Auto-défense et solidarité
Par patricia gustin le mercredi, juillet 28 2010, 12:04 - BILLET D'HUMEUR ou D'HUMOUR, c'est selon ... - Lien permanent
Observer les plantes et leurs réactions est très instructif ... Alain Baraton ("Le jardinier de Versailles") nous en fait une fois de plus la démonstration. La peur incite à trouver une esquive, pousse à la fuite, mais lorsqu'on est un arbre, que faire ? Réagir de manière à repousser son agresseur. Et trouver des alliés ...
L'acacia d'Afrique devient toxique lorsque le grignotage de ses feuilles dépasse les limites de l'acceptable. Il est généreux, mais sait se protéger. Des épines se dressent. Pour entretenir ses défenses l'acacia accueille dans le creux de ses épines toute une armée de féroces guerriers (les fourmis) qui repousseront les autres envahisseurs (les insectes). Afin de fidéliser sa garde il sait leur offrir un délicieux nectar. Ainsi un équilibre des forces s'établit entre le don et la protection partagée grâce à la solidarité née de la peur d'être dévoré sur pied ...
Cet équilibre naturel a été remis en question par la main de l'homme (encore lui et ses expériences !) : à vouloir trop protéger des agresseurs habituels (les girafes et autres mammifères friands des feuilles d'acacia) le remède s'est trouvé pire que le mal : plus de défenses naturelles (devenues inutiles), plus d'alliés (les fourmis au chômage ont piqué quelques crocs en guise de piquets de grève et sont parties vers d'autres cieux ou d'autres branches) ... et de multiples parasites se sont installés sans rien pour les en empêcher ...
Finalement cet excès de protection a engendré une plus grande faiblesse ...Il en va de même dans notre société : les épreuves renforcent le sens de la solidarité et nous incitent à trouver des solutions appropriées. Tout donner, (et surprotéger) c'est finalement appauvrir ...
L'acacia et la fourmi
Pour ne pas être totalement, dévorés quand les herbivores s'attaquent à leur feuillage, les acacias d'Afrique produisent une substance qui rend les feuilles toxiques. Chose extraordinaire, tous les arbres du bosquet deviennent impropres à la consommation au même moment. Gazelles, girafes et autres mammifères poursuivent leur chemin. Une expérience intéressante a été mise en place : pendant dix ans, les acacias ont été protégés par des clôtures infranchissables. Les premières années, les arbres étaient en pleine forme, puis ils ont commencé à dépérir au bout de 4-5 ans.
Les acacias d'Afrique produisent des épines creuses qui servent de refuge à des colonies de fourmis, et non contents de leur fournir ainsi le gîte, elles leur offrent aussi le couvert en produisant du nectar pour les nourrir. En, contrepartie, les fourmis éloignent ou combattent les insectes qui seraient tentés de s'attaquer aux feuilles d'acacia.
Mais les acacias retranchés derrière leur clôture, étant moins agressés et se sentant en sécurité, fabriquent moins de nectar et d'épines. Les fourmis n'ayant plus suffisamment à manger s'attaquent aux arbres, puis s'en vont. D'autres insectes envahissent alors les acacias et toutes les feuilles ou presque disparaissent. L'arbre se meurt.
Avant que les hommes n'interviennent, l'acacia donnait un peu mais recevait beaucoup. L'acacia, la girafe et la fourmi faisaient preuve de solidarité dans l'épreuve et savaient partager les richesses, tout en se protégeant.
Alain BARATON : « L'acacia et la fourmi», in : ''Je plante, donc je suis'', Editions Grasset & Fasquelle, 2010, p 178-180.
