Une "MENTERIE", qu'es aquo ???

Définition
Propos par lequel on donne pour vrai ce qu’on sait être faux.
En langage populaire, menterie est synonyme de conte : « Tout ça c’est des contes, c’est des menteries. » disait ma grand-mère (qui ne s’en laissait pas conter...). Une « menterie » célèbre est la chan­son « Com­père qu’as-tu vu ? » attribuée aux bate­liers de la Meuse ou « anonyme XVIIIe siè­cle », quand on évoque son origine.

« J’ai vu une vache
Qui dan­sait sur la glace
A la Saint Jean d’été »

Complicité :
La menterie est une création spontanée et éphémère qui se pratique en famille, entre amis, entre copains, pêcheurs, chasseurs... Cette pratique essentiellement masculine était une façon de tisser des liens de connivence entre le menteur et son auditoire, parfois aux dépens du crédule qui se laissait prendre aux habiles menteries.

Queuques petites et grosses menteries bin de chez nous
(La Ferme de Courjumelle)

  • Quand l'herbe était bin grasse, le lait des vaches était tellement bon que les livres de beurre faisaient quadiment un kilo
  • Certains jours de grande sécheresse, les vaches faisaient du lait en poudre.
  • Les poules pondaient 4 à 5 œufs par jour. Queuques fois, les coqs s'y mettaient aussi mais ne se faisaient pas voir.
  • L'herbe était tellement grasse, les escargots devenaient tellement gros qu'il en fallait pas beaucoup pour faire une douzaine.
  • Le patron qui était accusé de braconne par les Saint Hubert, se fait prendre un jour au bord d'un étang en train de plumer deux canards. Il les jette bien vite dans l'eau et dit au garde : "j'braconne pas, les canards, y s'baignent et moi, j'garde leurs affaires".


Rendez-Vous Contes du 31 mars 2010 (suite)

Lors de la dernière rencontre des Conteuses en pays Narbonnais, le 31 mars 2010 chez Patricia, le 1er avril nous narguait du coin de l'œil, et deux "menteries" se sont faufilées jusqu'à nous.

Joris nous a conté une histoire de chasse désopilante,
à la fois menterie et moquerie : http://www.lilleforum.com/index.php?showtopic=28327&st=0

Il était une fois trois chasseurs.
Ils se préparent pour l’ouverture de la chasse : deux sortent sans être habillés et le troisième était tout nu. Ils prennent leurs fusils : deux étaient sans munition, le troisième n’était pas chargé.
Ils tirent un lapin : deux le manquent, le troisième le rate.
Les deux qui n’étaient pas habillés disent à celui qui était tout nu :
Met-le dans la poche !»
Ils rentrent à la maison qui n’avaient ni portes ni fenêtres (comme mon histoire sans queue ni tête …) et frappent à la porte d’entrée.
Ils demandent à celui qui n’était pas là une marmite. Celui qui n’était pas là leur en propose trois, mais deux étaient percées, la troisième trouée :
Tiens, celle-là, je vous la donne.
lapin_lunettes_de_soleil
Ils cuisent le lapin qu’ils n’ont pas tué… mais je ne peux pas vous dire quel goût avait la sauce !


Stratégie :
Il est de coutume de nommer "menterie" les contes où tout est absurde, ou le héros ment tant et plus qu'il fait rire aux dépends du crédule qui l'écoute, ou bien obtient gain de cause en poussant à bout celui qui l'écoute. C'est ainsi qu'un jeune homme eut la fille du roi pour une histoire ...
Les conteurs ne sont pas payés pour dire la vérité, mais pour la révéler ...

