quelqu'un avait envie de les voir.
Les trois sœurs se regardèrent, interloquées, puis se mirent à ricaner, à sourire puis à rire. Mais elles s'arrêtèrent aussitôt car elles avaient mal aux côtes, aux mâchoires : c'était la première fois qu'elles riaient depuis qu'elles étaient petites...
- Je vous ai vues rire ! dit Squelly. Vous avez dû attraper la rigolade. Je crois que c'est contagieux.
Ne pouvant plus se retenir, elles recommencèrent à pouffer de rire. Et plus elles riaient, plus les enfants riaient à leur tour car :
Scoly se tordait de rire avec un rire de cochon enrhumé ...
Squelly, toute essoufflée, grinçait comme une porte gondolée ...
Scory était tout à fait secouée … dans tous les sens du terme ...

Et il arriva ce qui devait arriver … Elles explosèrent de rire !!! mais vraiment ! En mille morceaux !!! Ce qui arrive malheureusement, quand on ne rit pas assez souvent... Il y eut partout de petits morceaux gris, noirs et d'une couleur difficilement identifiable … partout, partout … Tiens un doigt ... un orteil ... un œil ! ... bah ! une verrue ...
3 sorcières_Thomas_http://blogs.ac-amiens.fr/classegscp/index.php?post/2010/12/01/trois-sorci%C3%A8res#prMais comme les 3 sœurs étaient un peu sorcières, elles se recollèrent elles-mêmes. Mais pas exactement comme avant. C'est toujours très difficile de recoller quelque chose de cassé ... Leurs bouches se mirent à l'envers ... Et depuis, elles rient tout le temps.

Épilogue :

Lorsque les enfants furent partis, elles regardèrent leurs joues colorées et cela leur donna une idée : dorénavant, elles allaient mettre des robes plus gaies, ainsi les enfants n'auraient plus peur d'elles et elles pourraient les attirer très facilement. Depuis ce jour, on les voit souvent raconter des histoires dans les écoles, les bibliothèques … toujours souriantes ... Si vous avez de la chance, vous les verrez peut-être exploser ... de rire ...
creative-commons_by-nc-sa_http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/

Sources :

  • Album à lire et à rire : Solotareff Grégoire : 3 sorcières, L'Ecole des Loisirs, 1999

Illustrations :


Les sorcières à travers le temps :

  • A l’origine, on attribuait tous les phénomènes naturels à des esprits. De bons esprits lorsqu’ils étaient bénéfiques, et des mauvais lorsqu’ils ne l’étaient pas pour l’homme. Les tempêtes, les inondations, les maladies et autres catastrophes étaient attribuées aux démons, aux magiciens ou aux sorcières. On croyait à l’époque très fortement en eux et en leurs pouvoirs ! Lorsque le christianisme apparait en Europe, les païens ont de multiples croyances. Au début tolérées, l’Eglise décida par la suite que tout ce qui n’était pas issu de Dieu était démoniaque et devait être combattu. C’est alors que commença la chasse aux sorcières. En 1486, il fut même publié un ouvrage expliquant comment reconnaître les sorcières et les neutraliser. Il s’appelait « Le marteau des sorcières ». Suite à cet ouvrage, plus de 300 000 personnes furent tuées ! Pour la plupart il s’agissait de personnes innocentes. Imaginez-vous que l’on considérait à l’époque que les verrues et les tâches de naissance étaient des marques du Diable ! Vous pouviez donc être accusé de sorcellerie et mourir à cause d’un simple grain de beauté ! histoire de sorcieres
  • Sans doute, les sorcières étaient-elles d'abord des femmes de la campagne, paysannes illettrées dont les connaissances se fondaient sur une scrupuleuse observation de la nature et des humains qui les entouraient. Elles étaient réputées pour savoir guérir par les plantes, à l'instar de la phytothérapie moderne, pratique associée à des incantations magiques. Ces rituels et formules devaient être scrupuleusement observés, faute de quoi le meilleur des remèdes pouvait devenir le pire des poisons. Inversement, les plantes les plus toxiques pouvaient, à très faible dose, présenter d'authentiques vertus. ... Bien que l'imaginaire collectif place la persécution de prétendues sorcières au Moyen Âge, les persécutions ne prirent de l'ampleur qu'au XVe siècle siècle et connurent leur apogée au XVIe et XVIIe siècles, c'est-à-dire pendant la renaissance et le Grand siècle.... Le premier à réhabiliter les sorcières fut Jules Michelet qui leur consacra un livre en 1862. Il voulut ce livre comme un « hymne à la femme, bienfaisante et victime »(Wikipédia)


Les sorcières dans les contes :

Une sorcière est une fée que l'on a offensée (Katharine Briggs) Dans l'univers des contes de fées, la sorcière apparait en effet très souvent comme « la treizième fée », la plus vieille, la fée Carabosse, celle qu'on a oublié d'inviter au baptême de la Belle au bois dormant et qui se venge en jetant un sortilège. Elle est, dans l'univers de la féerie et du merveilleux, l'indispensable côté sombre qui permet à ce monde imaginaire de trouver sa lumière. (Wikipédia, contribution de PulkoCitron).

Dans les Contes des frères Grimm ...

  • La Belle au Bois Dormant : une mauvaise fée qui n'a pas été invitée au baptême de la princesse se venge en endormant tout le château pour 100 ans ...
  • Blanche-Neige : la reine jalouse de la beauté de Blanche Neige se transforme en vieille qui propose une pomme empoisonnée à Blanche-Neige.
  • Raiponce : une jeune fille aux longs cheveux est enfermée dans une tour sans fenêtre par une sorcière qui lui interdit tout contact avec l'extérieur. La mégère pousse du haut de la fenêtre le prince venu délivrer Raiponce : il tombe sur des épines et devient aveugle. Elle chasse Raiponce dans un désert loin de tout. Mais le prince errant la retrouvera. Les larmes de Raiponce lui rendront la vue et il rentreront au château avec les jumeaux nés dans le désert.
  • Hansel et Gretel, prisonnier de la sorcière qui attire les enfants dans sa maison en pain d'épices, devront faire preuve de ruse et de courage pour ne pas finir dans sa marmite ... C'est elle qui prendra leur place.


Et ailleurs ... des sorcières de contes de fées qui ont mal tourné, mais pas si méchantes que ça ...

  • La sorcière de la rue Mouffetard de Pierre Gripari : Une sorcière (moderne) a lu dans le journal des sorcières une recette pour devenir belle : il faut manger une petite fille à la sauce tomate, mais il faut que son nom commence par la lettre N. N comme Nadia, la fille de l'épicier. Mais comment acheter à son père de la sauce tomate sans qu'il se doute de quelque chose ...
  • La sorcière du placard à balai que l'on fera fuir en chantant Sorcière Sorcière, prend garde à ton derrière !


Mais aussi ...