Le Web : nouvelles formes de sociabilités et identité numérique (2)

I Nouvelles formes de sociabilités

1. Réseaux sociaux et communication

  • Quelques outils au service des réseaux sociaux
  • Le culte du moi et l'effet boomerang lié au réseau
  • Un lien de socialisation
  • Les réseaux sociaux sont intégrés dans l'écosystème de l'information
  • Le blog devient un outil de communication professionnelle
  • Une diffusion de l'information à double tranchant


2. Réseaux sociaux et marketing

  • Des réseaux sociaux utilisés par le marketing
  • Réseaux sociaux et "Web guérilla"


I Nouvelles formes de sociabilités

1. Réseaux sociaux et communication

  • L'usage de informatique a évolué au fil du temps. D'une technique maîtrisée par une élite avec pour mission de fabriquer des programmes, on est passé à un usage élargi et plus ludique. Il s'agit plus de consommation passive que de gestion des applications.Le grand public est de plus en plus un consommateur passif. Jean-Noël Lafargue
  • Par la suite, des communautés d'intérêt se sont créées par l'usage, et des réseaux se sont établis. Yann Leroux fait une analyse pertinente des réseaux sociaux : L’Internet est souvent présenté comme un facteur de démocratisation. Le réseau participerait au bon mélange des masses, en mettant en contact des personnes d’horizons et d’intérêts différents.... Ce qui compterait, ce serait les compétences … En un mot, Internet serait une merveilleuse méritocratie. Mais l'évolution des réseaux sociaux démontre le contraire : des « clans » se forment selon les liens déjà existants (classe sociale, âges, amis d'amis …) il suffit de suivre l'histoire de MySpace et Facebook pour en être convaincu. MySpace a été un des premiers site de réseau social2 et le transfert d’une partie de sa population vers Facebook tient pour une part à l’attrait de la nouveauté. Mais Facebook s’est développé d’une façon particulière. Le site était d’abord réservé aux étudiants de Harvard, puis s’est ouvert aux universités de la Ivy LeagueW c’est-à-dire aux universités les plus prestigieuses. Lorsque l’inscription a été ouverte au grand public, le travail effectué par les premiers membres a fait le reste. Dans une communauté, les premiers membres sont très importants, car ils donnent la tonalité de l’ensemble. Les groupes se construisent, au moins a leurs commencement, sur une base communautaire : les nouveaux membres ressemblent aux membres plus anciens ... Les réseaux sociaux électroniques risquent surtout de répliquer ce que l’on voit déjà dans les réseaux sociaux réels : des milieux professionnels homogènes, des catégories socio-professionnelles peu différenciées et des réseaux sociaux actifs dans chaque tranche de la pyramide sociale… Les gens qui partagent réellement quelque chose sont très peu nombreux, la plupart consomment plutôt qu’ils n’échangent. Or l’échange ne vient pas naturellement, même avec beaucoup de technologie. C’est cet échange qu’il va falloir favoriser pour ne pas tomber dans des réseaux de consommateurs qui risquent vite de s’épuiser. Guillaud, Hubert, Internetactu.net, UPFing06 : les réseaux sociaux.
  • Maintenant, c'est davantage l'informatique par le biais des réseaux sociaux numériques qui gère les relations humaines, que le contraire... Les nouvelles formes de sociabilités, matérialisées par les différents types de réseaux sociaux, ont des influences non seulement dans le domaine du marketing, de la communication, mais aussi sur ceux qui s'y retrouvent entrainant des constructions individuelles, communautaires, d'intérêts, de pratiques, etc... Epelboin, Fabrice. ReadWriteWeb.com, Greenpeace et Nestlé sur Facebook : l'Art de la guerre.
  • Dernière mutation : le consommateur est aussi un producteur de contenus Le simple citoyen est passé du statut de consommateur de contenus à celui de producteur de contenus... Tout ce qu’il manquait, c’était une plateforme de diffusion pour ces mêmes contenus, besoin que les YouTube, Facebook, Flickr et Twitter de ce monde sont venus combler. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, n’importe qui disposant d’un ordinateur et d’une connexion Internet peut être à la fois un consommateur et un producteur de contenus. Fraser Pierre, La théorie des tendances : Twitter ou la société d'adoration mutuelle, publié le 5 février 2010, consulté en mars 2010, <http://theoriedestendances.com/2010/02/05/twitter-ou-la-societe-dadoration-mutuelle/>


