JORIS : Histoires_du_soir_autour_du_monde a conté Les diables stupides in : Histoires du soir autour du monde, conte tchèque, Gründ, 2008, p 317.

cordonnierUn pauvre cordonnier avait tant d'enfants, qu'il ne pouvait pas les nourrir... Désespéré, il décide de se pendre. Il va dans la forêt, choisit un bel arbre, une branche solide à la bonne hauteur et noue une corde... A ce moment-là, on tape sur son épaule ... Il se retourne et découvre un garde-forestier mais il a deux petites cornes qui dépassent de son chapeau, une queue fourchue sort de son manteau ... Et le cordonnier regrette son geste : il n'a pas envie du tout de suivre le diable. Il réfléchit et dit qu'il est en train de faire un filet pour capturer les diables. Le diable (car c'en était un) lui propose un sac d'écu d'or s'il laisse les diables tranquille ... Le cordonnier rentre chez lui bien décidé à revenir avec une brouette pour porter ce sac immense. Mais lorsque le Diable rentre faire son rapport à Lucifer, il essuie une colère noire ! Diable_fumeLe maître des enfers trouve qu'il a été bien bête de donner autant d'or et il décide d'envoyer autant de diable qu'il faudra pour récupérer ce sac !
diable_stupideLe premier diable propose un combat singulier. Le cordonnier réfléchit et l'amène devant la grotte où hiberne un ours en lui disant qu'il essaie d'abord de vaincre son grand-père de 90 ans ... rien de pire qu'un ours mal léché au réveil ... Le diable rentre aux Enfers, la queue entre les jambes, tout meurtri de partout...
diable_stupideLucifer entre dans une colère fumante et envoie un autre diable qui propose une course. Le cordonnier réfléchit... et apercevant un lièvre qui prend le soleil dans son pré, déclare au diable qu'il lui faudra d'abord gagner à la course son fils, âgé d'une semaine... Le lièvre s'enfuit en zig-zag (comme s'il avait le diable aux trousses...) et saute un ruisseau. Le diable essoufflé prend son élan mais tombe dans le torrent, et comme vous le savez bien, les diables ont horreur de l'eau (bénite ou non) : il rentre à toute vitesse aux Enfers pour se faire sécher.
diable_stupide Lucifer manque exploser de colère, la fumée lui sort par les narines et les oreilles, et il envoie un troisième diable qui propose un concours : celui qui sifflera le plus fort gardera le sac d'écus d'or. Le cordonnier lui demande de commencer pour voir comment il siffle (pendant ce temps il réfléchit). Au premier coup de sifflet, les feuilles des arbres tombent, au deuxième, les branches sèches tombent, au troisième les arbres sont arrachés (vous savez maintenant d'où vient cette tempête qui a détruit nos forêts...). Le cordonnier lui dit que c'est pas mal, mais que son sifflet à lui est tellement puissant qu'il va lui vriller la tête et risque de lui faire sortir les yeux des orbites : il propose au diable de lui bander les yeux. Le diable accepte, le cordonnier s'empare d'une lourde bûche et fracasse le crâne du diable qui s'enfuit en hurlant dans les Enfers.
Là, Lucifer est dans une colère si terrible qu'il est impossible de vous la décrire... la terre tremble ... et il punit tous les diables ! sac d'orUne fois calmé, il se dit que le cordonnier ne l'a pas volé ce sac d'écus d'or et il décide de le laisser tranquille (et cela évitera de le couvrir de ridicule ... si cette histoire venait aux oreilles d'un conteur ...). Et depuis ce jour le cordonnier, sa femme et ses enfants n'ont manqué de rien !

