Je veille, tu veilles, il (elle) veille... de la veille documentaire à la veillée de contes ...

Petit Pierre passe quelques jours de vacances chez son Papé. Il le suit partout, et se régale de marcher à son pas en promenade. Le pas du grand-père est tonique, mais paisible. Il s'arrête souvent. Petit Pierre, toujours en train de sautiller et de faire des allers-retours, pense que c'est parce que son Papé est fatigué. Mais il s'aperçoit bien vite que son grand-père ne s'arrête pas parce qu'il a mal aux jambes, mais pour observer une fleur, un nuage, ou bien pour prendre le temps tout simplement de saluer les personnes qu'il croise en chemin. Et à chaque fois, avant de repartir, il ramasse quelque chose par terre ...
- Tu as perdu quelque chose, grand-père ?
- Bien au contraire : j'ai trouvé quelque chose ...
Petit Pierre est intrigué, et observe avec plus d'attention le manège de son grand-père. Il ramasse des petits cailloux... Alors Petit-Pierre en ramasse aussi ... ils vont peut-être faire un concours : qui aura ramassé le plus beau ???
Au retour de la promenade, le Papé sort un après l'autre les petits cailloux ramassés... Il les dispose soigneusement sur la toile cirée de la table de la cuisine. Lentement. Un après l'autre. Avec un petit temps de silence entre chaque petit caillou extirpé délicatement de son vieux pantalon aux poches déformées. Avec un sourire au coin des lèvres. Parfois un doux soupir. Parfois un large sourire. Puis, il range un à un ses cailloux dans un bocal transparent.
Petit Pierre interroge son grand-père. Qui ne répond pas. Et le même rituel revient chaque jour après la promenade. Sans paroles. Sans explications.Petit Pierre est de plus en plus intrigué.
Le troisième jour, Petit Pierre n'y tient plus : au moment du grand déballage, il demande à son grand-père de lui expliquer pourquoi il fait ça !!!
- Ah ! Tu n'as pas compris ? As-tu remarqué à quel moment je ramasse ces petits cailloux ?
- ... Tu t'arrêtes, tu regardes autour de toi, ou tu parles à quelqu'un, puis tu prends un petit caillou avant de repartir ...
- Oui, tu as bien vu... Ces petits cailloux, je les ramasse pour ne pas me perdre ...
- Comme le Petit Poucet ?
- Un peu. Mais ce n'est pas pour les semer sur le chemin. Au contraire, je les garde précieusement. Et le soir, en sortant un petit caillou, me revient en mémoire le petit bonheur qui m'a fait le ramasser. Tiens, celui-ci : c'est quand j'ai respiré une rose qui dépassait du mur du voisin. Celui-là : c'est quand notre voisine qui travaillait au jardin a relevé la tête et nous a souri. Cet autre : c'est quand le gros chat roux est venu vers moi et s'est laissé caresser. Ce tout petit, c'est le chant de la fauvette. Ce bien lisse, tout doux, c'est pour me rappeler la douceur de ta petite main dans ma grosse paluche ...
Et ainsi de suite, chaque caillou a livré son petit secret, son petit bonheur sur la toile cirée de la table de la cuisine. Et au fur et à mesure, les traits de Papé se détendaient, le sourire arrondissait ses lèvres, ses rhumatismes l'oubliaient, la gaieté de sa jeunesse revenait. Ces petits cailloux, comme autant de petits bonheurs, c'était cela son secret qui lui permettait de garder le sourire et de rester plein d'entrain malgré ses rides et ses rhumatismes ...

Merci Monique de ce beau cadeau que tu nous a transmis, petit bonheur qui me réchauffe le cœur lorsque le chemin se hérisse de difficultés et de cailloux coupants ... mais pour qui sait regarder on trouve aussi les plus beaux galets : j'en ai toute une collection de petits cailloux glanés en randonnée, au hasard des rencontres, et chacun possède son histoire car il est porteur de souvenir. Ne dit-on pas "un jour marqué d'une pierre blanche" ? Et pourquoi pas aussi d'un caillou gris, strié, marbré, rosé, délavé, ou même en forme de cœur ?

Marquer d'une pierre blanche :
Se souvenir d'un événement important pendant longtemps.