Quelques outils au service des réseaux sociaux

  • blogs : lieux idéaux pour reconstruire les communautés affinitaires du web, les blogs sont des formats qui privilégient la publication de contenus et la mise en relation par l’entremise des hyperliens. Une évolution dans les pratiques se dessine : les jeunes se détournent des blogs, pas les adultes ;
  • forums : antérieurs au web 2.0, ce sont des lieux d’expression et d’échange extrêmement prolifiques mais qui restent relativement confidentiels tant leur vétusté technique ne favorise pas leur correcte indexation. Contrairement aux blogs tout le monde y parle à égalité (pas de statut auteur / commentateur) et la prise de parole y est peu exposée ; ceci privilégie ainsi l’expression de profils moins présents sur les blogs ;
  • micro-conversations : apparus avec Twitter, ces services initialement pensés pour permettre de répondre en 140 caractères à la question quelque peu nombriliste : « que faites vous ? » ont rapidement été détournés de cet usage pour répondre à la question bien plus importante : « que se passe-t-il ? ». Le fait que ces millions de messages soient indexés en temps réel et fassent circuler des liens d’un bout à l’autre de la planète en quelques minutes nous permet de prendre le pouls de l’opinion pays par pays. Au-delà de l’aspect veille, diffusion et stockage d’informations, Twitter permet de converser, alors que cet aspect se perd peu à peu au travers des blogs ;
  • réseaux sociaux (Facebook, Linkedin) : après les blogs, ce sont les réseaux sociaux qui ont porté la croissance du web social, Facebook est aujourd’hui le plus grand réseau social du monde. Mais Facebook n’est pas un réseau social de médiatisation au plus grand nombre, c’est un instrument de communication inter-personnel dans lequel l’acte premier consiste à choisir ses amis et donc son audience ;
  • sites de contenus (Flickr, Dailymotion, Youtube) : YouTube est aujourd’hui le deuxième plus important moteur de recherche au monde et plus de trois ans de vidéo y sont hébergés chaque jour, FlickR hébergeait fin 2009 plus de 4 milliards de photographies.


  • Comment faire évoluer son association vers des pratiques collaboratives et participatives du web 2.0 ? En une image, voici une stratégie présentée sur la carte mindmapping d'Olivier Legrand. Cliquer dessus le graphique pour l'agrandir.

carte_reseaux_sociaux_olivier_Legrand_http://www.mindmeister.com/fr/27815324/faire-voluer-son-association-vers-des-pratiques-collaboratives-et-participatives-du-web-2-0

Le culte du moi et l'effet boomerang lié au réseau

Une fois que la tribu est constituée, se développe alors une société d’adoration mutuelle. Twitter, par exemple, est la quintessence de cette société. Les célèbres Follow Friday sont un moment privilégié pour dire quelles sont nos personnes préférées. Comme nous sommes tous des êtres grégaires, que nous avons tous un ego, nous aimons que quelqu’un mentionne notre nom, car nous aimons que notre ego soit flatté. Comme nous sommes polis, nous mentionnons à notre tour tous les gens qui nous ont mentionnés. Nous créons ainsi une société d’adoration mutuelle. Fraser Pierre, La théorie des tendances : Twitter ou la société d'adoration mutuelle, publié le 5 février 2010, consulté en mars 2010,

Les réseaux sociaux favorisent la socialisation

réseaux_sociaux_http://www.enjeux.org/index.php?entry=entry090908-095541Les réseaux sociaux représentent un lien qui permet ou facilite la socialisation. Ils permettent de :

  • Appartenir à un réseau d'amis ou de relations :

- Facebook - MySpace - Skyrock

  • Retrouver des connaissances :

- Facebook - Copains d'avant - Combi.com

  • Trouver l'âme soeur :

- Meetic , le plus important site de rencontres en Europe (mis en service en novembre 2001), plusieurs identités possible, utilisation d'un surnom.
- Match.com (mis en service le 21 avril 1995), numéro un mondial

  • Etre relié au monde du travail :

- LinkedIn (fondé en mai 2003) 16 millions d'utilisateurs.Chaque utilisateur peut créer un groupe qui créera des liens entre les membres d'une même organisation plus facile à gérer. Un outil de recrutement efficace qui permet aussi de promouvoir sa carrière - Viadéo - Xing (novembre 2003) où la vraie identité est requise.