Un autre conte (un peu plus "leste") de cordonnier trompant le diable :
Le diable dupé par le cordonnier in Claude SEIGNOLLE, Contes du Périgord : contes du diable et des animaux, éditions Royer, 1999, p 73 . Pour lire ce conte cliquez ici


VIVIANE : http://numerique.bibliotheque.bm-lille.fr/sdx/num/carton_56-1/a retrouvé le recueil de contes qu'elle lisait lorsqu'elle avait quinze ans et nous a conté : Jean de Calais in : Gaston MAUGARD, Contes des Pyrénées, éditions Erasme, Paris, 1955.
Lorsque Jean, surnommé Jean-de-Calais, atteint ses vingt ans, il décide de partir faire son tour de France. Sur son chemin il voit un cercueil abandonné sur un tas de fumier. La famille est trop pauvre pour racheter les dettes et enterrer le mort. Les dettes s'élèvent à 30 écus ... Jean-de-Calais en donne 50 pour couvrir aussi les frais d'enterrement. Un peu plus tard, ayant donné toutes ses économies, il s'arrête pour travailler chez un riche marchant qui s'en trouve tellement satisfait qu'il lui propose d'épouser sa fille : ainsi il garderait un bon ouvrier et sa fille près de lui. Mais ce mariage fait un jaloux : un autre homme qui courtisait la fille. Le jour des noces, il amène Jean-de-Calais faire une petite promenade digestive après un repas bien arrosé comme il se doit un jour de noces, et en profite pour le pousser dans la rivière qui emporte Jean-de-Calais au loin. Tout le monde pense qu'il s'est noyé, la mariée est effondrée mais ne croit pas en sa mort : elle décide d'attendre puisqu'on n'a pas retrouvé son corps. Mais Jean-de-Calais ne s'est pas noyé : la rivière la conduit jusqu'à la mer et les vagues l'ont échoué sur un rocher au milieu de l'immensité salée. Jean-de-Calais est ravitaillé par un corbeau qui lui amène chaque jour de quoi manger et boire pendant 6 ans. Et pendant tout ce temps la jeune mariée refuse les avances de l'autre prétendant. Mais la 7° année, elle accepte de se remarier. Ce jour-là, le corbeau en avertit Jean-de-Calais qui se lamente, hirsute et les vêtements en lambeau, toujours sur son rocher : "Qu'y puis-je ?" ... Le corbeau lui demande de lui faire confiance : il va le transporter jusqu'à la noce mais en échange il demande la moitié du fruit que sa femme portera. Le chien de la maison reconnait Jean-de-Calais et la mariée l'accueille. La foule des invités jette le jaloux dans un brasier. Jean-de-Calais retrouve sa femme, la ferme, la considération de tous. Pourtant il n'est pas heureux car il se souvient du pacte fait avec le corbeau : il devra donner la moitié de l'enfant à naître. Il ne peut se réjouir quand naît un fils. Il s'apprête à respecter son engagement et à partager l'enfant. Le Corbeau entre alors par la fenêtre et arrête son geste : il a mis à l'épreuve la parole donnée par Jean-de-Calais, mais mais en réalité il n'a pas de dette car le Corbeau est l'esprit du mort du cercueil que Jean-de-Calais a permis d'enterrer pour le repos de son âme.
Conté par le père de Gaston Maugard, noté en 1937.

La version racontée par Viviane rappelle certains récits tirés de la Bible
(une telle "adaptation" des contes issus des légendes païennes était fréquente au temps où l'Eglise Catholique prévalait) :

  • Jean-de-Calais est ravitaillé par un corbeau comme l'a été le prophète Elie (à l'origine de l'expression "ravitaillé par les corbeaux") ;
  • La fidélité de Jean-de-Calais est mise à l'épreuve lorsque son "sauveur" lui demande de sacrifier son premier-né, comme lorsque Abraham devait sacrifier Isaac, et la main de Dieu arrêté son geste, comme le corbeau ;
  • L'enfant doit être partagé en deux et cela rappelle le jugement de Salomon : deux femmes se prétendent mère du même enfant, et pour discerner qui est la vraie, le roi Salomon demande à un garde de partager le corps de l'enfant : la vraie mère préfère donner son enfant plutôt que de le voir mourir.


http://numerique.bibliotheque.bm-lille.fr/sdx/num/carton_56-1/
Pour en savoir plus :

- Une version plus complexe et plus ancienne de ce conte est en ligne ici Jean de Calais est un conte traditionnel de Gascogne

- Un texte "gascon", digne de Rabelais, émaillé d'expressions populaires et argotiques ici