Photographie de Stéfan - Certains droits réservés : Paternité/Partage selon les conditions Initiales

Depuis toujours, les pierres blanches (comme les noires) ont des rôles particuliers. Le noir (absence totale de couleur) et le blanc (mélange de toutes les couleurs visibles) ont toujours été opposés : Le noir, c'est l'ombre, le malheur, la négation. Le blanc, c'est l'éclat, la lumière, le bonheur. (wiktionary.org)

• Dans une histoire de la philosophie tibétaine, les cailloux blancs marquent les pensées positives, les cailloux noirs, celles négatives.
• Dans l'antiquité, les membres d'un jury disposaient de deux cailloux, un blanc et un noir. Selon qu'ils considéraient l'inculpé comme coupable ou innocent, ils devaient poser devant eux le caillou noir ou le blanc.
• Le caillou blanc, gravé au nom de l'invité, servait aussi de carton d'invitation pour les banquets.
  
• En Crête, l’usage veut que l’on marque les jours heureux par des cailloux blancs et les jours néfastes par des cailloux noirs.
• L'expression ce jour signalé par un caillou blanc, nous vient des Romains (Pline l’ancien, Histoire naturelle, livre 7, cité ici)
• En France, sous l'Empire, la participation au service militaire pouvait être volontaire ou tirée au sort. Ainsi, le futur soldat plongeait la main dans un sac rempli de cailloux noirs et blancs. Si la pierre retirée était noire, il devait alors partir au combat, ou bien payer un autre homme moins riche que lui pour qu'il le remplace. Si à l'inverse la pierre était blanche, alors il était exempté de service militaire. Il pouvait donc se souvenir longtemps de ce jour heureux où le caillou blanc lui avait évité la mort. Depuis, on utilise cette expression lorsque l'on souhaite figurer que l'on se souviendra longtemps d'un événement important à nos yeux. (linternaute.com)
  

Les cailloux dans les contes : dernière mise à jour : le 29 septembre 2012

• Le vieux professeur et les cailloux : Ce qu’il faut retenir, c’est l’importance de mettre ses GROS CAILLOUX en premier dans sa vie, sinon on risque de ne pas réussir... sa vie. En ligne ici
• Les deux cailloux, conte de Praline Gay-Para : Un usurier propose un marché à la fille du cordonnier ; si elle tire le caillou noir du sac, elle sera libre et la dette de son père annulée. Si elle sort le blanc, elle devra l'épouser. La jeune fille voit le sinistre individu glisser deux cailloux blancs dans le sac. Conte donné par Michèle le 22 octobre 2011
• Le Petit Poucet sème des petits cailloux dans un conte de Grimm
• La soupe au cailloux, en plusieurs "recettes" dévoilée dans le billet "Soupe de contes"

et quelques pierres ...

• Le pari du Calife in « Le cercle des menteurs I » de Jean-Claude Carrière, éditions Plon, 1999, p 282 (réédité en format poche en 2008). Le Calife a une passion, faire des paris … surtout quand il est sûr de gagner ! Un jour, à l'occasion de travaux dans son palais, un tas énorme de pierres est entreposé dans la cour du palais. Trois ouvriers s'affairent pour transporter ces pierres sur le lieu de construction. Cela donne une idée au Calife : il parie 10 jarres d'or avec qui voudra, que ce travail soit fini à la fin du jour... Tout le monde baisse la tête... Seul un jeune maçon relève le défi mais demande l'ajout d'une clause : En cas d'abandon du Calife, il obtiendra en dédommagement une jarre d'or. Par contre, souligne le Calife, si le maçon perd son pari, il perdra aussi sa tête … Et le pari commence, le maçon transporte ce tas énorme, pierre par pierre, tout en gardant le sourire … sûr de gagner, ce qui inquiète de plus en plus le calife, pourtant sûr qu'il est matériellement impossible pour un seul homme de déplacer toutes ces pierres en un seul jour... « Tu as oublié une chose toute simple … lui répond le maçon » … Laquelle ???
• Les 3 tailleurs de pierres : ce récit est attribué à Charles Péguy qui, se dirigeant vers la cathédrale de Chartres, croise en chemin trois ouvriers : le premier est accablé par son sort misérable, le second s'en accommode faute de mieux car il travaille pour nourrir sa famille et le troisième est heureux de participer à la construction d'une cathédrale. A lire ici : Quel tailleur de pierres êtes-vous ?

Autre petit bonheur :

• Le bonheur prisonnier, de Jean-François Chabas, illustrations de David Sala, Les albums Casterman, 2011, ISBN : 978-2-203-03056-5. Dans la cuisine du jeune Liao pend une petite cage d’or renfermant un grillon. Mais pas n’importe quel grillon. Celui-ci apporte bonheur et prospérité dans la maisonnée. Un jour, apitoyé par le sort du petit captif, l’enfant décide d’ouvrir la cage pour libérer l’insecte sans imaginer un seul instant les conséquences de son geste… Un album superbe, raffiné et enchanteur, comme le chant du grillon. En ligne ici