Les réseaux sociaux sont intégrés dans l'écosystème de l'information

La diffusion d'information devenant de plus en plus rapide (viralité et outils de diffusion en temps réel) et la quantité de plus en plus dense, l'information est souvent simplement relayée sans être analysée et bien souvent validée. Que de l'intox se mêle à l'info est courant sur les réseaux sociaux, particulièrement quand il fait parti d'une boucle de rétroaction. Lorsqu'on s'aperçoit qu'une information concernant un événement est recherchée, on pense à cet événement en particulier, on lui donne une valeur supérieure à celle qui est réelle car sortie du contexte matériel : ainsi l'importance donnée à l'information est faussée. Twitter peut devancer la télé ou la presse par la diffusion de l'information en temps réel, mais l'information est souvent simplement relayée sans être analysée et bien souvent validée. Une information diffusée par les réseaux sociaux aura plus ou moins d'impact selon le fait que l'auteur du post est identifié, connu, influent, populaire.

Le blog devient un outil de communication professionnelle

Le blog peut servir de référence pour un futur employeur ; par exemple, il permet de mettre à disposition des études scientifiques. Des auteurs, créateurs, photographes, dessinateurs se servent de leur blog pour se faire connaître.

Une diffusion de l'information à double tranchant

  • Ce processus de socialisation de l'indexation, typique des usages "sociaux" du web (on parle aussi de Folksonomy, ou taxinomie populaire) permet d'envoyer des publicités ciblées aux internautes, et toutes ces données se trouvent indexées et visibles par tous.
  • L’éditeur de sécurité Sophos a publié les résultats d’un sondage mené auprès de 500 sociétés du secteur IT. 72% se déclarent préoccupées par le comportement de leurs employés sur les réseaux sociaux. Elles redoutent notamment la fuite de données. ZDNet France, Sécurité : les réseaux sociaux inquiètent les entreprises.
  • resaux_sociaux_blogdumoderateurPeut-on parler encore de respect de la vie privée du moment que des données personnelles sont en ligne ? Une petite vidéo ici illustre le danger d'un usage maladroit du real time conversation sur twitter, surtout si on s'en sert pour raconter les petits moments du quotidien au travail... et si votre employeur surveille vos faits et gestes et consulte vos tweets un peu trop critique il y a toujours un risque de mauvaise interprétation voire de sanctions ... Moralité, "les paroles s'envolent, les écrits restent", donc, contentez-vous de soupirer et de bougonner sans faire état de vos états d'âme via les réseaux sociaux ...
  • Twitter : l'objectif n'est plus d'obtenir le maximum de followers mais de gérer la communication au sein d'un réseau à taille "humaine". Lorsque nous parlons de réseau social, plus c’est grand, mieux c’est. Du moins, c’est ce que de nombreuses personnes pensent. Plus le nombre de personnes qui vous suivent ou sont amis avec vous est grand, plus vous êtes important et génial. C’est pourquoi nous sommes parfois tellement en admiration devant des personnes qui ont plus d’un million de followers sur Twitter. Mais avoir une énorme audience sur Twitter peut avoir des points négatifs. Lorsque vous passez de quelques centaines de followers à une dizaine de millier, quelque chose d’inattendu se produit : le principe de réseau social vole en éclat.... la socialisation ne pouvait plus suivre. Une fois qu’un groupe a atteint une certaine taille, chaque participant commence de nouveau à s’y sentir anonyme... Il ne s’agit plus vraiment de discuter et de partager puisque nous retournons à quelque chose qui ressemble d’avantage à une diffusion dans le pur style radio ou télévision. Une personne avec plusieurs dizaines de milliers de followers va diffuser de l’information sans que les interactions soient aussi riches qu’avec 1000 followers. Valentin Pringuay, OWNI : Les méfaits d’une grande audience sur Twitter, publié le 18 août 2010, consulté le 28 août 2010



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Références :
dans l'ordre d'apparition dans le texte


Plus de Références et de Citations :

Article de Cédric Deniaud Le blog de Cédric Deniaud : Facebook : et si on faisait un résumé ? publié le 23 août 2010, consulté le 26 août 2010 http://cdeniaud.canalblog.com/archives/2010/08/23/18680735.html?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+cedric_deniaud+%28Le+blog+de+C%C3%A9dric+Deniaud%29&utm_content=Google+Reader
Facebook continue à percer dans deux voies :
- regrouper toujours plus d'usages sur sa plateforme (cf lancement de Facebook Places) afin de garder un service "à la page" pour les internautes et éviter ce qu'a connu par exemple MySpace
- proposer de plus en plus de fonctionnalités d'animation et de visibilité pour les marques. L'idée n'est pas directement la monétisation mais bien de se rendre indispensable pour les entreprises qui y créent alors un second hub de contenus.