Patricia a conté Le roi des menteurs in : Les plus beaux contes de Conteurs, Édition Syros, 1999. Cette version donnée par Alain Le Goff, entendu à Toulouse en 1999, met en scène un Roi qui ne veut plus être le roi des menteurs :

Veillée_devant_la_cheminéeIl y avait autrefois tout au bout du pays, un Roi qui habitait dans un château -sinon il n'aurait pas été roi- et partout où il passait, il entendait les gens répéter :
- C'est pas vrai ! T'es un menteur !
D'abord, c'est pas très joli de se traiter de menteur … et puis au Roi, cela lui faisait de la peine : si eux étaient des menteurs, leur Roi n'était plus que le Roi des menteurs... et ça … il ne pouvait le supporter. Cela ne pouvait pas durer ! Le Roi rassemble tout le monde dans la grande salle du château et leur fait un beau discours :
- Prenez exemple sur moi, votre Roi, je ne prononce jamais ces mots-là. La preuve ? Si jamais quelqu'un arrive à me faire dire : « C'est pas vrai ! T'es un menteur ! » je lui donne ma fille en mariage.
Quand un Roi parle, tout le monde se tait. Lorsqu'il se tait, on ne pose pas de questions … Et ce jour-là, on n'a pas entendu une seule fois « C'est pas vrai ! T'es un menteur ! ».

Le soir, tout le monde se retrouve dans la cuisine du château parce que c'est là qu'il fait le plus chaud. Tous … sauf le Roi qui se gèle et s'ennuie tout seul là-haut sur son trône. Mais pour être moins seul, il laisse la porte entrouverte et il tend l'oreille... Il les entend chanter … jouer aux devinettes … Et celle-là, vous la connaissez ?
Quatre qui marchent, quatre qui pendent, une fourche devant, un balai derrière … ?
Le Roi ne tient plus en place ; il connait la réponse … C'est plus fort que lui, il se lève, traverse la grande salle du trône à toute vitesse, glisse à cheval sur la rampe de l'escalier pour aller plus vite (attention à la boule ! …) et pousse la porte de la cuisine avec ses pieds et atterrit au centre de la pièce, tout content de lui, en criant la réponse :
- C'est une vache !
Comme il fait le coup tous les soirs, on lui laisse une place au coin du feu et le Roi pose ses fesses de roi sur la pierre de sa cheminée de roi, croise ses mains de roi sur son ventre de roi. Le Roi ferme ses yeux de roi et s'endort … Tout le monde s'apprête à partir sur la pointe des pieds, le Roi soulève une paupière … Tout le monde se rassoit ! Le Roi fixe un jeune homme en face de lui qui n'a rien dit de la soirée. (il écoutait, absorbait toutes ces paroles, attendant d'avoir quelque chose à dire ? Ou bien se contentait-il de prendre et d'apprendre avant de pouvoir prendre la parole ?). Le Roi l'interpelle :
- Tu as la langue collée entre les dents ? Tu n'as donc rien à raconter ? Allez, je t'écoute, parle !

