Voici une histoire vraie digne d'un conte, celle du figuier étrangleur. Qu'elle porte ses fruits ...

Nous sommes au cœur de la forêt tropicale, une forêt luxuriante où vivent des milliers de plantes. Il y en a tellement qu'il est difficile pour certaines espèces de trouver de la place.
Un oiseau, une chauve-souris, vient de déposer sur une branche ou dans le creux d'un tronc une petite déjection innocente. Dans la petite déjection, bien au chaud, une graine va rapidement germer. Elle donne vie à un petit figuier qui tout d'abord développe des racines afin d'atteindre le sol au plus vite, car nous sommes en altitude, dans un arbre.
Une fois les racines en terre, longues de plusieurs mètres, le figuier peut se nourrir correctement et accélérer sa pousse. Les racines deviennent de plus en plus nombreuses et de plus en plus grosses. Pendant ce temps, les tiges grandissent. L'arbre est encerclé et devient le tuteur indispensable au figuier, encore trop jeune pour se maintenir sans aide. Le figuier grossit, son feuillage recouvre la plante colonisée qui dépérit à vue d'œil. Les tiges et les racines l'étranglent jusqu'à la mort.
En se décomposant, l'arbre fournit encore davantage de substances au figuier : il lui donne en plus le terreau dont il a besoin. Le figuier continue sa croissance. Il pourra ainsi vivre des centaines d'années.

Il y a tout de même une morale à cette odieuse fable : notre figuier, trop pressé, n'a pas eu le temps de s'ancrer véritablement dans le sol. Lorsque l'arbre tuteur meurt, il entraîne dans sa chute le figuier étrangleur.

A méditer !


Alain BARATON : « Le figuier étrangleur », in : ''Je plante, donc je suis'', Editions Grasset & Fasquelle, 2010, p 72-73.

Le figuier étale ses feuilles et ses racines, n'hésite pas à profiter du support de l'arbre qui l'héberge, au point de lui faire de l'ombre et cela ressemble à s'y méprendre au comportement de certains humains : prendre, saisir sa chance, et tant pis si cela se fait au détriment de son voisin ou de celui qui vous tend la branche ou la main ... Ce qui se veut au départ, ouverture d'esprit, accueil, hospitalité, partage, entraide, peut s'avérer finalement -lorsque l'échange ne se fait que dans un seul sens- exploitation, profit égoïste par manque de reconnaissance ... Cela engendre, désillusions, anémie des forces vives du cœur ouvert, et peut conduire, la mort dans l'âme, au déni des ses propres limites, des besoins vitaux nécessaires à l'équilibre des forces. En prendre conscience, c'est apprendre à se protéger, à savoir dire non parfois.

Aider, s'entraider, partager ... oui ! mais pas au point de disparaître dans l'ombre de la forêt. Et puis, ne dit-on pas que celui qui donne un poisson nourrit un homme un jour, mais que lui apprendre à pêcher, c'est lui permettre de se nourrir chaque jour ... Tout est affaire de mesure, d'adéquation aux besoins, au temps, aux circonstances ... Il est aussi possible d'aider sans se sacrifier.

Par ailleurs, comme dit la chanson "aimer c'est donner sans rien attendre de retour" ... Le don véritable sait se faire léger sans étouffer celui qui le reçoit, sans exigence de reconnaissance éternelle. Et là réside la véritable joie de donner.

Puis, juste équilibre des forces, la vie vous offre quelques cadeaux, là où on n'attendait rien. Ainsi donner devrait permettre en retour un autre don, non similaire mais complémentaire. L'expérience nous apprend que ce ne sont pas toujours ceux à qui l'on donne le plus qui apprécient le mieux. Seuls ceux qui voient la vraie valeur du don ou du geste peuvent l'apprécier réellement et en faire un bon usage, puis transmettre à leur tour. Et l'on reçoit aussi, mais ô surprise, pas forcément de ceux à qui l'on a donné ... En fin de compte, un équilibre finit par se créer...

look1.gifPour en savoir plus :