Interview de Jean-Noël Lafargue par Girardeau Astrid, Libération.fr : Les jeunes ne sont plus intéressés par l’outil-ordi, publié le 10 mars 2010, consulté en avril 2010 http://www.liberation.fr/vous/0101623564-les-jeunes-ne-sont-plus-interesses-par-l-outil-ordi.
-Qu’est-ce qui est caractéristique de leur approche et leur usage du numérique?
-La facilité. Aux débuts de l’informatique, il y a trente ans, l’ordinateur servait presque uniquement à programmer, à fabriquer des choses. On inventait, découvrait, défrichait. Pour ma génération, l’ordinateur a été une conquête. On l’a vu arriver chez nous. Pour les étudiants d’aujourd’hui, ça existe depuis toujours. Ils baignent dedans, c’est leur univers et ils ne le remettent pas en question. La plupart ne sont pas intéressés par le fait d’utiliser l’ordinateur comme outil. Plus ça va, plus il devient un média. Moins on fabrique et plus on consomme. Et les jeunes sont essentiellement bons pour consommer et communiquer. Le grand public est de plus en plus un consommateur passif. La volonté de maîtriser la machine a disparu. On ne fait que l’utiliser ou être utilisé par elle. C’est une évolution sans doute normale. A une époque, toute personne qui avait une automobile se devait d’être un peu mécanicien alors qu’aujourd’hui on va chez le garagiste.

Bruno Devauchelle Veille et Analyse Tice : Empêcher les jeunes de maîtriser le numérique ?, publié le 14 mars 2010, consulté en avril 2010, http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=618
A force de crier qu’il fallait apprendre l’informatique à des générations de jeunes, les industriels et les commerçants, maîtres en développement des marchés ont vite compris que les passionnés et les bidouilleurs ne seraient pas une clientèle porteuse si elle n’est pas accompagnée par un ensemble de « suiveurs ». Mais ces suiveurs, parce qu’ils ne sont pas aussi passionnés, professionnels parfois et qu’ils ont aussi d’autres préoccupations ont vite repoussé cette culture du passionné au profit de la culture de l’outil au service de, voir au profit du détournement instrumental de l’outil au service de leurs besoins.(...) En fait on est passé d’un numérique factuel à un numérique conceptuel et surtout culturel. Et comme le numérique est désormais aussi facile à utiliser qu’un livre, on retrouve la même problématique. Ce n’est pas parce qu’on enseigne la lecture et l’écriture que les élèves deviennent des grammairiens, des romanciers, etc… La question qui se pose actuellement au monde scolaire et universitaire est que le numérique a pris une place telle dans la culture et les usages qu’il devient plus urgent de travailler cette culture que la technique qui l’a rendue possible. En d’autres termes, l’enseignement de la machine (pour faire court) est secondaire par rapport à la maîtrise des usages et la culture qui y est liée. ... Ce qui est essentiel de maîtriser désormais ce n’est plus la machine, mais la part d’humain qui est contenu dans les dispositifs numériques qui nous entourent. En effet cette part d’humain à souvent les couleurs d’une humanité douteuse (la surveillance systématique par exemple, la perte de l’intime, l’absence de possibilité d’effacer ses données etc…). Or cette part d’humain qui au départ était relativement facile à percevoir dans la machine devient de plus en plus difficile à repérer. Et pourtant chaque machine n’est pas qu’un outil qu’on peut adapter à soi, c’est aussi une intention contenue dans la façon même dont elle se laisse utiliser. Or ce qui est le plus grave ce n’est pas que l’on ne connaisse pas la technique sous-jacente, mais que des concepteurs ont mis leur intention dans la technique dispositive elle-même de manière à rendre l’usager dépendant. 

Commentaire de l'article de Bruno Devauchelle :
Ils développent d’autres compétences (communication, sociabilité, maîtrise de son image publique) mais ils perdent peut-être un outil extraordinaire et aux champs d’application infinis puisque tout ce qui se numérise a potentiellement vocation à y être traité. (Jean-no mars 16th, 2010 at 10:15)

Le prochain billet traitera de la place des réseaux sociaux dans le marketing.