Et le jeune homme commence à raconter ...
Avant d'être chez vous, je travaillais chez mon père. Un jour, mon père m'a envoyé au moulin pour moudre du blé. J'ai sorti l'âne de l'écurie et sur le dos de l'âne j'ai mis un sac de blé, deux sacs de blé … 12 sacs de blé … et au douzième sac de blé, l'âne s'est cassé net en deux !
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Alors j'ai fait un dos tout neuf à cet âne : j'ai enfilé une branche d'arbre effilée dans le derrière de l'âne.
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
J'ai remis les sacs, l'âne a tenu bon. Je suis allé au moulin. J'ai moulu le blé, ramené les sacs, déchargé, et rentré l'âne dans l'écurie. Un petit morceau de branche dépassait, mais comme l'âne ne s'en plaignait pas ...Le lendemain matin deux feuilles avaient poussé.
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
http://dafina.net/forums/read.php?52,185055,185101,quote=1J'ai sorti l'âne dans la cour, je suis allé m'occuper des autres bestiaux (poules, canards, dindons, …) et lorsque je suis repassé derrière l'âne, j'ai vu qu'un arbre sortait du derrière de l'âne.
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Et c'était un bel arbre, très grand : des oiseaux et des écureuils s'y étaient installés. Comme je suis curieux, je suis monté à l'arbre. Et j'ai monté, j'ai monté … j'ai vu s'éloigner à toute vitesse tellement l'arbre poussait vite, maison, château, colline, et la terre est devenue une boule …
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Quelque chose m'a ébloui à travers les branches, sur la droite. J'écarte les feuilles et je vois la Lune !Lune_arbre
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Comme la lune était à portée de main, j'y saute sur mes deux pieds. Et là, je vois deux petites bonnes femmes qui battaient du blé en chantant. Au bout d'un moment je me suis endormi. Quand je me suis réveillé, plus de petites bonnes femmes, elles avaient fini de battre le blé et c'est le silence qui m'avait réveillé. J'ai voulu rentrer, mais il n'y avait plus d'arbre là où je l'avais laissé … L'âne était allé manger des chardons !
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Je me suis mis à pleurer ; j'ai tellement pleuré qu'il y eut 3 jours d'inondations sur la Terre. Mais dès qu'on arrête de pleurer, Sire, on trouve aussitôt quelque chose à faire : avec les écorces du blé, je me suis mis à tresser une corde.
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Cela m'a pris 10 jours pour tresser un rouleau de corde. J'attache un bout de la corde à une corne de la lune (car en 14 jours, la Lune avait maigrit) et je descend … mais arrivé au bout de la corde je m'aperçois qu'il manque 100 mètres. J'hésite, car la Lune avait fait la moitié du tour de la Terre et je ne voyais plus la ferme. J'attends 14 jours pour me retrouver au point de départ : je vois le château, la maison et je saute !
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Je fais la culbute et tombe la tête la première … et je me retrouve enfoncé dans la terre jusqu'aux épaules.
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Je crie, personne n'entend. Les passants ne me regardent pas. Ou alors ils font de drôles de réflexions :
- Drôle d'arbre ! Avec ces nitrates … Encore un OGM !
Mais ce qui m'a énervé, c'est un homme qui s'est appuyé sur mon tronc pour faire la sieste. Et il ronflait ! Alors je me suis mis à tourner sur moi-même comme un tire-bouchon, à droite, à gauche, à droite, à gauche … Et je me suis dégagé, mais la tête est restée enfoncée dans le sol.
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Comme j'avais les pieds sur terre, je suis rentré à la maison, et j'ai cherché à tâtons la porte de la remise où j'ai pris une pelle pour déterrer ma tête. Lorsque j'ai retrouvé la tête, il y avait un loup noir, énorme, qui essayait de la déterrer pour la dévorer. Je n'ai pas hésité : je l'ai aplati d'un coup de pelle !
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
J'ai remis ma tête en place et j'ai vu qu'une lettre était sortie de la gueule du loup.
- Très, très fort ! dit le Roi. Et après ?
Comme j'avais de nouveau toute ma tête, j'ai lu ce qui était marqué … et il était écrit que votre grand-père, avant d'être roi, avait été garçon d'écurie chez mon grand-père.
- C'est pas vrai ! T'es un menteur ! dit le Roi, très en colère
Et comme le Roi avait juré qu'on ne le lui ferait pas dire … c'est ainsi que le jeune homme eut la fille du Roi pour quelques paroles.

Tout ce que je vous ai raconté est la vérité vraie, à part 2 ou 3 petites choses qui ne le seraient peut-être pas ...

Autres versions :

  • Alain Le Goff s'est inspiré d'un conte recueilli par François-Marie Luzel, dans Contes populaires de Basse-Bretagne, éditions Maisonneuve et Larose.
  • Le roi des menteurs in : Conte d'Islande, Les plus beaux contes du monde, éd. Gründ, en ligne ici


Tradition :
Les menteries ne sont pas sans rappeler le 1er avril où il est coutumier de raconter des sottises dans le but de tourner en dérision les valeurs en place, de s'amuser des autres mais aussi avec eux. Voir l'article consacré au 1er avril (avec ou sans poisson...).