L’éléphant a peur des fourmis, ce qui sauve l'acacia
Un article de Futura-Sciences du 5 septembre 2010 révèle l'importance des fourmis dans la protection de l'acacia. Petites, mais elles font un effet maximum : elles repoussent petites et grosses bêtes ... y compris l'éléphant. Voici leur secret :
En Afrique, beaucoup d’espèces d’acacias, bien que protégées par de longues épines pointues, sont dévorées par les éléphants dont la peau épaisse rend l'animal insensible. Pourtant, une espèce particulière, Acacia drepanolobium, ne semble pas intéresser les pachydermes. Se pourrait-il que les éléphants n’aiment tout simplement pas son goût ? D’après les écologistes Todd Palmer de l’université de Floride à Gainesville et Jacob Goheen de l’université du Wyoming à Laramie, c’est une toute autre histoire. Ces acacias sont colonisés par des fourmis du genre Crematogaster dont la morsure est un vrai supplice. Elles vivent dans des épines particulières de l’arbre qui prennent la forme d’un globe creux et se nourrissent de la sève sécrétée par les feuilles. Cette symbiose est connue depuis longtemps, mais l’effet de protection vient seulement d’être prouvé dans le journal Current biology. (...) Vue du ciel grâce aux images satellites, cette symbiose qui ne semble avoir un effet qu’à petite échelle montre un fort impact sur l’équilibre de la savane. En effet, avec l’augmentation de la population des éléphants entre 2003 et 2008, les zones peuplées des espèces d’arbres privées de fourmis ont significativement diminué entre ces mêmes dates, alors que les zones peuplées d’A. drepanolobium sont restées relativement stables.
Pour en savoir plus :
- Acacia est un genre d'arbres et arbustes appartenant à la famille des Fabacées (sous-famille des Mimosoidées). Dans le langage courant les espèces de ce genre prennent, selon les cas, l'appellation d'acacia, cassier, mimosa, mulga ou encore tamarin. Notez qu'en France, on désigne souvent du nom vernaculaire « acacia » un arbre entièrement différent, le robinier de l'espèce Robinia pseudoacacia, souvent dit « Robinier faux-acacia ».
- Dans les régions semi-arides, les Acacia sont très importants autant d’un point de vue économique qu’écologique. Ce genre fournit de l’ombre aux hommes et aux animaux en plus de procurer (avec ces fruits en gousse) de la nourriture pour les animaux (par exemple, pour les chèvres et les dromadaires, deux espèces animales souvent domestiquées par la population locale). Il est aussi utilisé comme énergie pour les feux et comme matériaux de construction. Cet arbre peut aussi servir à construire des barrières de protection autour des villages et des champs (cela grâce aux épines pointues qui se retrouvent sur les branches de l’Acacia). De plus, ce genre a aussi une grande importance écologique en étant un foyer pour plusieurs espèces d’oiseaux. Il crée aussi un endroit propice pour que d’autres espèces de plantes viennent s’établir à proximité en fixant l'azote (grâce à un travail de symbiose avec des bactéries) et en enrichissant le sol d’autres nutriments, grâce aux racines qui vont aller les chercher plus en profondeur et les remonter à la surface([Wikipédia)
- La vraie gomme arabique provient de l'espèce Acacia senegal commune aussi bien dans les régions tropicales d'Afrique de l'Ouest qu'en Afrique de l'Est. En Inde, Acacia arabica produit de la gomme mais de qualité inférieure à la vraie gomme arabique. Bien connue pour le collage des étiquettes, des enveloppes ou des timbres (papier gommé), la gomme arabique a aujourd'hui bien d'autres emplois. En Europe elle est utilisée dans l'industrie agro-alimentaire comme épaississant alimentaire. Son code ingrédient européen est E414. En œnologie, la gomme d'acacia Verek est utilisée pour stabiliser les matières colorantes des vins rouges. Dans le domaine des peintures, toutes les gouaches et aquarelles classiques ont pour liant une solution aqueuse à concentration élevée de gomme arabique. C'est aussi le meilleur fixatif pour les pastels gras ou maigres. (Wikipédia)
Autres pistes de réflexion :
- Faut-il tout donner ? Se laisser faire ? Le cas du figuier étrangleur est édifiant ...
- Un conte : "Le cœur du Baobab" conté le 31 mars 2010 par Claudine. Le texte est en ligne ici