- Une image d'Epinal : EPINAL n° 909 HISTOIRE DE JEAN DE CALAIS


  • Une étude : BELMONT Nicole, La dette et le contrat. Jean de Calais : les versions du Mort reconnaissant dans la tradition française, Cahiers de littérature orale, ISSN 0396-891X, 1999, no 46 (229 p.), (2 p.1/4), pp. 127-147

Les versions françaises du Mort reconnaissant présentent deux caractéristiques. En premier lieu, elles dépendent pour la majorité d'entre elles d'un récit littéraire du début du XVIIIème siècle, celui de Madame de Gomez, qui passa ensuite dans la littérature de colportage et dans l'imagerie populaire. Si, à première vue, ces versions paraissent moins vigoureuses que celles de l'Europe orientale, scandinave et balkanique, une analyse plus poussée montre qu'elles ont une portée au moins aussi étendue. En particulier, elles mettent en jeu des notions abstraites, telles que le don et le contre-don, le commerce, l'échange, la dette, le contrat, le partage, dont le bon exercice est essentiel à la perpétuation de la société. Le second trait caractéristique des versions françaises est que la jeune femme, future épouse du héros, est délivrée, non pas de démons qui l'habitent, mais de pirates ou d'hérétiques qui l'ont capturée. Ses adversaires ne sont pas internes, mais externes. Il s'ensuit que ce n'est pas elle qui est menacée d'être partagée en deux, mais l'enfant issu du mariage. L'enfant joue alors un rôle d'objet transactionnel.
Il est possible de commander une copie sur le site de CAT.INIST ici. Cette revue est consultable sur place à la bibliothèque du CMLO.

  • Un peu d'histoire : MORICE Emile, Révélations et pamphlets, U. Canel, 1834, original provenant de l'Université de Harvard, numérisé le 30 août 2007, 368 pages. (en ligne)

Par opposition à ces paladins tout chevaleresques qui n'opéraient qu'à grands coups de lance, Jean de Calais est un héros bourgeois, fils de négociant, que n'attendent point cependant de moins brillantes destinées, puisqu'il épouse la fille d'un roi de Portugal. On a quelques raisons de croire que sa biographie rappelle les exploits de ces navigateurs intrépides de Calais et de Saint-Valery, de ces Angos qui, dans le XVème siècle, firent si rude guerre au pavillon lusitanien. Jean de Calais a eu, au surplus, les honneurs de la scène, comme quatre héros de la littérature populaire : Jean de Paris l'Aladin de la Lampe merveilleuse, Robert et Fortunatus, traduit de l'arabe, puis de l'espagnol,... ;


ABESSIA :http://prismedor.e-monsite.com/rubrique,carnaval,281864.html nous a fait partager une de ses trouvailles : Pourquoi fête-t-on Carnaval à la fin de l'hiver ? d'après un texte de Micheline Boland, (en ligne) in : le blog de Carolo, 18 juin 2003.

Dans le village, le froid était si vif, piquant, pénétrant, impitoyable en février. Il gelait à pierre fendre et tous grelottaient, tremblotaient, frissonnaient en dépit des écharpes, des moufles, des bonnets. Certains plus frigorifiés encore que d’autres s’enrhumaient, souffraient de gerçures, de crevasses ou d’engelures. Les visages étaient plus pâles que des draps. Ce jour-là, le maître qui surveillait la récréation avait les mains gourdes, les pieds insensibles, la chair de poule. Machinalement, il se mit à battre la semelle pour se réchauffer un peu. Plusieurs enfants l’observèrent, s’en amusèrent, puis se mirent à l’imiter. Ainsi naquit une sorte de ronde qui les fit rire et surtout les réchauffa. Et le jour suivant, il firent d'eux-même une nouvelle ronde en y ajoutant quelques mouvements des mains, des bras, des hanches, des épaules, de la tête. Ce jeu gagna petit à petit toute l'école, des plus jeunes aux plus âgés et même jusqu’aux surveillants. Certains eurent l’idée d’apporter de vieilles casseroles en guise de tambourin, d'autres frappèrent sur des baguettes ... Et tous se réchauffaient dans la bonne humeur. Ce nouveau jeu gagna petit à petit tous les villages environnant.
Mars arriva, plus vite semble-t-il, avec son soleil timide, ses fleurs sur le point d’éclore.
- "Nous avons réveillé la nature", dirent des enfants. - "Vous l’avez tant et tant appelée qu’elle n’a pu résister", répliquèrent des parents. Devant un tel engouement pour cette nouvelle manière d'affronter l'hiver et faire venir le printemps, les responsables locaux décidèrent d'en faire un évènement marquant. Ils fixèrent des règles, instaurèrent peu à peu cortèges, farandoles, auxquelles furent invités non seulement les enfants mais également les adultes. Ils déterminèrent des dates, et des déguisements venaient apporter une touche gaie et colorée propre à réveiller le soleil. Et cette fête prit le nom de "Carnaval"...

Origine du Carnaval :
"Le Carnaval précède le mercredi des cendres et le Carême. Le Carnaval se déroule en hiver (dans l'hémisphère nord) mais sa date est mobile puisqu'elle dépend de la date de Pâques. Le Carnaval commence le jour de l'Epiphanie, jour des Rois, et se termine le jour de mardi-gras veille du mercredi des cendres. Le point culminant est le jour du mardi-gras. Selon les pays ou les régions le Carnaval court durant toute cette période ou il est limité sur une période donnée dans cet intervalle...Dans l'antiquité, on trouve de nombreuses fêtes pendant lesquelles l'ordre établi est renversé que ce soit dans la culture babylonienne ou dans la culture grecque ou romaine. Ces fêtes se déroulaient principalement à la fin de l'hiver pour célébrer le retour du printemps, de la fécondité et le réveil de la nature."
Les traditions et pratiques héritées des romains ont donné la fête des fous qui est l'élection d'un roi de pacotille marque l'inversion des rôles et le reversement des pouvoirs. Cette fête perdure aujourd'hui dans l'Epiphanie. Peu à peu les "fêtes à l'envers" sont soit interdites soit canalisées et limitées au Carnaval qui symbolise souvent une lutte entre les forces infernales et le bien. A la campagne on fabrique souvent des mannequins de paille qui finissent brûlés à la fin de la fête.
Tête à modeler : ''Le carnaval, ses origines et son histoire'' (en ligne)
http://www.teteamodeler.com/espacedialogue/logoteteamo.asp figure sur la base des ressources pédagogiques de l'Éducation Nationale : Educasource. Pour en savoir plus cliquez ici


PATRICIA : Gougaud_Le_livre_des_cheminsCalamité, bénédiction in Henri GOUGAUD : Le livre des chemins, contes de bon conseil pour questions secrètes, Albin Michel, 2009, p 110-112

Un vieux paysan réussit, à force de travail laborieux et de lentes économies, à acheter une jument. Elle est belle, racée, en bonne santé :
- "La chance t'a souri" disent ses voisins.
Mais la jument se sauve.
- "Pas de chance ! tu as tout perdu....." le plaignent les mêmes voisins.
Mais quelques mois plus tard, la jument revient avec un étalon et elle attend un poulain !
- "Quelle chance ! tu es béni des dieux !" s'exclament tous les villageois.
Le fils du paysan essaie de dompter l'étalon qui se cabre et lui casse la jambe d'un coup de sabot :
- "Quel malheur ! Qui va faire le travail de la ferme ? Comment pourrez-vous récolter assez pour passer l'hiver ?"
Le paysan répond calmement :
- Malheur, bénédiction ? qui peut savoir ? Un jour mon ciel s'éclaire, le lendemain il se couvre ... Voyons de quoi sera fait demain avant de dire ...
Trois jours plus tard, tous les hommes sont réquisitionnés car l'ennemi est aux frontières : c'est la guerre ! Tous sauf ... le fils estropié ... La troupe s'éloigne d'un pas cadencé. Le paysan dit à son fils :
- Bénie soit cette belle bête qui t'a joliment démoli. Rentrons, la soupe refroidit. Mangeons. Nous verrons bien de quoi demain sera fait. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas...
Malheur ou Bénédiction ? Qui peut le dire ?

Pour en savoir plus :

  • Ce conte a été présenté dans l'article intitulé Malheur ou chance ?
  • Un article de ce blog a été consacré à l'ouvrage Le livre des chemins et à son auteur Henri Gougaud dans la rubrique Lu, vu, entendu